La législation française évolue plus ou moins fréquemment autour du numérique et d’Internet. Parmi les derniers changements (effectifs, proposés ou en discussion) :
- la probable extension de la redevance copie privée au secteur du reconditionné (voir par exemple le dernier article NextInpact et les précédents), donc un surcoût à prévoir pour les mobiles et tablettes d’occasion par exemple ;
- les accords autour de l’article 15 de la directive européenne droit d’auteur (dépêche LinuxFr.org), instaurant un droit à rémunération des éditeurs et agences pour l’usage fait de leur titre par les réseaux sociaux ou encore les moteurs de recherche (voir par exemple l’Alliance de la Presse d’Information Générale et Facebook chez NextInpact, ou précédemment Droits voisins : Les éditeurs de presse et Google trouvent un accord chez ZDNet) ;
- toujours autour de la directive européenne droit d’auteur, l’arrêté) concernant l’article 17 sur les seuils de filtrage (voir aussi l’article NextINpact) : les plateformes concernées sont celles ayant une finalité commerciale, plus de 400 000 visiteurs uniques par mois et un nombre d’œuvres mises à disposition supérieur aux seuils de l’arrêté (d’après ces informations, je dirais que seul le premier critère exclut clairement LinuxFr.org des concernés) ;
- des propositions de députés/sénateurs pour un droit opposable à un Internet fixe de qualité, pour moderniser la lutte contre la contrefaçon de marque notamment en ligne ou pour une obligation de vérification d’identité à l’entrée des plateformes (merci NextINpact 1, 2 et 3) ;
- les procédures en cours pour faire bloquer les principaux sites pornographiques au niveau des principaux fournisseurs d’accès à Internet ;
- un peu de jurisprudence sur la contrefaçon de logiciels (sur la même thématique voir aussi CUJE : un contrat de licence utilisateur final ne peut interdire la décompilation d’une application ;
- l’adoption de la fusion Hadopi-CSA avec ajout de nouveaux outils contre le piratage, avec la naissance de l’Arcom, avec le projet de loi « relatif à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique » (dossier Assemblée nationale, décision du Conseil Constitutionnel, loi publiée au Journal officiel, merci à @rabenou pour les deux derniers liens) ;
- le décret n° 2021-1362 du 20 octobre 2021 relatif à la conservation des données permettant d’identifier toute personne ayant contribué à la création d’un contenu mis en ligne, pris en application du II de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique qui sera discuté en seconde partie de dépêche.
Le décret n°2021-1362 du 20 octobre 2021
Avertissement : ce sujet juridique est complexe et je ne suis pas juriste. J’essaie de déchiffrer voire décrypter les fils Twitter de Matthieu Audibert et Alec ن Archambault (via Marc Rees de NextINpact) sur le sujet, notamment pour savoir si et comment LinuxFr.org est concerné.
Tentative de chronologie :
- loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN)
- avril 2014 arrêt Digital reports
- octobre 2020 arrêt dans les affaires C-511/18 La Quadrature du Net, C-512/18 French Data Network, C-520/18 Ordre des barreaux francophones et germanophone et C-623/17 Privacy International
- mars 2021 arrêt Prokuratuur
- avril 2021 décision du Conseil d’État (NextINpact fournit des explications dans son article Comment le Conseil d’État a sauvé la conservation des données de connexion)
-
décret n°2021-1361 du 20 octobre 2021 relatif aux catégories de données conservées par les opérateurs de communications électroniques, pris en application de l’article L. 34-1 du Code des postes et des communications électroniques
- Publics concernés : opérateurs de communications électroniques ; autorités disposant d’un accès aux données de connexion.
-
décret n°2021-1362 du 20 octobre 2021 relatif à la conservation des données permettant d’identifier toute personne ayant contribué à la création d’un contenu mis en ligne, pris en application du II de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique
- Publics concernés : fournisseurs d’accès à des services de communication au public en ligne, fournisseurs de services d’hébergement de contenus en ligne, autorités disposant d’un accès aux données conservées.
-
décret n°2021-1363 du 20 octobre 2021 portant injonction, au regard de la menace grave et actuelle contre la sécurité nationale, de conservation pour une durée d’un an de certaines catégories de données de connexion
- Publics concernés (sauf erreur de ma part) : opérateurs de communications électroniques, fournisseurs d’accès à des services de communication au public en ligne, fournisseurs de services d’hébergement de contenus en ligne
- CNIL Délibération n° 2021-114 du 7 octobre 2021 portant avis sur un projet de décret relatif aux catégories de données conservées par les opérateurs de communications électroniques, pris en application de l’article L. 34-1 du Code des postes et communications électroniques (demande d’avis n° 21016517)
- CNIL Délibération n° 2021-115 du 7 octobre 2021 portant avis sur un projet de décret relatif à la conservation des données permettant d’identifier toute personne ayant contribué à la création d’un contenu mis en ligne, pris en application du II de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (demande d’avis n° 21016517)
Le décret n°2021-1362 du 20 octobre 2021 demande notamment de conserver (1 an via le décret n°2021-1363) des informations comme le lieu et la date de naissance (article 2) ou le port source (article 5), etc. Mais son article 8 indique « Les données mentionnées aux articles 2 à 6 ne doivent être conservées que dans la mesure où elles sont collectées (…) ». Ainsi LinuxFr.org ne collectant actuellement pas le lieu et la date de naissance des personnes physiques ouvrant un compte sur le site (ni celles des personnes morales ou des bots d’ailleurs), le site n’aurait toujours pas à les collecter ni à les conserver un an (mais ce n’est que ma lecture de non-juriste).
