Appel de plusieurs organisations à imposer un minimum d’interopérabilité pour les GAFA

58
23
mai
2019
Internet

Lorsque l’on essaie de convaincre des personnes de quitter les vilains réseaux sociaux centralisés des GAFAM comme Facebook ou YouTube, censeurs et piqueurs de données personnelles, l’objection la plus courante qui est faite est : « Mais, tous mes amis sont sur Facebook, YouTube, Google+ [non, je rigole] et Instagram. Donc, si je pars, je me retrouve seul. » L’idéal serait que tout le monde parte en même temps des GAFAM pour aller vers des réseaux sociaux libres et décentralisés, mais cela semble peu réaliste.

Une solution serait alors de contraindre par la loi les acteurs (tous états‐uniens). Mais serait‐ce efficace ?

Cinquante‐six organisations1 de défense des libertés, dont la Quadrature du Net, ont lancé un appel à ce que la loi impose une interopérabilité minimale aux rézosocios centralisés. L’idée est de les forcer à avoir une connectivité à l’extérieur avec un protocole standard, par exemple ActivityPub : si YouTube avait ActivityPub, les utilisateurs et les utilisatrices de YouTube pourraient partir sur PeerTube tout en continuant à suivre, commenter, etc., leurs amis restés chez GoogleTube. Notez bien que cela n’imposerait rien sur leur fonctionnement interne, leur interface, leur logiciel (libre ou pas), seulement sur une partie de leur connectivité extérieure.

Comme les lecteurs et les lectrices de LinuxFr.org aiment bien pinailler rentrer dans les détails, je précise qu’évidemment, cela ne résout pas tout. Par exemple, Gmail utilise le protocole standard SMTP, mais :

  • ajoute des contraintes non standard, notamment au nom de la lutte anti‐spam (et, pour ActivityPub, ce serait pire car ActivityPub est sous‐spécifié et peu interopérable) ;
  • fait quand même des choses affreuses avec les données personnelles (même si vous avez votre propre serveur de messagerie avec votre Postfix sur Alpine sur Raspberry Pi, Gmail a une bonne partie de vos messages, puisque vos correspondants sont sur Gmail).

Donc, rassurez‐vous, les GAFAM ne risquent pas la mort, même si une telle loi était adoptée et mise en œuvre. Mais cela serait quand même un pas pour desserrer l’étreinte dans laquelle ils emprisonnent actuellement leur clientèle.

Pour en savoir plus, voyez l’étude de Nathalie Rafaralahy concernant le projet ActivityPub.

Nous reproduisons l’appel ci‐dessous :

Lettre commune : pour l’interopérabilité des grandes plates‐formes en ligne

Nous, défenseurs d’un Internet neutre, libre et ouvert, appelons le législateur à agir pour que les grandes plates‐formes deviennent interopérables avec les autres services Internet.

L’interopérabilité garantit à tout le monde de ne pas se trouver captif d’une plate‐forme : de pouvoir librement la quitter, sans perdre ses liens sociaux, et de continuer à communiquer avec ses contacts. L’interopérabilité permet à quiconque de lire depuis un service A les contenus diffusés par ses contacts sur un service B, et d’y répondre comme s’il y était. L’interopérabilité est garantie lorsqu’elle repose sur des standards ouverts.

Des services comme Facebook, Twitter et YouTube tiennent leur pouvoir du nombre élevé d’utilisateurs et d’utilisatrices qu’ils ont rendu captifs : ce grand nombre incite d’autres personnes à rejoindre leur service, et leur captivité permet de leur imposer une surveillance constante à des fins publicitaires. Aujourd’hui, nombreux sont celles et ceux qui souhaiteraient y échapper mais sont contraints d’y rester sous peine de perdre le contact avec leurs relations.

Pourtant, en dehors de ces plates‐formes, des services interopérables réunissent déjà des millions de personnes (Mastodon, Diaspora, PeerTube…), notamment via le protocole d’interopérabilité ActivityPub publié par le W3C en 2018. Ces réseaux décentralisés, basés sur des logiciels libres, sont co‐hébergés par une multitude d’acteurs distribuant largement les coûts entre eux, ce qui contribue à l’émergence de modèles économiques bien plus respectueux des libertés que celui de la publicité ciblée.

