Journal Journaux scientifiques en libre accès et foutoir avec les licences libres

Posté par  . Licence CC By‑SA.
46
21
avr.
2021

Sommaire

Depuis quelques années, le nombre d’articles scientifiques en libre accès ne cessent d’augmenter et la tendance s’accélère dans les dernières années. Ce qu’on entend pas « libre accès », ou open access en anglais, varie suivant l’interlocuteur mais le dénominateur commun, c’est que ça veut dire accès gratuit, et pas forcément libre (au sens de logiciel libre). Si vous n’êtes pas au fait de ce mouvement, je vous laisse lire ce bon résumé de Martin Clavey sur NextInpact. En résumé, les chercheurs voulaient diminuer le poids, notamment économique, des revues académiques en promouvant la publication en accès libre ; en pratique, les coûts globaux ont augmenté car les prix des abonnements ont continué d’augmenter et publier un article disponible en accès libre coûte un prix significatif (publier un article dans la revue en accès ouvert de Nature coute 4 500 €).

Une fois le décor posé, comment ça se passe en pratique pour ces articles disponibles en accès ouvert.

Springer

Ma première interaction avec un éditeur scientifique au sujet des licences remonte à environ 1 an. À l’époque, j’étais intéressé par cet article, dont la partie « Rights and permissions » indique clairement que l’article est disponible sous licence libre (CC by 4.0). Or, si on télécharge le PDF, il est stipulé que l’article est disponible sous licence CC by-nc-nd 3.0 (DE).

J’ai contacté le service client en décembre 2019. Je reçois rapidement un courriel m’indiquant qu’on a pris ma demande en compte. Puis, je reçois toutes les semaines un courriel (automatique) m’indiquant qu’on est toujours en train de s’occuper de moi. Les courriels automatiques continuent pendant 1 mois et demi (9 courriels au total) puis s’arrêtent subitement. Je laisse passer un mois après la réception du dernier courriel automatique pour relancer le service client à propos de cette histoire de double licence. Les courriels automatiques reprennent. J’obtiens alors cette réponse (traduction de mon fait)

Après vérification auprès de notre équipe de production, celle-ci a confirmé que nous ne pouvons malheureusement pas modifier l’article car il n’est pas publié par Springer mais par un ancien éditeur et que nous ne disposons pas des fichiers sources.

De plus, la licence correcte CC BY-NC-ND 3.0 est celle indiquée sur le PDF https://link.springer.com/content/pdf/10.12942/lrr-2012-10.pdf.

Très bien ! Mais je suis quand même perdu. La licence correcte est celle présente dans le fichier PDF ; ils n’ont plus les sources du fichier donc ils ne peuvent pas le modifier. OK, mais comme dirait l’autre, je ne vois pas le rapport. Le fichier PDF n’a pas besoin d’être modifié, seule la page web a besoin de l’être vu que c’est elle qui indique une licence erronée. Je leur renvoie donc un message pour leur indiquer cela. Le premier courriel est parti en décembre 2019, celui-ci est envoyé en mai 2020. Les courriels automatiques reprennent puis finissent par s’arrêter sans que la licence n’ait été modifiée sur la page web.

En avril 2021, constatant que rien n’avait été fait en un an, je décide de les recontacter au sujet de la page web qu’il faudrait modifier. Les courriels automatiques viennent de reprendre ; je n’espère plus voir une licence correcte sur cette page web.

Scientific Reports

Scientific Reports est la grande revue en libre accès du groupe Nature Publishing Group (groupe à qui appartient la célèbre revue Nature). Tous les articles sont publiés sous licence CC by 4.0. Une nouvelle histoire commence donc avec cet article au sujet de la machine d'Anticythère. Je suis intéressé par les vidéos qui se trouvent dans la section « Supplementary Information » car je pense qu’on pourrait les inclure dans les articles Wikipédia. Malheureusement, je ne trouve pas le moyen de les télécharger ce qui semble contraire à la licence CC by 4.0 qui autorise la modification ; si je ne peux pas télécharger ces vidéos, comment pourrais-je les modifier.

