Statistiques sur la vulgarisation scientifique en français sur Youtube

Posté par  (site web personnel) . Édité par Ysabeau 🧶 🧦 et Pierre Jarillon. Modéré par Pierre Jarillon. Licence CC By‑SA.
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mai
2021
Science

Quatre chercheurs ont co-écrit un article analysant la vulgarisation scientifique en français sur Youtube, publié dans Frontiers in Communication en avril 2021.

Tania Louis (« médiatrice scientifique et conceptrice de contenus pédagogiques », docteure en biologie), Pierre Masselot (« BSc MSc PhD Research Fellow in Environmental Epidemiology and Statistics »), Tobias Füchslin (« Senior Researcher and Coordinator at the Swiss Academies of Arts and Sciences ») et Stéphane Debove (« docteur en biologie/psychologie de l’évolution » ou Homo Fabulus) ont « analysé plus de 600 chaînes et 70 000 vidéos de vulgarisation scientifique en français, et complété cette analyse par un sondage auprès de 180 youtubeurs. »

Parmi les résultats, disponibles brièvement en fil de microblogging, vidéo (français et anglais) ou article scientifique (anglais), suivant votre motivation : « les vulgarisateurs sont jeunes et principalement des hommes », « le public des vulgarisateurs a exactement le même profil : jeune et masculin (si les statistiques Youtube ne mentent pas) », « les vulgarisateurs scientifiques sont ultra-diplômés : 25% de docteurs dans notre échantillon et 44% avec un master, des chiffres bien supérieurs à la moyenne nationale. Les vulgarisateurs se limitent aussi souvent à vulgariser dans leur domaine d’expertise. », « côté argent, les vidéastes galèrent », « côté "side project", subi ou voulu, confirmé par l’emploi des vidéastes : plus de la moitié sont salariés », « les chaînes des institutions (universités, musées, instituts…) ont généralement été créées avant celles des particuliers », « très peu de chaînes ont été créées ces dernières années, le pic semble avoir été passé », particuliers et institutions ne traitent pas des mêmes domaines de recherche, ont des taux de popularité et d’engagement différents, etc.

Un financement participatif a été mis en place car « cette recherche a été entièrement faite sur le temps libre des quatre co-auteurs, et financée par aucun labo / institut / mécène / lobby. Par cette cagnotte nous ne souhaitons pas être rémunérés mais simplement rembourser les frais de publication de l’article (de $950). »

L’article scientifique est sous licence Creative Commons Attribution License (CC BY 4.0). Les données ne concernent de fait que Youtube et pas d’autres plateformes, comme PeerTube, ou hors vidéos.
Les licences éventuelles des vidéos/contenus publiés sur Youtube ne font pas partie du jeu de données / des questions posées.
Code et données sont disponibles (GPLv3).

Parmi l’équipe de relecture de l’article scientifique figure Viviane Lalande, vulgarisatrice et youtubeuse via sa chaîne Scilabus, évoquée notamment dans la dépêche précédente Ces articles, papiers et autres publications qui mentionnent LinuxFr.org.

Aller plus loin

  • # Un constat étrange ?

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 8.

    S’attend-t-on vraiment à rencontrer beaucoup de vulgarisateurs scientifiques totalement ignorants ? Et partant, est-ce vraiment surprenant qu’ils soient diplômés dans une société qui valorise beaucoup les bouts de papier officiels ? Ne fait-on pas plus confiance à un Hawking qu’à son plombier pour causer trous noirs ? Bon l’exemple est peut-être mal choisi :-). Disons pulsar, et l’équivoque est levé.

    « IRAFURORBREVISESTANIMUMREGEQUINISIPARETIMPERAT » — Odes — Horace

    • [^] # Re: Un constat étrange ?

      Posté par  . Évalué à 4.

      D'autant qu'ils ont référencé toutes les chaînes des universités, des instituts et des organismes de recherche.

      D'ailleurs je m'interroge sur le fait que tout cela soit bel et bien de la vulgarisation.

      https://linuxfr.org/users/barmic/journaux/y-en-a-marre-de-ce-gros-troll

      • [^] # Re: Un constat étrange ?

        Posté par  . Évalué à 10.

        C'est pas blanc ou noir. La vulgarisation, ça va du scientifique qui donne une conférence sur son domaine d'expertise a destination de confrères hors de ce même domaine à des programmes de divertissement utilisant la science pour parler a notre imaginaire. Ensuite, se pose une question de qualité, sur le contenu et la réalisation elle-même. Le contenu scientifique peut-être de très bonne qualité, mais la réalisation mauvaise. Ou le contraire, avoir une réalisation parfaite, mais une information scientifique de mauvaise qualité, voire fausse.

