Certes. Tu peux aussi distribuer des enveloppes numérotées de 1 à 100, et au moment voulu tu annonces en clair "Enveloppe 74", qui contient "Débarquement en Normandie le 6 juin".
C'est ce mécanisme qui est utilisé pour les message vraiment sensibles, les clés étant échangée avant le message, généralement par un moyen physique.
On sait quelle méthode utilisent les services secrets, par exemple?
Du coup, filtrer les données avec un profil de couleur doit permettre de compenser et de les convertir en données représentant correctement la réalité dans un espace de couleur standard.
Justement, le rendu des couleurs ne peut pas être conforme à la réalité parce qu'il part dès le début du principe de représenter un mélange complexe de longueurs d'onde par une intensité relative de 3 ou 4 couleurs primaires. "Représenter correctement la réalité" n'a pas de sens; si tu prends en photo un objet marron, tu n'as pas de capteur de marron dans l'appareil photo; tu n'as pas de LED marron sur ton écran, et tu n'as pas d'encre marron dans ton imprimante; tout le processus repose donc sur le fait que nos yeux sont pourris et qu'ils ne savent pas distinguer une couleur d'un mélange de couleurs. L'objectif n'est donc pas d'être fidèle à la réalité, mais de jouer de manière suffisamment convaincante avec l'imperfection de notre système visuel pour nous donner l'impression que la couleur est proche de l'originale, ce qui n'est pas du tout le cas.
D'ailleurs, nos yeux sont tous différents, et il semble peu probable d'arriver à un rendu qui soit convainquant pour tout le monde en même temps.
(oui, du RGB, pas du CMJN, le fait d'utiliser quatre couleurs c'est son affaire, pas celle de l'utilisateur )
Pas possible, l'overlap entre les yeux, le RGB, et le CMJN est seulement partiel.
Mouais; autant c'est déja un bel exploit d'être capable de se protéger des attaques contemporaines, autant c'est quand même un beau fantasme d'imaginer de se protéger contre des attaques qui n'existent pas encore. Il ne faut pas se leurrer, aucune technologie de chiffrement ne peut garantir de tenir dans le temps.
D'ailleurs, je ne crois pas que dans l'histoire on puisse citer un moyen de chiffrement qui a résisté au temps.
Ça n'empêche pas que la recherche dans ce domaine doit être encouragée, elle peut notamment permettre de ne pas se retrouver démuni dans le cas de la découverte de failles sur les technologies contemporaines. Mais je pense qu'il est très raisonnable de tabler sur le fait que dans 10 ans, quoi que tu fasses, la NSA sera capable de déchiffrer ce que tu fais aujourd'hui. Tu prends beaucoup moins de risques en partant de ce principe et en agissant de manière à ce que les documents ne soient plus valorisables dans 10 ans plutôt que de chiffrer avec un algorithme tout juste issu de la recherche, et pour lequel on puisse trouver une faille 0-day après-demain.
Pour les taxis, la situation est quand même largement différente : les petits arrangements entre les taxis et l'État a provoqué une rareté complètement artificielle des licences de taxi. Cette rareté a entrainé une forte spéculation sur les licences, qui ont pris de la valeur sur le marché secondaire (alors qu'elles sont gratuites sur le marché primaire).
Au final, le système est complètement bloqué : non seulement les taxis ont lourdement investi dans leurs licences (qui pourtant sont attribuées gratuitement), et leur capital spéculatif serait détruit si le nombre de licences octroyait augmentait. On est quand même en train de parler que l'État puisse racheter plusieurs centaines de milliers d'Euros des licences qu'il a attribuées gratuitement! C'est catastrophique, et c'est quand même à se demander si la justice ne devrait pas sérieursement s'intéresser à la question. Bon, tout ça va finir par se tarir, puisqu'il n'est plus légal de vendre les licences obtenues ces dix dernières années, mais c'est un superbe exemple de gestion clientéliste, qui au final nuit à tout le monde. Et au passage, les banques s'en sortent bien, parce qu'elles ont pendant longtemps autorisé leurs clients à emprunter pour investir dans des actifs spéculatifs sans valeur intrinsèque. Essayez d'emprunter 100k€ pour acheter des bitcoins en expliquant au conseiller que vous espérez les revendre pour 150k€ dans un an, vous verrez si vous obtiendez un prêt.
Pendant 50 ans. Et après ça s'arrête, parce que le sol n'a plus rien. C'est ce qui est en train de nous arriver. Pour combler ce problème, on peut mettre encore plus d'intrants, mais ça augmente le coût, et dégrade la productivité.
Ça fait peur, cette histoire. Heureusement, c'est faux.
Je ne comprends pas pourquoi de telles histoires catastrophistes sur la qualité des sols et la course aux rendements peuvent circuler. Bien sûr, ça pourrait être vrai. Les sols pourraient se dégrader irréversiblement sous l'effet de pratiques agricoles agressives, motivées par l'appat du gain des multinationales et de l'épandage massif de poisons chimiques. Mais ça n'est pas ce qui se passe. Ça ne colle pas bien avec le narratif de certaines associations et certains courants politiques, mais c'est la réalité : l'agriculture moderne utilise de moins en moins d'intrants et de moins en moins de pesticides; et il n'y a pas de "course aux rendements" puisque ces rendements stagnent.
Ceci dit, il semble très probable que cette réalité est en grande partie due au succès des politiques publiques visant à la réduction des pesticides et des intrants. On n'a aucune preuve qu'il s'agisse d'une forme d'autoréglation ou d'une prise de conscience des agriculteurs.
Mais la majorité d'entre eux était entourée de "mauvais" conseilleurs, qui poussaient au productivisme.
Mais est-ce seulement vrai? Ça ne correspond pas à la vision romantique de l'agriculteur qui aime la nature et qui connait ses cochons par leur prénom, mais 1) est-ce possible pour une exploitation "non productiviste" d'être financièrement viable, et 2) peut-on se permettre d'avoir une agriculture non-productive?
Après tout, tu as une contrainte absolue, c'est de produire de la nourriture à partir d'une surface limitée. Si ton élevage extensif permet de produire 100 fromages de chèvre par mois, et que tu as une clientèle de bobos qui te les achète 100 euros pièce, alors tu peux peut-être gagner ta vie. Mais tu prends 50 hectares de surface agricole pour produire 100 fromage de chèvre, ça ne peut pas être un modèle viable pour la communauté. La surface agricole, ça peut aussi être utilisé pour mettre des panneau solaires, construire des lignes de train, des HLM pour loger les pauvres, ou simplement être rendus à la nature. C'est une activité en concurrence avec tout un tas d'autres choses utiles; en moyenne, en France, une exploitation fait 63 hectares, soit (si mes calculs au pif sont du bon ordre de grandeur) 100 fois plus que ce que tu aurais si tu divisais la surface de la France équitablement entre ses habitants. Nourrir au moins 100 habitants (et en réalité, beaucoup plus, puisqu'on ne peut pas exploiter les lacs, les montagnes, les villes, etc) avec ta production fait donc partie du contrat social; si tu n'y arrives pas alors ton exploitation doit couler pour le bien de la société (sinon on va mourir de faim).
Il ne faut pas prendre les agriculteurs pour des débiles. Si on gagnait 3 fois plus en faisant du bio et de la vente directe, alors tous les agriculteurs le feraient. La chimie et les approches rationnelles de la productivité agricole, ça marche; ça permet de produire plus avec moins d'efforts et moins de surface. Je ne sais pas trop comment imaginer que les agriculteurs épandraient des produits chimiques toxiques et coûteux par plaisir ou par malveillance…
Finalement, est-ce que ça ne ressemblerait pas un peu à ceux qui voudraient que toutes les entreprises fassent du logiciel libre, alors que souvent le business model rentable n'existe pas? Ça serait peut-être bien que tout le monde fasse du libre, mais prétendre que si tu passes au libre tu as bosser 20h par semaine et devenir millionnaire en 6 mois, ça n'est même pas un mensonge, c'est un rapport pathologique à la réalité. C'est certainement frustrant de réaliser qu'un modèle qu'on trouve positif ne soit pas largement adopté parce que les modèles alternatifs sont plus sûrs ou plus rentables, mais prétendre le contraire n'a aucune chance de changer la réalité des choses.
Finalement, chacun rate sa cible. Ces coopératives et multinationales agroalimentaires passent sous les radars.
C'est quand même une cible très facile. Pour certains, les méchants sont les étrangers et les communistes, pour d'autres c'est les Juifs, et pour d'autres c'est les méchants capitalistes. Le point commun, c'est qu'il y a "eux", les méchants, et "nous", les gentils. Je ne sais pas si ça nous avance tant que ça.
C'est bien gentil l'histoire de l'agriculteur qui ne peut plus se dépétrer de sa dépendance aux multinationales, mais c'est vite oublier qu'il s'est mis dans cette situation parce que ça lui allait bien de se faire assurer ses revenus par une grosse boite. C'est exactement ce que raconte la première agricultrice dans le lien, l'entreprise qu'elle avait montée n'était pas viable (la banque ne suivait pas), et seule l'existence de ce contrat a permis en contrepartie de financer une activité non-viable (l'élevage en plein air). C'est seulement plusieurs années plus tard, après un différent avec la multinationale, que le "problème" est apparu.