Dans mon premier échange avec le service client, on m’indique simplement que les vidéos sont uniquement des vidéos en streaming et qu’on ne peut donc pas les télécharger. Après leur avoir signalé que s’il n’est pas possible de télécharger les vidéos, celles-ci ne peuvent pas être placées sous licence CC by 4.0 qui autorise la « copie et la redistribution du matériel sur tout support ou dans tout format ». Si tel est le cas, je leur demande de modifier le texte de la licence afin d’indiquer que les « Supplementary Information » ne sont pas couverts par la licence CC by 4.0. Là, pas de courriel automatique, donc au bout de deux semaines, je les relance gentiment. Deux semaines plus tard, j’obtiens une réponse où on m’indique sobrement que la licence CC by 4.0 ne s’applique qu’au PDF. Je suis alors obligé d’étayer ma demande en citant leur propre texte de licence que je recopie ici (le gras est de moi)

Open Access This article is licensed under a Creative Commons Attribution 4.0 International License, which permits use, sharing, adaptation, distribution and reproduction in any medium or format, as long as you give appropriate credit to the original author(s) and the source, provide a link to the Creative Commons licence, and indicate if changes were made. The images or other third party material in this article are included in the article's Creative Commons licence, unless indicated otherwise in a credit line to the material. If material is not included in the article's Creative Commons licence and your intended use is not permitted by statutory regulation or exceeds the permitted use, you will need to obtain permission directly from the copyright holder. To view a copy of this licence, visit http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/.

Pour ceux et celles qui ne parlent pas l’anglais, ce texte indique que l’article est sous licence CC by 4.0 ainsi que les images et autres documents tiers sauf mention contraire. Donc en l’absence de mention contraire, ces vidéos sont bien sous licence CC by 4.0 et doivent donc pouvoir être téléchargeables.

Trois semaines plus tard, je reçois enfin un courriel qui fait avancer la question. On m’indique que les vidéos sont téléchargeables depuis un autre site (PMC). On m’indique qu’ils sont désolés que ça ne soit pas plus simple de télécharger ces contenus et que c’est noté pour être amélioré à l’avenir.

Conclusion

Ce journal est déjà un peu long, donc je vais livrer une interprétation personnelle. Ces deux expériences, chez des éditeurs différents, me font penser que ces revues en libre accès ne sont que du libre washing, c’est-à-dire que les éditeurs y voient une nouvelle source de revenu (il faut payer pour publier) sans rien comprendre aux différentes licences comme les réponses que j’ai obtenues le laisse penser. Cela dit, la grande quantité de contenu publié (correctement) sous licence libre reste une très bonne nouvelle. Espérons qu’une prise de conscience émerge à l’avenir. Donc si comme moi vous avez un peu de temps à perdre, n’hésitez pas à contacter les différents services clients lorsque vous repérez une licence mal/non respectée.

  • # Oui mais

    Posté par  (Mastodon) . Évalué à 6.

    Expérience intéressante mais limitée à des éditeurs classiques qui se sont mis à l'open bidule suite à des pressions diverses notamment l'émergence de revues dès le départ open quelque chose. J'imagine que dans ces revues, il s'agit moins de libre washing.

    Remarquons, que ce qui les intéressent en général ce n'est pas les 4 libertés de RMS mais le libre accès pour tous au savoir. Par exemple Theoretical Economics publie ses articles sous licence CC-BY-NC 4.0

    Surtout, ne pas tout prendre au sérieux !

    • [^] # Re: Oui mais

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 10. Dernière modification le 21 avril 2021 à 22:53.

      Remarquons, que ce qui les intéressent en général ce n'est pas les 4 libertés de RMS mais le libre accès pour tous au savoir.

