Un round de perdu pour les opposants aux brevets logiciels

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juin
2005
Justice
La Commission des affaires juridiques du Parlement Européen votait le 20 juin sur les amendements déposés par les parlementaires qui seront retenus pour son projet de recommandation pour la seconde lecture de la directive sur les brevets logiciels. Au final, quelques définitions ont changé, mais les principaux amendements qui réduisaient l'impact des brevets n'ont pas obtenu l'aval de cette commission.

Le vote, prévu dans 15 jours au parlement doit confirmer ou non la directive sur les brevets logiciels. Il est temps de refaire du lobbying...

NdM : Rappelons qu'il s'agit là d'un avis préliminaire, non contraignant, d'une des commissions du Parlement Européen. Les amendements rejetés par la commission JURI pourront être ré-introduits en séance plénière. Il est maintenant nécessaire d'organiser le lobbying pour que chaque député européen, notamment les nouveaux arrivants de juin 2004, ait entre ses mains un autre avis que celui de la commission JURI. La commission s'était déjà précédemment (notamment dans son rapport de juin 2003) prononcée pour une large brevetabilité des inventions mises en oeuvre par ordinateur, contre l'avis des commissions CULT (Culture & Éducation) et ITRE (Industrie & Recherche). Son avis a habituellement une influence importante (les parlementaires européens votent rarement contre leurs propres commissions), mais les parlementaires sont déjà allés contre son avis en première lecture.

Le fort lobbying pro-brevets à l'intérieur des groupes et partis politiques semble avoir porté ses fruits, puisque l'ensemble des parlementaires du Parti Populaire Européen (droite européenne, correspondant à l'UMP française), habituellement divisé sur la question, a voté en accord avec Klaus-Heiner Lehne (responsable des affaires légales au PPE) sur une ligne pro-brevets dure. Plus étonnant encore, le vote des parlementaires du groupe ALDE (libéraux, correspondant à l'UDF française ou les Lib. Dém. britanniques) particulièrement pro-brevets. Sans surprise, le PSE (socialistes), la GUE (Gauche Unie Européenne, correspondant au PCF en France) et l'UEN (souverainistes, MPF/RPF en France) ont majoritairement suivi les avis de la FFII et de Michel Rocard, rapporteur pour cette directive.

Le vote en seconde lecture qui aura lieu le 6 juillet sera de toutes façons d'une importance capitale. Rappelons que s'offrent au Parlement trois choix :
  • Approuver la position commune du Conseil tel que, à la majorité simple. La directive est alors adoptée (dans le sens d'une brevetabilité très large) ;
  • Rejeter la position commune à la majorité absolue. Ce n'est certainement pas une solution souhaitable, puisqu'elle laisse s'installer le statu quo actuel et les abus de l'OEB ;
  • L'amender à la majorité absolue.

Il est très vraisemblable (et souhaitable) qu'on s'oriente vers la troisième solution. La bataille porte donc sur la nature des amendements apportés : le risque est qu'un certain nombre d'amendements cosmétiques soient adoptés et que les parlementaires négligent conséquemment les amendements de fond, sur lesquels ils subiront une forte pression. Si les parlementaires décidaient d'amender, le texte retournerait en seconde lecture au Conseil, qui statuera à la majorité qualifiée sur les amendements du Parlement, et à l'unanimité sur ceux qui auront fait l'objet d'un avis contraire de la Commission Européenne (soit vraisemblablement la plupart des amendements de fond visant à limiter la brevetabilité des logiciels). S'il décidait de ne pas retenir certains amendements, un comité de conciliation (composé à parité de membres du Parlement et du Conseil, activement chapeautés par la Commission) serait réuni : il aurait pour tâche d'obtenir un compromis acceptable pour tous, faute de quoi l'acte sera rejeté.

Aller plus loin

  • # les logiciels deja exclus de la brevetabilité

    Posté par  . Évalué à 5.

    Salut

    J'ai lu le PDF de la commission JURI et, bien que ne sachant pas quels amendements ont été refusés, les modifications apportées me semblent déja bien puisqu'ils reformulent les articles bancals et reprécisent que les logiciels sont une oeuvre intellectuelle soumise au droit d'auteur et qu'a ce titre ils ne peuvent être brevetés (ce qui est soumis au droit d'auteur est de facto interdit de brevet puisque cela ferait double emploi).
    Je ne vois donc pas en quoi nous avons perdu un round puisqu'à la lecture des modifications apportées les logiciels sont déclarés clairement et explicitement comme non brevetables.