Attention hein, je ne dis pas que le comportement des multinationales de l'agro-alimentaire n'est pas toxique, mais j'ai du mal avec le discours victimisant. S'il n'y avait pas eu ces problèmes de mortalité des vaches et les ennuis financiers qui en ont découlé, ces agriculteurs seraient sûrement assez satisfaits de produire de la viande de m--de élevée avec des aliments de m--de. Quand ils disent que c'est du travail de piquer les vaches avec des antibiotiques, c'est aussi du travail de trouver les fournisseurs d'aliments, de négocier les prix avec eux, de trouver les veaux, de les faire venir, de trouver des clients et de leur livrer les animaux, etc. Tout ça, c'était du travail en moins pour eux; ils étaient assurés de revendre leur viande à un prix fixe (bas, mais fixe), ils étaient assurés de se faire livrer les veaux, la bouffe, le vétérinaire qui va avec, etc. Ça revient un peu à se plaindre d'avoir commandé un livre médiocre sur Amazon parce que ça ne serait pas arrivé à la librairie.
Ça me fait penser aux problème des pêcheurs qui se sont endettés pour acheter un bateau qu'ils ne peuvent rentabiliser à cause des quotas de pêche. On peut accuser les banques, les écolos, les politiques, les pêcheurs Irlandais, mais sur le fond c'est aussi des entreprises familiales qui font de mauvais investissements, et qui voudraient bien que la communauté couvre ces mauvais investissements—alors qu'on sait bien que seules les multinationales ont ce pouvoir.
L'agriculture est en pleine mutation et cherche son modèle. Est-ce que les agriculteurs veulent réellement être chefs d'entreprise; souhaitent-ils être rémunérés non seulement sur les produits qu'ils vendent, mais par les services qu'ils procurent (entretien des haies, visites de la ferme, etc?).
Le drapage liberté ne peut pas cacher l'égoïsme de ceux qui ont plus que les autres et veulent la liberté de ne pas partager sans vouloir assumer cet égoïsme.
Sauf que le travail n'est pas quelque chose qui se partage bien.
Il y a des coûts fixes. Par exemple, la formation est un coût fixe sur chaque employé. Le coût du recrutement également. Le coût de l'établissement de la fiche de paye, etc.
La besoin de communication est coûteux. De manière générale, si tu as deux employés à mi-temps sur un seul poste, il va falloir qu'ils consacrent une partie de leur temps à communiquer sur l'état des dossiers, chose qu'un seul employé n'aurait pas besoin de faire. De la même manière, quand un employé a deux fonctions dans une entreprise, il n'a pas à faire des réunions d'information et de concertation.
La complexité de l'établissement des emplois du temps augmente avec le nombre de salariés et le découpage des journées de travail. Si ta boutique ouvre de 9h à 17h et que tes employés sont là de 9h à 17h, tu n'as rien à faire. Si chaque employé bonne à x% d'un temps plein et que tu veux maintenir un nombre d'employés constant sans demander à quelqu'un de venir pour 30 minutes, il va falloir mettre un planning complexe en place.
Bref, le travail n'est pas une tarte qu'on peut partager avec les chômeurs. De manière générale, l'économie n'est pas un jeu à somme nulle.
Je ne pense pas que quelqu'un nie que le SIM swapping existe. Ce qui est faux, c'est le mécanisme invoqué (le "pirate" téléphone à l'opérateur). C'est d'ailleurs exactement ce que le premier article dit, même si on sent bien que le journaliste a vendu de l'octet (il raconte en détail comment c'est censé se passer puis finit par "en France c'est quand même très peu probable").
Il existe des moyens de hacker le système SIM, c'est tout. Une carte "fantôme" sur la zone de la même antenne-relais reçoit tout sans jamais émettre, c'est indétectable. Certains hacks sont bien documentés; à un moment ça passait par un SMS trafiqué qui exploitait une vulnérabilité du chiffrage SIM pour récupérer quand on l'ouvrait tout un tas d'informations sur le chiffrement.
À noter quand même, je ne pense pas que le SMS ait jamais été conçu pour envoyer des données confidentielles, un peu comme les e-mails. Ça n'est donc pas très surprenant qu'on puisse profiter des vulnérabilités.
Vraiment pour pinailler, Marx oppose le prolétaire, qui vit effectivement de son labeur et le capitaliste, c'est le terme qu'il utilise, celui qui possède les moyens de productions.
Non non, ça n'est pas du pinaillage, merci, c'est important.
Par contre le communisme défend que c'est le travailleur qui crée la valeur ajoutée et que c'est donc lui qui devrait en percevoir les fruits, et non pas le capitaliste (rappel: celui qui possède les moyens de production). Et je pense que c'est ce que tu voulais dire par là.
J'avoue que là j'ai plus de mal à comprendre. Je focalise peut-être sur une version du communisme (soviétique), mais j'ai l'impression que l'idée, c'était que les moyens de production n'appartiennent pas au travailleur, mais à la collectivité. En gros, la valeur ajoutée tombe dans les poches de l'État, qui la redistribue (théoriquement). Dans un modèle communiste, une usine n'est pas une SCOP dont les ouvriers sont propriétaires, ce qui serait compatible avec une économie de marché, mais l'usine est collectivisée dans le cadre d'une économie planifiée. Les ouvriers sont des sortes de fonctionnaires, et ils ne touchent pas la valeur ajoutée qu'ils produisent.
D'ailleurs, reverser directement à chaque salarié la VA de son travail, ça serait très injuste. Certains services (le vidage de poubelles ou la comptabilité) ne produit pas de VA, alors que le travail reste indispensable pour la bonne marche de l'entreprise.
Parce que généralement on ne classe pas la classe moyenne chez les prolétaires.
Je ne sais pas qui est "on", mais "on" a visiblement loupé les premiers cours de Marxisme :-P
Prolétaire, ça ne veut pas dire "pauvre". 3e phrase dans prolétariat : "Le prolétariat ne se réduit donc pas au stéréotype de l'ouvrier en blouse bleue ni du travailleur souillé des mines, mais recouvre l'ensemble des êtres humains qui doivent se soumettre à un travail salarié, quels que soient leur niveau de vie et le niveau de leur salaire."
Bon, après, tu peux dire "cette couleur que vous appelez 'bleu' pour moi c'est 'rouge', et votre 'jaune' pour moi c'est 'vert'; mais c'est quand même plus facile d'utiliser les définitions courantes, ça facilite la communication.
Tu peux ajouter à cela que les journalistes ont, de part leur profession, quelques avantages que le citoyen de base n'a pas.
Si le fait de bénéficier d'une niche fiscale suffisait à classer quelqu'un parmi les capitalistes, ça se saurait… Je ne vois pas le rapport entre les niches fiscales et le fait de vivre de son travail.
faut pas oublier que parmi les travailleurs, bon nombre d'entre eux sont satisfait d'être au delà de 2 ou trois smic, et donc prendront fait et cause pour les possédants, et contribueront à conserver la société en sont état; et c'est même grâce à cela qu'ils ne sont guerre inquiété
Bah, c'est créateur d'emplois. Le fait que ça soit bien ou mal pour la société, tout le monde s'en fiche, non? Si c'était important, pourquoi est-ce qu'il n'est pas interdit de développer et vendre des armes de guerre, de démarcher les petits vieux au téléphone, de vendre de gros SUV?
Je ne suis pas sûr que j'aimerais vivre dans une société où chaque job doit être approuvé par un comité de moralité qui détermine si c'est bien ou mal pour la société, donc ça n'est pas non plus comme s'il existait une alternative crédible…
Ça fait quand même plus de 200 ans que la question se pose, et globalement, jusqu'ici, les craintes de voir la pauvreté exploser et les espoirs de voir le capitalisme s'effondrer sur lui-même ne se sont jamais réalisés.
Par un mécanisme que je ne comprends pas très bien, il semble que les besoins d'emploi d'un système capitaliste sont infinis. Une entreprise qui grossit doit embaucher. Avant, une indistrie grossissait en employant des dizaines de milliers d'ouvriers. Aujourd'hui, une entreprise grossit en embauchant des "collaborateurs" à qui on attribue tout un tas de bullshit jobs dont l'intérêt pour l'entreprise n'est souvent pas très clair, et dont l'intérêt pour la société est nettement négatif. Mais les entreprises ne se sont jamais dépeuplées quand elles ont remplacé les ouvriers par des machines. À moins que ce phénomène ne repose sur quelque chose de fragile, je ne vois pas de raison objective pour imaginer que demain, le besoin d'emplois va diminuer. Peut-être avec un retour à certains emplois manuels, puisque contrairement aux anticipations de la science fiction, il faut toujours des gens pour nettoyer le sol et vider les poubelles dans les bureaux, remplacer les ordinateurs défectueux, poser les prises réseau, etc.