# Prozac
Posté par Benjamin Henrion (site web personnel) . Évalué à 0.
C'est tellement déprimant, mais c'est logique, l'internet et le web ne sont pas résistants à des attaques de législateurs corrompus par l'argent.
[^] # Re: Prozac
Posté par Ms-Mac . Évalué à 5.
Plus besoin de les corrompre. Les GAFAM ont tellement de docs bien crasseuses qu'ils le font
bénévolementgratuitement.Tout le monde a un cerveau. Mais peu de gens le savent.
[^] # Re: Pas d'accord
Posté par Stéphane Ascoët (site web personnel) . Évalué à 5.
Sur ces coups là, je ressens plutôt l'habituelle méconnaissance de ce qu'est Internet et un désir de tout régenter plutôt qu'une corruption financière
# Ça va être serré
Posté par Élafru . Évalué à 2.
Je regarde la proposition de loi pour le droit à un internet fixe de qualité.
Alinéa 2 :
Alinéa 4 :
Hâte de voir comment le texte sera repris par la commission des affaires économiques. Et si promulgation, à combien sera fixée la compensation.
Je connais pas la répartition des connexions en France mais les dates limites me paraissent ambitieuses. On a vu ce que ça a donné avec France Très Haut Débit.
En tout cas hâte de signaler d'ici environ un an mon ADSL pourri à l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse.
[^] # Re: Ça va être serré
Posté par Maclag . Évalué à 5.
D'ici 1an ils vont trouver une excuse à la con pour résilier ton contrat ou en augmenter les tarifs pour inclure le coût des compensations financières.
[^] # Re: Ça va être serré
Posté par Benoît Sibaud (site web personnel) . Évalué à 5. Dernière modification le 07 novembre 2021 à 16:37.
C'est une proposition de loi (donc pas un texte venant du gouvernement, cf https://fr.wikipedia.org/wiki/Initiative_l%C3%A9gislative#L'initiative_l%C3%A9gislative_en_France ), qui plus est proposé par une députée LR (donc pas de la majorité gouvernementale), il est tout à fait possible que ce texte ne soit jamais voté (cf https://www2.assemblee-nationale.fr/15/statistiques-de-l-activite-parlementaire#node_76073 19 propositions de loi adoptées sur 84 déposées sur la session 2020-2021, et 74 sur 341 pour la XVe législature (depuis 2017), sachant que certaines sont déposées par la majorité et ont donc plus de chance d'être adoptées)
[^] # Re: Ça va être serré
Posté par Stéphane Ascoët (site web personnel) . Évalué à -1.
Et quid quand le FAI n'est pas le propriétaire de la ligne?
# Rule 34
Posté par devnewton 🍺 (site web personnel) . Évalué à 5.
Pourquoi cette généralisation abusive semble-t-elle si évidente à la plupart des gens ?
J'ai l'impression de lire les mêmes idiots qui nous racontaient que les jeux vidéos rendent violents ou que les jeux de rôle rendent fous…
Le post ci-dessus est une grosse connerie, ne le lisez pas sérieusement.
[^] # Re: Rule 34
Posté par 🚲 Tanguy Ortolo (site web personnel) . Évalué à 4.
C'est un peu différent tout de même. Pour les jeux vidéos et les jeux de rôles, la plupart des gens avec une idée plus ou moins fausse sur le sujet ne connaissaient en fait que très peu le sujet et n'étaient pas concernés. Aujourd'hui, on a toute une génération de gens nés il y a trente ou quarante ans qui connaît assez bien les jeux vidéos, et avec un avis plus raisonnable sur le sujet.
Pour la pornographie, l'avis général ressemble en effet à celui qui pouvait régner il y a vingt ans sur le sujet des jeux. Pourtant, la même génération a justement baigné dans la pornographie accessible, autant que dans les jeux vidéos. C'est cette génération qui a actuellement de jeunes enfants. La situation n'a donc en réalité pas grand chose à voir, les gens concernés par l'éducation de leurs enfants connaissent le problème de la pornographie, ils l'ont vécu en fait.
Il me semble donc, que contrairement aux jeux vidéos et aux jeux de rôles, des gens qui ont consommé ou consomment encore de la pornographie ont l'impression que ça leur a fait plus de mal que de bien et sont donc favorables à des mesures visant à limiter cela pour les enfants. Pour le jeu vidéo, il peut arriver que des joueurs excessifs regrettent par la suite d'avoir autant joué, mais ça me semble un cas assez marginal tout de même.
