• # Jean-François Revel commente ainsi la féminisation des mots

    Posté par  . Évalué à 10.

    "Le Sexe des mots", un texte précurseur de Jean-François Revel . Il aurait pu être écrit aujourd'hui en réponse à "l'écriture inclusive". Une belle leçon de français.

    Jean-François Revel commente ainsi la féminisation des mots :

    «Byzance tomba aux mains des Turcs tout en discutant du sexe des anges.

    Le français achèvera de se décomposer dans l’illettrisme pendant que nous discuterons du sexe des mots.

    La querelle actuelle découle de ce fait très simple qu’il n’existe pas en français de genre neutre comme en possèdent le grec, le latin et l’allemand. D’où ce résultat que, chez nous, quantité de noms, de fonctions, métiers et titres, sémantiquement neutres, sont grammaticalement féminins ou masculins. Leur genre n’a rien à voir avec le sexe de la personne qu’ils concernent, laquelle peut être un homme.

    Homme, d’ailleurs, s’emploie tantôt en valeur neutre, quand il signifie l’espèce humaine, tantôt en valeur masculine quand il désigne le mâle. Confondre les deux relève d’une incompétence qui condamne à l’embrouillamini sur la féminisation du vocabulaire. Un humain de sexe masculin peut fort bien être une recrue, une vedette, une canaille, une fripouille ou une andouille.

    De sexe féminin, il lui arrive d’être un mannequin, un tyran ou un génie. Le respect de la personne humaine est-il réservé aux femmes, et celui des droits de l’homme aux hommes ?

    Absurde!

    Ces féminins et masculins sont purement grammaticaux, nullement sexuels.

    Certains mots sont précédés d’articles féminins ou masculins sans que ces genres impliquent que les qualités, charges ou talents correspondants appartiennent à un sexe plutôt qu’à l’autre. On dit: «Madame de Sévigné est un grand écrivain» et «Rémy de Goumont est une plume brillante». On dit le garde des Sceaux, même quand c’est une femme, et la sentinelle, qui est presque toujours un homme.

    Tous ces termes sont, je le répète, sémantiquement neutres. Accoler à un substantif un article d’un genre opposé au sien ne le fait pas changer de sexe. Ce n’est qu’une banale faute d’accord.

    Certains substantifs se féminisent tout naturellement: une pianiste, avocate, chanteuse, directrice, actrice, papesse, doctoresse. Mais une dame ministresse, proviseuse, médecine, gardienne des Sceaux, officière ou commandeuse de la Légion d’Honneur contrevient soit à la clarté, soit à l’esthétique, sans que remarquer cet inconvénient puisse être imputé à l’antiféminisme. Un ambassadeur est un ambassadeur, même quand c’est une femme. Il est aussi une excellence, même quand c’est un homme. L’usage est le maître suprême.

    Une langue bouge de par le mariage de la logique et du tâtonnement, qu’accompagne en sourdine une mélodie originale. Le tout est fruit de la lenteur des siècles, non de l’opportunisme des politiques. L’Etat n’a aucune légitimité pour décider du vocabulaire et de la grammaire. Il tombe en outre dans l’abus de pouvoir quand il utilise l’école publique pour imposer ses oukases langagiers à tout une jeunesse.

    J’ai entendu objecter: «Vaugelas, au XVIIe siècle, n’a-t-il pas édicté des normes dans ses remarques sur la langue française ?». Certes. Mais Vaugelas n’était pas ministre. Ce n’était qu’un auteur, dont chacun était libre de suivre ou non les avis. Il n’avait pas les moyens d’imposer ses lubies aux enfants. Il n’était pas Richelieu, lequel n’a jamais tranché personnellement de questions de langues.

    Si notre gouvernement veut servir le français, il ferait mieux de veiller d’abord à ce qu’on l’enseigne en classe, ensuite à ce que l’audiovisuel public, placé sous sa coupe, n’accumule pas à longueur de soirées les faux sens, solécismes, impropriétés, barbarismes et cuirs qui, pénétrant dans le crâne des gosses, achèvent de rendre impossible la tâche des enseignants. La société française a progressé vers l’égalité des sexes dans tous les métiers, sauf le métier politique. Les coupables de cette honte croient s’amnistier (ils en ont l’habitude) en torturant la grammaire.

    Ils ont trouvé le sésame démagogique de cette opération magique: faire avancer le féminin faute d’avoir fait avancer les femmes.»

    Source: Site Jean-François Revel

    • [^] # Re: Jean-François Revel commente ainsi la féminisation des mots

      Posté par  . Évalué à 2.

      Je me retrouve tellement dans ce texte. Merci beaucoup pour le partage.

    • [^] # Re: Jean-François Revel commente ainsi la féminisation des mots

      Posté par  . Évalué à 4.

      J'aurai tendance à répondre, si on s'en fiche tant que ça de cet arbitraire sans aucun sens, on se fiche un peu de changer la règle du jeu.

      • [^] # Re: Jean-François Revel commente ainsi la féminisation des mots

        Posté par  . Évalué à 4.

        Pardonne-moi, je ne suis pas sûr de comprendre où tu veux en venir.
        Tu veux dire que, puisque le genre des noms est donné de manière arbitraire, ceux qui respectent cela n'ont aucun intérêt à changer cette façon de créer des mots ?

        Pour ma part, c'est l'oreille et l'utilisation par des auteurs et les gens qui forment ces noms. Certains sont passés du féminin au masculin, d'autres l'inverse, d'autres encore arborent les deux genres…Tout est question de lisibilité, après tout.

      • [^] # Re: Jean-François Revel commente ainsi la féminisation des mots

        Posté par  . Évalué à 8.

