disclaimer : ce post pue la dépression. Si tu viens pour l’optimisme, t’es pas au bon guichet.
A l'heure ou 80% des commentaires sur linuxfr parlent de l'IA ou sont rédigés par l'IA ou évoquent l'IA, je me suis interrogé sur l'intelligence humaine et l'intelligence qu'on peut apporter dans son boulot.
Je me rappelle, il y a longtemps, on m’avait dit un truc du genre : "Fais de l’info, tu verras, c’est génial. Tu réfléchiras, tu seras pas juste un presse-bouton. Ton cerveau va vraiment servir à quelque chose." Et bordel… c’était vrai. Au début. Je découvrais des langages tous les mois, je développais des outils, je débuggais des trucs incompréhensibles, j’apprenais, j’étais en feu. Puis un jour j'ai failli devenir manager, mais j'ai réussi à m'échapper en changeant de boite et en restant développeur (youpi!).
Et puis, il y eut cette entreprise. Un projet exceptionnel. Du C bas niveau, des protocoles industriels complexes, obscurs parfois, à décoder, à comprendre. Des bugs improbables, fascinants, qui exigeaient une attention fine, presque chirurgicale. Et des optimisations qui forçaient le respect, comme patcher l’allocateur mémoire pour gagner les 10% de perfs qu'ils manquent pour s'assurer qu'une synchro n'a pas besoin de lock pour gagner 20% en perf au global, tout en restant 100% fiable (si si). C’était exigeant, c’était dense, mais c’était exaltant. Je n’éprouvais même plus le besoin d’écrire du code en dehors du travail: la journée suffisait à nourrir l’esprit. J’étais intellectuellement comblé. Un moment rare. Précieux. Le genre de période ou tu peux rester jusqu'à 23h devant un dump hexadécimal et trouver ça génial \o/
Maintenant?
Rien. Du vide. De l’ennui. 70 de QI. Des réunions stériles, des ateliers à animer, des experts auto-proclamés à écouter réciter des PowerPoint sans âme. On me demande d’analyser du vieux code (s'il était pas si vieux j'aurai dit qu'il était vibe-codé tellement il est laid), avec une doc à la ramasse ou tout simplement fausse. C’est moche, ça plante, ça pue l’usine à gaz bricolée par 3 générations de prestataires. Rien de valorisant. Rien de stimulant. Le seul conseil qu’on me donne face à un bug est d’ouvrir un ticket, ou de réclamer du matériel plus puissant (mais pourquoi??). La réflexion, l’analyse, la compréhension? Non merci.
L’absurde a même pris des formes caricaturales : quatre heures de réunion sur la méthode ITIL v4 (WTF?? lol!!), et une inscription imposée à un séminaire intitulé "Low-code / no-code : comment créer de la valeur sans développeur" (des heures de bonheur je le sens).
Ce qui me pèse le plus, ce n’est pas tant le manque de reconnaissance (auquel, avec le temps, on finit par être indifférent) mais l’absence totale de nécessité de penser. Je dis pas que je suis le plus malin, mais là, aucune intelligence n'est sollicitée. Je pourrais être remplacé par une IA ou un stagiaire : le résultat serait sans doute le même. Et paradoxalement, on me félicite. Parce que je rends mes livrables dans les délais. Parceque mon code compile. Parceque mon code se déploie. Parce que la documentation est à jour. Quelle victoire…
J’ai recommencé à scroller github le soir, comme un ado qui cherche un sens à sa vie. J'ai commencé à documenter un truc qui me titille depuis longtemps sur la mesure de perf, histoire d’avoir l’illusion que mes neurones servent encore à quelque chose.
Alors je te pose la question à toi, lectrice, lecteur qui me lit, peut-être dans la même lassitude silencieuse:
Dans ton travail, as tu encore le sentiment d’exercer une véritable intelligence? Pas simplement celui de résoudre des tickets, ou d’interfacer un formulaire avec une base de données. Mais bien cette sensation rare, précieuse, d’avoir compris un problème de fond, d’en avoir extrait une solution élégante, inattendue, juste?
Ce moment de clarté, où tout s’aligne, où l’on sent que quelque chose s’est éclairé? Histoire de savoir si c'est plutôt normal ou plutôt exceptionnel?
