C'est une étude académique très prospective pour de futurs systèmes de télécommunications, "géo"localisation et navigation. Même s'il n'y a pas d'humains, il y aura des robots (satellites, sondes, rovers…). Mais c'est intéressant même si rien de grandiose, genre SF muskienne, n'arrive de ce point de vue-là.
Sur Terre on a le système UTC : le temps atomique mais avec des corrections (secondes intercalaires) relatives à la rotation de la Terre.
D'après ce que je comprends, le NIST se demande ici comment on pourrait définir des systèmes de temps pour la Lune et pour Mars, et synchroniser tous ces systèmes entre eux. Surtout que non seulement ils ont des ticks différents mais en plus ça varie au fil du temps : en particulier pour Mars dont l'orbite est relativement excentrique, les ticks sont influencés au fil de l'année martienne par l'attraction variable du Soleil (l'article rappelle que c'est 99 % de la masse du système solaire !). C'est beaucoup plus difficile que de synchroniser l'heure dans les gares européennes (Einstein examinait en particulier ce genre de brevets quand il travaillait à l'Office des Brevets à Berne)…
Posté par Maderios .
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Dernière modification le 04 décembre 2025 à 14:37.
On dirait que, dans le titre de l'article, et seulement dans le titre, ils confondent "temps" et "durée" (=sens de la durée pour les humains). Ils auraient pu titrer "Pourquoi le temps atomique ne s’écoule pas au même rythme sur Mars et sur Terre", j'aurais mieux compris. Ou bien, c'est une histoire de convention et dans ce cas là, j'ai tout faux. https://fr.wikipedia.org/wiki/Temps_atomique_international
Parmi les candidates , on trouve l’Équation de Wheeler-DeWitt. Sa particularité ? Elle ne fait aucune mention du temps.
Si cette équation (ou une autre équivalente) s’avère correcte, cela impliquerait que le temps n’est pas une propriété fondamentale de l’univers. Ce serait un concept émergent… ou même une illusion.
Non. Il n'y a rien d'absurde à penser que le temps est un phénomène émergent, comme la température par exemple, et non une propriété intrinsèque de la réalité.
J’en aurais bien discuté. Mais il paraît que je n’ai plus le temps. Il aurait disparu :-)… Vous l’aurez compris nos épistémologie diffèrent radicalement. Et comme il s’agit de conceptions plus philosophiques que physiques… Pour moi la physique décrit le matériel. Un peu à la manière d’une carte. Elle ne doit pas être confondue avec son objet. Affirmer que l’on peut faire la physique sans concept de temps est donc, dans cette ligne épistémologique, radicalement différent de la prétention à la non existence du temps.
Affirmer que l’on peut faire la physique sans concept de temps
Ce n'est pas ce qui est dit. Et considérer que la physique « décrit le matériel » (par opposition à la philosophie ?) me paraît être une conception désuète voire erronée. Je te renvoie à la page Wikipedia qui en donne une définition correcte tout en décrivant son évolution.
J'ai par ailleurs donné les liens qui expliquent que le concept de temps est différent dans les différentes branches de la physique.
L'analogie dans un autre commentaire avec la température est assez pertinente.
En tout cas merci d'avoir tenter de m'apprendre mon métier. C'est toujours sympa.
Oh le vilain argument d'autorité.
Ce que je dis est peut-être complètement absurde, bien que j'ai abondamment sourcé mes dires, mais la moindre des choses serrait de m'en faire une démonstration argumentée ou de suspendre la discussion. La première phrase était à ce titre amplement suffisante.
« La première phrase était à ce titre amplement suffisante. »
Incertain. n'était-ce pas déjà la troisième fois qu'en substance j'écrivais que nous ne nous comprenions pas ? Et que vous persistiez dans la même direction ? J'ai toujours été lamentable en expression écrite.
Le but de la discussion est justement de lever les incompréhensions mutuelles.
Dommage j'aurais aimé comprendre en quoi « …le temps n’est pas une propriété fondamentale de l’univers. Ce serait un concept émergent… ou même une illusion. » était une conclusion absurde.
Je te renvoie à la page Wikipedia qui en donne une définition correcte tout en décrivant son évolution.
Internet reste un endroit marrant, on peut y trouver des personnes expliquant à un enseignant-chercheur en physique ce qu'est … la physique. Je ne m'en lasserai jamais. :-)
Cela étant dit, je ne serai pas contre le fait que Pierre-Matthieu développe ce qu'il entend lorsqu'il dit qu'elle décrit le matériel et que l'on ne doit pas la confondre avec son objet. Afin de la rassurer, je lui accorde qu'il a du temps, celui-ci n'ayant pas disparu, ma position epistémologique étant que cela rendrait les physiciens-mathématiciens dans l'incapicité de faire des mathématiques (pour *schématiser leur concept mathématiques, ils ont besoin des formes pure de l'intuition sensible humaine que sont l'espace et le temps).
Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières.
Il faut avouer que le mot « matériel » est effectivement mal choisi. « la physique décrit le physique » serait plus juste mais sujet à critique au titre de la tautologie, en cours je choisi plutôt de parler de science naturelle ; là encore une terminologie qui serait sujette à controverses. Qu'importe la formulation plus ou moins appropriée du nom de l'objet ici car le propos porte sur le terme central : décrire. Ma perception, parait-il dans la lignée de N. Bore (ou de Magritte), serait que la physique n'est qu'une description de la réalité et, aussi précise et prédictive soit-elle, ne doit en aucun cas être confondue avec cette dernière. Les soudards et les amateurs de science fiction le savent : « la carte n'est pas le territoire. »
Autrement dit encore, la physique produit des modèles décrivant --- Dieu merci, à l'aide essentiellement des mathématiques, depuis l'époque galiléenne --- la nature. Remarquons que ce faisant elle déforme ou précise souvent le sens des mots des langages vernaculaires sur lesquelles elle s'appuie.
Un exemple simple illustrera peut-être cette idée. Chacun sait que les termes empiriques « chaud » et « froid » recouvrent deux notions thermodynamiques fort différentes : celle de température, et celle de puissance calorifique échangée. Devrait-on pour autant s'abstenir de prévenir celui qui s'apprête à plonger que l'eau est « froide » (puissance) alors-même qu'elle est plus « chaude » (température) que l'air qui nous entoure ?
Dans le cas du temps comme de la chaleur, il me paraît aberrant de nier les réalités décrites par la langue au titre de la précision du jargon scientifique. Oui, certains modèles physiques (pas ceux que j'utilise) peuvent se passer de la notion de temps ? Et alors ?
Alors, soit on cherche à lire dans les modèles LA vérité, c'est à mon sens une confusion entre carte et territoire, et l'on affirmera « le temps n'existe pas.» Ou l'on considère les modèles comme de magnifiques constructions de l'esprit et de la logique, aux domaines d'applications limités, et destinés à être remplacés par d'autres modèles, et l'on se contentera de s'émerveiller ou de s'étonner qu'il soit possible d'établir un description de la nature sans y faire intervenir le temps.
Même si la première posture est fort courante, j'avoue ne pas du tout la comprendre, tant elle est aux antipodes de ce que je pratique et enseigne. À cause d'un esprit étriqué ? Tout au plus puis-je concéder que ma propre épistémologie n'est probablement pas plus fondée ; je ne suis pas philosophe.
Alors, soit on cherche à lire dans les modèles LA vérité, c'est à mon sens une confusion entre carte et territoire, et l'on affirmera « le temps n'existe pas.»
On te parle de la possibilité que le temps soit une propriété émergente de la réalité et toi tu réponds comme si on avait affirmé que le temps n'existe pas. Ok. Ça t'a permis de placer ta réplique et, accessoirement, de mettre en avant ta supériorité sur ce sujet mais au prix d'un échange peu constructif.
Toute personne avec un minimum de culture scientifique sait très bien que les modèles ne sont que des représentations, au mieux utiles, de la réalité, représentations destinées tôt ou tard a être remplacées par des plus précises (et quand bien même elles seraient "justes", on n'a aucun moyen d'en être sûr) ; ce n'est pas le débat même si toi tu t'es obstiné à le centrer là-dessus.
Prendre comme référence notre perception (via le cerveau) de la réalité devrait logiquement nous conduire à en déduire, par exemple, que la température¹ est une propriété intrinsèque de la nature alors qu'il est très probable que ce soit faux. Ça ne me paraît pas une approche plus raisonnable que de croire que les modèles sont la vérité de la nature.
¹Pour ce qui est du temps, je n'ai pas d'opinion mais le biais potentiel est le même. J'ai évidemment du mal à imaginer que le temps ne serait qu'une illusion mais pour ce qui est de l'émergence, ça ne me paraît pas si absurde : temps => causalité ou causalité => temps ?
Internet reste un endroit marrant, on peut y trouver des personnes expliquant à un enseignant-chercheur en physique ce qu'est … la physique. Je ne m'en lasserai jamais. :-)
Comme réponse à quelqu'un qui cite un lien sur Wikipedia, c'est vachement constructif.
Internet reste un endroit marrant, on peut y trouver des personnes expliquant à un enseignant-chercheur en physique ce qu'est … la physique.
Second appel à l'argument d'autorité, c'est lassant… Je ne lui ai rien expliqué et je sais bien qu'il est physicien, je voulais qu'il m'explique sa définition de la physique (c'est fait merci) afin que nous puissions nous comprendre.
ma position epistémologique étant que cela rendrait les physiciens-mathématiciens dans l'incapicité de faire des mathématiques
C'est marrant cette tendance à prendre les choses au pied de la lettre et de manière caricaturale tout en invoquant l’épistémologie et en écartant la philosophie :-D
Il n'est pas question de faire disparaître le concept temps mais de l'interroger et de se demander si derrière les apparences issues de l'intuition ne se cache pas une réalité totalement différente.
Posté par kantien .
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Dernière modification le 05 décembre 2025 à 17:08.
Second appel à l'argument d'autorité, c'est lassant…
Ce n'est pas cela un appel à l'argument d'autorité. ;-) Un argument d'autorité eut été de dire que Pierre-Matthieu a raison de qualifier la conclusion d'absurde parce qu'il est enseignant-chercheur en physique. Ce qui n'a rien à voir avec ce que j'ai dit. Je trouvais juste amusant que tu sous-entendes qu'il ne connaissait pas l'état actuel de la physique (« Et considérer que la physique « décrit le matériel » (par opposition à la philosophie ?) me paraît être une conception désuète voire erronée. ») et de lui proposer une fiche wikipédia pour l'instruire.
C'est marrant cette tendance à prendre les choses au pied de la lettre et de manière caricaturale tout en invoquant l’épistémologie et en écartant la philosophie :-D
C'est marrant cette tendance à invoquer l'épistémologie et la philosophie tout en ignorant cette discipline: :-D
Je préfère me citer de manière non tronquée ;-)
ma position epistémologique étant que cela rendrait les physiciens-mathématiciens dans l'incapicité de faire des mathématiques (pour schématiser leur concept mathématiques, ils ont besoin des formes pure de l'intuition sensible humaine que sont l'espace et le temps).