Je suis plus ou moins d'accord: on va peut-être y gagner de façon globale, mais au prix de pertes locales (parce que ne nous voilons pas la face, des emplois vont disparaître avec ces technos).
Tu seras peut-être intéressé par la lecture de Destruction créatrice, et de Joseph Schumpeter. Il paraitrait que notre président actuelle est adepte de Schumpeter, ça rend le futur immédiat en France un peu plus prévisible :-)
Je suis tout à fait d'accord sur le fond, l'automatisation, ça fait nettement plus réfléchir quand c'est notre taf qui est menacé.
Par contre il va falloir relire Marx (tu avais quelque chose de prévu les 7 prochaines années?). La lutte des classes ça n'est pas entre les professions intellectuelles et les métiers manuels (ça, c'est plutôt le maoïsme, les Khmers rouges, etc, et ça n'a pas donné grand chose à part de la souffrance, de la misère, et de la dictature—le premier qui dit que le Marxisme non plus se fera traiter de crypto-Macroniste). Le principe de la lutte des classes (enfin, telle que je l'ai comprise), c'est le conflit entre le prolétariat (les gens qui vivent de leur travail) et la bourgeoisie (les gens qui possèdent le capital). Pour produire de la richesse, il faut les deux, et le communisme trouve anormal que la répartition des richesses produites soit partagée, alors qu'on a d'un côté des êtres humains et de l'autre côté des choses possédées par des êtres humains. En gros.
Les avocats et les journalistes sont des prolétaires, ils travaillent, et tirent leurs revenus de leur travail (bon, beaucoup d'avocats sont à leur compte et possèdent leur entreprise, donc c'est plus compliqué, mais pour les journalistes, ça n'est pas le cas : ils sont pigistes, salariés, stagiaires ou bénévoles, c'est un métier super-précaire, et je ne comprends pas trop comment on peut ne pas les considérer comme des prolétaires.
Quand j'étais en 3e, j'ai fait mon stage de découverte du milieu professionnel chez un plombier. Ça durait une semaine. Le matin, on allait sur site, et l'employé me trouvait quelque chose à faire. Par exemple, un ensemble de 10 tuyaux en cuivre à couper, il me filait une scie à métaux, et voila, il allait à un autre endroit. Quand il était midi, il revenait, me disait "ah c'est bien, tu en as coupé 7, il en reste 3. Il prenait sa disqueuse, et zzzim zzzim zzzim il coupait les trois derniers.
Crois le ou ne le crois pas, mais 30 ans après (ça ne me rajeunit pas :-) ), je me sens encore humilié par cette expérience. Je ne suis pas plombier; ça m'arrive souvent d'encadrer des jeunes ou des stagiaires, et je ne leur ai jamais proposé de passer du temps sur une tâche automatisable. Au contraire, quand je m'apercois qu'ils n'ont pas automatisé quelque chose d'automatisable, je leur explique comment faire.
Si ta ligne de pensée, c'est que la peur d'un futur incertain justifie d'interdire ou de ralentir l'arrivée d'une technologie capable de remplacer le travail humain, alors j'ai peur de ne pas suivre Beaumarchais et de faire ce qui m'est possible pour t'empêcher de diffuser une idée aussi mortifère. Tu es en train d'inventer pire qu'une vie gâchée à travailler : une vie gâchée à faire semblant de travailler. Je n'arrive pas à imaginer quelque chose de plus aliénant pour un être humain que de lui demander de se tuer à faire une tâche inutile; tu auras d'ailleurs remarqué que c'est une méthode de choix pour briser les volontés en prison ou en camp de concentration. Donc je peux tout à fait assumer de me faire traiter de scientiste si tu acceptes de garder ce genre d'idées dans un endroit de ton anatomie d'où elles n'auraient jamais dû sortir.
Ça n'avait pas vocation à être méchant, désolé. 1984 est un livre sur la propagande en pleine guerre froide (et un peu sur la philosophie du langage aussi, puisque le principe de la propagande de "big brother" est qu'une idée n'existe que si elle peut s'exprimer). D'ordinaire, Orwell est cité pour plein de choses qui n'ont pas grand chose, voire rien du tout à voir, comme la vidéosurveillance, la télé-réalité, ou le filtrage d'Internet. Éventuellement, on peut toujours trouver dans un vieux livre d'anticipation des éléments qui pourraient rappeler vaguement une situation contemporaine, mais je ne pense honnêment pas que la théorie "complotiste" de l'abétissement volontaire des foules par la diffusion de productions culturelles de faible qualité puisse être attribuée à Orwell. À la limite, on peut la faire remonter à Panem et circenses, et pour la musique, la cohabitation entre la musique populaire et la musique savante date au moins du Moyen Age. Paradoxalement peut-être, la musique populaire est l'une des premières choses interdites dans les régimes autoritaires—il ne faut pas oublier que les paroles de chanson peuvent être un instrument politique.
Je crois qu'il va falloir bientôt distribuer des points Orwell, à chaque fois que quelqu'un évoque 1984 dans un contexte qui n'a rien à voir avec le bouquin :-)
C'est assez évident que l'"industrie musicale" ne produit plus grand chose de créatif depuis assez longtemps, et c'est typiquement le genre de pan de l'économie qui a le plus à craindre des systèmes automatiques "créatifs".
À mon avis, il y a une question importante dans cette histoire, c'est la notion d'appartenance d'une personnalité musicale. Il ne fait aucun doute qu'un enregistrement de Michael Jackson reflète la personnalité de Michael Jackson : il a composé la musique, a contribué aux paroles, a enregistré la chanson avec sa voix, etc. L'enregistrement final est le produit du travail de beaucoup de gens, et en particulier du travail créatif de Michael Jackson. Maintenant, si une IA produit une chanson dans le style de Michael Jackson avec la voix de Michael Jackson, et (imaginons pour l'exemple) que la qualité et la créativité soient équivalentes à ce que faisait Michael Jackson, dans quelle mesure est-ce que les ayant-droits de Michael Jackson sont en droit de prétendre à quelque chose sur ce titre? A priori, rien n'est évident. On est habitués à ce que tout se monnaye en terme de droits maintenant, mais après tout, Michael Jackson n'a jamais travaillé sur ce nouveau titre, il n'a jamais chanté, il n'a jamais donné son avis sur quoi que ce soit. Il n'est pas question ici de rémunération d'un quelconque travail, on serait plutôt dans le droit des marques ou des modèles ; comme par exemple quand une basket Chinoise est estampilée "Mike" avec une virgule dans le mauvais sens, ça peut tromper les consommateurs.
On a également le même problème de l'extension des droits d'auteurs aux oeuvres "inspirées". Actuellement, le droit d'auteur s'applique aux oeuvres dérivées (pour lesquelles on peut prouver la copie), mais les artistes restent libres de s'inspirer d'un style, d'une tendance, etc. La manière dont les IA fonctionnent ressemble beaucoup à l'inspiration; on met des millions d'exemples dans une base de données et on sait par définition que la production n'aurait pas pu avoir lieu sans cette base de données; par contre on est tout à fait incapable de dire quelles oeuvres de la base explicitement ont été utilisées, ce qui fait que le droit d'auteur est trop "dilué" pour pouvoir s'appliquer.
La question qui n'est pas intéressante à mon avis, c'est celle d'une protection exclusive des oeuvres créatives humaines—simplement parce qu'elle existe déja. En fait, en demandant ça, l'industrie admet explicitement que les oeuvres commerciales sur le marché ne sont déja plus des oeuvres de l'esprit, puisqu'elles sont aisément remplaçables par des productions automatiques. Le droit d'auteur ne peut pas s'appliquer aux productions d'une machine, ni aux oeuvres non-originales, qui relèvent de l'artisanat (comme une amphore faite par un potier, un boeuf bourgignon fait par un cuisinier, etc). Du coup, la "soupe pop" moderne manque peut-être tellement d'originalité qu'il n'est pas du tout évident que le droit d'auteur la couvre. C'est totalement paradoxal de dire à la fois "protégez le travail des humains parce que les machines modernes sont capables de produire mieux et moins cher" et "le travail humain a des caractéristiques uniques qui justifient une protection spécifique par la loi". Si le travail humain a des qualités intrinsèquement supérieures à celui des machines, alors pas besoin de loi qui interdise les machines—de la même manière qu'un vêtement fait main a une qualité supérieure à la production indstrielle.
Après, il faut quand même réaliser qu'on panique quand même un peu tous sur cette question, parce qu'on s'est quand même rapprochés d'un coup de la singularité technologique. Le progrès des IA repousse presque tous les jours la limite de ce qu'on considérait relever uniquement de la puissance de notre esprit. Au XIXe siècle, il était évident pour tout le monde que le calcul relevait uniquement de l'esprit humain, alors qu'au XXIe siècle, il est évident que la puissance de calcul des machines surpasse l'esprit humain, mais que ça ne pose pas de problème parce que le calcul est "bête". On pensait en l'an 2000 que des activités telles que composer une chanson ou écrire une lettre étaient des manifestations uniques de l'esprit humain, et en 2023 les progrès technologiques nous démontrent que ça n'est pas le cas (avec une nuance quand même, puisque les machines doivent apprendre à partir d'exemples issus de l'intelligence humaine—ça n'est pas si différent des calculatrices, qui doivent être conçues par des humains qui savent calculer).