      Mais le libre accès pour tous au savoir en pratique implique les 4 libertés de RMS (même si ce dernier n'aime pas appliquer ces libertés au non logiciel), par exemple avec le NC tu limites fortement les possibilités des gens à diffuser (tu peux pas le mettre dans une revue payante, tu ne peux pas financer l'hébergement ailleurs alors que ça coûte, vendre une version mise à jour ou traduite, etc, tout le monde n'a pas accès à Internet et parle anglais) comme pour le logiciel.

      Du Creative Commons non libre est clairement un plus, largement mieux que sans Creative Commons, mais le libre est encore plus intéressant ;-).

      • [^] # Re: Oui mais

        Posté par  (site web personnel) . Évalué à 10.

        En pratique je m’interroge toujours sur la pertinence du Libre au sens de RMS appliqué aux autres types d’œuvres. Sans évoquer les raisons de la FSF et de RMS de ne pas appliquer ces qu’âtres libertés à autre chose que du code, l’exemple de l’article scientifique me paraît un cas particulier intéressant.
        Ce qui importe dans un article scientifique n’est ce pas essentiellement l’information scientifique qu’il contient ? Et à ce titre qu’importe que quiconque soit « libre » d’ajouter ses gribouillis ou de faire une capilotade d’un article. Celui qui ne fait pas l’effort de s’approprier les connaissances contenus n’aura-t-il pas beaucoup de mal à tirer quoi que ce soit d’utile de l’article ? Et celui qui fait l’effort n’aura-t-il pas naturellement non seulement une tendance, mais le goût d’exprimer la vérité contenu en fonction de sa personnalité propre ? Inutile donc pour lui de modifier l’œuvre originale ? Et sauf erreur, Dieu ne réclame aucun droit d’auteur sur la réalité :-). Donc l’essence de l’article scientifique est nécessairement libre. Du coup, il me semble qu’en la matière la question de la liberté devrait plus se poser en termes de formats et de diffusion qu’en termes de modifications : les modifications pertinentes étant par essence autorisées, et les autres étant dénuées d’intérêt.
        Reste évidemment la question des illustrations évoquées dans l’article. Mais ce cas là n’est il pas à distinguer de celui de la science ?

        « IRAFURORBREVISESTANIMUMREGEQUINISIPARETIMPERAT » — Odes — Horace

        • [^] # Re: Oui mais

          Posté par  (site web personnel) . Évalué à 10.

          Sur un article scientifique, il y a aussi la question de la licence du code qu'il peut inclure ou non (pour vérification/réutilisation), des codes/logiciels/configurations qui ont été utilisés pour traiter les données (pour vérification/réutilisation, comme éviter les erreurs dans les feuilles de calculs de tableur ou de traitement de CSV) et des données elles-mêmes (pour la reproductibilité et la vérification). La licence de l'article lui-même (ie. purement les idées exprimées) me semblent moins importantes/cruciales que les autres points. Si tes données, ton propre code ou les codes utilisés sont faux (quelle que soit la raison), alors ton analyse du résultat faux ne m'intéresse pas forcément. Par contre la question est biaisée car souvent codes/données ne sont pas fournis (donc pas de licence ), et on peut juste discuter de la licence du papier lui-même (en faisant uniquement confiance à l'équipe de recherche, ce qui a montré ses limites notamment chez l'équipe du druide de Massilia, pour prendre un exemple récent).

        • [^] # Re: Oui mais

          Posté par  . Évalué à 10.

          Un article scientifique, c’est beaucoup plus qu’une jolie histoire qui décrit une vision du monde. Ça peut contenir des données (l’open-data dans la recherche est en enjeu important dans le sillage l’open-access), c’est aussi une référence à laquelle on fait régulièrement appel. Par exemple, lors de la négociation d’un contrat avec un industriel, est-il possible d’envoyer la bibliographie de référence sur le sujet si elle est en NC ? Et entre collègues de labos différents ? Et si un labo est une unité mixte public-privé (exemple CNRS / Saint Gobain) ? Le NC sur les travaux scientifiques pose les même problèmes que sur les autres œuvres, la complexité de son application est un frein significatif à la libre circulation de l’information.