Migrer vers ces services permettrait aussi d’échapper à l’environnement toxique entretenu sur Facebook, YouTube ou Twitter. Ces géants favorisent la diffusion des contenus qui maintiennent au mieux notre attention, souvent les plus anxiogènes ou caricaturaux. À l’opposé de la voie prise par les récentes lois de censure, il ne faut pas espérer que ces plates‐formes freinent la diffusion de propos haineux, trompeurs ou dangereux, car leur modèle économique, au contraire, renforce cette diffusion.

Il est urgent de permettre à toute personne d’échapper à la surveillance et à la toxicité de ces grandes plates‐formes en rejoignant des services libres, décentralisés et à taille humaine sans conséquences nocives sur ses liens sociaux. La loi doit imposer cette interopérabilité.


  1. À la date de parution de cette dépêche. 

Aller plus loin

  • # XMPP

    Posté par  (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 6. Dernière modification le 23 mai 2019 à 09:06.

    ActivityPub ou plutôt XMPP, qui a d'ailleurs déjà été utilisé par Google, Facebook, Microsoft et même Apple pour son système de notification (je me demande s'il n'est pas encore utilisé dans ce cas d'ailleurs), et ils ont tous fini par changer (sans vouloir trop m'avancer sur le sujet, il y a probablement diverses raisons comme un public qui n'a pas suivi, et le modèle économique qui se base sur qui a la plus grosse).

    • [^] # Re: XMPP

      Posté par  . Évalué à 10.

      Nan tout le monde sait que le meilleur standard c'est IRC.

      *splash!*

    • [^] # Re: XMPP

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 9.

      Je serais curieuse de savoir quelles décisions ont réellement motivé l'abandon de XMPP par ces grosses plate-formes. Un code fermé correspond mieux à une politique de propriété intellectuelle ? L'interopérabilité est le problème de fond ? Des raisons techniques ? Tout autre chose ?

      Si quelqu'un a des sources sur le sujet, ça m'intéresse.

      • [^] # Re: XMPP

        Posté par  (Mastodon) . Évalué à 10.

        Parce que c'est inter-opérable, on peut utiliser un client de qualité, au lieu de le interface web merdique et pleine de pub ???

      • [^] # Re: XMPP

        Posté par  (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 9.

        Je n'ai pas de sources sur le sujet, mais j'ai tendance à penser que c'est soit une fonctionnalité qui était trop peu utilisée pour justifier sa maintenance, soit une politique anti-interopérabilité qui s'est imposée pour capturer les utilisateurs XMPP dans les "jardins fermés". Ça m'a pris de court moi-même, j'ai laissé mon compte XMPP à l'abandon et je me suis mis à ouvrir un onglet Facebook comme tout le monde.

      • [^] # Re: XMPP

        Posté par  . Évalué à 10.

        Pour WhatsApp au moins, de mémoire et de ce que j'ai compris, ça a commencé avec une modif du protocole qui permet d'avoir les notifications sur mobile "proprement".

        Je soupçonne aussi que l'incapacité de XMPP à introduire des fonctionnalités clés au protocole en moins de 5ans joue pas mal…

      • [^] # Re: XMPP

        Posté par  (Mastodon) . Évalué à 5. Dernière modification le 11 juin 2019 à 22:46.

        GTalk/Hangouts fonctionne toujours en XMPP, on peut s'y connecter avec un client jabber classique, psi, xabber etc.
        Par contre ils ont coupé le s2s, donc l'interopérabilité entre réseaux.
        Et il y a des fonctionnalités en moins si on n'utilise pas le client google, mais pour le chat, ça fonctionne.