Ça m'évoque quand même le manque d'humilité des humains en général face aux manifestations des intelligences non-humaines. Dans les commentaires sous les vidéos de grands singes s'adonnant à des activités typiquement humaines (comme conduire une voiturette, ou allumer un feu), la réaction majoritaire, c'est "oui, mais on ne peut pas en déduire que les chimpanzés sont si intelligents que ça, quelqu'un leur a donné un briquet et leur a appris à s'en servir". Genre, parce que le type qui a écrit le commentaire, c'est l'inventeur du briquet? Mon utlisation personnelle d'un briquet, c'est exactelement la même que celle d'un chimpanzé. On m'a donné un briquet tout fait, on m'a montré comment on s'en sert, j'ai pigé que ça servait à allumer un feu et je l'utilise à cet effet (y compris pour cramer des fourmis ou vérifier si les poils de mes jambes prennent feu—on est vraiment foutus pareil en fait). Et de la même manière, je pense que la manière dont j'écris une lettre à la sécu ressemble beaucoup à la méthode de chatGPT, on rebalance des trucs qu'on a lu à droite à gauche et qui semblent être adaptés à la situation. Je pense qu'il est absurde de prétendre qu'une lettre à la sécu est une manifestation de mon intelligence supérieure, et il faut juste accepter que faire un truc avec son cerveau, ça n'est pas nécessairement une manifestation de la créativité humaine. Comme beaucoup d'animaux ont des jambes, il semble évident à tous que de marcher du métro à la porte du boulot n'est pas une activité créative. Par contre, comme aucun animal n'a un cerveau équivalent au notre, c'est facile de penser que n'importe lequel de nos pets de neurones a une sorte de valeur magique qui doit être protégée par une foultitude de droits complexes, histoire qu'il soit bien impossible de nous voler notre jus de cerveau. Bah voila, on sait maintenant qu'écrire une chanson pop, ça n'a rien de magique. Jusqu'à preuve du contraire, chatGPT n'aurait jamais pu écrire le répertoire des Beatles avant les Beatles, les Beatles étaient créatifs. Par contre, chatGPT aurait probablement pu écrire le répertoire d'Oasis avant Oasis. Hum, voila, quoi.
Je me demande bien s'il existe un opérateur assez stupide pour permettre ça. Genre "tiens, j'ai justement sous la main une autre carte SIM chez un autre opérateur, au nom de Tartempion. Vous pouvez basculer mon compte dessus? / Bien sûr, on fait ça tous les jours d'échanger les comptes entre des SIMs d'opérateurs différents, d'ailleurs on se demande bien pourquoi on vous envoie une nouvelle SIM qu'il faut activer par une procédure bien casse-pied quand vous changez d'opérateur".
Un truc qui n'est pas non plus abordé dans cet article pourravissime, c'est quand même qu'il faut non-seulement hacker la SIM, mais aussi hacker le compte (et peut-être même l'email). Ça fait beaucoup d'efforts, et on peut se demander s'il ne serait pas plus simple de piquer le téléphone directement.
Et ça oublie aussi complètement que maintenant la plupart des sites utilisent les systèmes d'identification des banques pour valider une partie des achats (les gros, les premiers, etc), ce qui nécessite aussi de connaitre le PIN d'identification à l'application de la banque.
Donc voler un disque en vitesse est effectivement beaucoup plus crédible qu'emporter le serveur complet.
Mouais, il faut quand même rentrer dans le datacenter, trouver le ou les bons serveurs, piquer un disque sans connaitre la probabilité d'avoir des données exploitables dessus, ressortir du datacenter avec le disque dans la poche, et espérer que personne ne s'aperçoive de rien, qu'il ne va pas y avoir de plainte ni de visionnage des vidéos… tout ça pour peut-être avoir piqué le disque avec /bin et /etc dessus. Ça demande beaucoup, beaucoup d'organisation pour un résultat bien incertain…
Pour un ordinateur portable, la situation est différente. Ça parait un peu paradoxal de laisser des gens se ballader avec des fichiers sensibles sur des ordinateurs portables (puisqu'on peut partir du principe que se faire voler est un destin probable pour un portable qui bouge beaucoup), mais d'essayer de mitiger le truc par un chiffrage avec une clé sur un support physique. Si tu ne veux pas que le portable ait constamment la clé USB vissée dessus, il faut de toutes manières que tu ne chiffres que certains fichiers. Autrement, si tout le disque est chiffré, il faudra mettre la clé dès que tu veux lire tes emails à l'aéroport ou que tu veux montrer la dernière plaquette promotionnelle à un client; autrement dit, la clé sera soudée à l'ordinateur.
Ah OK, je n'avais pas compris ça. Évidemment, si un client parano paye, autant entrer dans son jeu. Tu lui factures l'option "vol de disque", et pour "vol de serveur" c'est plus cher. Le niveau suivant, c'est "vol de data center complet avec 18 hélicoptères".
Le pire, c'est que ce genre de protocole ne doit pas trop empêcher que les clés trainent sur un post-it dans le bureau des admin sys.
Des rapports avec des données entièrement bidonnées qui ont l'air crédibles, des protocoles sur le papier béton qui tromperaient un scientifique, qui passeraient n'importe quel peer review ?
C'est déja très facile de tromper le peer-review. Le peer review est basé sur une forme de confiance dans la bonne foi (les erreurs de bonne foi peuvent être détectées si les données sont fournies de manière transparente, mais les manipulations sont virtuellement indétectables).
Ceux qui se sont gauler à manipuler des données sont juste des mauvais; la plupart du temps c'est un excès de confiance qui leur vaut leur perte.
Par contre, ce qui peut changer, c'est le volume de données pipeaurées, et la production automatique d'articles scientifiques pipeau de A à Z. Avant, faire un faux prenait du temps, et cette productivité limitée des faussaires limitait nécessairement le nombre de faux en circulation. Si maintenant un faussaire peut produire 100 fois plus de faux documents dans le même temps, le système peut se retrouver paralysé et noyé sous la masse.
L'objectif est avant tout de se protéger d'un vol d'un disque par un technicien de l'opérateur qui nous héberge, ou d'un mauvais effaçage après recyclage du disque en cas d'incident.
Par curiosité, est-ce que le rapport coût/bénéfice est bien raisonnable? Quelle est la probabilité qu'un technicien random pique un disque au pif dans une baie, sans trop savoir ce qu'il y a dessus? Quelle est la probabilité que ce technicien arrive à identifier un ou des fichiers sensibles parmi des To de données inintéressantes, et que ce tech soit connecté aux réseaux du côté obscur de la Force qui serait à même de valoriser ces données sur un marché noir? Si en face il y a des gens assez motivés pour aller placer des agents dans les data centers qui vont aller voler des disques de manière ciblée, alors il semble assez envisageable pour de telles organisation d'aller rentre visite à un admin sys pour lui demander poliment la passphrase.
Parce qu'en face, il n'y a pas rien. Il y a le coût de la mise en place du chiffrage (mettre en place le protocole décrit ci-dessus pour chaque nouveau serveur) et de la maintenance (serrer les fesses à chaque mise à jour), et surtout le risque de perdre des données si quelque chose se passe mal. Je ne prétends pas qu'il n'existe pas de données qui méritent ce genre de traitement, mais elles doivent être assez rares, non?
[^] # Re: texte qui aurait pu être écrit par la NSA
Posté par arnaudus . En réponse au lien La cryptographie quantique expliquée (hilarant). Évalué à 4.
Certes. Tu peux aussi distribuer des enveloppes numérotées de 1 à 100, et au moment voulu tu annonces en clair "Enveloppe 74", qui contient "Débarquement en Normandie le 6 juin".
On sait quelle méthode utilisent les services secrets, par exemple?
# Un système imparfait ne peut pas avoir un rendu parfait
Posté par arnaudus . En réponse au message De la gestion de couleurs. Évalué à 4.
Justement, le rendu des couleurs ne peut pas être conforme à la réalité parce qu'il part dès le début du principe de représenter un mélange complexe de longueurs d'onde par une intensité relative de 3 ou 4 couleurs primaires. "Représenter correctement la réalité" n'a pas de sens; si tu prends en photo un objet marron, tu n'as pas de capteur de marron dans l'appareil photo; tu n'as pas de LED marron sur ton écran, et tu n'as pas d'encre marron dans ton imprimante; tout le processus repose donc sur le fait que nos yeux sont pourris et qu'ils ne savent pas distinguer une couleur d'un mélange de couleurs. L'objectif n'est donc pas d'être fidèle à la réalité, mais de jouer de manière suffisamment convaincante avec l'imperfection de notre système visuel pour nous donner l'impression que la couleur est proche de l'originale, ce qui n'est pas du tout le cas.