          Parce-que sinon, on peut aussi dire que l’essentiel du contenu des revues scientifiques étant inintelligible pour un béotien, ce n’est pas gênant que seules les grosses universités et les grosses entreprises avec une grosse R&D aient les moyens de s’offrir des abonnements. Après tout la réalité décrite dans l’article, celle de « Dieu [qui] ne réclame aucun droit d’auteur sur la réalité », pourra toujours circuler.

          Quant à « liberté devrait plus se poser en termes de formats et de diffusion qu’en termes de modifications », combien de figures fausses sont republiées corrigées, de figures justes sont republiées telles quelles. En fait, c‘est tellement nécessaire de pouvoir s’affranchir du droit d’auteur sur les publications scientifiques qu’elles sont soumises à un régime exceptionnel depuis 2016 avec une durée d’embargo limitée dans le temps pour que les requins de l’édition se nourrissent, avant qu’elle puisse réellement contribuer à la propagation des savoirs.

  • # "La licence correcte"

    Posté par  . Évalué à 10.

    Quand un fichier est publié sous deux licences différentes, en l'absence d'informations supplémentaires il n'y a pas une licence qui serait correcte et une autre qui serait incorrecte. Le fichier est sous les deux licences à la fois, même si celles-ci peuvent sembler contradictoires.

    Les cas où il y a une "licence correcte" sont les cas où l'apposition d'une licence viole un contrat pré-existant. Par exemple si tu vois une musique sous CC By-SA sur Jamendo alors que l'auteur est à la SACEM depuis avant la date de publication de ladite musique (et donc que l'œuvre est exclusivement sous copyright classique, selon le contrat passé entre l'auteur et la SACEM). Là la CC By-SA n'a aucune valeur et la "licence correcte" est le copyright classique.

    Après il y a les cas de confusion, par exemple certains auteurs aiment bien publier des fichiers sur leur site en y ajoutant un truc du style "Cette œuvre est sous CC By-SA 4.0, vous pouvez en faire ce que vous voulez tant que ce n'est pas un usage commercial". Là le propos de l'auteur est en contradiction avec la licence annoncée, et il y a deux façon de procéder. Soit 1) on considère que c'est la licence qui fait foi, et on ignore les propos contradictoires de l'auteur, soit 2) on considère le tout (licence + propos de l'auteur) comme une affirmation peu claire et donc non fiable. J'ai l'impression que c'est souvent la deuxième attitude qui est choisie dans le monde du libre (en tout cas sur les ML Debian on tombe plus souvent sur le cas 2) ).

    Malheureusement, je ne trouve pas le moyen de les télécharger ce qui semble contraire à la licence CC by 4.0 qui autorise la modification ; si je ne peux pas télécharger ces vidéos, comment pourrais-je les modifier.

    La licence te donne juste un droit sur les données que tu as. Elle n'a aucune incidence sur la façon dont l'auteur distribue les données. L'auteur n'a aucune obligation de te fournir un fichier vidéo en bonne et due forme. Il pourrait même mettre un lien pété, il ne serait en aucune obligation de le réparer.

    Après tu n'es pas sans ignorer que si tu arrives à visualiser la vidéo, c'est qu'elle a été téléchargée quelque part. Alors autrefois il fallait lire le code javascript pour essayer de récupérer le lien direct vers la vidéo, avec les sites de streaming moderne c'est encore plus chiant parce que les sites font du DASH, du coup tu récupères des morceaux de la vidéo, il faut trouver ceux qui sont dans le même format et ensuite il faut reconstruire la vidéo et faire pareil avec l'audio et muxer le tout, c'est pénible.