        J'aurai tendance à répondre, si on s'en fiche tant que ça de cet arbitraire sans aucun sens, on se fiche un peu de changer la règle du jeu.

        Je ne parle pas du fait que ce soit souhaitable ou pas, juste de l'aspect « on s'en fiche de changer » :

        Il est arbitraire que les panneaux de signalisation routière soient tels qu'actuellement. Mais on ne se fiche pas de changer leur forme/couleur/etc car cela implique de l'argent, du temps, des enquiquinements à n'en plus finir, des erreurs, des blessés et des morts.

        Changer l'arbitraire du « sexe des mots » ne fera pas de morts (en excluant les actions des inévitables imbéciles), mais aura forcément un coût financier et humain, génèrera des couacs à n'en plus finir, etc. Ce n'est pas une décision à prendre à la légère.
        Preuve par l'absurde : si on s'en fiche, alors cela ne pose pas de problème de changer ça une fois par jour --> il deviendrait difficile de communiquer, et au final une langue plus ou moins stable et commune émergerait à coté de la langue officielle.

    • [^] # Re: Jean-François Revel commente ainsi la féminisation des mots

      Posté par  . Évalué à 5.

      Mais une dame ministresse, proviseuse, médecine, gardienne des Sceaux, officière ou commandeuse de la Légion d’Honneur contrevient soit à la clarté, soit à l’esthétique, sans que remarquer cet inconvénient puisse être imputé à l’antiféminisme.

      Moi, ce qui m'amuse c'est le talent particulier qui consiste à dire que l'on sait ce qu'est l’esthétisme de la langue: je ne vois pas en quoi commandeuse est d'une laideur (ou d'un manque de clarté) insoutenable alors que que l'on ne s'aigrit pas de lire qu'il y a "des mains baladeuses". Je ne vois pas en quoi "gardienne des Sceaux" pose le moindre soucis, ni même proviseuse ou ministresse.

      Je crois que le seul argument à cet anti-esthètisme est le fait, qu'enfant nous ayons voulu imaginer ces mots (car ils sont basés sur des racines et de sufixes "logiques") et que nos parents, proches, la maîtresse (ou le maître) nous ont corrigés face à l'inesthètisme innaceptable de ces mots là. C'est du conservatisme ancrés profondément en nous.

      médecine est le seule mot ou l'on peut argumenter l'inesthètisme dans le sens ou il sonne comme le terme général du domaine, encore que le français soit fait de tellement d'homonymes et de byzarreries qu'il soit étrange de s'en offusquer (nos "académiques" les apprécient pourtant).

      Je n'ai pas de position sur l'écriture inclusive, mais parler de l'esthètique d'une langue comme de quelque chose d'élémentaire me dresse le poil sur la tête.

      • [^] # Re: Jean-François Revel commente ainsi la féminisation des mots

        Posté par  . Évalué à 3.

        Je ne vois pas en quoi "gardienne des Sceaux" pose le moindre soucis, ni même proviseuse ou ministresse.

        Euh, peut-être que tu n'as simplement aucun goût?

        ------> [ ]

      • [^] # Re: Jean-François Revel commente ainsi la féminisation des mots

        Posté par  (site web personnel) . Évalué à 6.

        je ne vois pas en quoi commandeuse est d'une laideur (ou d'un manque de clarté) insoutenable alors que que l'on ne s'aigrit pas de lire qu'il y a "des mains baladeuses"

        Ça, c'est question de goût.

        Je ne vois pas en quoi "gardienne des Sceaux" pose le moindre soucis,

        Là, il y a un souci objectif. Gardienne, c'est le féminin de gardien, pas de garde. Et garde, c'est masculin et invariable, exactement comme sentinelle qui est féminin et invariable, avec un sens assez proche.

        ni même proviseuse

        Question de goût, mais personnellement, je trouve ça affreux.

        ou ministresse.

        Là, c'est non seulement subjectivement affreux, mais parfaitement inutile, il est plus simple de faire du mot ministre un épicène, comme journaliste par exemple, dans la mesure où sa terminaison n'évoque en soi aucun genre particulier.

      • [^] # Re: Jean-François Revel commente ainsi la féminisation des mots

        Posté par  . Évalué à 1.

        Je comprends ton point de vue (pas sur tous les mots, cependant), mais c'est à cela que servent l'usage de la langue, les grands auteurs et nos nombreux outils de la langue, dont les synonymes ainsi que la nature même de la langue française, à la fois très précise et très floue.

        Quant à "proviseuse", par exemple, c'est une question d'état, pas de genre, à mon sens.

        Des liaisons à la sonorité, de la poésie à la clarté, mille raisons permettent au langage de se former.

  • # Au delà de Sapir-Whorf

    Posté par  . Évalué à 1.

    Le texte parle de la notion de beau et d'esthétisme corporel, ça n'a rien à voir avec la langue ou son écriture. Que l'auteur emploie une forme très critiquable d'écriture épicène dessert son propos.

    Quoi qu'il en soit, je suis aussi d'accord que la perfection esthétique réside dans l'imperfection. L'altération par rapport au neuf apporte un vécu, une histoire, à un objet ou un être vivant. J'ai revu le film Will Hunting il y a quelques semaines et le personnage du psychologue, interprété par feu Robin Williams, y donne une vision de l'amour assez semblable à cette idée quand il parle de sa femme.
    La perfection, le lisse, l'uniformisation c'est pratique en sciences et industries mais c'est terriblement ennuyeux dans les autres domaines.

  • # pipeau de compétition

    Posté par  (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 6.

    une utilisation pertinente de l'écriture inclusive

    https://unodieuxconnard.com/2017/11/14/lecriture-pas-tres-inclusive/

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