# La fin d'une belle période
Posté par tfeserver tfe (site web personnel) . Évalué à 5 (+4/-0).
Tout pareil.
Le fait d'arrêter de rechercher a améliorer le code et se dire que de toute facon sur les machines sur lesquelles ca va tourner, il y a des ressources, ça date de bien avant l'arrivée de l'IA.
L'important c'est que ça tourne.
L'important c'est que ce soit livré en heure.
L'important c'est que il y ai du "ROI".
Avec l'arrivée de l'IA, je viens de comprendre reellement ce que "pisser du code" veut dire. Sauf que je ne pisse pas. Je ne fais que tenir le sexe de l'IA à ce stade.
Et, oui, on nous remercie pour cela.
# Travail ≠ Fun
Posté par serge_sans_paille (site web personnel) . Évalué à 4 (+2/-0).
Salut Octane.. ou qui ? [0]
Tu sembles rechercher l'émerveillement, celui que beaucoup d'entre nous ont trouvé en alignant leurs premières lignes de code.
À titre personnel, je le trouve aussi en découvrant les jolies constructions des autres. Et cela tombe bien, il y en a beaucoup ! Cela ne conduit pas forcément à des outils, des projets où autre chose de productive, plus souvent à des petits bouts de code lancés dans le terminal pour découvrir, expérimenter, comprendre et finalement atteindre ce petit bonheur de "ooooh, j'ai compris comment ça marche" et pas seulement "ah, ça marche".
Je vais prendre un exemple : je suis tombé (ouille) sur https://clang.llvm.org/docs/BoundsSafety.html . Je l'ai lu, ça m'a plu, alors j'ai compilé la version suggérée de clang, et j'ai observé. Fait des expériences, regardé le code généré, comment l'optimiseur s'en sortait, essayé de piéger l'outil etc. Et je pense avoir finalement bien compris. Et ça m'a plu. C'est ça le sentiment que tu cherchais, non ? Le fait que cela ne rentre pas dans le cadre du contrat qui te lie à ton employeur n'est pas si important.
Un peu comme un biologiste avec sa loupe qui découvre avec ravissement la nature qui l'entoure, tu peux prendre ta loupe informatique et regarder ce qui t'entoure, il y a beaucoup de choses dont on peut s'émerveiller !
À titre perso, j'en ai fait un petit jeu, et quand je trouve un de ces bonbons informatiques, je les transcris dans un petit article. Avant j'en faisais un journal ici, maintenant je le mets dans une petite série "les codes fantastiques" pour GNU Linux Magazine France (p.e. https://connect.ed-diamond.com/gnu-linux-magazine/glmf-271/les-codes-fantastiques-un-zero-pointe, https://connect.ed-diamond.com/gnu-linux-magazine/glmf-268/les-codes-fantastiques-co-vide , https://connect.ed-diamond.com/gnu-linux-magazine/glmf-270/les-codes-fantastiques-rembourrage ça passe en CC by ND après un délai).
C'est un peu hors sujet par rapport à ta question sur l'aspect professionnel, mais peut-être pas tant que ça ?
[0] ceci est un jeu de mot de piètre qualité
# reconversion?
Posté par Psychofox (Mastodon) . Évalué à 3 (+0/-0). Dernière modification le 22 septembre 2025 à 10:29.
Je dirais que si travailler dans l'IT ne payait pas si bien j'aurais fais une reconversion depuis bien plus longtemps. Je ne sais pas si c'est l'aliénation lié au travail dans une grande entreprise, les corporate bullshits, la réunionite et autres problèmes mentionnés dans ce journal ou si c'est juste l'âge et que je préfèrerais faire des trucs avec mes mains.
J'imagines que plus il y a des gens dans ma/notre situation, moins ça va s'arranger car on autoalimente la merdification de notre travail.
# Paradoxe?
Posté par devnewton 🍺 (site web personnel) . Évalué à 4 (+1/-0). Dernière modification le 22 septembre 2025 à 10:49.
Le code de l'IA ou du stagiaire ne compile pas, ne se déploie pas et la doc… quelle doc?
Le système à base de stagiaires/alternants/
vibecave coders ne tient que parce qu'il y a des vrais devs qui s'ennuient à mourir à corriger les bugs des autres.Le post ci-dessus est une grosse connerie, ne le lisez pas sérieusement.
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