        A mon sens, un bon exemple de vulgarisation plutôt réussie, est le doc d’Arte "L'odyssée interstellaire" que la chaine rediffuse en ce moment. Il y a là un bon équilibre entre le divertissement et le contenu scientifique sans raconter trop de bêtises (enfin de ce que j'en sais sur la question, ça me semblait assez juste).

        Sur Youtube, comme souvent sur cette plateforme, le pire côtoie le meilleur, et l'algo fait le tri (ou pas).

        Sinon, il y a des chaines de vulgarisation de plomberie aussi : https://www.youtube.com/watch?v=3u4PlBIy8NY Et a coté, les trous noir et les pulsars, c'est de la rigolade.

        Faut pas gonfler Gérard Lambert quand il répare sa mobylette.

    • [^] # Re: Un constat étrange ?

      Posté par  . Évalué à 4.

      Si tu ouvres un journal papier ou en ligne tu t'apercevras que beaucoup d'auteurs vulgarisent aussi en dehors de leurs diplômes. Bien sûr ils sont diplômés, mais pas forcément dans tous les domaines sur lesquels ils écrivent.

  • # Qu'est-ce qui justifie les frais de publication?

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 6.

    C'est une question largement hors-champ par rapport au cœur du sujet, mais qu'est-ce qui justifie les frais de publication?

    (Traditionnellement dans l'édition académique personne n'est payé directement pour le travail lié à la publication (ni les auteurs, ni les éditeurs, ni les referees) – chacun est salarié de son institution. S'agit-il ici de financer la maintenance technique du site? Pour mettre son travail en libre-accès, pourquoi ne pas utiliser arxiv.org?)

    • [^] # Re: Qu'est-ce qui justifie les frais de publication?

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 2.

      Les frais du site choisi sûrement.

      https://www.frontiersin.org/about/publishing-fees

      • [^] # Re: Qu'est-ce qui justifie les frais de publication?

        Posté par  (site web personnel) . Évalué à 3.

        Ma question porte sur ce que ces frais sont censés financer, car c'est très inhabituel pour les publications scientifiques et souvent un marqueur très négatif. Je ne remets pas en question le fait que ce frais existent pour le site en question.

        • [^] # Re: Qu'est-ce qui justifie les frais de publication?

          Posté par  (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 8.

          ce qui me surprend le plus c'est une étude sur la vulgarisation scientifique en français sur youtube rédigée majoritairement par des chercheurs français et le tout est publié en anglais sur un site anglophone !?

          https://www.funix.org mettez un manchot dans votre PC

          • [^] # Re: Qu'est-ce qui justifie les frais de publication?

            Posté par  . Évalué à 10.

            Ça me semble justement plus pertinent de publier cela en anglais pour que d'autres puissent publier (en anglais) une étude de la vulgarisation dans une autre autre et que cela puisse être comparé pour voir les similitudes/différences entre les cultures/langues.

            (accessoirement, je ne sais pas s'il existe une revue pertinente sur le sujet en français)

            « Rappelez-vous toujours que si la Gestapo avait les moyens de vous faire parler, les politiciens ont, eux, les moyens de vous faire taire. » Coluche

        • [^] # Re: Qu'est-ce qui justifie les frais de publication?

          Posté par  . Évalué à 8.

          car c'est très inhabituel pour les publications scientifiques

          Pas du tout, c'est tout à fait habituel pour de l'open access https://fr.wikipedia.org/wiki/Revue_scientifique#Mod%C3%A8les_%C3%A9conomiques

          « Rappelez-vous toujours que si la Gestapo avait les moyens de vous faire parler, les politiciens ont, eux, les moyens de vous faire taire. » Coluche

        • [^] # Re: Qu'est-ce qui justifie les frais de publication?

          Posté par  . Évalué à 10.

          c'est très inhabituel pour les publications scientifiques et souvent un marqueur très négatif

          Non non, c'est même le contraire. Même dans les journaux "traditionnels" où le lecteur paye, il est très courant de demander des frais de publication.

          Il faut compter de 500€ à environ 2500€ en moyenne; certains journaux demandent plus. Souvent, il faut rajouter en plus si on veut une publication en Open Access (librement téléchargeable par tous les lecteurs et/ou sous licence Creative Commons plus ou moins restructive).

          Les journaux "sérieux" proposent des réductions au cas par cas; je pense typiquement que c'est une situation où c'était pertinent de demander.