D'ailleurs, nos yeux sont tous différents, et il semble peu probable d'arriver à un rendu qui soit convainquant pour tout le monde en même temps.
Pas possible, l'overlap entre les yeux, le RGB, et le CMJN est seulement partiel.
https://www.grapheine.com/cdn-cgi/image/width=2280,height=1410,fit=crop,quality=85,format=auto,onerror=redirect,metadata=none/wp-content/uploads/2021/09/gamut-rgb-cmyk-cmjn-rvb-1.jpg
[^] # Re: texte qui aurait pu être écrit par la NSA
Posté par arnaudus . En réponse au lien La cryptographie quantique expliquée (hilarant). Évalué à 4.
Mouais; autant c'est déja un bel exploit d'être capable de se protéger des attaques contemporaines, autant c'est quand même un beau fantasme d'imaginer de se protéger contre des attaques qui n'existent pas encore. Il ne faut pas se leurrer, aucune technologie de chiffrement ne peut garantir de tenir dans le temps.
D'ailleurs, je ne crois pas que dans l'histoire on puisse citer un moyen de chiffrement qui a résisté au temps.
Ça n'empêche pas que la recherche dans ce domaine doit être encouragée, elle peut notamment permettre de ne pas se retrouver démuni dans le cas de la découverte de failles sur les technologies contemporaines. Mais je pense qu'il est très raisonnable de tabler sur le fait que dans 10 ans, quoi que tu fasses, la NSA sera capable de déchiffrer ce que tu fais aujourd'hui. Tu prends beaucoup moins de risques en partant de ce principe et en agissant de manière à ce que les documents ne soient plus valorisables dans 10 ans plutôt que de chiffrer avec un algorithme tout juste issu de la recherche, et pour lequel on puisse trouver une faille 0-day après-demain.
[^] # Re: Coopératives et intégrateurs
Posté par arnaudus . En réponse au lien Éleveurs enchaînés : "Je veux sortir du monde agricole mafieux" . Évalué à 5.
Pour les taxis, la situation est quand même largement différente : les petits arrangements entre les taxis et l'État a provoqué une rareté complètement artificielle des licences de taxi. Cette rareté a entrainé une forte spéculation sur les licences, qui ont pris de la valeur sur le marché secondaire (alors qu'elles sont gratuites sur le marché primaire).
Au final, le système est complètement bloqué : non seulement les taxis ont lourdement investi dans leurs licences (qui pourtant sont attribuées gratuitement), et leur capital spéculatif serait détruit si le nombre de licences octroyait augmentait. On est quand même en train de parler que l'État puisse racheter plusieurs centaines de milliers d'Euros des licences qu'il a attribuées gratuitement! C'est catastrophique, et c'est quand même à se demander si la justice ne devrait pas sérieursement s'intéresser à la question. Bon, tout ça va finir par se tarir, puisqu'il n'est plus légal de vendre les licences obtenues ces dix dernières années, mais c'est un superbe exemple de gestion clientéliste, qui au final nuit à tout le monde. Et au passage, les banques s'en sortent bien, parce qu'elles ont pendant longtemps autorisé leurs clients à emprunter pour investir dans des actifs spéculatifs sans valeur intrinsèque. Essayez d'emprunter 100k€ pour acheter des bitcoins en expliquant au conseiller que vous espérez les revendre pour 150k€ dans un an, vous verrez si vous obtiendez un prêt.
[^] # Re: Coopératives et intégrateurs
Posté par arnaudus . En réponse au lien Éleveurs enchaînés : "Je veux sortir du monde agricole mafieux" . Évalué à 3.
Ça fait peur, cette histoire. Heureusement, c'est faux.
1) Les intrants baissent énormément. Engrais NPK: https://cdn3.regie-agricole.com/ulf/TNM_Biblio/fiche_74963/Fiches_11102011_2330_831.jpg .
2) Les dépenses en pesticides sont en forte baisse : https://agriculture.gouv.fr/sites/default/files/documents/png/figure2_cle016fa2.png
3) La productivité agricole augmente encore, mais de moins en moins vite https://www.cea.fr/drf/PublishingImages/Actualites/2018/Octobre%202018/redim_graphique_crops_yields.jpg . C'est probablement dû à la baisse des intrants (c'est par exemple la conclusions de https://www.nature.com/articles/s41598-018-35351-1).
Je ne comprends pas pourquoi de telles histoires catastrophistes sur la qualité des sols et la course aux rendements peuvent circuler. Bien sûr, ça pourrait être vrai. Les sols pourraient se dégrader irréversiblement sous l'effet de pratiques agricoles agressives, motivées par l'appat du gain des multinationales et de l'épandage massif de poisons chimiques. Mais ça n'est pas ce qui se passe. Ça ne colle pas bien avec le narratif de certaines associations et certains courants politiques, mais c'est la réalité : l'agriculture moderne utilise de moins en moins d'intrants et de moins en moins de pesticides; et il n'y a pas de "course aux rendements" puisque ces rendements stagnent.
Ceci dit, il semble très probable que cette réalité est en grande partie due au succès des politiques publiques visant à la réduction des pesticides et des intrants. On n'a aucune preuve qu'il s'agisse d'une forme d'autoréglation ou d'une prise de conscience des agriculteurs.
[^] # Re: Coopératives et intégrateurs
Posté par arnaudus . En réponse au lien Éleveurs enchaînés : "Je veux sortir du monde agricole mafieux" . Évalué à 4.
Mais est-ce seulement vrai? Ça ne correspond pas à la vision romantique de l'agriculteur qui aime la nature et qui connait ses cochons par leur prénom, mais 1) est-ce possible pour une exploitation "non productiviste" d'être financièrement viable, et 2) peut-on se permettre d'avoir une agriculture non-productive?
Après tout, tu as une contrainte absolue, c'est de produire de la nourriture à partir d'une surface limitée. Si ton élevage extensif permet de produire 100 fromages de chèvre par mois, et que tu as une clientèle de bobos qui te les achète 100 euros pièce, alors tu peux peut-être gagner ta vie. Mais tu prends 50 hectares de surface agricole pour produire 100 fromage de chèvre, ça ne peut pas être un modèle viable pour la communauté. La surface agricole, ça peut aussi être utilisé pour mettre des panneau solaires, construire des lignes de train, des HLM pour loger les pauvres, ou simplement être rendus à la nature. C'est une activité en concurrence avec tout un tas d'autres choses utiles; en moyenne, en France, une exploitation fait 63 hectares, soit (si mes calculs au pif sont du bon ordre de grandeur) 100 fois plus que ce que tu aurais si tu divisais la surface de la France équitablement entre ses habitants. Nourrir au moins 100 habitants (et en réalité, beaucoup plus, puisqu'on ne peut pas exploiter les lacs, les montagnes, les villes, etc) avec ta production fait donc partie du contrat social; si tu n'y arrives pas alors ton exploitation doit couler pour le bien de la société (sinon on va mourir de faim).
Il ne faut pas prendre les agriculteurs pour des débiles. Si on gagnait 3 fois plus en faisant du bio et de la vente directe, alors tous les agriculteurs le feraient. La chimie et les approches rationnelles de la productivité agricole, ça marche; ça permet de produire plus avec moins d'efforts et moins de surface. Je ne sais pas trop comment imaginer que les agriculteurs épandraient des produits chimiques toxiques et coûteux par plaisir ou par malveillance…
Finalement, est-ce que ça ne ressemblerait pas un peu à ceux qui voudraient que toutes les entreprises fassent du logiciel libre, alors que souvent le business model rentable n'existe pas? Ça serait peut-être bien que tout le monde fasse du libre, mais prétendre que si tu passes au libre tu as bosser 20h par semaine et devenir millionnaire en 6 mois, ça n'est même pas un mensonge, c'est un rapport pathologique à la réalité. C'est certainement frustrant de réaliser qu'un modèle qu'on trouve positif ne soit pas largement adopté parce que les modèles alternatifs sont plus sûrs ou plus rentables, mais prétendre le contraire n'a aucune chance de changer la réalité des choses.
[^] # Re: Coopératives et intégrateurs
Posté par arnaudus . En réponse au lien Éleveurs enchaînés : "Je veux sortir du monde agricole mafieux" . Évalué à 4. Dernière modification le 26 avril 2023 à 18:12.
C'est quand même une cible très facile. Pour certains, les méchants sont les étrangers et les communistes, pour d'autres c'est les Juifs, et pour d'autres c'est les méchants capitalistes. Le point commun, c'est qu'il y a "eux", les méchants, et "nous", les gentils. Je ne sais pas si ça nous avance tant que ça.
C'est bien gentil l'histoire de l'agriculteur qui ne peut plus se dépétrer de sa dépendance aux multinationales, mais c'est vite oublier qu'il s'est mis dans cette situation parce que ça lui allait bien de se faire assurer ses revenus par une grosse boite. C'est exactement ce que raconte la première agricultrice dans le lien, l'entreprise qu'elle avait montée n'était pas viable (la banque ne suivait pas), et seule l'existence de ce contrat a permis en contrepartie de financer une activité non-viable (l'élevage en plein air). C'est seulement plusieurs années plus tard, après un différent avec la multinationale, que le "problème" est apparu.