Le texte entre parenthèse étant une référence à la conception kantienne de l'espace et du temps telle qu'exposée dans la Critique de la raison pure. Mais peut être n'est-ce pas là un ouvrage de philosophie ni d'épistémologie ? D'ailleurs, d'après Wikipédia, le terme épistémologie fut introduit en français à la suite de la traduction d'un ouvrage de Bertrand Russell :
L'introduction en 1901 du mot « épistémologie » en français résulte d'un emprunt à l'anglais epistemology à l'occasion de la traduction de l'Essai sur les fondements de la géométrie de Bertrand Russell, le mot anglais ayant été lui-même formé pour traduire l'allemand Wissenschaftslehre, désignation par le philosophe postkantien Johann Gottlieb Fichte de sa propre philosophie comme Doctrine de la science.
Fichte étant lui-même un disciple de Kant mais qui, de mon point de vue, s'est égaré dans le transcendant (au-delà des limites de l'expérience) faisant fi des limites posées par son maître dans la Critique. Quoi qu'il en soit, la Doctrine de la science de Fichte est sa version de ce que Kant entreprit dans la Critique, et Russell appellait epistemology la démarche initiée par Kant dans sa philosophie.
Soit dit en passant, si nous avons aujourd'hui l'ordinateur c'est en partie grâce à Kant et une thèse qu'il a soutenu dans la Critique :
Les jugements mathématiques sont tous synthétiques. Cette proposition semble avoir échappé jusqu’ici à l’observation de tous ceux qui ont analysé la raison humaine, et elle paraît même en opposition avec toutes leurs suppositions ; elle est pourtant incontestablement certaine, et elle a une grande importance par ses résultats. En effet, comme on trouvait que les raisonnements des mathématiques procédaient tous suivant le principe de contradiction (ainsi que l’exige la nature de toute certitude apodictique), on se persuadait que leurs principes devaient être connus aussi à l’aide du principe de contradiction, en quoi l’on se trompait ; car si le principe de contradiction peut nous faire admettre une proposition synthétique, ce ne peut être qu’autant qu’on présuppose une autre proposition synthétique, d’où elle puisse être tirée, mais en elle-même elle n’en saurait dériver.
Kant, Critique de la raison pure
Le mathématicien et philosophe Gottlob Frege voulu la réfuter en développant son idéographie et la théorie des ensembles dites de Cantor-Frege pour montrer que la seule logique était suffisante pour fonder l'arithmétique. Cette dernière s'avéra contradictoire, ce qui mit un peu le bordel au sein de la communauté mathématique. C'est de cette contradiction que sortie le deuxième problème de Hilbert, puis plus tard son problème de la décision, problème qui reçu une réponse négative de la part de Turing via son problème de l'arrêt.
Cette thèse fait partie ce qu'il est convenu d'appelé philosophie kantienne des mathématiques au même titre que sa doctrine de l'espace et du temps et sa théorie du schématisme que j'ai brièvement résumé dans mon précédent message par : pas de temps, pas de mathématiques et, a fortiori, pas de physique théorique. Les notions d'espace et de temps n'ont pas la même origine que celle de la température.
On voit par tout cela ce que contient et représente le schème de chaque catégorie : celui de la quantité, la production (la synthèse) du temps lui-même dans l’appréhension successive d’un objet ; celui de la qualité, la synthèse de la sensation (de la perception) avec la présentation du temps, ou ce qui remplit le temps; celui de la relation, le rapport qui unit les perceptions en tout temps (c’est-à-dire suivant une règle de la détermination du temps) ; enfin le schème de la modalité et de ses catégories, le temps lui-même comme corrélatif de l’acte qui consiste à déterminer si et comment un objet appartient au temps. Les schèmes ne sont donc autre chose que des déterminations à priori du temps faites d’après certaines règles ; et ces déterminations, suivant l’ordre des catégories, concernent la série du temps, le contenu du temps, l’ordre du temps, enfin l’ensemble du temps par rapport à tous les objets possibles.
Kant; Critique de la raison pure
La schématisation c'est ce qui permet à un physicien d'appliquer au réel, dans une connaissance expérimentale, des concepts que, pourtant, ils n'empruntent pas à l'expérience (comme le sont tous les concepts mathématiques).
Essaye, par exemple, de développer une théorie de la complexité algorithmique sans poser au fondement les intuitions pures de l'espace et du temps. ;-)
Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières.
Il n'est pas question de faire disparaître le concept temps mais de l'interroger et de se demander si derrière les apparences issues de l'intuition ne se cache pas une réalité totalement différente.
J'ai oublié de répondre à ce point. Assurèment, pour un kantien, il se cache quelque chose derrière les apparences de l'intuition, mais cette chose sera à jamais inconnaissable et est ineffable : c'est la chose en soi. Aucune science, et certainement pas la physique, ne pourra nous renseigner sur ce qu'elle est. Non que je critique les théories qui cherchent à unifier la gravitation relativiste et la physique quantique, mais à chaque fois que les physiciens cherchent à les traduire dans le language vernaculaire, je trouve leur traduction douteuse.
Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières.
il se cache quelque chose derrière les apparences de l'intuition, mais cette chose sera à jamais inconnaissable et est ineffable : c'est la chose en soi. Aucune science, et certainement pas la physique, ne pourra nous renseigner sur ce qu'elle est.
Intuitivement, j'ai plutôt envie de dire que la physique pourrait un jour évoluer vers une théorie représentant la réalité telle qu'elle est, mais qu'on ne pourra jamais en être sûr. Dis autrement, pour moi la réalité n'est pas forcément inconnaissable (au sens inaccessible), ce qui serait inaccessible, c'est savoir si une théorie la décrit telle qu'elle est (quand bien même sa cohérence avec tous les observables serait totale).
Du coup, dans la phrase (ou citation) de Voltairine :
Si cette équation (ou une autre équivalente) s’avère correcte, cela impliquerait que le temps n’est pas une propriété fondamentale de l’univers. Ce serait un concept émergent… ou même une illusion.
c'est l'expression "s’avère correcte" qui pose problème car cela n'arrivera jamais. La seule conclusion qu'on peut en tirer est ce que ça impliquerait pour le temps… dans la théorie.
Au final, et contrairement à ce que j'ai cru comprendre à tort, ce n'est pas tant le fait que le temps puisse être un phénomène émergeant (voire même une illusion) que PMA trouve absurde (c'est peut-être le cas mais il me semble maintenant que ce n'était pas l'objet de son commentaire), mais le fait qu'on puisse espérer le déduire d'une théorie.
J'ai cru comprendre qu'il privilégiait notre intuition du réel et j'ai voulu répondre (en d'autres termes) que si la carte n'était certes pas le territoire, notre perception du réel n'était pas davantage le territoire (même pour un non-A).
Après, il me semble qu'il est quand même acceptable de parler des conséquences d'une théorie sans avoir à préciser à chaque fois que la réalité est inconnaissable (du moins face à un auditoire qui a assimilé ce fait). Et j'imagine que tous les physiciens pratiquent ainsi. Du coup, la réponse à Voltairine est quand même un peu "élitiste", non ?
Du coup, la réponse à Voltairine est quand même un peu "élitiste", non ?
Sans doute, c'est pour cela que dans mon premier message je proposais à Pierre-Matthieu de développer sa pensée pour que l'on comprenne ce qu'il voulait dire.
Mais, autant que je le comprennes, sa position epistémologique est assez classique et pas spécialement propre à Niels Bohr. Elle est commune à l'ensemble des physiciens, Einstein y compris, et pourtant leurs différends épistémologiques ont fait des étincelles. ;-)
Dans son recueil de texte intitulé Comment je vois le monde, on trouve un article qu'Einstein a écrit sur la philosophie de Russell. On peut y trouver cette citation tirée de An inquiry into Meaning and Truth :
Nous commençons tous avec le réalisme naïf, c'est-à-dire avec la doctrine que les objets sont tels qu'ils paraissent. Nous admettons que l'herbe est verte, que la neige est froide et que les pierre sont dures. Mais la physique nous assure que le vert des herbes, le froid de la neige et la dureté des pierres ne sont pas le même vert, le même froid et la même dureté que nous connaissons par notre expérience, mais quelque chose de totalement différent. L'observateur qui prétend observer une pierre observe, en réalité, si nous voulons ajouter foi à la physique, les impressions des pierres sur lui-même. C'est pourquoi la science paraît être en contradiction avec elle-même; quand elle se considère comme étant extrêmement objective, elle plonge contre sa volonté dans la subjectivité. Le réalisme naîf conduit à la physique, et la physique montre de sno côté, que ce réalisme naîf, dans la mesure où il reste conséquent, est faux. Logiquement faux, donc faux.
Russell, An inquiry into Meaning and Truth.
Après avoir cité Russell, Einstein ajoute ce commentaire : « Mise à part leur parfaite formulation, ces lignes expriment quelque chose à laquelle je n'avais jamais songé ». C'est ce réalisme naïf que la physique rejette et contre lequel un enseignant en physique doit prémunire ses étudiants.
Cette idée, Russell la développe en longueur et d'une façon extrêmement clair dans son ouvrage Les problèmes de philosophie en particulier dans son premier chapitre Apparence et réalité.
Cela vaut tout autant pour la température. Henri Poincaré traite cette problématique philosophique à sa façon dans La science et l'hypothèse, en particulier dans son chapitre sur la mécanique classique. Traitant du problème de ce qu'il nomme la mécanique anthropomorphique (là où Russell parle de réalisme naîf), on peut lire :
Ce qui importe, ce n’est pas de savoir ce que c’est que la force, c’est de savoir la mesurer.
Tout ce qui ne nous apprend pas à la mesurer est aussi inutile au mécanicien, que l’est, par exemple, la notion subjective de chaud et de froid au physicien qui étudie la chaleur. Cette notion subjective ne peut se traduire en nombres, donc elle ne sert à rien ; un savant dont la peau serait absolument mauvaise conductrice de la chaleur et qui, par conséquent, n’aurait jamais éprouvé, ni sensations de froid, ni sensations de chaud, pourrait regarder un thermomètre tout aussi bien qu’un autre, et cela lui suffirait pour construire toute la théorie de la chaleur.
Poincaré, La science et l'hyptothèse
Autrement dit, un être humain pourrait être totalement dépourvu de toute sensation de chaud et de froid, cela ne empêcherai pas de développer la notion de température. Notion qui nécessite, tout de même, de poser au fondement les intuitions de l'espace et du temps : c'est une mesure statistique d'agitation des molécules, c'est-à-dire du mouvement, et un mouvement sans espace ni temps est vide de sens.
Pour revenir au thème original du journal, on pourra aussi lire un autre ouvrage de Poincaré : La valeur de la science. On y trouve au chapitre sur la Crise actuelle de la physique mathématique, un exposé sur la théorie du temps local de Lorentz et la synchronisation des horloges par des rayons lumineux. Théorie qui donnera par la suite la fameuse relativité restreinte d'Einstein.
Je manque de temps pour développer ce que je souhaite, je continuerais donc dans un autre commentaire. Mais avant cela, je voudrais ajouter une dernière chose.