    Des logiciels comme youtube-dl ou cclive sont de bons exemples du travail pénible qu'il faut faire pour récupérer une vidéo sur un site qui ne laisse pas d'accès direct à celle-ci. L'exemple de youtube-dl est particulièrement parlant pour le cas qui nous occupe, parce que son usage est interdit par les conditions d'utilisation de Youtube. Donc tu as des vidéos sur Youtube qui 1) sont sous licence libre (la CC By est un choix de licence proposé par Youtube), 2) ne sont pas disponibles ailleurs, 3) ne sont pas téléchargeables directement (il faut faire le reverse-engineering du code de Youtube), 4) sont en violation des conditions de youtube si tu les télécharges (via youtube-dl par exemple) parce que les droits donnés dans la licence n'invalident pas les interdits des ToS du site.

    *splash!*

  • # Fin de l'histoire avec Springer

    Posté par  . Évalué à 10.

    Je viens de recevoir une réponse du rédacteur en chef du journal Living Reviews dans lequel est publié l'article sous « double licence » (traduction de mon fait)

    Lorsque la revue a été transférée de MPS à Springer en 2015, tous les auteurs ont également signé un accord écrit pour changer la licence de publication de la licence originale CC BY-NC-ND 3.0 à CC BY 4.0. Ce changement est reflété dans les métadonnées mises à jour et la version HTML de tous les articles. Les PDF ne seront pas modifiés.

    Donc l'article semble bien être sous double licence, à la fois CC BY-NC-ND 3.0 et CC BY 4.0. Cette histoire vient donc de se résoudre presque un an et demi après mon premier courriel.

  • # Publications, open-access, open-science

    Posté par  . Évalué à 10.

    Merci pour ce journal qui me donne l'occasion de donner un peu de contexte sur le business de l'édition scientifique.

    D'abord pour répondre à tes conclusions:
    - oui: c'est indubitablement du libre-washing
    - oui: c'est une nouvelle manière pour l'industrie de l'édition scientifique de générer du profit.

    Mon commentaire ci-dessous aborde un sujet très vaste, très étroitement lié au mode de financement de la recherche et à l'évaluation de celle-ci. Aborder tout ça prendrait trop de temps et je fais donc des raccourcis parfois violents.

    Le processus de publication est le suivant:
    - les chercheurs font de la science (très souvent avec de l'argent public, mais pas exclusivement);
    - ils rédigent un article explicitant leur résultats et l'envoie à une revue scientifique pour que ce soit publié et accessible;
    - la revue fait appel à des rapporteurs bénévoles (la plupart du temps d'autres chercheurs) pour expertiser le travail;
    - l'éditeur vend l'article (au détail ou sous forme d'abonnements exorbitants… 100 M€/an pour la France par exemple) et encaisse le cash.

    Le meilleur business-model au monde. Cette industrie a progressivement privatisé le savoir scientifique, le rendant inaccessible aux scientifiques, journalistes, enthousiastes, etc., sans passer à la caisse. Choses que beaucoup d'universités et d'instituts ne peuvent plus se permettre. Les principaux parrains de ce système sont Elsevier et Springer.

    Mais le choses changent. D'abord grâce à des activistes comme Aaron Swartz que la plupart d'entre vous ici doivent connaître, et que les fanatiques du copyright ont conduit au suicide. Ou encore Alexandra Elbakyan, à l'origine de la plus grande plateforme de partage d'articles scientifique, Sci-Hub ; elle fait également l'objet d'un harcèlement judiciaire par Elsevier, harcèlement auquel collaborent complaisamment la plupart des pays occidentaux, notamment en ordonnant aux fournisseurs d'accès de bloquer ce site (mesure totalement inviolable comme chaun sait, ahem).