Attention hein, je ne dis pas que le comportement des multinationales de l'agro-alimentaire n'est pas toxique, mais j'ai du mal avec le discours victimisant. S'il n'y avait pas eu ces problèmes de mortalité des vaches et les ennuis financiers qui en ont découlé, ces agriculteurs seraient sûrement assez satisfaits de produire de la viande de m--de élevée avec des aliments de m--de. Quand ils disent que c'est du travail de piquer les vaches avec des antibiotiques, c'est aussi du travail de trouver les fournisseurs d'aliments, de négocier les prix avec eux, de trouver les veaux, de les faire venir, de trouver des clients et de leur livrer les animaux, etc. Tout ça, c'était du travail en moins pour eux; ils étaient assurés de revendre leur viande à un prix fixe (bas, mais fixe), ils étaient assurés de se faire livrer les veaux, la bouffe, le vétérinaire qui va avec, etc. Ça revient un peu à se plaindre d'avoir commandé un livre médiocre sur Amazon parce que ça ne serait pas arrivé à la librairie.
Ça me fait penser aux problème des pêcheurs qui se sont endettés pour acheter un bateau qu'ils ne peuvent rentabiliser à cause des quotas de pêche. On peut accuser les banques, les écolos, les politiques, les pêcheurs Irlandais, mais sur le fond c'est aussi des entreprises familiales qui font de mauvais investissements, et qui voudraient bien que la communauté couvre ces mauvais investissements—alors qu'on sait bien que seules les multinationales ont ce pouvoir.
L'agriculture est en pleine mutation et cherche son modèle. Est-ce que les agriculteurs veulent réellement être chefs d'entreprise; souhaitent-ils être rémunérés non seulement sur les produits qu'ils vendent, mais par les services qu'ils procurent (entretien des haies, visites de la ferme, etc?).
[^] # Re: La meilleure façon...
Posté par arnaudus . En réponse au journal Vie numérique et mort physique. Évalué à 3. Dernière modification le 25 avril 2023 à 13:55.
Mouais, enfin c'est aussi la responsabilité de chacun de ne pas mourir de manière brutale et inattendue…
[^] # Re: Mais quel monde merveilleux !
Posté par arnaudus . En réponse au lien Cette présentatrice météo n’existe pas - numerama. Évalué à 5.
Sauf que le travail n'est pas quelque chose qui se partage bien.
Il y a des coûts fixes. Par exemple, la formation est un coût fixe sur chaque employé. Le coût du recrutement également. Le coût de l'établissement de la fiche de paye, etc.
La besoin de communication est coûteux. De manière générale, si tu as deux employés à mi-temps sur un seul poste, il va falloir qu'ils consacrent une partie de leur temps à communiquer sur l'état des dossiers, chose qu'un seul employé n'aurait pas besoin de faire. De la même manière, quand un employé a deux fonctions dans une entreprise, il n'a pas à faire des réunions d'information et de concertation.
La complexité de l'établissement des emplois du temps augmente avec le nombre de salariés et le découpage des journées de travail. Si ta boutique ouvre de 9h à 17h et que tes employés sont là de 9h à 17h, tu n'as rien à faire. Si chaque employé bonne à x% d'un temps plein et que tu veux maintenir un nombre d'employés constant sans demander à quelqu'un de venir pour 30 minutes, il va falloir mettre un planning complexe en place.
Bref, le travail n'est pas une tarte qu'on peut partager avec les chômeurs. De manière générale, l'économie n'est pas un jeu à somme nulle.
[^] # Re: autres liens
Posté par arnaudus . En réponse au lien la double authentification par SMS deviendrait obsolete à cause du SIM-swapping ?. Évalué à 5. Dernière modification le 21 avril 2023 à 09:15.
Je ne pense pas que quelqu'un nie que le SIM swapping existe. Ce qui est faux, c'est le mécanisme invoqué (le "pirate" téléphone à l'opérateur). C'est d'ailleurs exactement ce que le premier article dit, même si on sent bien que le journaliste a vendu de l'octet (il raconte en détail comment c'est censé se passer puis finit par "en France c'est quand même très peu probable").
Il existe des moyens de hacker le système SIM, c'est tout. Une carte "fantôme" sur la zone de la même antenne-relais reçoit tout sans jamais émettre, c'est indétectable. Certains hacks sont bien documentés; à un moment ça passait par un SMS trafiqué qui exploitait une vulnérabilité du chiffrage SIM pour récupérer quand on l'ouvrait tout un tas d'informations sur le chiffrement.
À noter quand même, je ne pense pas que le SMS ait jamais été conçu pour envoyer des données confidentielles, un peu comme les e-mails. Ça n'est donc pas très surprenant qu'on puisse profiter des vulnérabilités.
[^] # Re: Mais quel monde merveilleux !
Posté par arnaudus . En réponse au lien Cette présentatrice météo n’existe pas - numerama. Évalué à 6.
Non non, ça n'est pas du pinaillage, merci, c'est important.
J'avoue que là j'ai plus de mal à comprendre. Je focalise peut-être sur une version du communisme (soviétique), mais j'ai l'impression que l'idée, c'était que les moyens de production n'appartiennent pas au travailleur, mais à la collectivité. En gros, la valeur ajoutée tombe dans les poches de l'État, qui la redistribue (théoriquement). Dans un modèle communiste, une usine n'est pas une SCOP dont les ouvriers sont propriétaires, ce qui serait compatible avec une économie de marché, mais l'usine est collectivisée dans le cadre d'une économie planifiée. Les ouvriers sont des sortes de fonctionnaires, et ils ne touchent pas la valeur ajoutée qu'ils produisent.
D'ailleurs, reverser directement à chaque salarié la VA de son travail, ça serait très injuste. Certains services (le vidage de poubelles ou la comptabilité) ne produit pas de VA, alors que le travail reste indispensable pour la bonne marche de l'entreprise.
[^] # Re: Mais quel monde merveilleux !
Posté par arnaudus . En réponse au lien Cette présentatrice météo n’existe pas - numerama. Évalué à 5.
Je ne sais pas qui est "on", mais "on" a visiblement loupé les premiers cours de Marxisme :-P
Prolétaire, ça ne veut pas dire "pauvre". 3e phrase dans prolétariat : "Le prolétariat ne se réduit donc pas au stéréotype de l'ouvrier en blouse bleue ni du travailleur souillé des mines, mais recouvre l'ensemble des êtres humains qui doivent se soumettre à un travail salarié, quels que soient leur niveau de vie et le niveau de leur salaire."
Bon, après, tu peux dire "cette couleur que vous appelez 'bleu' pour moi c'est 'rouge', et votre 'jaune' pour moi c'est 'vert'; mais c'est quand même plus facile d'utiliser les définitions courantes, ça facilite la communication.
Si le fait de bénéficier d'une niche fiscale suffisait à classer quelqu'un parmi les capitalistes, ça se saurait… Je ne vois pas le rapport entre les niches fiscales et le fait de vivre de son travail.
C'est couvert par le principe d'[aliénation].
Et ils sont bien connus pour être des nids de communistes, c'est bien connu :-)
[^] # Re: Mais quel monde merveilleux !
Posté par arnaudus . En réponse au lien Cette présentatrice météo n’existe pas - numerama. Évalué à 2.
Bah, c'est créateur d'emplois. Le fait que ça soit bien ou mal pour la société, tout le monde s'en fiche, non? Si c'était important, pourquoi est-ce qu'il n'est pas interdit de développer et vendre des armes de guerre, de démarcher les petits vieux au téléphone, de vendre de gros SUV?
Je ne suis pas sûr que j'aimerais vivre dans une société où chaque job doit être approuvé par un comité de moralité qui détermine si c'est bien ou mal pour la société, donc ça n'est pas non plus comme s'il existait une alternative crédible…
[^] # Re: Mais quel monde merveilleux !
Posté par arnaudus . En réponse au lien Cette présentatrice météo n’existe pas - numerama. Évalué à 3.
Ça fait quand même plus de 200 ans que la question se pose, et globalement, jusqu'ici, les craintes de voir la pauvreté exploser et les espoirs de voir le capitalisme s'effondrer sur lui-même ne se sont jamais réalisés.
Par un mécanisme que je ne comprends pas très bien, il semble que les besoins d'emploi d'un système capitaliste sont infinis. Une entreprise qui grossit doit embaucher. Avant, une indistrie grossissait en employant des dizaines de milliers d'ouvriers. Aujourd'hui, une entreprise grossit en embauchant des "collaborateurs" à qui on attribue tout un tas de bullshit jobs dont l'intérêt pour l'entreprise n'est souvent pas très clair, et dont l'intérêt pour la société est nettement négatif. Mais les entreprises ne se sont jamais dépeuplées quand elles ont remplacé les ouvriers par des machines. À moins que ce phénomène ne repose sur quelque chose de fragile, je ne vois pas de raison objective pour imaginer que demain, le besoin d'emplois va diminuer. Peut-être avec un retour à certains emplois manuels, puisque contrairement aux anticipations de la science fiction, il faut toujours des gens pour nettoyer le sol et vider les poubelles dans les bureaux, remplacer les ordinateurs défectueux, poser les prises réseau, etc.