Au final, et contrairement à ce que j'ai cru comprendre à tort, ce n'est pas tant le fait que le temps puisse être un phénomène émergeant (voire même une illusion) que PMA trouve absurde (c'est peut-être le cas mais il me semble maintenant que ce n'était pas l'objet de son commentaire), mais le fait qu'on puisse espérer le déduire d'une théorie.
Je partage son point de vue là-dessus. Il me faudra, comme Russell, faire une enquête sur la signification et la vérité. Cela me permettra, au passage, de reprendre notre discussion sur l'axiomatisation de la physique. Dans l'article que je t'avais donné, il y avait deux symboles utilisés : ⊢ et ⊨. Le premier concerne ce que l'on peut prouver et le second traite de la sémantique, c'est-à-dire de la signification et de la vérité. Les énoncés peuvent ne pas évoquer le temps, mais pour leur donner un sens, parler de vérité, il faut les interpréter et c'est dans ce passage (le ⊨) qu'interviennent les intuitions pures de l'espace et du temps, ce que Kant appelait la schématisation des concepts (et c'est aussi là que se trouvent ce que tu appellais les postulats de la physique quantique, et non dans les axiomes, qui eux sont concernés par la déduction et le ⊢).
J'espère trouver du temps d'ici la fin du week-end pour revenir là-dessus.
Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières.
J'ai perdu une occasion de me taire, et c'est encore un cas où l'on se rend compte qu'il est plus simple de promettre que de tenir. Le temps m'a manqué ce week-end, et même là, en ayant réfléchi à ce que voulais dire, j'ai du mal à faire le tri dans ce que je dois garder et ce que je dois exposer. Je tente tout de même l'essai, en espérant ne pas m'avancer trop loin dans l'abstraction (la philosophie kantienne est éminemment abstraite).
Comme j'ai été mal compris sur que l'on entend par chose en soi (mais je m'y attendais), et que cela a trait à la question qu'est-ce que la réalité ?, je me dois de revenir en premier lieu sur ce que les kantiens entendent par réalité. La discussion ayant pour origine un théorie d'unification de la physique, je vais citer un passage d'un livre sur la physique quantique :
Songeons à une pierre. C'est un objet qui existe « pleinement » au sens où nous n'hésitons pas à lui attribuer par la pensée des propriétés bien définies : une taille, une forme, une couleur qui sont ce qu'elles sont, même en l'absence d'observateur. Les objets quantiques, eux, ne semblent pas pouvoir être considérer de la sorte puisque leur propriétés ne sont pas toujours déterminées antérieurement à la mesure qui en est faite.
Étienne Klein, Petit voyage dans le monde des quanta, Flammarion p. 90
Alors au risque de vous surprendre (et peut être de me prendre pour un fou, mais j'ai l'habitude ;-), dans ce texte, ce qui me dérange n'est pas ce qu'il dit des objets quantiques, mais bien ce qu'il dit de la pierre. Non seulement j'hésite à la doter de tels attributs, mais en plus je le nie farouchement ! Partant, j'ai un avantage sur nombre de physiciens (la plupart sont ce que Kant appelait des réalistes transcendentaux, ils attribuent ces propriétés à la pierre), c'est que les objets soumis aux principes de la relativité générale ou les objets quantique sont traités de manière homogène : ils n'ont aucune existence en dehors du rapport à l'expérience.
Dans ce court extrait, un malentendu peut survenir du fait de l'ambiguité de l'expression « en l'absence d'observateur ». En effet, celle-ci peut ou bien signifier la non présence effective d'un personne observant la pierre, ou bien signifier faire abstraction de tout rapport à l'observation (que celle-ci soit effective ou potentielle). C'est sous cette deuxième signification que les kantiens parlent de la chose en soi : les objets, qui nous apparaissent comme spatio-temporellemt déterminés ou determinables dans l'expérience, sont cette fois considérés (dans la pensée) non dans leur rapport à notre perception, mais en eux-mêmes, c'est-à-dire en soi. Vient alors la question : ces attributs, dont je dote la pierre comme objet d'expérience possible, lui reviennent-ils aussi, lorsque je la considère en soi ? À cette dernière, les kantiens répondent par la négative.
Mais s'il y a une connaissance possible des choses en soi (ce que les kantiens nient aussi), elle ne peut relever de la physique, qui n'a pour objet que des phénomènes, c'est-à-dire des objets considérés dans leur rapport à une expérience possible, et non des choses en soi. C'est ce que voulais dire lorsque j'ai écrit :
Assurèment, pour un kantien, il se cache quelque chose derrière les apparences de l'intuition, mais cette chose sera à jamais inconnaissable et est ineffable : c'est la chose en soi.
Pour un exposé plus détaillé sur l'origine des intuitions de l'espace et du temps, il faut lire le chapitre sur l'esthétique transcendentale de la Critique de la raison pure. Chapitre dans lequel, Kant écrit entre autre :
le concept transcendental des phénomènes dans l’espace nous suggère cette observation critique que rien en général de ce qui est perçu dans l’espace n’est une chose en soi, et que l’espace n’est pas une forme des choses considérées en elles-mêmes, mais que les objets ne nous sont pas connus en eux-mêmes, et que ce que nous nommons objets extérieurs consiste dans de simples représentations de notre sensibilité, dont l’espace est la forme, mais dont le véritable corrélatif, c’est-à-dire la chose en soi, n’est pas et ne peut pas être connu par là. Aussi bien ne s’en enquiert-on jamais dans l’expérience.
Ici, c'est moi qui est graissé. Lorsque tu dis :
j'ai plutôt envie de dire que la physique pourrait un jour évoluer vers une théorie représentant la réalité telle qu'elle est, mais qu'on ne pourra jamais en être sûr. Dis autrement, pour moi la réalité n'est pas forcément inconnaissable (au sens inaccessible), ce qui serait inaccessible, c'est savoir si une théorie la décrit telle qu'elle est (quand bien même sa cohérence avec tous les observables serait totale).
je te répondrais que les kantiens considérent que la physique nous représentent bien la réalité telle qu'elle est, à condition de se restreindre par là à la réalité phénoménale; réalité qui alors, comme elle n'est considérée que comme un objet d'expérience possible, est nécessairement soumise aux pures formes de l'intuition humaine que sont l'espace et le temps. Néanmoins, si l'on cherche à savoir quelles sont ces choses qui nous apparaissent dans l'espace et dans le temps, alors d'une part on ne le saura jamais, et d'autre part ce n'est pas l'objet de la physique comme science.
Kant, dans toute sa philosophie, s'est concentré sur deux problèmes centraux : quelle est l'origine de nos intuitions et de nos concepts (empirique ou a priori) ? quelles sont les limites de leur usage légitime (immanent ou transcendant) ? À la première, en bon rationaliste, il répond que certaines intuitions (espace et temps) et certains concepts (les catégories) ont leur origine a priori dans notre faculté de connaître, mais que tout usage transcendant (au-delà des limites de l'expérience possible) est illégitime. Ainsi, lorsque l'on cherche à attribuer des propriétés spatio-temporelles à la pierre en soi, ou même à considérer le temps comme un concept émergeant d'une réalité connaissable en soi, je réponds comme le satellite de 2PetitsVerres : ILLEGAL CPU INSTRUCTION :-D
Je dois m'arrêter là pour le moment. Je pourrais reprendre l'écriture de mon commentaire plus tard, et poster le tout en un seul message, mais je préfère envoyer déjà cet éclaircissement préliminaire et rédiger plus tard (si cela intéresse quelqu'un) ce que je m'étais engagé à faire sur le traitement de la signification et de la vérité, là où apparaît la nécessité de poser l'espace et le temps comme intuitions primitives pour faire des mathématiques. En attendant, ceux intéressés pourront consulter cette brochure sur l'initiation à l'histoire des mathématiques et lire les deux textes de Einstein et Kant aux pages 6 et 7, textes auxquels je rajouterais celui-ci :
Des pensées sans contenu sont vides, des intuitions sans concepts sont aveugles. Par conséquent, il est tout aussi nécessaire de rendre sensibles ses concepts (c’est-à-dire de leur adjoindre l’objet dans l’intuition) que de se rendre intelligibles ses intuitions (c’est-à-dire de les subsumer sous des concepts). Les deux pouvoirs ou capacités ne peuvent pas non plus échanger leurs fonctions. L’entendement ne peut rien intuitionner et les sens ne peuvent rien penser. C’est seulement dans la mesure où ils se combinent que peut se produire de la connaissance.
Kant, Critique de la raison pure
En logique, le taquet ⊢ traite des jugements (formés à partir des concepts) dans leur rapports respectifs tandis que le ⊨ leur adjoint une intuition sans laquelle il resterait vide, sans signification et sans rapport à la vérité. C'est dans ce rapport à l'intuition qu'interviennent l'espace et le temps, par l'interprétation algorithmique des mathématiques, d'où mon clin d'oeil à la théorie de la complexité algorithmique dans un précédent message.
Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières.
Oui, les gens vont te prendre pour fou (: mais en reprenant la remarque selon laquelle ce n’est pas parce qu’on n’entend ou ne voit pas l’arbre qui tombe quelque part en Amazonie que ça veut dire que cet arbre n’existe pas, on est en train de faire aussi la distinction entre l’objet observé et l’objet en soi…?
Et je crois comprendre que par rapport à notre ami physicien, tu estimes que la Physique décrit la réalité (mais pas La réalité avec majuscule, mais un aspect d’une réalité multifacette et multiforme —tiens, puis-je dire qu’elle est multidimensionnelle…?) Auquel cas, je vous déclare réconciliés : l’un dit que sa science ne décrit pas la réalité [perçue par les vulgaires mortels], tandis que l’autre dit que cette science décrit bien une réalité [scientifique] ;)
Je m’arrête avant de me perdre avec l’aide de la grande fatigue.
“It is seldom that liberty of any kind is lost all at once.” ― David Hume
mais en reprenant la remarque selon laquelle ce n’est pas parce qu’on n’entend ou ne voit pas l’arbre qui tombe quelque part en Amazonie que ça veut dire que cet arbre n’existe pas, on est en train de faire aussi la distinction entre l’objet observé et l’objet en soi…?
J'ai bien envie de te répondre de remplacer l'arbre par le chat de Schrödinger. ;-)
Mais sinon, non, on n'est pas dans la distinction objet observé et objet en soi. C'est toujours la première acception comme absence effective d'observateur, et non celle d'abstraction du rapport à un observateur.
Mais Kant avait tout prévu pour moi. En réalité, il a reçu les mêmes objections, auxquelles il a répondu par :
Bien avant Locke déjà, mais surtout depuis, on admettait et on accordait généralement que l’on peut dire, sans préjudice de l’existence réelle de choses extérieures, d’une multitude de leurs prédicats, qu’ils ne font point partie de ces choses considérées en elles-mêmes, qu’ils n’appartiennent qu’à leurs phénomènes, et n’ont aucune existence propre en dehors de notre représentation. De ce nombre étaient la chaleur, la couleur, la saveur, etc. Si j’y ajoute par de bonnes raisons le reste des qualités des corps, qu’on appelle premières, l’étendue, le lieu, et en général l’espace avec tout ce qui en dépend (impénétrabilité ou matérialité, forme, etc.), et que je mette tout cela au nombre des simples phénomènes, c’est à quoi on ne pourra trouver raisonnablement à redire. Et de même que celui qui ne regarde pas les couleurs comme des propriétés qui fassent partie de l’objet même, mais comme des modifications qui tiennent au sens de la vue, ne peut cependant point s’appeler idéaliste, de même ma doctrine ne peut être traitée d’idéalisme par le seul fait que je trouve qu’un plus grand nombre de propriétés des corps, que toutes les propriétés même qui constituent l’intuition d’un corps, n’appartiennent qu’à son phénomène ; car l’existence de la chose qui apparaît n’est point par là même supprimée, comme dans le véritable idéalisme ; mais par là on fait voir seulement qu’on ne peut absolument pas connaître par les sens la chose telle qu’elle est en soi.