    Si quelqu'un saurait m'expliquer en quoi on a perdu ce round ca me permettrait de finir la journée moins bête.

    Morigane
    • [^] # brevets logiciels != brevets sur les logiciels

      Posté par  . Évalué à 10.

      Si quelqu'un saurait m'expliquer en quoi on a perdu ce round ca me permettrait de finir la journée moins bête.

      Faudrait peut-être que Linuxfr publie des FAQs un jour, histoire d'éviter d'avoir à chaque fois les mêmes malentendus sur un sujet récurrent...
      Les brevets logiciels ne consistent pas à breveter des logiciels, mais des algorithmes, méthodes, procédés. Donc, voilà, dire que les logiciels ne peuvent pas être brevetés, ça ne mange effectivement pas de pain, puisque tout le monde s'en fichait déjà.
    • [^] # Re: les logiciels deja exclus de la brevetabilité

      Posté par  . Évalué à 4.

      Comme dit dans la nouvelle et sur le premier lien, les amendements retenus par la commission JURI ne retiennent que quelques amendements principalement cosmétiques (effectivement, des phrases bancales, des points trop gros pour passer, etc.). Mais les principaux points dangereux de la position du Conseil restent dans la version qui sera proposée au vote aux parlementaires :

      * L'article 3 sur les conditions de brevetabilité est totalement inacceptable (il suffit d'avoir une application industrielle et d'apporter une innovation si minime soit elle)
      * L'article 4 sur les exclusions est tellement vague et douteux qu'il en devient dangereux
      * Le nouvel article 6 sur l'interopérabilité complique considérablement l'application de l'exception d'interopérabilité.

      Bref, il ne faut pas que se fier au document officiel, évidemment parce que les explications sont là pour adoucir les moeurs et sont bien entendu orientées (pas que je crois possible de faire vraiment neutre - jamais justement, autant recouper avec la position orientée dans l'autre sens de la FFII), et surtout parce que ce qui est inacceptable dans ce texte, ce n'est pas ses apports mais ses manques, ce qu'il n'apporte pas.

      C'est donc une défaite, car si les députés décidaient d'adopter la position de la JURI au nom des avancées minimes qu'elle comporte (et simplement parce qu'il est confortable d'accepter la position d'une instance "supérieure", encore plus quand ça ne va pas contre les pressions qu'on a subies), ce serait sans aucun doute et à court terme l'adoption d'une large brevetabilité des logiciels dans l'Union.
      • [^] # Re: les logiciels deja exclus de la brevetabilité

        Posté par  . Évalué à 3.

        Dans les articles modifiés ils précisent que les algorithmes ou les méthodes ne sont pas brevetables au même titre que les formules mathématiques.
        Pour le reste j'espère que comme pour le premier passage le parlement refusera cette version là.
        Merci des explications je me sens moins bête.

        Morigane
  • # Webdemo

    Posté par  . Évalué à 7.

    A savoir que la manif webdemo est relancé : http://patinfo.ffii.org/material/webdemo-2005/index.fr.html(...)

    Faisons aussi bien qu'en 2003 ...
  • # Vivement les Brevets en Europe

    Posté par  . Évalué à 3.

    (ironie inside)

    Même si j'ai beaucoup de mal d'appréhender la totalité,
    quand je lis ce matin qu'Apple viole un brevet sur une interface graphique, ca me laisse pantois

    http://laniche.macplus.net/magplus/depeche-9194-nouvelles-poursuite(...)

    Je veux bien comprendre que une recherche et un developpement couteux aient besoins de revenus et d'une protection, surtout si c'est revolutionnaire.

    Mais en revenant sur ce brevet d'interface : quand voila plus de 10ans j'avais mon vieux post de radio-cd, que je mettais la jaquette du CD a plat, en prenant le livret,je n'ai pas invente pour autant quelque chose de revolutionnaire.
    Le tout transposé sur un ecran, c'est la meme chose que ce que j'avais il y a quelques années.
    Il doit y avoir quelque chose qui a du m'échappé.