          Qu'est-ce qui justifie ces frais? Pas grand chose, c'est assez scandaleux. Les frais sont déconnectés du coût réel de la publication scientifique, ce qui fait que c'est un des business les plus «juteux» qui existent. Un journal scientifique, c'est une «marque», qui est malheureusement souvent utilisée pour évaluer rapidement la qualité des travaux des chercheurs. Du coup, plus le journal est prestigieux, plus il peut demander beaucoup.

          La règle générale, quand même, c'est que ces frais sont couverts par le budget des labos (ou des bourses de recherche), mais c'est quand même de l'argent public.

          En ce qui concerne la série des Frontiers, c'est un éditeur un peu borderline, qui n'a pas de racines historiques, et qui est connu pour ses pratiques peu conventionnelles qui l'ont valu d'être considéré à plusieurs reprises comme un éditeur «prédateur». L'idée, c'est qu'il encaisse les frais de publication et publie les papiers, avec une évaluation par les pairs qu'on peut considérer comme assez favorable aux auteurs. Aucun journal ne communique sur ses taux de rejet, mais il est probablement assez faible. Ça ne veut pas dire que l'article est mauvais, mais ça veut dire qu'il peut très bien être de faible qualité, la publication dans Frontiers ne garantit pas vraiment la qualité scientifique.

          • [^] # Re: Qu'est-ce qui justifie les frais de publication?

            Posté par  (site web personnel) . Évalué à 5.

            Merci pour cette réponse détaillée. Mes souvenirs personnels dans ce domaine (maths) datent d'il y a dix ans… c'était les balbutiements du open access et je n'ai pas trop suivi l'évolution.

            En maths à l'époque (je ne crois pas que ça ait trop changé) la norme était de tout mettre sur arXiv puis de faire publier ça dans un journal généraliste (p. ex. Annals of Mathematics, Duke University Journal, Annales UJF) ou spécialisé (p. ex. Transformation Groups) qui ne font pas payer la publication (l'abonnement en revanche…). Et faire payer la publication donnait un peu l'air d'acheter son droit a être publié (au lieu d'être bêtement renvoyé ailleurs parceque le papier est pas au niveau du journal) donc regardé avec beaucoup de suspicion.

            Du coup je me renseigne :-)

            • [^] # Re: Qu'est-ce qui justifie les frais de publication?

              Posté par  . Évalué à 5.

              Les sites d'archive se sont multipliés et ils fonctionnent bien, c'est devenu la norme pour de plus en plus de disciplines en plus des maths et de la physique. Ceci dit, les archives restent des accès "low cost", puisque l'article n'est pas mis en forme et il ne contient pas les corrections typographiques. De nombreux journaux ou sites d'archive interdisent également d'y mettre les dernières versions (aller-retours après acceptation de l'article). Ça n'est quand même pas idéal, même si c'est mieux que rien, surtout que les journaux en font de moins en moins et que la dernière version des auteurs est de plus en plus près de la version publiée (utilisation du style Latex de la revue, etc).

              Il existe encore des journaux où l'on paye pour lire, même si on y paye aussi souvent pour écrire (ou si on veut des figures couleur ou du matériel supplémentaire à archiver en ligne).

              • [^] # Re: Qu'est-ce qui justifie les frais de publication?

                Posté par  . Évalué à 9.

                Ah oui, j'oubliais : la dernière tendance (depuis 4 ou 5 ans) c'est de créer des «chaines» de journaux publiés par le même éditeur. Tu soumets au journal le plus réputé, qui est parfois publié selon le modèle traditionnel (abonnement), et en cas de rejet, au lieu de te renvoyer l'article, on te propose de le transmettre à un journal "bis" moins sélectif, qui lui est souvent Open Access (et donc sur un modèle où tu payes contre une diffusion ouverte). Il y a même de nombreux cas où la chaîne a plusieurs étages, jusqu'à atterrir dans un journal "tout venant". C'est les PLoS qui ont inventé ce système, (par exemple PLoS Biology -> un PLoS spécialisé -> PLoS One (tout venant).

                C'est repris maintenant par tous les gros éditeurs; le plus caricatural étant peut-être Nature, qui décline des centaines de sous-journaux qui s'appellent tous Nature X pour les plus prestigieux, puis tu passes à "Nature Communications" (qui te prend 5 k€, c'est le prix de la marque "Nature"), puis des journaux qui ne s'appellent plus "Nature" mais qui sont édités par la même boîte.

                Du côté des scientifiques, ça a aussi des avantages. On passe moins de temps à resoumettre des manuscrits, en les reformattant suivant les consignes plus ou moins arbitraires des éditeurs, et le système diminue la pression sur les reviewers, puisqu'en général les reviews sont transmises dans la chaine de décision, ce qui permet de ne pas resolliciter de nouveaux relecteurs.