Là quant il parle de Locke, c'est ce dont je parlais plus haut avec le réalisme naïf de Russell ou la physique anthropomorphique de Poincaré.
Oui, les gens vont te prendre pour fou (:
Ça c'est parce que l'on est en occident, demande à un bouddhiste, il sera tout de suite moins interloqué. C'est pour cela que dans la discussion sur l'autre lien, je parlais de l'enfant bouddhiste de Matrix qui dit que la cuillère n'existe pas.
D'ailleurs un des deux auteurs de l'article, que je donne dans un autre commentaire sur le lien entre Bohr et Kant, est bouddhiste : Michel Bitbol. Je l'ai rencontré il y a une quinzaine d'année, et j'avais débattu de l'esthétique transcendantale de Kant avec lui. On n'a jamais réussi à se mettre d'accord, non qu'il en rejette l'esprit, mais il rejette la lettre car il en a la même lecture que Poincaré : elle est remise en cause par les géométries non-euclidiennes. Je conteste cette lecture, mais c'est un autre sujet.
Auquel cas, je vous déclare réconciliés
Il a dit avoir une conception proche de celle de Bohr, auquel cas nous n'avons jamais été en désaccord (cf. l'article de Michel Bitbol) ;-)
Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières.
Allez, je m'essaye à ce que j'avais promis : pourquoi ne peut-on faire de mathématiques (et donc a fortiori de physique) sans poser les intuitions pures de l'espace et du temps comme fondement ?
Nous allons, pour cela, faire un bon dans le temps et remonter en mésopotamie 3200 ans avant notre ère. Comme stipuler dans la brochure sur l'histoire des mathématiques de mon précèdent message, c'est là que remonte les premières traces d'activité mathématique. On y faisait de l'arithmétique élémentaire afin de compter les nombres de têtes de bétails dans les troupeaux, dans un système rudimentaire en base 10 constitué de batônnets et de billes d'argiles. Plus tard, vers -2500 ans, ils furent remplacer par des encoches sur des tablettes. Comme l'écrivait Gilles Dowek dans Les métamorphoses du calcul :
Il est même vraisemblable, quoiqu'il soit difficile d'avoir des certitudes en ce domaine, que l'écriture ait été inventée précisément pour tenir des livres de comptes et que les chiffres soient, de ce fait, antérieurs aux lettres. Même si certains ont du mal à l'admettre, nous devons probablement l'ensemble de la culture écrite à la bien peu romantique profession de comptable.
Je fais une petite disgression pour conseiller la lecture de ce livre (qui aborde la question que j'évoquais plus haut de Frege vs Kant, entre autres) pour ceux intéressés par les problèmatiques mathématiques qui ont amené Turing a développer sa notion de machine unverselle à calculer, ainsi que par les liens ténus qu'entretiennent le calcul et le raisonnement mathématique. Son auteur, Gilles Dowek, nous a malheureusement quitté cet été. Il était directeur de recherche à INRIA et travaillait principalement dans le domaine de la preuve assistée par ordinateur.
Mais revenons à nos moutons (aux sens propre, comme aux sens figuré) et à la question du dénombrement. Voilà notre propriétaire qui arrive avec ces moutons, les confie au berger, et ils se mettent tous les deux à compter pour se mettre d'accord : O O I I. Il y a deux billes et deux batôns, le troupeau est constitué de 22 têtes. On voit déjà qu'ils ont mis au point un algorithme de compression : avec simplement des batôns, il en aurait fallu 22 (où l'on voit apparaître la bijection entre les têtes de bétails et l'ensemble de bâtons) tandis qu'en remplaçant dix batôns par une bille, il leur suffit de 4 objets pour compter le troupeau : on gagne en espace de stockage. Le système algorithmique est même plus complet que ce couple de dénombrement puis compression, puisqu'ils y ajoutent une signature (sous la forme d'un sceau du propriétaire) ainsi que l'intervention d'un tiers de confiance, en la personne d'un comptable, afin de conserver la bourse scellée contenant billes et bâtons durant toute la durée de la garde.
Maintenant, oublions leur algorithme de compression et, tel un enfant comptant sur ses doigts, limitons nous à l'usage de bâtons. Nous avons là ce que les mathématiciens appellent les entiers unaires. Représentation peu efficace à l'usage, comme l'avait déjà constater les mésopotamiens, mais qui est pourtant la structure de données la plus élémentaire utilisée en informatique : la liste chaînée.
Afin d'illustrer la chose simplement, limitons nous au nombre 5.
│ │ │ │ │
Maintenant, je rajoute une flèche entre chaque bâtons :
│ → │ → │ → │ → │
Et voilà notre liste chaînée : c'est une liste dont chaque cellule comporte un bâton et qui pointe (la flèche) vers un autre cellule, jusqu'à la dernière qui n'a pas de flêche car pointant sur NULL (l'absence, le zéro).
Rien que dans cet exemple simple, déjà pratiqué il y a plus de 5000 ans, on voit illustrer la théorie kantienne du schématisme.
Le schème n’est toujours par lui-même qu’un produit de l’imagination ; mais, comme la synthèse de cette faculté n’a pour but aucune intuition particulière, mais seulement l’unité dans la détermination de la sensibilité, il faut bien distinguer le schème de l’image. Ainsi, quand je place cinq points les uns à la suite des autres ….., c’est là une image du nombre cinq. Au contraire, quand je ne fais que penser un nombre en général, qui peut être ou cinq ou cent, cette pensée est plutôt la représentation d’une méthode servant à représenter en une image, conformément à un certain concept, une quantité (par exemple mille), qu’elle n’est cette image même, chose que, dans le dernier cas, il me serait difficile de parcourir des yeux et de comparer avec mon concept. Or c’est cette représentation d’un procédé général de l’imagination, servant à procurer à un concept son image, que j’appelle le schème de ce concept.
Dans le cas du nombre entier, comme il le dira par la suite :
Le nombre n’est donc autre chose que l’unité de la synthèse que j’opère entre les diverses parties d’une intuition homogène en général, en introduisant le temps lui-même dans l’appréhension de l’intuition.
Ainsi, pour obtenir le nombre, il me faut un divers (dans l'espace, ici les bâtons ou les têtes de bétails) que je parcours, dans le temps, pour unifier ce divers en un tout par une activitée de synthèse (la liaison de la liste) qui produit le nombre. Et si je pense à un nombre en général, non un nombre en particulier comme 5 dans notre cas, alors j'ai plus en pensée un procédé de construction, procédé que Kant appelle le schème du concept. Raison pour laquelle Kant définira la mathématique comme la connaissance rationnelle par le construction de concepts. En mathématique, nous construisons des structures de données dans l'espace et le temps, le procédé n'étant pas limité au cas du nombre entier, bien que soit dans celui-ci qu'il est le plus simplement compréhensible (et qui fut le premier historiquement parlant).
J'espère avoir faire comprendre ce que je voulais dire par la nécessité de l'espace et du temps pour construire des objets mathématiquement. Comme je m'étais engagé à traiter du lien entre la syntaxe et la sémantique du langage (le lien entre ⊢ et ⊨), je vais m'y essayer maintenant. Pour ceux qui ne sont pas au courant du début des échanges, cela fait suite à une autre discussion avec Pierre-Matthieu et mahikeulbody déjà au sujet du problème de l'unification de la relativité générale et de la physique quantique.
Lorsqu'un logicien utilise un symbole du type A ⊢ B, il veut dire par là que sous l'hypothèse A, on peut prouverB, ou que B est une thèse de la théorie ayant A pour principe. Dans l'usage du symbole ⊢, il ne s'agit que d'une manipulation purement formelle et syntaxique des propositions selon certaines règles que l'on appelle règle de déductions (ou règles d'inférence), règle par lesquelles on étudie le rapport de consécution entre jugements.
Maintenant, lorsqu'un logiciel utilise une expression du type M ⊨ P, il veut dire que la proposition P est satisfaite par l'objet M, ou que P est vrai pour M, ou que M est un modèle de P. Ici on ne considère plus nos jugements dans leur rapport respcetifs, mais dans leur rapport avec le monde des objets (construits dans l'espace et le temps).
Un exemple simple pour mettre les choses au clair, étudions le cas de la disjonctions le ou. Dans les régles de déduction, je vais en considérer deux celle qui introduit les jugements hypothétiques (si A alors B) et celles qui introduit les jugements disjonctifs (le ou) :
de A ⊢ B on peut déduire ⊢ si A alors B ;
de Env ⊢ P on peut déduire Env ⊢ P ou Q (où Env est un ensemble de propositions, et Q une proposition quelconque) ;
on peut déduire toute proposition d'elle-même A ⊢ A
Partant des ces règles, dont leur usage ne relève que d'un simple jeu syntaxique, on peut prouver, sans hypothèse ⊢ si P alors (P ou Q). C'est là une magnifique tautologie, on appelle d'ailleurs tautologie ce qui peut se prouver sans hyptohèse (la partie à gauche du taquet ⊢ est vide). La preuve est comme suit :
de P je peux poser P, P ⊢ P, j'applique la seconde règle (où Env vaut P) ce qui donner P ⊢ P ou Q puis je finis avec la première règle ⊢ si P alors (P ou Q).
Voilà ce qui se passe quand on fait une démonstration. En revanche, lorsque l'on calcule des tables de vérités (avec des booléens true et false), alors on fait de la sémantique, on utilise le ⊨. Un solveur SAT cherche si un proposition P qu'on lui donne en entrée admet un modèle, c'est-à-dire des valuations booléennes de toutes les variables constitutant P telles que M ⊨ P où M est l'ensemble des valuations booléennes.
Les contraintes que l'on veut sur notre système de règles déduction sont celles-ci :
si on peut y prouver un proposition sans hyptohèse, alors elle doit être une tautologie sémantique (vrai pour toutes valuations booléennes) ;
réciproquement, si on a une tautologie sémantique, alors elle doit être prouvable.
On dit alors que notre système est déductivement complet, c'est cela que Gödel à prouver sous le nom de théorème de complétude : il prouve tout ce que l'on peut prouver. Ce faisant il a écrit le premier desassembleur interactif de l'histoire par cette preuve (si l'on interpète via Curry-Howard la preuve de ce théorème, c'est un desassembleur).