    Et le symbole classique du bouton play, la petite flêche, sont ce les Indiens qui en sont les concepteurs?
  • # Il est urgent d'attendre

    Posté par  . Évalué à 3.

    Avec la remise en cause du fonctionnement des brevets aux USA
    ( http://linuxfr.org/2005/06/20/19164.html(...) ), il me semble opportun d'interdire les brevets et attendre de voir si les améliorations proposées chez eux sont susceptibles de remettre un peu d'ordre et de logique. Après, il sera toujours temps de réfléchir à l'éventuelle introduction de brevets chez nous, en pesant bien les conséquences de ces brevets sur nos administrations qui ont choisi la voie du libre par exemple...
    http://linuxfr.org/2005/06/22/19179.html(...)
    • [^] # Re: Il est urgent d'attendre

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 6.

      En fait c'est le contraire qu'il faudrait faire : décider chez nous pour qu'ils s'en inspire. C'est le point de vue qu'a déjà expliqué Michel Rocard. (cf http://www.ffii.fr/+Intervention-de-Michel-Rocard-a-l-Universite-Je(...) )
    • [^] # Re: Il est urgent d'attendre

      Posté par  . Évalué à 8.

      les améliorations proposées chez eux sont susceptibles de remettre un peu d'ordre et de logique

      La remise en cause des Brevets aux USA est commanditée par Microsoft, IBM et quelques gros détenteurs de brevets. Cette réforme n'apporte aucune amélioration sur la définition de ce qui est brevetable ou non, le principale changement est dans la manière dont les grosses sociétés sont protégées contre les petites et réduit les possibilités d'invalidation des brevets en adoptant la notion de "premier à déposer" plutôt que "premier à inventer": jusqu'à présent, un brevet pouvait être invalidé si un citoyen américain pouvait prouver qu'il avait l'antériorité sur l'invention. Dans le future, ce ne sera plus possible.

      Cette réforme est donc un net recul et privilégie encore plus les grosses sociétés en réduisant les appels possibles contre des brevets triviaux ou non innovants et en réduisant les actions possibles pour un petit détenteur de brevets.
  • # Erreur sur le deuxième lien

    Posté par  . Évalué à 10.

    Il y a une énorme erreur sur le deuxième lien (« position de la commission JURI »). Le lien présenté actuellement, http://www.europarl.eu.int/meetdocs/2004_2009/documents/PR/565/5654(...) , n'est pas la position de la commission JURI. Il s'agit de la proposition de Michel Rocard, qui est totalement différente de la position finalement adoptée.

    La position finale est disponible sur http://swpat.ffii.org/papers/europarl0309/amends05/juri0504/2005062(...)

    Chacun vérifiera que les deux textes sont largement différents. Merci de ne pas induire les lecteurs en erreur.
    • [^] # Re: Erreur sur le deuxième lien

      Posté par  . Évalué à 3.

      J'en suis désolé. Le copié/collé m'a tué. J'ai pourtant re-cliqué, mais j'ai dû confondre la fenêtre ouverte par le lien et l'onglet où j'avais déjà ouvert le bon PDF...

      Je te rappelle que ceux qui soumettent, relisent et modèrent les nouvelles sont bénévoles, n'ont pas beaucoup de temps, et que loin de vouloir induire les lecteurs en erreur, ils font eux-même des erreurs. Merci, Oumph< de l'avoir promptement corrigé.
  • # Le domaine du brevetable...

    Posté par  . Évalué à 0.


    Amendement 4
    Considérant 10 bis (nouveau) (10 bis)

    Il y a contribution technique si des considérations techniques contribuent à la solution d'un problème technique. Il n'y a pas contribution technique si l'objet revendiqué dans le brevet consiste seulement dans les découvertes, théories scientifiques, méthodes mathématiques, créations esthétiques, plans, principes et méthodes dans l'exercice d'activités intellectuelles, en matière de jeu ou dans le domaine des activités économiques, les programmes d'ordinateur ou les présentations d'informations, sans être limité à un objet nouveau, non évident et technique qui peut être réalisé ou utilisé dans n'importe quel secteur d'activité.

    (voir http://swpat.ffii.org/papers/europarl0309/amends05/juri0504/2005062(...)