[^] # Re: Mais quel monde merveilleux !
Posté par arnaudus . En réponse au lien Cette présentatrice météo n’existe pas - numerama. Évalué à 6.
Tu seras peut-être intéressé par la lecture de Destruction créatrice, et de Joseph Schumpeter. Il paraitrait que notre président actuelle est adepte de Schumpeter, ça rend le futur immédiat en France un peu plus prévisible :-)
[^] # Re: Mais quel monde merveilleux !
Posté par arnaudus . En réponse au lien Cette présentatrice météo n’existe pas - numerama. Évalué à 10.
Je suis tout à fait d'accord sur le fond, l'automatisation, ça fait nettement plus réfléchir quand c'est notre taf qui est menacé.
Par contre il va falloir relire Marx (tu avais quelque chose de prévu les 7 prochaines années?). La lutte des classes ça n'est pas entre les professions intellectuelles et les métiers manuels (ça, c'est plutôt le maoïsme, les Khmers rouges, etc, et ça n'a pas donné grand chose à part de la souffrance, de la misère, et de la dictature—le premier qui dit que le Marxisme non plus se fera traiter de crypto-Macroniste). Le principe de la lutte des classes (enfin, telle que je l'ai comprise), c'est le conflit entre le prolétariat (les gens qui vivent de leur travail) et la bourgeoisie (les gens qui possèdent le capital). Pour produire de la richesse, il faut les deux, et le communisme trouve anormal que la répartition des richesses produites soit partagée, alors qu'on a d'un côté des êtres humains et de l'autre côté des choses possédées par des êtres humains. En gros.
Les avocats et les journalistes sont des prolétaires, ils travaillent, et tirent leurs revenus de leur travail (bon, beaucoup d'avocats sont à leur compte et possèdent leur entreprise, donc c'est plus compliqué, mais pour les journalistes, ça n'est pas le cas : ils sont pigistes, salariés, stagiaires ou bénévoles, c'est un métier super-précaire, et je ne comprends pas trop comment on peut ne pas les considérer comme des prolétaires.
[^] # Re: Mais quel monde merveilleux !
Posté par arnaudus . En réponse au lien Cette présentatrice météo n’existe pas - numerama. Évalué à 10.
Quand j'étais en 3e, j'ai fait mon stage de découverte du milieu professionnel chez un plombier. Ça durait une semaine. Le matin, on allait sur site, et l'employé me trouvait quelque chose à faire. Par exemple, un ensemble de 10 tuyaux en cuivre à couper, il me filait une scie à métaux, et voila, il allait à un autre endroit. Quand il était midi, il revenait, me disait "ah c'est bien, tu en as coupé 7, il en reste 3. Il prenait sa disqueuse, et zzzim zzzim zzzim il coupait les trois derniers.
Crois le ou ne le crois pas, mais 30 ans après (ça ne me rajeunit pas :-) ), je me sens encore humilié par cette expérience. Je ne suis pas plombier; ça m'arrive souvent d'encadrer des jeunes ou des stagiaires, et je ne leur ai jamais proposé de passer du temps sur une tâche automatisable. Au contraire, quand je m'apercois qu'ils n'ont pas automatisé quelque chose d'automatisable, je leur explique comment faire.
Si ta ligne de pensée, c'est que la peur d'un futur incertain justifie d'interdire ou de ralentir l'arrivée d'une technologie capable de remplacer le travail humain, alors j'ai peur de ne pas suivre Beaumarchais et de faire ce qui m'est possible pour t'empêcher de diffuser une idée aussi mortifère. Tu es en train d'inventer pire qu'une vie gâchée à travailler : une vie gâchée à faire semblant de travailler. Je n'arrive pas à imaginer quelque chose de plus aliénant pour un être humain que de lui demander de se tuer à faire une tâche inutile; tu auras d'ailleurs remarqué que c'est une méthode de choix pour briser les volontés en prison ou en camp de concentration. Donc je peux tout à fait assumer de me faire traiter de scientiste si tu acceptes de garder ce genre d'idées dans un endroit de ton anatomie d'où elles n'auraient jamais dû sortir.
[^] # Re: 1984, publié en 1948
Posté par arnaudus . En réponse au lien L’IA sème la panique dans l’industrie musicale. Évalué à 4.
Ça n'avait pas vocation à être méchant, désolé. 1984 est un livre sur la propagande en pleine guerre froide (et un peu sur la philosophie du langage aussi, puisque le principe de la propagande de "big brother" est qu'une idée n'existe que si elle peut s'exprimer). D'ordinaire, Orwell est cité pour plein de choses qui n'ont pas grand chose, voire rien du tout à voir, comme la vidéosurveillance, la télé-réalité, ou le filtrage d'Internet. Éventuellement, on peut toujours trouver dans un vieux livre d'anticipation des éléments qui pourraient rappeler vaguement une situation contemporaine, mais je ne pense honnêment pas que la théorie "complotiste" de l'abétissement volontaire des foules par la diffusion de productions culturelles de faible qualité puisse être attribuée à Orwell. À la limite, on peut la faire remonter à Panem et circenses, et pour la musique, la cohabitation entre la musique populaire et la musique savante date au moins du Moyen Age. Paradoxalement peut-être, la musique populaire est l'une des premières choses interdites dans les régimes autoritaires—il ne faut pas oublier que les paroles de chanson peuvent être un instrument politique.
[^] # Re: 1984, publié en 1948
Posté par arnaudus . En réponse au lien L’IA sème la panique dans l’industrie musicale. Évalué à 4.
Je crois qu'il va falloir bientôt distribuer des points Orwell, à chaque fois que quelqu'un évoque 1984 dans un contexte qui n'a rien à voir avec le bouquin :-)
# Prévisible, non?
Posté par arnaudus . En réponse au lien L’IA sème la panique dans l’industrie musicale. Évalué à 10. Dernière modification le 20 avril 2023 à 10:53.
C'est assez évident que l'"industrie musicale" ne produit plus grand chose de créatif depuis assez longtemps, et c'est typiquement le genre de pan de l'économie qui a le plus à craindre des systèmes automatiques "créatifs".
À mon avis, il y a une question importante dans cette histoire, c'est la notion d'appartenance d'une personnalité musicale. Il ne fait aucun doute qu'un enregistrement de Michael Jackson reflète la personnalité de Michael Jackson : il a composé la musique, a contribué aux paroles, a enregistré la chanson avec sa voix, etc. L'enregistrement final est le produit du travail de beaucoup de gens, et en particulier du travail créatif de Michael Jackson. Maintenant, si une IA produit une chanson dans le style de Michael Jackson avec la voix de Michael Jackson, et (imaginons pour l'exemple) que la qualité et la créativité soient équivalentes à ce que faisait Michael Jackson, dans quelle mesure est-ce que les ayant-droits de Michael Jackson sont en droit de prétendre à quelque chose sur ce titre? A priori, rien n'est évident. On est habitués à ce que tout se monnaye en terme de droits maintenant, mais après tout, Michael Jackson n'a jamais travaillé sur ce nouveau titre, il n'a jamais chanté, il n'a jamais donné son avis sur quoi que ce soit. Il n'est pas question ici de rémunération d'un quelconque travail, on serait plutôt dans le droit des marques ou des modèles ; comme par exemple quand une basket Chinoise est estampilée "Mike" avec une virgule dans le mauvais sens, ça peut tromper les consommateurs.
On a également le même problème de l'extension des droits d'auteurs aux oeuvres "inspirées". Actuellement, le droit d'auteur s'applique aux oeuvres dérivées (pour lesquelles on peut prouver la copie), mais les artistes restent libres de s'inspirer d'un style, d'une tendance, etc. La manière dont les IA fonctionnent ressemble beaucoup à l'inspiration; on met des millions d'exemples dans une base de données et on sait par définition que la production n'aurait pas pu avoir lieu sans cette base de données; par contre on est tout à fait incapable de dire quelles oeuvres de la base explicitement ont été utilisées, ce qui fait que le droit d'auteur est trop "dilué" pour pouvoir s'appliquer.
La question qui n'est pas intéressante à mon avis, c'est celle d'une protection exclusive des oeuvres créatives humaines—simplement parce qu'elle existe déja. En fait, en demandant ça, l'industrie admet explicitement que les oeuvres commerciales sur le marché ne sont déja plus des oeuvres de l'esprit, puisqu'elles sont aisément remplaçables par des productions automatiques. Le droit d'auteur ne peut pas s'appliquer aux productions d'une machine, ni aux oeuvres non-originales, qui relèvent de l'artisanat (comme une amphore faite par un potier, un boeuf bourgignon fait par un cuisinier, etc). Du coup, la "soupe pop" moderne manque peut-être tellement d'originalité qu'il n'est pas du tout évident que le droit d'auteur la couvre. C'est totalement paradoxal de dire à la fois "protégez le travail des humains parce que les machines modernes sont capables de produire mieux et moins cher" et "le travail humain a des caractéristiques uniques qui justifient une protection spécifique par la loi". Si le travail humain a des qualités intrinsèquement supérieures à celui des machines, alors pas besoin de loi qui interdise les machines—de la même manière qu'un vêtement fait main a une qualité supérieure à la production indstrielle.