Ce théorème est de la plus grande importance pour le seconde théorème qui suivit : le théorème d'incomplétude. Maintenant, si au lieu de prendre des tautologies, on s'intéresse à ce que l'on peut prouver dans une théorie donnée, disons celles des entiers unaires dont on parlait tout au début. On parle alors de l'arithémtique de Péano (une théorie axiomatique qui décrit les règles de constructions des entiers unaires). Gödel a alors montré que cette théorie contient des énoncés (que l'on peut exprimer dans son langage) qu'elle ne peut ni démontrer ni réfuter, à commencer par sa propre cohérence. Et ce résultat, grâce au théorème de complétude précédent, n'est pas du à un défaut de déductions des règles de preuves (elles sont complètes) mais à une incomplétude de la théorie : elle ne peut décider de toutes les questions qu'elle pose.
Je ne peux m'empêcher, à nouveau, de citer un passage de la Critique de la raison pure :
Qu’est-ce que la vérité ? C’est avec cette vieille et fameuse question que l’on pensait pousser à bout les logiciens, et que l’on cherchait à les prendre en flagrant délit de verbiage ou à leur faire avouer leur ignorance, et par conséquent la vanité de tout leur art. La définition de nom qui consiste à dire que la vérité est l’accord de la connaissance avec son objet, est ici admise et supposée ; mais on veut savoir quel est le critérium général et certain de la vérité de toute connaissance.
C’est déjà une grande et infaillible preuve de sagesse et de lumières que de savoir ce que l’on peut raisonnablement demander. En effet, si la question est absurde en soi et si elle appelle des réponses oiseuses, non-seulement elle couvre de honte celui qui la fait, mais elle a aussi parfois l’inconvénient de jeter dans l’absurdité lui qui y répond sans y prendre garde, et de présenter ainsi le ridicule spectacle de deux personnes, dont l’une trait le bouc (comme disaient les anciens), tandis que l’autre tient le baquet.
Si la vérité consiste dans l’accord d’une connaissance avec son objet, cet objet doit être par-là même distingué de tout autre ; car une connaissance contînt-elle d’ailleurs des idées applicables à un autre objet, elle est fausse quand elle ne s’accorde pas avec celui auquel elle se rapporte. D’un autre côté, un critérium universel de la vérité devrait être bon pour toutes les connaissances, sans distinction de leurs objets. Mais, puisqu’on y ferait abstraction de tout contenu de la connaissance (de son rapport à son objet), et que la vérité porte justement sur ce contenu, il est clair qu’il est tout à fait impossible et absurde de demander une marque distinctive de la vérité de ce contenu des connaissances, et qu’on ne saurait trouver un signe suffisant à la fois et universel de la vérité. Et, comme le contenu d’une connaissance a été nommé plus haut la matière de cette connaissance, il est juste de dire qu’il n’y a point de critérium universel à chercher pour la vérité de la connaissance de la matière, puisque cela est contradictoire en soi.
Alors juste deux remarques : ce que Kant appelle définition nominale de la vérité (accord de la connaissance avec son objet) est exactement ce que les logiciens entendent par l'usage du symbole ⊨, ensuite l'absence de critère universel de la vérité car c'est contradicroire en soi, c'est ce que prouve le théorème d'incomplétude de Gödel. Bon, celui de Gödel est plus spécifique que la remarque de Kant. Kant traite le cas d'un critère qui vaudrait pour tout objet et toute théorie, là où Gödel a montré que même en se restraignant à la théorie arithmétique, un tel critère ne pouvait exister.
Je voudrais aussi terminer sur la question : à quoi ressemble un modèle de l'arithmétique ? Pour cela, on va d'abord traiter d'un modèle de la théorie des ordres. Une relation d'ordre c'est, intuitivment, ce que l'on pense derrière le symbole <. Un modèle d'une telle théorie est par exemple cette image :
A < B < C
C'est la donné de trois objets (ici A, B et C) ainsi que d'une relation entrer eux qui doit satisafaire aux axiomes de la théorie : c'est un graphe orienté (A , B et C en sont les noeuds, la relation étant caractérisée par les arêtes du graphe). On peut voir par exemple que cette théorie aussi est incompléte : la proposition il existe un plus grand élément n'est ni prouvable, ni réfutable. En effet, le modèle avec mes trois objets satisfait cette proposition, C étant un plus grand élément (il y a accord entre la proposition et l'objet) tandis que si je prend pour modèle les entiers naturels, il n'y a pas de plus grand élément. Or si la proposition était prouvable, elle devrait être vraie dans tout modèle (d'après le théorème de complétude), ce qui n'est pas le cas.
Maintenant, un modèle de l'arithmétique est aussi un graphe orienté : celui qui contient toutes les listes chaînées sans cycle:
│ ← │ ← │ ← │ ← │ ← ...
Cantor appelait cela un ordinal infini.
Une petite remarque en passant sur les entiers binaires : on peut les voir comme des chemins dans un arbre binaire équilibré (qui est aussi un graphe).
●
╱ ╲
● ●
╱ ╲ ╱ ╲
● ● ● ●
Ici, au feuille du bas on a les 4 nombres sur 2 bits. Si partant de la racine on fait gauche-droite (01) on tombe sur 1, et droite-gauche (10) on tombe sur deux. Maintenant en considérant l'arbre infini, on a un équivalent de l'ordinal des listes chaînées. À chaque étage, on a une liste finie, qui grandit exponentiellement par rapport à la hauteur de l'arbre ou reciproquement la hauteur est logarithmique en la taille de la liste. On a l'algorithme de compression de nos mésopotamiens, mais eux ils ont dix branches à chaque étage (la base dix).
Pour finir, rapidement, sur une question de mahikeulbody sur les postulats et les axiomes en physique quantique. L'interprétation probabiliste des vecteurs d'états lors d'une mesure, concerne la sémantique du système, le passage des propositions au monde physique, c'est-à-dire le ⊨. Pour de la lecture en rapport avec toute cette discussion : Bohr's complementarity and Kant's epistemology.
P.S : désolé pour le pavé, et les typos qu'il doit y avoir dans mon texte (la flemme de la relecture).
Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières.
Il faut voir ce qu'on entend par "temps". Quand Carlo Rovelli par exemple titre un ouvrage de vulgarisation « le temps n'existe pas », il indique plus loin dans son bouquin qu'il parle d'une description de la physique dans laquelle il n'y a pas à proprement parler de variable "t" comme il peut y en avoir en physique Newtonienne (et quasi toutes les théories physiques).
Il parle plutôt de chose analogue, si j'ai bien compris, aux horloge vectorielle, dans laquelle tout ce qui se "passe" quelque part est relativisé par rapport à tout ce qui se passe autre part. On peut ensuite, j'imagine, à partir de tout ça, récupérer une variable "temps" comme en physique statistique on récupères une pression et une température d'un gaz à partir de l'ensemble des mouvements des molécules du gaz.
Le truc qui confusionne c'est qu'on a l'impression que temps et causalité sont intimement liés dans le sens ou si un truc cause l'autre c'est que ça c'est passé "avant", temporellement parlant. Alors que les théories comme Relational quantum mechanics semblent plutôt ne garder que la notion de causalité (partielles) entre certains événements. On récupère le temps comme variable en tant que propriété émergente de tout ça ?
Avec la relativité on peut parler de temps propre pour un objet. Dans le référentiel Terre il est a peu près le même pour nous tous, le temps s'écoule pour nous à peu près pareil que le temps du voisin. Pareil si on était voisins sur Mars, le temps s'écoulerait à peu près pareil pour nous deux, on partagerait nos temps propre sans trop de difficultés. La constante relativiste est l'Intervalle d'espace-temps qui elle est invariante quel que soit le référentiel et mélange les dimensions temporelles et d'espace.
La formulation ne me choque pas, c'est pas une notion simple le temps.
Oui, c'est le paradoxe des jumeaux. Chacun vit sa vie dans son temps propre, c'est-à-dire local. Ils ne se rendent compte de rien (aucune sensation), jusqu'au moment où ils vont éventuellement se rencontrer et constater qu'ils n'ont pas vécu dans le même référentiel.
Dans le cas de Mars la désynchronisation est bien sûr dérisoire, mais même si elle était un million de fois plus forte ce serait idem.
Dans le référentiel Terre il est a peu près le même pour nous tous
Quand tu vois que les horloges atomiques arrivent à mesurer une différence d'écoulement du temps avec seulement 1m d'altitude de différence, je ne sais pas si c'est le concept lui-même qui est le plus vertigineux, ou le fait qu'on arrive à fabriquer de tels appareils !
En théorie, la théorie et la pratique c'est pareil. En pratique c'est pas vrai.
# Hein ?
Posté par gUI (Mastodon) . Évalué à 6 (+3/-0). Dernière modification le 03 décembre 2025 à 21:38.
L'article ne dit pas en quoi une telle précision serait nécessaire si (j'y crois pas une seconde, mais admettons) on envoie qqu'un sur Mars.
En théorie, la théorie et la pratique c'est pareil. En pratique c'est pas vrai.
[^] # Re: Hein ?
Posté par Tonton Th (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 10 (+10/-0).
La synchronisation précise des horloges, c'est secondaire par rapport à une bonne documentation sur la culture des patates.
[^] # Re: Hein ?
Posté par Gil Cot ✔ (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 10 (+10/-0).
Faut pourtant pouvoir assurer la communication et la facturation quand ET appellera la maison (:
“It is seldom that liberty of any kind is lost all at once.” ― David Hume
[^] # Re: Hein ?
Posté par Benoît Sibaud (site web personnel) . Évalué à 10 (+8/-0).
Pour la seule chose qui vaille dans ce monde, synchroniser les bourses terrienne et martienne, quoi d'autre ?
(non mais en vrai le NTP ça sert pas mal en info, la synchro en science, le GPS qui a besoin du temps en technique, etc.)
[^] # Re: Hein ?
Posté par gUI (Mastodon) . Évalué à 3 (+0/-0).
J'ai d'abord pensé à un éventuel GPS sur Mars… mais faut d'abord balancer des satellites autour de Mars non ?
En théorie, la théorie et la pratique c'est pareil. En pratique c'est pas vrai.
[^] # Re: Hein ?
Posté par mahikeulbody . Évalué à 5 (+3/-0).
Un GPS sur Mars ne nécessiterait pas de synchroniser l'heure avec la Terre (du moins, il me semble).
[^] # Re: Hein ?
Posté par vmagnin (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 3 (+1/-0). Dernière modification le 04 décembre 2025 à 22:04.
C'est une étude académique très prospective pour de futurs systèmes de télécommunications, "géo"localisation et navigation. Même s'il n'y a pas d'humains, il y aura des robots (satellites, sondes, rovers…). Mais c'est intéressant même si rien de grandiose, genre SF muskienne, n'arrive de ce point de vue-là.
Sur Terre on a le système UTC : le temps atomique mais avec des corrections (secondes intercalaires) relatives à la rotation de la Terre.
D'après ce que je comprends, le NIST se demande ici comment on pourrait définir des systèmes de temps pour la Lune et pour Mars, et synchroniser tous ces systèmes entre eux. Surtout que non seulement ils ont des ticks différents mais en plus ça varie au fil du temps : en particulier pour Mars dont l'orbite est relativement excentrique, les ticks sont influencés au fil de l'année martienne par l'attraction variable du Soleil (l'article rappelle que c'est 99 % de la masse du système solaire !). C'est beaucoup plus difficile que de synchroniser l'heure dans les gares européennes (Einstein examinait en particulier ce genre de brevets quand il travaillait à l'Office des Brevets à Berne)…
L'article est en OpenAccess :
https://iopscience.iop.org/article/10.3847/1538-3881/ae0c16/pdf
L'introduction reste compréhensible.