                Des systèmes parallèles à l'édition industrielle commencent également à voir le jour (Review Commons, Peer Community In…), qui permettent de dissocier la review de la publication : les preprints sont reviewés par des pairs, et ensuite l'article est envoyé des éditeurs qui n'ont plus grand chose à faire si les reviews leur conviennent. Ceci dit, ça ne les dispense pas de demander leurs 1500€, qui sont pour le coup encore moins justifiés.

  • # De très bonnes vidéos pour tous les niveaux

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 10. Dernière modification le 27 mai 2021 à 01:11.

    J'ai été particulièrement impressionné par les vidéos science étonnante de David Louapre. Je ne sais pas si on peut parler de vulgarisation. Je pense qu'il s'agit plutôt de réactualisation de connaissances pour ceux qui, comme moi, on fait des études longues, il y a assez longtemps.

    Lê Nguyên Hoang Science4All fait aussi des vidéos de très bon niveau, mais c'est parfois assez ardu.

    J'apprécie beaucoup Rodolphe Meyer dit Le Réveilleur qui aborde de façon très scientifique les sujets qu'il traite. Titulaire d'un doctorat en écologie, ses dossiers sur l'énergie sont une référence. Il pourfend les "écologistes" dogmatiques qui prennent leurs désirs et leurs lubies pour des réalités.

    Il y a un youtubeur qui sous le nom de Choucroute garage (il est alsacien) fait de très bons résumés à propos de l'avenir de l'automobile. L'une de ses dernières vidéos sur les batteries est un complément très utile aux vidéos de Rodolphe Meyer.

    Pour l'astronomie et la conquête spatiale, Hugo Lisoir et Astronogeek sont mes préférés.
    Enfin, Je voudrais citer Viviane Lalande et "Le monde de Jamy" qui font des documents très accessibles à tous.
    Il faut aussi citer les millionnaires en abonnés : Léo Grasset avec Dirty biology qui a plus d'un million d'abonnés et dans un tout autre domaine, l'Histoire, Benjamin Brillaud Nota bene qui arriverait presque à me passionner !

    Je ne suis pas un grand fan de Google, mais je dois reconnaître que je suis très reconnaissant à Youtube pour ce qu'il apporte à la connaissance et à la culture (en particulier pour la musique classique).

    • [^] # Re: De très bonnes vidéos pour tous les niveaux

      Posté par  . Évalué à 3.

      https://www.youtube.com/user/Espacedessciences

      Très majoritairement des spécialistes du domaine.

      Passe encore sur les anciens doctorants qui sont capables de comprendre la littérature scientifique. Mais il faut éviter les infos de troisième main, sauf documentariste & journalistes (à supposer qu’ils soient sérieux) dont c’est le métier.

    • [^] # Re: De très bonnes vidéos pour tous les niveaux

      Posté par  . Évalué à 4.

      Je plussoie pour ces références, avec une mention spéciale pour science étonnante (ça se boit comme du petit lait quelle que soit la complexité du sujet tellement c'est bien fait) et pour le Réveilleur (il faut être motivé car les vidéos sont longues mais si on veut une vue assez complète sur des sujets aussi importants que les énergies, le réchauffement climatique, l'effort en vaut la peine). J'aime bien les autres aussi (je ne connais pas Choucroute Garage).

      J'ajouterais cependant Eurêka, chaîne passionnante sur un sujet qui ne me passionne pas du tout : l'économie et la finance (à tort, car ce qui s'y joue impacte tellement nos vies).

  • # Quelques recommandations de chaînes YT

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 5.

    Avec mes enfants (10 ans) on regarde régulièrement des vidéos de vulgarisation scientifique sur YouTube depuis quelques années. Nos chaines favorites:

    [*]: J'avais fait intervenir David en keynote speaker lors de PyParis 2018 car il réalise toutes ses animations en Python. L'intervention avait été très appréciée. La vidéo est ici.

    "There's no such thing as can't. You always have a choice." - Ken Gor

  • # Rien à voir ou presque: la thèse de Dennis Ritchie

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 7. Dernière modification le 29 mai 2021 à 09:47.

    Une anecdote en lien ténu avec l'article: Dennis Ritchie, co-créateur de C et d'Unix, n'a pas de doctorat.

    Ce qui est moins connu, c'est qu'il avait rédigé et soutenu sa thèse, mais jamais pris le temps d'en déposer une copie à la bibliothèque d'Harvard, ce qui était une condition nécessaire pour avoir le diplôme !

    Détails (ainsi que possibilité de lire sa thèse) ici:

    https://computerhistory.org/blog/discovering-dennis-ritchies-lost-dissertation/

    "There's no such thing as can't. You always have a choice." - Ken Gor

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