        Alors que pour Facebook ça ne fonctionne plus depuis bien longtemps, et il n'y a jamais eu de s2s. Soit ils ont modifié le protocole XMPP pour s'assurer une ininteropérabilité avec les clients XMPP classiques, soit ils ont refait leur propre protocole, aucune idée, mais ça ne change rien, c'est tout fermé.

        Yth.

  • # C'est bien de faire une loi...

    Posté par  (Mastodon) . Évalué à 7.

    …mais comment s'assurer qu'elle est suivie?

    Je m'explique: dans le monde de l'informatique, on a vendu à la population qu'on pouvait vendre des OS, logiciels de merdes, pas fini, pleins de bugs et donc … choses qui devraient tomber sous le coup des garanties contre les défauts. Pourtant souvent certains bugs peuvent perdurer des années, genre en 2019 après 35 ans Microsoft ne fournit toujours pas une gestion de clavier qui fonctionne par défautsur ses OS. Pourtant zéro remboursement possible même si le truc est merdique à souhait.

    Donc au final tu obliges Google, machincloud ou autre à supporter Activitypub. OK ils le mettent en place, ça marchotte, peut-être tout le temps pour certains, 1 fois sur 2 pour d'autres. Et puis tout d'un coup pouf ça disparait. On va nous ressortir l'excuse du bug insolvable parce que dépendance à trucmuche, on casserait la fonctionnalité x pour x millions d'utilisateurs, patati patata.

    • [^] # Re: C'est bien de faire une loi...

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 8.

      …mais comment s'assurer qu'elle est suivie?

      Avec des amendes.

      Le post ci-dessus est une grosse connerie, ne le lisez pas sérieusement.

      • [^] # Re: C'est bien de faire une loi...

        Posté par  . Évalué à 5.

        en faisant bloquer les plateformes par les FAI, et si les FAI refusent, les contraindre par des amendes. Ils le font bien pour certains sites qui les dérangent…

        « Le pouvoir des Tripodes dépendait de la résignation des hommes à l'esclavage. » -- John Christopher

        • [^] # Re: C'est bien de faire une loi...

          Posté par  . Évalué à 5.

          Je n'ose même pas imaginer la popularité d'un gouvernement qui aurait l'outrecuidance de bloquer Facebook et Twitter.

          Campagne de propagande axée sur la censure et la tournure totalitaire de l'institution, fortement appuyée à l'étranger, entièrement garantie.

          Ce serait un suicide politique totale.

          T'as déjà essayé de soigner un drogué contre son gré?

    • [^] # Re: C'est bien de faire une loi...

      Posté par  . Évalué à 6.

      Une loi ne sert à rien. Notre responsabilité est collective de ne pas utiliser les services qui ne correspondent pas à une logique d'interopérabilité. De toutes façons, loi ou pas, c'est déjà mal parti vu que la majeure partie des utilisateurs se contrefout de l'interopérabilité¹… sinon ce serait déjà fait, auquel cas il n'y aurait pas besoin de loi.

      ¹ Y a qu'à demander autour de nous. Qui parmi eux sait même ce qu'est l'interopérabilité?

  • # Irréaliste

    Posté par  . Évalué à 10.

    C'est quoi la définition légale d'un réseau social?

    Linuxfr est un réseau social? Avec obligation de mettre en place une interface ActivityPub?

    Et les réseaux Libres décentralisés?

    Ou alors "n'importe quel protocole Libre"?

    Ce sera encore la foire, ils en feront tous un différent en s'assurant de garder une fréquence de révision élevée, ou ils interdiront tout client qui n'est pas le leur.

    Tout ça bien sûr si la méga-bataille juridique sur 10 ans est gagnée.

    Je crois que ce serait même plus simple de faire de la rétro-ingénierie de chaque protocole.

    • [^] # Re: Irréaliste

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 6.

      Tentative:

      Article 1: tout système de communication entre personnes physiques et/ou morales permettant d'échanger des messages de toute nature (texte, image, son, vidéo et autres) se réclamant de plus d'un million d'utilisateurs est un réseau social.

      Article 2: tout réseau social au sens de l'article 1 se doit d'être interopérable au sens de l'article 3.