[^] # Re: Hein ?
Posté par Gil Cot ✔ (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 3 (+1/-0).
Corolairement à UTC, on avait parlé de MTC, MSD et de LTC…
“It is seldom that liberty of any kind is lost all at once.” ― David Hume
[^] # Re: Hein ?
Posté par Benoît Sibaud (site web personnel) . Évalué à 5 (+2/-0).
(Satellites naturels : Phobos & Déimos)
Satellites artificiels : un exemple https://fr.wikipedia.org/wiki/ExoMars_Trace_Gas_Orbiter parmi d'autres
Il est donc plus facile de mettre des satellites en orbite autour de Mars que d'envoyer des types pour y lire l'heure en tout cas.
[^] # Re: Hein ?
Posté par Maderios . Évalué à 3 (+2/-1). Dernière modification le 04 décembre 2025 à 14:37.
On dirait que, dans le titre de l'article, et seulement dans le titre, ils confondent "temps" et "durée" (=sens de la durée pour les humains). Ils auraient pu titrer "Pourquoi le temps atomique ne s’écoule pas au même rythme sur Mars et sur Terre", j'aurais mieux compris. Ou bien, c'est une histoire de convention et dans ce cas là, j'ai tout faux.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Temps_atomique_international
[^] # Re: Hein ?
Posté par Voltairine . Évalué à 4 (+2/-0).
Le temps s'écoule-t-il vraiment ?
Et d'ailleurs le temps existe-il vraiment ?
[^] # Re: Hein ?
Posté par ǝpɐןƃu∀ nǝıɥʇʇɐW-ǝɹɹǝıԀ (site web personnel) . Évalué à 2 (+2/-2).
Conclusion absurde qui découle de la confusion entre réalité et description par la physique, non ?
« IRAFURORBREVISESTANIMUMREGEQUINISIPARETIMPERAT » — Odes — Horace
[^] # Re: Hein ?
Posté par mahikeulbody . Évalué à 2 (+2/-2).
Non. Il n'y a rien d'absurde à penser que le temps est un phénomène émergent, comme la température par exemple, et non une propriété intrinsèque de la réalité.
[^] # Re: Hein ?
Posté par ǝpɐןƃu∀ nǝıɥʇʇɐW-ǝɹɹǝıԀ (site web personnel) . Évalué à 2 (+1/-1).
Je ne crois pas que vous ayez compris mon propos. Cf. Réponse plus bas.
« IRAFURORBREVISESTANIMUMREGEQUINISIPARETIMPERAT » — Odes — Horace
[^] # Re: Hein ?
Posté par Voltairine . Évalué à 0 (+0/-2). Dernière modification le 04 décembre 2025 à 16:39.
Quelle réalité ?
Quelle physique ? Celle de la relativité générale ou quantique ?
Une ébauche sur l'équation en question :
https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89quation_de_Wheeler-DeWitt
Une explication sur les différence du concept de temps dans les branches de la physique :
https://en.wikipedia.org/wiki/Problem_of_time
La conclusion est loin d'être absurde même si elle va à l'encontre de notre perception immédiate ou de notre intuition.
[^] # Re: Hein ?
Posté par ǝpɐןƃu∀ nǝıɥʇʇɐW-ǝɹɹǝıԀ (site web personnel) . Évalué à 3 (+3/-2).
J’en aurais bien discuté. Mais il paraît que je n’ai plus le temps. Il aurait disparu :-)… Vous l’aurez compris nos épistémologie diffèrent radicalement. Et comme il s’agit de conceptions plus philosophiques que physiques… Pour moi la physique décrit le matériel. Un peu à la manière d’une carte. Elle ne doit pas être confondue avec son objet. Affirmer que l’on peut faire la physique sans concept de temps est donc, dans cette ligne épistémologique, radicalement différent de la prétention à la non existence du temps.
« IRAFURORBREVISESTANIMUMREGEQUINISIPARETIMPERAT » — Odes — Horace
[^] # Re: Hein ?
Posté par Voltairine . Évalué à 3 (+2/-1).
Ce n'est pas ce qui est dit. Et considérer que la physique « décrit le matériel » (par opposition à la philosophie ?) me paraît être une conception désuète voire erronée. Je te renvoie à la page Wikipedia qui en donne une définition correcte tout en décrivant son évolution.
J'ai par ailleurs donné les liens qui expliquent que le concept de temps est différent dans les différentes branches de la physique.
L'analogie dans un autre commentaire avec la température est assez pertinente.
[^] # Re: Hein ?
Posté par ǝpɐןƃu∀ nǝıɥʇʇɐW-ǝɹɹǝıԀ (site web personnel) . Évalué à 2 (+3/-3).
On ne se comprend définitivement pas :-).
En tout cas merci d'avoir tenter de m'apprendre mon métier. C'est toujours sympa.
« IRAFURORBREVISESTANIMUMREGEQUINISIPARETIMPERAT » — Odes — Horace
[^] # Re: Hein ?
Posté par Voltairine . Évalué à 2 (+1/-1).
Oh le vilain argument d'autorité.
Ce que je dis est peut-être complètement absurde, bien que j'ai abondamment sourcé mes dires, mais la moindre des choses serrait de m'en faire une démonstration argumentée ou de suspendre la discussion. La première phrase était à ce titre amplement suffisante.
[^] # Re: Hein ?
Posté par gUI (Mastodon) . Évalué à 5 (+2/-0).
Pas la peine de vous chamailler tous les deux, Meta enterre le Metaverse, donc la fin des temps est proche.
En théorie, la théorie et la pratique c'est pareil. En pratique c'est pas vrai.
[^] # Re: Hein ?
Posté par Voltairine . Évalué à 3 (+1/-0).
Pas grave le Metaverse n'est pas une propriété fondamentale du web, c'était juste un concept émergent, voire une illusion…
[^] # Re: Hein ?
Posté par ǝpɐןƃu∀ nǝıɥʇʇɐW-ǝɹɹǝıԀ (site web personnel) . Évalué à 1 (+0/-1).
Incertain. n'était-ce pas déjà la troisième fois qu'en substance j'écrivais que nous ne nous comprenions pas ? Et que vous persistiez dans la même direction ? J'ai toujours été lamentable en expression écrite.
« IRAFURORBREVISESTANIMUMREGEQUINISIPARETIMPERAT » — Odes — Horace
[^] # Re: Hein ?
Posté par Voltairine . Évalué à 3 (+1/-0).
Le but de la discussion est justement de lever les incompréhensions mutuelles.
Dommage j'aurais aimé comprendre en quoi « …le temps n’est pas une propriété fondamentale de l’univers. Ce serait un concept émergent… ou même une illusion. » était une conclusion absurde.
[^] # Re: Hein ?
Posté par Maderios . Évalué à 3 (+1/-0).
La philo pourrait mettre tout le monde d'accord sur la notion de "temps".
En revenant aux bases:
https://www.letudiant.fr/lycee/methodologie-lycee/article/bac-philo-fiche-de-revision-sur-le-temps.html
[^] # Re: Hein ?
Posté par kantien . Évalué à 5 (+3/-0).
Internet reste un endroit marrant, on peut y trouver des personnes expliquant à un enseignant-chercheur en physique ce qu'est … la physique. Je ne m'en lasserai jamais. :-)
Cela étant dit, je ne serai pas contre le fait que Pierre-Matthieu développe ce qu'il entend lorsqu'il dit qu'elle décrit le matériel et que l'on ne doit pas la confondre avec son objet. Afin de la rassurer, je lui accorde qu'il a du temps, celui-ci n'ayant pas disparu, ma position epistémologique étant que cela rendrait les physiciens-mathématiciens dans l'incapicité de faire des mathématiques (pour *schématiser leur concept mathématiques, ils ont besoin des formes pure de l'intuition sensible humaine que sont l'espace et le temps).
Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières.
[^] # Re: Hein ?
Posté par ǝpɐןƃu∀ nǝıɥʇʇɐW-ǝɹɹǝıԀ (site web personnel) . Évalué à 7 (+6/-1). Dernière modification le 05 décembre 2025 à 08:41.
Il faut avouer que le mot « matériel » est effectivement mal choisi. « la physique décrit le physique » serait plus juste mais sujet à critique au titre de la tautologie, en cours je choisi plutôt de parler de science naturelle ; là encore une terminologie qui serait sujette à controverses. Qu'importe la formulation plus ou moins appropriée du nom de l'objet ici car le propos porte sur le terme central : décrire. Ma perception, parait-il dans la lignée de N. Bore (ou de Magritte), serait que la physique n'est qu'une description de la réalité et, aussi précise et prédictive soit-elle, ne doit en aucun cas être confondue avec cette dernière. Les soudards et les amateurs de science fiction le savent : « la carte n'est pas le territoire. »
Autrement dit encore, la physique produit des modèles décrivant --- Dieu merci, à l'aide essentiellement des mathématiques, depuis l'époque galiléenne --- la nature. Remarquons que ce faisant elle déforme ou précise souvent le sens des mots des langages vernaculaires sur lesquelles elle s'appuie.
Un exemple simple illustrera peut-être cette idée. Chacun sait que les termes empiriques « chaud » et « froid » recouvrent deux notions thermodynamiques fort différentes : celle de température, et celle de puissance calorifique échangée. Devrait-on pour autant s'abstenir de prévenir celui qui s'apprête à plonger que l'eau est « froide » (puissance) alors-même qu'elle est plus « chaude » (température) que l'air qui nous entoure ?
Dans le cas du temps comme de la chaleur, il me paraît aberrant de nier les réalités décrites par la langue au titre de la précision du jargon scientifique. Oui, certains modèles physiques (pas ceux que j'utilise) peuvent se passer de la notion de temps ? Et alors ?
Alors, soit on cherche à lire dans les modèles LA vérité, c'est à mon sens une confusion entre carte et territoire, et l'on affirmera « le temps n'existe pas.» Ou l'on considère les modèles comme de magnifiques constructions de l'esprit et de la logique, aux domaines d'applications limités, et destinés à être remplacés par d'autres modèles, et l'on se contentera de s'émerveiller ou de s'étonner qu'il soit possible d'établir un description de la nature sans y faire intervenir le temps.
Même si la première posture est fort courante, j'avoue ne pas du tout la comprendre, tant elle est aux antipodes de ce que je pratique et enseigne. À cause d'un esprit étriqué ? Tout au plus puis-je concéder que ma propre épistémologie n'est probablement pas plus fondée ; je ne suis pas philosophe.
« IRAFURORBREVISESTANIMUMREGEQUINISIPARETIMPERAT » — Odes — Horace
[^] # Re: Hein ?
Posté par mahikeulbody . Évalué à 4 (+2/-0).