    Les choses changent également car les scientifiques ont (tardivement) pris conscience de l'absurdité du système de l'édition, et ont enfin décidé de reprendre les choses en main en lançant l'open-science, qui s'inspire de la philosophie du libre. Cocorico, la France n'est pas en reste sur ce sujet, puisque le ministère de l'enseignement supérieur soutient officiellement ce mouvement. Ne soyons pas naïf non plus hein; si Elsevier ou Springer avaient été des champions Français à la Total, EDF ou autre, cette initiative n'aurait sans doute jamais vue le jour.

    Donc les choses changent, et les éditeurs commences à sentir le souffle chaud du libre dans leurs cou et tentent de se refaire une virginité à grand coup de open-access hybride, modèle qui est clairement déconseillé par le CNRS et, je suppose, également par la plupart des universités et institut nationaux. J'avoue ne pas avoir regardé le détail des licences sous lesquelles ils publient, mais ce que tu relates ne m’étonne pas du tout. Tout est fait pour que ça reste confus.

    Dernière chose: les éditeurs ont le copyright sur le texte et les figures seulement (pas les résultats), et ce pour une durée maximale de 6 mois (ou un an en sciences humaines). Au-delà les auteurs récupèrent les droits et peuvent partager leur article sur une plateforme ouverte. Tu as donc plusieurs façon d'accéder à des publications scientifiques légalement:
    - accéder à la version open-access de l'article via des plateformes comme HAL, ou arXiv,
    - écrire directement à l'auteur de l'article ; à titre personnel, bien que ça n'arrive que rarement je ne refuse jamais ce type de sollicitations.

    Enfin, je recommande très chaudement cette vidéo qui résume parfaitement la situation de l'édition scientifique.

    • [^] # Commentaire supprimé

      Posté par  . Évalué à 10.

      Ce commentaire a été supprimé par l’équipe de modération.

      • [^] # Re: Publications, open-access, open-science

        Posté par  . Évalué à 10.

        Oui en effet, c'est ce que je voulais dire en écrivant que ce problème est très lié au mode de financement de la recherche par projets et l'évaluation de la recherche et des chercheurs. Les deux poussant à sur-publier, d'où l'explosion de revues médiocres et/ou prédatrices, de fraudes scientifiques, de métriques bibliographiques vides de sens (facteur d'impact par exemple) et autres joyeusetés.

        Je partage ton opinion sur le classement de Shangai, à un détail près: à ma connaissance (pour les laboratoires du CNRS en tout cas) il n'est pas utilisé pour déterminer les maigres dotations récurrentes de l'état. Ça c'est en principe le travail de l'HCERES. Mais l'idée générale est la même : les différents gouvernements successifs ne font pas confiance aux instituts nationaux et préfèrent déléguer à des organismes tiers (comme l'ANR par exemple) la responsabilité de choisir quel projet va être financé, en mettant les laboratoires en compétition via des appels à projets hyper sélectifs (10% de réussite en moyenne). Ça représente des milliers d'heures de fonctionnaires perdues chaque année.

        Maintenant, en informatique tout du moins, la plupart des auteurs mettent les articles à disposition. Il diffère de l'article publiée dans la revue en portant souvent la mention draft ou autre, mais c'est juste pour des raisons légales.

        Absolument. Ce sont les "pre-print", c'est-à-dire la version de l'article tel qu'envoyé à l'éditeur. Pour ça, arXiv et HAL sont une bonne source également.

        • [^] # Re: Publications, open-access, open-science

          Posté par  . Évalué à 8.

          Je partage ton opinion sur le classement de Shangai, à un détail près: à ma connaissance (pour les laboratoires du CNRS en tout cas) il n'est pas utilisé pour déterminer les maigres dotations récurrentes de l'état.

          Les projets de rapprochement actuels (IDEX, Isite, etc.), qui touche toutes les universités, n'ont officiellement qu'un seul but : améliorer le classement de Shangai en regroupant des établissements, car la taille compte beaucoup dans ce classement.