      Article 3: l’interopérabilité entre réseaux sociaux est définit par la possibilité pour les utilisateurs d'un réseau social de recevoir et d'envoyer des messages aux utilisateurs d'un autre réseau social.

      Le post ci-dessus est une grosse connerie, ne le lisez pas sérieusement.

      • [^] # Re: Irréaliste

        Posté par  . Évalué à 2.

        Je ne comprends pas : tout utilisateur de réseau social dispose d'une adresse de courriel et peut recevoir et envoyer des courriels. Donc, selon tes définitions, tout réseau social est déjà interopérable.

    • [^] # Re: Irréaliste

      Posté par  . Évalué à 2.

      Il n'y a pas de définition juridique d'un réseau social.
      Linuxfr n'est pas un réseau social.
      Les réseaux sociaux sur Internet mettent en relation des personnes entre elles afin de se constituer une association de liens sous forme de groupement selon divers axes, familial, professionnel, amical, communauté d'intérêt, etc…
      Les personnes peuvent, entre autre, communiquer entre elles, en temps réel, par un système de messagerie instantanée, en plus de disposer d'un espace de discussion. Environ 50% des échanges d'information sur les réseaux sociaux se font par messages directs.
      Les abonnés de Linuxfr ne constitue pas un groupe qui communique entre eux. C'est un éditeur d'informations très proche d'une forme de presse.
      Les forums qui permettent des discussions en ligne ne relient pas pour autant les personnes entres elles, cela reste désynchronisé.

    • [^] # Re: Irréaliste

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 3.

      Oui au retour de l'interface NNTP sur LinuxFr !

  • # y-a un problème sur le présupposé de départ

    Posté par  . Évalué à 7.

    "Il est urgent de permettre à toute personne d’échapper à la surveillance et à la toxicité de ces grandes plates‐formes en rejoignant des services libres, décentralisés et à taille humaine sans conséquences nocives sur ses liens sociaux. La loi doit imposer cette interopérabilité."

    1/ Personnes n'est obligé d'utiliser ces plateformes
    2/ ces plateformes NE sont PAS des services publiques, et se remunèrent comme elles le souhaitent
    3/ vouloir le bien des gens malgré eux est le prémisse d'une pensée totalitaire

    Par contre leur usage par des services publiques montre qu'il est nécessaire de faire exister des réseaux sociaux souverain … Mais là tu t'adresses à des députés et des ministres qui proposent encore le pare-feu de libre-office ; alors demander d’instiller des instances "diaspora" ou "mastodon" à ces gens qui croient toujours que la majuscule de é est 2 et que le problème vient du clavier …

    • [^] # Re: y-a un problème sur le présupposé de départ

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 10. Dernière modification le 27 mai 2019 à 09:21.

      1/ Personnes n'est obligé d'utiliser ces plateformes

      Personne n'est obligé d'utiliser une voiture pour se déplacer.

      Le post ci-dessus est une grosse connerie, ne le lisez pas sérieusement.

      • [^] # Re: y-a un problème sur le présupposé de départ

        Posté par  . Évalué à -7. Dernière modification le 28 mai 2019 à 10:23.

        --

        • [^] # Re: y-a un problème sur le présupposé de départ

          Posté par  . Évalué à 2.

          Proposer de l'interopérabilité sur les GAFAM? En comptant sur leur bonne volonté ou bien sur les états et les lois?

          Il faut comprendre que les états sont à la solde des multinationales et non l'inverse. Entre les lobbies, le copinage et les menances de délocalisation, ces sont les multinationales qui dominent les états et non l'inverse.

          Proposer l'interopérabilité des GAFAM est à peu près aussi illusoire que de demander d'interdire les pesticides cancérigènes ou les brevets sur le vivant.

          Une seule solution : convaincre les populations d'utiliser des solutions interopérables. Moi je fais ça : https://linuxfr.org/users/orgon/journaux/projet-s2s

          L'émancipation des internautes sera l’œuvre des internautes eux-mêmes.

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