[^] # Re: Rule 34
Posté par GG (site web personnel) . Évalué à 2.
Avant, c'était plus difficile d'enregistrer et de diffuser… des vidéos
Pourquoi bloquer la publicité et les traqueurs : https://greboca.com/Pourquoi-bloquer-la-publicite-et-les-traqueurs.html
[^] # Re: Rule 34
Posté par devnewton 🍺 (site web personnel) . Évalué à 5.
Ce que tu décris ressemble plutôt à un comportement de vieux cons :-)
"Sortir en boite c'est mal, la preuve j'en ai fait le tour quand j'étais jeune, va plutôt bosser ton bac".
Le post ci-dessus est une grosse connerie, ne le lisez pas sérieusement.
[^] # Re: Rule 34
Posté par 🚲 Tanguy Ortolo (site web personnel) . Évalué à 3.
Sauf que parmi les anciens jeunes, il n'y a pas franchement de consensus sur le fait que la possibilité de sortir en boîte de nuit est néfaste pour les mineurs. De même pour les jeux vidéos. Le cas de la pornographie est vraiment à part.
[^] # Re: Rule 34
Posté par devnewton 🍺 (site web personnel) . Évalué à 4.
Est-ce qu'il existe un consensus sur le sujet?
D'abord il y a mineur et mineur. A 7 et 17 ans, l'approche de la sexualité n'est pas la même.
Ensuite il y a pornographie et pornographie. Le hardcore crade ou le gentil "mom porn"* ?
C'est sûr que si tu tapes "viol anal allemand poney furieux" dans ton moteur de recherche, tu ne vas pas tomber sur l'érotisme le plus subtil.
*: du genre Cinquante nuance de Gray ou Histoire d'O. A ne pas confondre avec l'inquiétant porno incestueux ultra populaire chez les américains :-)
Le post ci-dessus est une grosse connerie, ne le lisez pas sérieusement.
[^] # Re: Rule 34
Posté par Stéphane Ascoët (site web personnel) . Évalué à -1.
J'ai l'impression au contraire que son évidence n'est pas assez partagée. Les effets délétères ont été largement prouvés, mais bon, je sais que ne convaincrais personne(et pourtant je suis quand même contre la censure de la pornographie) et de toutes façons l'humanité va disparaître
# Redevance pour copie privée
Posté par 🚲 Tanguy Ortolo (site web personnel) . Évalué à 5. Dernière modification le 09 novembre 2021 à 10:04.
La possibilité d'une extension de la redevance pour copie privée aux appareils reconditionnés me surprend. Lorsqu'il s'agit d'appareils d'occasion – ce qui n'est pas le cas de tous, il y a aussi du reconditionné suite à un retour de produit vendu neuf – cette redevance a déjà été payée, et répercutée dans le prix de vente du produit d'occasion au reconditionneur, donc également dans le prix de vente du produit reconditionné à l'acheteur final.
Ça me semble un peu comme si un commerçant payait les produits qu'il achète en gros avec la TVA, et devait y ajouter une seconde TVA avant de les revendre au détail.
À vitre avis, est-ce légal, voire constitutionnel, de faire payer deux fois une taxe ? Ou est-ce que cette idée ne vient que de l'argutie juridique qui fait de cette taxe de facto une « redevance », et qui permettrait de la sortie du cadre prévu par le droit préexistant ?
[^] # Re: Redevance pour copie privée
Posté par tisaac (Mastodon) . Évalué à 4.
Je n'y connais rien mais
1) de manière totalement générale, faire payer deux fois un même type de taxe n'est pas interdit a priori d'un point de vue juridique ni toujours idiot d'un point de vue économique.
2) sans doute que certaines taxes doivent être justifiées et que le mécanisme de perception de la taxe doit être cohérent avec sa justification. Je ne sais pas si le degré de cohérence exigé est important ou négligeable mais en tout cas, il n'est certainement pas absolu (cfr. point suivant)
3) la redevance pour copie privée est déjà relativement bancale en ce qui concerne sa justification et sa mise en pratique. Le montant est forfaitaire par rapport à votre réel recours à la copie privée. Certains paient "trop" et d'autres "trop peu" par rapport à leur usage.
4) Il y a deux conceptions extrêmes, celle qui dit que le reconditionnement ne permet pas d'allonger l'usage de la machine (et donc le nombre de copies privées) mais seulement d'en transférer la propriété (ton exemple s'approche de ce cas). L'autre qui dit que lorsqu'un produit est reconditionné, il aurait été à la poubelle autrement. Dans cette idée, le produit reconditionné augmente bien (potentiellement) autant le nombre de copies privées qu'un produit neuf.
5) La vérité est sans doute entre les deux. Vu le caractère actuel imparfait du lien entre la justification et la perception de la redevance aujourd'hui, je ne pense pas que l'extension aux produits reconditionnés affecte sérieusement ce lien. Le système est un peu bancal aujourd'hui, il le sera demain d'une autre manière mais pas de raison de penser que cela sera forcément pire.
Surtout, ne pas tout prendre au sérieux !
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