Après, il faut quand même réaliser qu'on panique quand même un peu tous sur cette question, parce qu'on s'est quand même rapprochés d'un coup de la singularité technologique. Le progrès des IA repousse presque tous les jours la limite de ce qu'on considérait relever uniquement de la puissance de notre esprit. Au XIXe siècle, il était évident pour tout le monde que le calcul relevait uniquement de l'esprit humain, alors qu'au XXIe siècle, il est évident que la puissance de calcul des machines surpasse l'esprit humain, mais que ça ne pose pas de problème parce que le calcul est "bête". On pensait en l'an 2000 que des activités telles que composer une chanson ou écrire une lettre étaient des manifestations uniques de l'esprit humain, et en 2023 les progrès technologiques nous démontrent que ça n'est pas le cas (avec une nuance quand même, puisque les machines doivent apprendre à partir d'exemples issus de l'intelligence humaine—ça n'est pas si différent des calculatrices, qui doivent être conçues par des humains qui savent calculer).
Ça m'évoque quand même le manque d'humilité des humains en général face aux manifestations des intelligences non-humaines. Dans les commentaires sous les vidéos de grands singes s'adonnant à des activités typiquement humaines (comme conduire une voiturette, ou allumer un feu), la réaction majoritaire, c'est "oui, mais on ne peut pas en déduire que les chimpanzés sont si intelligents que ça, quelqu'un leur a donné un briquet et leur a appris à s'en servir". Genre, parce que le type qui a écrit le commentaire, c'est l'inventeur du briquet? Mon utlisation personnelle d'un briquet, c'est exactelement la même que celle d'un chimpanzé. On m'a donné un briquet tout fait, on m'a montré comment on s'en sert, j'ai pigé que ça servait à allumer un feu et je l'utilise à cet effet (y compris pour cramer des fourmis ou vérifier si les poils de mes jambes prennent feu—on est vraiment foutus pareil en fait). Et de la même manière, je pense que la manière dont j'écris une lettre à la sécu ressemble beaucoup à la méthode de chatGPT, on rebalance des trucs qu'on a lu à droite à gauche et qui semblent être adaptés à la situation. Je pense qu'il est absurde de prétendre qu'une lettre à la sécu est une manifestation de mon intelligence supérieure, et il faut juste accepter que faire un truc avec son cerveau, ça n'est pas nécessairement une manifestation de la créativité humaine. Comme beaucoup d'animaux ont des jambes, il semble évident à tous que de marcher du métro à la porte du boulot n'est pas une activité créative. Par contre, comme aucun animal n'a un cerveau équivalent au notre, c'est facile de penser que n'importe lequel de nos pets de neurones a une sorte de valeur magique qui doit être protégée par une foultitude de droits complexes, histoire qu'il soit bien impossible de nous voler notre jus de cerveau. Bah voila, on sait maintenant qu'écrire une chanson pop, ça n'a rien de magique. Jusqu'à preuve du contraire, chatGPT n'aurait jamais pu écrire le répertoire des Beatles avant les Beatles, les Beatles étaient créatifs. Par contre, chatGPT aurait probablement pu écrire le répertoire d'Oasis avant Oasis. Hum, voila, quoi.
[^] # Re: ça existe (en France), des opérateurs téléphoniques qui font ça ?
Posté par arnaudus . En réponse au lien la double authentification par SMS deviendrait obsolete à cause du SIM-swapping ?. Évalué à 5.
Je me demande bien s'il existe un opérateur assez stupide pour permettre ça. Genre "tiens, j'ai justement sous la main une autre carte SIM chez un autre opérateur, au nom de Tartempion. Vous pouvez basculer mon compte dessus? / Bien sûr, on fait ça tous les jours d'échanger les comptes entre des SIMs d'opérateurs différents, d'ailleurs on se demande bien pourquoi on vous envoie une nouvelle SIM qu'il faut activer par une procédure bien casse-pied quand vous changez d'opérateur".
Un truc qui n'est pas non plus abordé dans cet article pourravissime, c'est quand même qu'il faut non-seulement hacker la SIM, mais aussi hacker le compte (et peut-être même l'email). Ça fait beaucoup d'efforts, et on peut se demander s'il ne serait pas plus simple de piquer le téléphone directement.
Et ça oublie aussi complètement que maintenant la plupart des sites utilisent les systèmes d'identification des banques pour valider une partie des achats (les gros, les premiers, etc), ce qui nécessite aussi de connaitre le PIN d'identification à l'application de la banque.
[^] # Re: Rapport coût/bénéfice
Posté par arnaudus . En réponse au journal LUKS, TPM et boulette. Évalué à 6.
Mouais, il faut quand même rentrer dans le datacenter, trouver le ou les bons serveurs, piquer un disque sans connaitre la probabilité d'avoir des données exploitables dessus, ressortir du datacenter avec le disque dans la poche, et espérer que personne ne s'aperçoive de rien, qu'il ne va pas y avoir de plainte ni de visionnage des vidéos… tout ça pour peut-être avoir piqué le disque avec /bin et /etc dessus. Ça demande beaucoup, beaucoup d'organisation pour un résultat bien incertain…
Pour un ordinateur portable, la situation est différente. Ça parait un peu paradoxal de laisser des gens se ballader avec des fichiers sensibles sur des ordinateurs portables (puisqu'on peut partir du principe que se faire voler est un destin probable pour un portable qui bouge beaucoup), mais d'essayer de mitiger le truc par un chiffrage avec une clé sur un support physique. Si tu ne veux pas que le portable ait constamment la clé USB vissée dessus, il faut de toutes manières que tu ne chiffres que certains fichiers. Autrement, si tout le disque est chiffré, il faudra mettre la clé dès que tu veux lire tes emails à l'aéroport ou que tu veux montrer la dernière plaquette promotionnelle à un client; autrement dit, la clé sera soudée à l'ordinateur.
[^] # Re: Rapport coût/bénéfice
Posté par arnaudus . En réponse au journal LUKS, TPM et boulette. Évalué à 8.
Ah OK, je n'avais pas compris ça. Évidemment, si un client parano paye, autant entrer dans son jeu. Tu lui factures l'option "vol de disque", et pour "vol de serveur" c'est plus cher. Le niveau suivant, c'est "vol de data center complet avec 18 hélicoptères".
Le pire, c'est que ce genre de protocole ne doit pas trop empêcher que les clés trainent sur un post-it dans le bureau des admin sys.
[^] # Re: Compétences en manipulation
Posté par arnaudus . En réponse au journal [Lien++] Générer des images réalistes par IA, et comment elles deviennent impossibles à détecter. Évalué à 7.
C'est déja très facile de tromper le peer-review. Le peer review est basé sur une forme de confiance dans la bonne foi (les erreurs de bonne foi peuvent être détectées si les données sont fournies de manière transparente, mais les manipulations sont virtuellement indétectables).
Ceux qui se sont gauler à manipuler des données sont juste des mauvais; la plupart du temps c'est un excès de confiance qui leur vaut leur perte.
Par contre, ce qui peut changer, c'est le volume de données pipeaurées, et la production automatique d'articles scientifiques pipeau de A à Z. Avant, faire un faux prenait du temps, et cette productivité limitée des faussaires limitait nécessairement le nombre de faux en circulation. Si maintenant un faussaire peut produire 100 fois plus de faux documents dans le même temps, le système peut se retrouver paralysé et noyé sous la masse.
# Rapport coût/bénéfice
Posté par arnaudus . En réponse au journal LUKS, TPM et boulette. Évalué à 6.
Par curiosité, est-ce que le rapport coût/bénéfice est bien raisonnable? Quelle est la probabilité qu'un technicien random pique un disque au pif dans une baie, sans trop savoir ce qu'il y a dessus? Quelle est la probabilité que ce technicien arrive à identifier un ou des fichiers sensibles parmi des To de données inintéressantes, et que ce tech soit connecté aux réseaux du côté obscur de la Force qui serait à même de valoriser ces données sur un marché noir? Si en face il y a des gens assez motivés pour aller placer des agents dans les data centers qui vont aller voler des disques de manière ciblée, alors il semble assez envisageable pour de telles organisation d'aller rentre visite à un admin sys pour lui demander poliment la passphrase.
Parce qu'en face, il n'y a pas rien. Il y a le coût de la mise en place du chiffrage (mettre en place le protocole décrit ci-dessus pour chaque nouveau serveur) et de la maintenance (serrer les fesses à chaque mise à jour), et surtout le risque de perdre des données si quelque chose se passe mal. Je ne prétends pas qu'il n'existe pas de données qui méritent ce genre de traitement, mais elles doivent être assez rares, non?