          Le gouvernement conditionne un gros paquet de pognon à l'obtention ces « labels » IDEX/Isite, dont les établissements dépendent, car déjà au bord de l’asphyxie budgétaire.

          Au final ces crédits « non récurrents » deviennent nécessaire… et donc les universités et organismes bataillent dur pour qu'ils soient reconduit d'années en années… et de fait, ça devient plus ou moins du récurrent.

          C'est sûr que juste payer les chercheurs pour faire leur taf serait nettement plus efficace, mais il faut que ce service public ne fonctionne pas pour pouvoir le détruire sans douleurs. Sinon les gauchistes vont gueuler, et les français les écouter, ça n'irait pas.

          • [^] # Re: Publications, open-access, open-science

            Posté par  . Évalué à 4.

            Les projets de rapprochement actuels (IDEX, Isite, etc.), qui touche toutes les universités, n'ont officiellement qu'un seul but : améliorer le classement de Shangai en regroupant des établissements, car la taille compte beaucoup dans ce classement.

            Le gouvernement conditionne un gros paquet de pognon à l'obtention ces « labels » IDEX/Isite, dont les établissements dépendent, car déjà au bord de l’asphyxie budgétaire.

            Très juste en effet.
            Concernant ce classement, dont les biais méthodologiques sont clairement démontrés, ça me rappelle la réponse d'un collègue à un autre, lors d'une soutenance de thèse:
            - mais ce modèle: il n'est pas un peu faux ?
            - il est peut-être faux, mais il a le mérite d'exister et d'être simple.

            -> imparable.

  • # Différents types d’éditeurs scientifiques

    Posté par  (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 10. Dernière modification le 22 avril 2021 à 21:02.

    Ces deux expériences, chez des éditeurs différents, me font penser que ces revues en libre accès ne sont que du libre washing, c’est-à-dire que les éditeurs y voient une nouvelle source de revenu (il faut payer pour publier) sans rien comprendre aux différentes licences comme les réponses que j’ai obtenues le laisse penser.

    Cela n’étonnera personne connaissant un peu le milieu de la recherche, surtout venant de Springer. C’est bien connu que les grosses boites d’édition scientifique ont adopté l’accès gratuit pour les lecteurs comme une variante de leur modèle économique plus conventionnel basé sur l’abonnement, et qu’elles suivent un peu le mouvement du libre accès uniquement parce qu’elles en tirent des bénéfices.

    Ces deux modèles de publication sont d’ailleurs habilement utilisés de concert. Par exemple, quand un article est rejeté sans peer review dans un journal comme Nature parce que l’éditeur (au sens « la personne qui décide si l’article sera envoyé à des reviewers », pas au sens « la maison d’édition » ; c’est embêtant qu’en français on n’ait pas deux mots pour publisher et editor) décide que l’article ne présente rien d’assez important ou nouveau pour être publié dans ce journal, les auteurs se voient souvent proposer de transférer leur article à Nature Communications avec la garantie qu’il sera envoyé au peer review par cet autre journal. La différence, c’est que si l’article est publié dans Nature les auteurs ne payent rien mais les lecteurs doivent avoir un abonnement, alors que pour Nature Communications l’accès est gratuit pour les lecteurs mais il y a des APC (article processing charges : des frais conséquents de l’ordre de plusieurs milliers d’euros par article) à la charge des auteurs si l’article est accepté après peer review. Donc l’éditeur (cette fois au sens publisher, maison d’édition) se sert de son journal prestigieux où tout le monde veut publier comme d’un rabatteur vers son journal open access un peu moins prestigieux mais où les auteurs seront quand même contents de payer pour avoir le mot « nature » dans le titre du journal.

    La situation des licences est probablement plus claire chez les éditeurs dont l’accès libre est le modèle principal. Par exemple les journaux de PLOS, eLife, certains journaux édités par des sociétés savantes comme l’IUCR, etc.

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