    Apparement il ne pas que l'invention soit le logiciel en tant que tel, et il faut que le principe breveté aie trait à un problème technique non purement mathématique ou informatique (sinon ce serait un algorithme ou une théorie).

    Donc par exemple, si j'invente un algorithme spécifique aux réseaus de processeurs en parallèle qui traite des matrices de bits (images) et d'en faire des représentations d'objets, ce n'est pas brevetable, car purement informatique, mais je peux développer un brevet sur la mise en place d'un tel système à la sortie d'une chaîne de production d'usine afin de vérifier que les produits sont en bon état.

    Ça me semble un peu du rêve tout ça, car, par exemple, qui a jamais voulu que des brevets sur la reconnaisance de formes ou tout autre traitement de l'image (qui sont des problèmes purement informatiques reposant sur des théories mathématiques, justement) ne puissent pas être déposés ? Et les détenteurs des centaines de brevets en Europe dans des domaines informatiques de ce type ne vont pas franchement renoncer à rendre légaux leur propriété !
  • # Les brevets c'est une bombe à retardement....

    Posté par  . Évalué à 1.

    C'est tellement absurde que même les gros s'en prendront un jour gros dans la figure:
    http://www.macplus.net/magplus/depeche-9077-microsoft-plagiaire(...)
  • # L'article Patent Absurdity traduit en français

    Posté par  (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 1.

    On trouvera une traduction française non officielle de l'article de Stallman "Patent Absurdity" sur Framasoft.

    - http://www.framasoft.net/article4007.html(...)

    S'il n'est pas trop tard, ce serait sympa que les modos l'ajoutent aux liens de la news.
  • # envoyer des mails aux députés est insuffisant

    Posté par  . Évalué à 2.

    Salut,

    Il est urgent de réagir et de mobiliser nos députés européens, pour que :
    1) ils aillent à la session du 5 ou 6 ou 7 juillet prochain
    2) ils votent en ayant compris les enjeux.

    Envoyer des emails ou des courriers est insuffisant. Il faut tout faire pour rencontrer en personnes nos députés, et les briefer sur le sujet. Ça peut être fait à plusieurs ou seul, et cela demande un certain travail de préparation. Ne pas parler que du libre : le sujet est beaucoup plus général et touchera plein de boîtes qui n'en font pas. Évoquer la FFII et ses "10 core clarifications" (http://swpat.ffii.org/papers/europarl0309/amends05/juri0504/core.fr(...) Prendre des exemples concrets (imprimer http://webshop.ffii.org/(...) me parait un bon début). Insister sur le fait que les amendemets paraissent pour la plupart mineurs et évidents à tout être humain normal, mais permettront d'éviter le contournement de l'interdiction de la brevetabilité logicielle par des juristes spécialisés. Bref, c'est le moment de sérieusement se bouger, et pas que par email. Les emails/courriers des députés sont (parfois) lus par leurs assistants, et c'est tout. Envoyez des courriers de prise de contact et de demande de rendez-vous, et appelez le député 3 jours après pour prendre RdV en insistant sur l'importance du sujet. Autre chose, pour les français, pas la peine d'aller voir les députés socialistes, il sont déja dans le camp de Rocard. Voyez des mecs de droite plutôt. Soyons productifs! il n'est pas trop tard pour agir.
    • [^] # Re: envoyer des mails aux députés est insuffisant

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 2.

      Je suis entièrement d'accord sur le principe.
      Mais le problème est que l'agenda des députés est souvent surchargé, et obtenir une entrevue d'ici au 6 juillet est difficile.

      Il faut quand même essayer. cela donne l'occasion de téléphoner à l'assistant et de lui expliquer ...
    • [^] # Re: envoyer des mails aux députés est insuffisant

      Posté par  . Évalué à 2.

      " pas la peine d'aller voir les députés socialistes, [...]. Voyez des mecs de droite plutôt. "

      bah ces temps-ci c'est pas vraiment incompatible, "députés socialistes" et "mecs de droite"...
  • # un texte d'ATTAC

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 2.

    http://www.ffii.fr/IMG/pdf/brevets_et_codecision.pdf(...)

    Ce communiqué d'ATTAC raconte bien l'histoire.

    Il eput être imprimé et distribué pour expliquer autour de soit quel est le problème.

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