On te parle de la possibilité que le temps soit une propriété émergente de la réalité et toi tu réponds comme si on avait affirmé que le temps n'existe pas. Ok. Ça t'a permis de placer ta réplique et, accessoirement, de mettre en avant ta supériorité sur ce sujet mais au prix d'un échange peu constructif.
Toute personne avec un minimum de culture scientifique sait très bien que les modèles ne sont que des représentations, au mieux utiles, de la réalité, représentations destinées tôt ou tard a être remplacées par des plus précises (et quand bien même elles seraient "justes", on n'a aucun moyen d'en être sûr) ; ce n'est pas le débat même si toi tu t'es obstiné à le centrer là-dessus.
Prendre comme référence notre perception (via le cerveau) de la réalité devrait logiquement nous conduire à en déduire, par exemple, que la température¹ est une propriété intrinsèque de la nature alors qu'il est très probable que ce soit faux. Ça ne me paraît pas une approche plus raisonnable que de croire que les modèles sont la vérité de la nature.
¹Pour ce qui est du temps, je n'ai pas d'opinion mais le biais potentiel est le même. J'ai évidemment du mal à imaginer que le temps ne serait qu'une illusion mais pour ce qui est de l'émergence, ça ne me paraît pas si absurde : temps => causalité ou causalité => temps ?
[^] # Re: Hein ?
Posté par Voltairine . Évalué à 1 (+0/-1).
Comme quoi quand tu fais un effort pour argumenter clairement on peut se comprendre.
[^] # Re: Hein ?
Posté par mahikeulbody . Évalué à 3 (+1/-0).
Comme réponse à quelqu'un qui cite un lien sur Wikipedia, c'est vachement constructif.
[^] # Re: Hein ?
Posté par Voltairine . Évalué à 2 (+1/-1).
Second appel à l'argument d'autorité, c'est lassant… Je ne lui ai rien expliqué et je sais bien qu'il est physicien, je voulais qu'il m'explique sa définition de la physique (c'est fait merci) afin que nous puissions nous comprendre.
C'est marrant cette tendance à prendre les choses au pied de la lettre et de manière caricaturale tout en invoquant l’épistémologie et en écartant la philosophie :-D
Il n'est pas question de faire disparaître le concept temps mais de l'interroger et de se demander si derrière les apparences issues de l'intuition ne se cache pas une réalité totalement différente.
[^] # Re: Hein ?
Posté par kantien . Évalué à 4 (+3/-1). Dernière modification le 05 décembre 2025 à 17:08.
Ce n'est pas cela un appel à l'argument d'autorité. ;-) Un argument d'autorité eut été de dire que Pierre-Matthieu a raison de qualifier la conclusion d'absurde parce qu'il est enseignant-chercheur en physique. Ce qui n'a rien à voir avec ce que j'ai dit. Je trouvais juste amusant que tu sous-entendes qu'il ne connaissait pas l'état actuel de la physique (« Et considérer que la physique « décrit le matériel » (par opposition à la philosophie ?) me paraît être une conception désuète voire erronée. ») et de lui proposer une fiche wikipédia pour l'instruire.
C'est marrant cette tendance à invoquer l'épistémologie et la philosophie tout en ignorant cette discipline: :-D
Je préfère me citer de manière non tronquée ;-)
Le texte entre parenthèse étant une référence à la conception kantienne de l'espace et du temps telle qu'exposée dans la Critique de la raison pure. Mais peut être n'est-ce pas là un ouvrage de philosophie ni d'épistémologie ? D'ailleurs, d'après Wikipédia, le terme épistémologie fut introduit en français à la suite de la traduction d'un ouvrage de Bertrand Russell :
Fichte étant lui-même un disciple de Kant mais qui, de mon point de vue, s'est égaré dans le transcendant (au-delà des limites de l'expérience) faisant fi des limites posées par son maître dans la Critique. Quoi qu'il en soit, la Doctrine de la science de Fichte est sa version de ce que Kant entreprit dans la Critique, et Russell appellait epistemology la démarche initiée par Kant dans sa philosophie.
Soit dit en passant, si nous avons aujourd'hui l'ordinateur c'est en partie grâce à Kant et une thèse qu'il a soutenu dans la Critique :
Le mathématicien et philosophe Gottlob Frege voulu la réfuter en développant son idéographie et la théorie des ensembles dites de Cantor-Frege pour montrer que la seule logique était suffisante pour fonder l'arithmétique. Cette dernière s'avéra contradictoire, ce qui mit un peu le bordel au sein de la communauté mathématique. C'est de cette contradiction que sortie le deuxième problème de Hilbert, puis plus tard son problème de la décision, problème qui reçu une réponse négative de la part de Turing via son problème de l'arrêt.
Cette thèse fait partie ce qu'il est convenu d'appelé philosophie kantienne des mathématiques au même titre que sa doctrine de l'espace et du temps et sa théorie du schématisme que j'ai brièvement résumé dans mon précédent message par : pas de temps, pas de mathématiques et, a fortiori, pas de physique théorique. Les notions d'espace et de temps n'ont pas la même origine que celle de la température.
La schématisation c'est ce qui permet à un physicien d'appliquer au réel, dans une connaissance expérimentale, des concepts que, pourtant, ils n'empruntent pas à l'expérience (comme le sont tous les concepts mathématiques).
Essaye, par exemple, de développer une théorie de la complexité algorithmique sans poser au fondement les intuitions pures de l'espace et du temps. ;-)
Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières.
[^] # Re: Hein ?
Posté par kantien . Évalué à 4 (+2/-0).
J'ai oublié de répondre à ce point. Assurèment, pour un kantien, il se cache quelque chose derrière les apparences de l'intuition, mais cette chose sera à jamais inconnaissable et est ineffable : c'est la chose en soi. Aucune science, et certainement pas la physique, ne pourra nous renseigner sur ce qu'elle est. Non que je critique les théories qui cherchent à unifier la gravitation relativiste et la physique quantique, mais à chaque fois que les physiciens cherchent à les traduire dans le language vernaculaire, je trouve leur traduction douteuse.
Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières.
[^] # Re: Hein ?
Posté par BAud (site web personnel) . Évalué à 3 (+1/-0).
la Théorie de la Grande Unification (TGU) vaincra ! ou celle des univers à 10 dimensions ! (en fait, j'en sais rien ~~~~~> [ ]
[^] # Re: Hein ?
Posté par mahikeulbody . Évalué à 3 (+1/-0).
Intuitivement, j'ai plutôt envie de dire que la physique pourrait un jour évoluer vers une théorie représentant la réalité telle qu'elle est, mais qu'on ne pourra jamais en être sûr. Dis autrement, pour moi la réalité n'est pas forcément inconnaissable (au sens inaccessible), ce qui serait inaccessible, c'est savoir si une théorie la décrit telle qu'elle est (quand bien même sa cohérence avec tous les observables serait totale).
Du coup, dans la phrase (ou citation) de Voltairine :
Si cette équation (ou une autre équivalente) s’avère correcte, cela impliquerait que le temps n’est pas une propriété fondamentale de l’univers. Ce serait un concept émergent… ou même une illusion.
c'est l'expression "s’avère correcte" qui pose problème car cela n'arrivera jamais. La seule conclusion qu'on peut en tirer est ce que ça impliquerait pour le temps… dans la théorie.
Au final, et contrairement à ce que j'ai cru comprendre à tort, ce n'est pas tant le fait que le temps puisse être un phénomène émergeant (voire même une illusion) que PMA trouve absurde (c'est peut-être le cas mais il me semble maintenant que ce n'était pas l'objet de son commentaire), mais le fait qu'on puisse espérer le déduire d'une théorie.
J'ai cru comprendre qu'il privilégiait notre intuition du réel et j'ai voulu répondre (en d'autres termes) que si la carte n'était certes pas le territoire, notre perception du réel n'était pas davantage le territoire (même pour un non-A).
Après, il me semble qu'il est quand même acceptable de parler des conséquences d'une théorie sans avoir à préciser à chaque fois que la réalité est inconnaissable (du moins face à un auditoire qui a assimilé ce fait). Et j'imagine que tous les physiciens pratiquent ainsi. Du coup, la réponse à Voltairine est quand même un peu "élitiste", non ?
[^] # Re: Hein ?
Posté par kantien . Évalué à 6 (+4/-0).
Sans doute, c'est pour cela que dans mon premier message je proposais à Pierre-Matthieu de développer sa pensée pour que l'on comprenne ce qu'il voulait dire.
Mais, autant que je le comprennes, sa position epistémologique est assez classique et pas spécialement propre à Niels Bohr. Elle est commune à l'ensemble des physiciens, Einstein y compris, et pourtant leurs différends épistémologiques ont fait des étincelles. ;-)
Dans son recueil de texte intitulé Comment je vois le monde, on trouve un article qu'Einstein a écrit sur la philosophie de Russell. On peut y trouver cette citation tirée de An inquiry into Meaning and Truth :
Après avoir cité Russell, Einstein ajoute ce commentaire : « Mise à part leur parfaite formulation, ces lignes expriment quelque chose à laquelle je n'avais jamais songé ». C'est ce réalisme naïf que la physique rejette et contre lequel un enseignant en physique doit prémunire ses étudiants.
Cette idée, Russell la développe en longueur et d'une façon extrêmement clair dans son ouvrage Les problèmes de philosophie en particulier dans son premier chapitre Apparence et réalité.
Cela vaut tout autant pour la température. Henri Poincaré traite cette problématique philosophique à sa façon dans La science et l'hypothèse, en particulier dans son chapitre sur la mécanique classique. Traitant du problème de ce qu'il nomme la mécanique anthropomorphique (là où Russell parle de réalisme naîf), on peut lire :
Autrement dit, un être humain pourrait être totalement dépourvu de toute sensation de chaud et de froid, cela ne empêcherai pas de développer la notion de température. Notion qui nécessite, tout de même, de poser au fondement les intuitions de l'espace et du temps : c'est une mesure statistique d'agitation des molécules, c'est-à-dire du mouvement, et un mouvement sans espace ni temps est vide de sens.
Pour revenir au thème original du journal, on pourra aussi lire un autre ouvrage de Poincaré : La valeur de la science. On y trouve au chapitre sur la Crise actuelle de la physique mathématique, un exposé sur la théorie du temps local de Lorentz et la synchronisation des horloges par des rayons lumineux. Théorie qui donnera par la suite la fameuse relativité restreinte d'Einstein.
Je manque de temps pour développer ce que je souhaite, je continuerais donc dans un autre commentaire. Mais avant cela, je voudrais ajouter une dernière chose.
Je partage son point de vue là-dessus. Il me faudra, comme Russell, faire une enquête sur la signification et la vérité. Cela me permettra, au passage, de reprendre notre discussion sur l'axiomatisation de la physique. Dans l'article que je t'avais donné, il y avait deux symboles utilisés :
⊢et⊨. Le premier concerne ce que l'on peut prouver et le second traite de la sémantique, c'est-à-dire de la signification et de la vérité. Les énoncés peuvent ne pas évoquer le temps, mais pour leur donner un sens, parler de vérité, il faut les interpréter et c'est dans ce passage (le⊨) qu'interviennent les intuitions pures de l'espace et du temps, ce que Kant appelait la schématisation des concepts (et c'est aussi là que se trouvent ce que tu appellais les postulats de la physique quantique, et non dans les axiomes, qui eux sont concernés par la déduction et le⊢).J'espère trouver du temps d'ici la fin du week-end pour revenir là-dessus.
Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières.
[^] # Re: Hein ?
Posté par kantien . Évalué à 5 (+3/-0).
J'ai perdu une occasion de me taire, et c'est encore un cas où l'on se rend compte qu'il est plus simple de promettre que de tenir. Le temps m'a manqué ce week-end, et même là, en ayant réfléchi à ce que voulais dire, j'ai du mal à faire le tri dans ce que je dois garder et ce que je dois exposer. Je tente tout de même l'essai, en espérant ne pas m'avancer trop loin dans l'abstraction (la philosophie kantienne est éminemment abstraite).
Comme j'ai été mal compris sur que l'on entend par chose en soi (mais je m'y attendais), et que cela a trait à la question qu'est-ce que la réalité ?, je me dois de revenir en premier lieu sur ce que les kantiens entendent par réalité. La discussion ayant pour origine un théorie d'unification de la physique, je vais citer un passage d'un livre sur la physique quantique :
Alors au risque de vous surprendre (et peut être de me prendre pour un fou, mais j'ai l'habitude ;-), dans ce texte, ce qui me dérange n'est pas ce qu'il dit des objets quantiques, mais bien ce qu'il dit de la pierre. Non seulement j'hésite à la doter de tels attributs, mais en plus je le nie farouchement ! Partant, j'ai un avantage sur nombre de physiciens (la plupart sont ce que Kant appelait des réalistes transcendentaux, ils attribuent ces propriétés à la pierre), c'est que les objets soumis aux principes de la relativité générale ou les objets quantique sont traités de manière homogène : ils n'ont aucune existence en dehors du rapport à l'expérience.
Dans ce court extrait, un malentendu peut survenir du fait de l'ambiguité de l'expression « en l'absence d'observateur ». En effet, celle-ci peut ou bien signifier la non présence effective d'un personne observant la pierre, ou bien signifier faire abstraction de tout rapport à l'observation (que celle-ci soit effective ou potentielle). C'est sous cette deuxième signification que les kantiens parlent de la chose en soi : les objets, qui nous apparaissent comme spatio-temporellemt déterminés ou determinables dans l'expérience, sont cette fois considérés (dans la pensée) non dans leur rapport à notre perception, mais en eux-mêmes, c'est-à-dire en soi. Vient alors la question : ces attributs, dont je dote la pierre comme objet d'expérience possible, lui reviennent-ils aussi, lorsque je la considère en soi ? À cette dernière, les kantiens répondent par la négative.
Mais s'il y a une connaissance possible des choses en soi (ce que les kantiens nient aussi), elle ne peut relever de la physique, qui n'a pour objet que des phénomènes, c'est-à-dire des objets considérés dans leur rapport à une expérience possible, et non des choses en soi. C'est ce que voulais dire lorsque j'ai écrit :
Pour un exposé plus détaillé sur l'origine des intuitions de l'espace et du temps, il faut lire le chapitre sur l'esthétique transcendentale de la Critique de la raison pure. Chapitre dans lequel, Kant écrit entre autre :
Ici, c'est moi qui est graissé. Lorsque tu dis :
je te répondrais que les kantiens considérent que la physique nous représentent bien la réalité telle qu'elle est, à condition de se restreindre par là à la réalité phénoménale; réalité qui alors, comme elle n'est considérée que comme un objet d'expérience possible, est nécessairement soumise aux pures formes de l'intuition humaine que sont l'espace et le temps. Néanmoins, si l'on cherche à savoir quelles sont ces choses qui nous apparaissent dans l'espace et dans le temps, alors d'une part on ne le saura jamais, et d'autre part ce n'est pas l'objet de la physique comme science.
Kant, dans toute sa philosophie, s'est concentré sur deux problèmes centraux : quelle est l'origine de nos intuitions et de nos concepts (empirique ou a priori) ? quelles sont les limites de leur usage légitime (immanent ou transcendant) ? À la première, en bon rationaliste, il répond que certaines intuitions (espace et temps) et certains concepts (les catégories) ont leur origine a priori dans notre faculté de connaître, mais que tout usage transcendant (au-delà des limites de l'expérience possible) est illégitime. Ainsi, lorsque l'on cherche à attribuer des propriétés spatio-temporelles à la pierre en soi, ou même à considérer le temps comme un concept émergeant d'une réalité connaissable en soi, je réponds comme le satellite de 2PetitsVerres :
ILLEGAL CPU INSTRUCTION:-DJe dois m'arrêter là pour le moment. Je pourrais reprendre l'écriture de mon commentaire plus tard, et poster le tout en un seul message, mais je préfère envoyer déjà cet éclaircissement préliminaire et rédiger plus tard (si cela intéresse quelqu'un) ce que je m'étais engagé à faire sur le traitement de la signification et de la vérité, là où apparaît la nécessité de poser l'espace et le temps comme intuitions primitives pour faire des mathématiques. En attendant, ceux intéressés pourront consulter cette brochure sur l'initiation à l'histoire des mathématiques et lire les deux textes de Einstein et Kant aux pages 6 et 7, textes auxquels je rajouterais celui-ci :
En logique, le taquet
⊢traite des jugements (formés à partir des concepts) dans leur rapports respectifs tandis que le⊨leur adjoint une intuition sans laquelle il resterait vide, sans signification et sans rapport à la vérité. C'est dans ce rapport à l'intuition qu'interviennent l'espace et le temps, par l'interprétation algorithmique des mathématiques, d'où mon clin d'oeil à la théorie de la complexité algorithmique dans un précédent message.Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières.
[^] # Re: Hein ?
Posté par Gil Cot ✔ (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 3 (+1/-0). Dernière modification le 10 décembre 2025 à 22:58.
Oui, les gens vont te prendre pour fou (: mais en reprenant la remarque selon laquelle ce n’est pas parce qu’on n’entend ou ne voit pas l’arbre qui tombe quelque part en Amazonie que ça veut dire que cet arbre n’existe pas, on est en train de faire aussi la distinction entre l’objet observé et l’objet en soi…?
Et je crois comprendre que par rapport à notre ami physicien, tu estimes que la Physique décrit la réalité (mais pas La réalité avec majuscule, mais un aspect d’une réalité multifacette et multiforme —tiens, puis-je dire qu’elle est multidimensionnelle…?) Auquel cas, je vous déclare réconciliés : l’un dit que sa science ne décrit pas la réalité [perçue par les vulgaires mortels], tandis que l’autre dit que cette science décrit bien une réalité [scientifique] ;)
Je m’arrête avant de me perdre avec l’aide de la grande fatigue.
“It is seldom that liberty of any kind is lost all at once.” ― David Hume
[^] # Re: Hein ?
Posté par kantien . Évalué à 2 (+0/-0).
J'ai bien envie de te répondre de remplacer l'arbre par le chat de Schrödinger. ;-)
Mais sinon, non, on n'est pas dans la distinction objet observé et objet en soi. C'est toujours la première acception comme absence effective d'observateur, et non celle d'abstraction du rapport à un observateur.
Mais Kant avait tout prévu pour moi. En réalité, il a reçu les mêmes objections, auxquelles il a répondu par :
Là quant il parle de Locke, c'est ce dont je parlais plus haut avec le réalisme naïf de Russell ou la physique anthropomorphique de Poincaré.
Ça c'est parce que l'on est en occident, demande à un bouddhiste, il sera tout de suite moins interloqué. C'est pour cela que dans la discussion sur l'autre lien, je parlais de l'enfant bouddhiste de Matrix qui dit que la cuillère n'existe pas.
D'ailleurs un des deux auteurs de l'article, que je donne dans un autre commentaire sur le lien entre Bohr et Kant, est bouddhiste : Michel Bitbol. Je l'ai rencontré il y a une quinzaine d'année, et j'avais débattu de l'esthétique transcendantale de Kant avec lui. On n'a jamais réussi à se mettre d'accord, non qu'il en rejette l'esprit, mais il rejette la lettre car il en a la même lecture que Poincaré : elle est remise en cause par les géométries non-euclidiennes. Je conteste cette lecture, mais c'est un autre sujet.
Il a dit avoir une conception proche de celle de Bohr, auquel cas nous n'avons jamais été en désaccord (cf. l'article de Michel Bitbol) ;-)
Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières.
[^] # Re: Hein ?
Posté par kantien . Évalué à 3 (+1/-0).
Allez, je m'essaye à ce que j'avais promis : pourquoi ne peut-on faire de mathématiques (et donc a fortiori de physique) sans poser les intuitions pures de l'espace et du temps comme fondement ?
Nous allons, pour cela, faire un bon dans le temps et remonter en mésopotamie 3200 ans avant notre ère. Comme stipuler dans la brochure sur l'histoire des mathématiques de mon précèdent message, c'est là que remonte les premières traces d'activité mathématique. On y faisait de l'arithmétique élémentaire afin de compter les nombres de têtes de bétails dans les troupeaux, dans un système rudimentaire en base 10 constitué de batônnets et de billes d'argiles. Plus tard, vers -2500 ans, ils furent remplacer par des encoches sur des tablettes. Comme l'écrivait Gilles Dowek dans Les métamorphoses du calcul :
Je fais une petite disgression pour conseiller la lecture de ce livre (qui aborde la question que j'évoquais plus haut de Frege vs Kant, entre autres) pour ceux intéressés par les problèmatiques mathématiques qui ont amené Turing a développer sa notion de machine unverselle à calculer, ainsi que par les liens ténus qu'entretiennent le calcul et le raisonnement mathématique. Son auteur, Gilles Dowek, nous a malheureusement quitté cet été. Il était directeur de recherche à INRIA et travaillait principalement dans le domaine de la preuve assistée par ordinateur.
Mais revenons à nos moutons (aux sens propre, comme aux sens figuré) et à la question du dénombrement. Voilà notre propriétaire qui arrive avec ces moutons, les confie au berger, et ils se mettent tous les deux à compter pour se mettre d'accord :
O O I I. Il y a deux billes et deux batôns, le troupeau est constitué de 22 têtes. On voit déjà qu'ils ont mis au point un algorithme de compression : avec simplement des batôns, il en aurait fallu 22 (où l'on voit apparaître la bijection entre les têtes de bétails et l'ensemble de bâtons) tandis qu'en remplaçant dix batôns par une bille, il leur suffit de 4 objets pour compter le troupeau : on gagne en espace de stockage. Le système algorithmique est même plus complet que ce couple de dénombrement puis compression, puisqu'ils y ajoutent une signature (sous la forme d'un sceau du propriétaire) ainsi que l'intervention d'un tiers de confiance, en la personne d'un comptable, afin de conserver la bourse scellée contenant billes et bâtons durant toute la durée de la garde.Maintenant, oublions leur algorithme de compression et, tel un enfant comptant sur ses doigts, limitons nous à l'usage de bâtons. Nous avons là ce que les mathématiciens appellent les entiers unaires. Représentation peu efficace à l'usage, comme l'avait déjà constater les mésopotamiens, mais qui est pourtant la structure de données la plus élémentaire utilisée en informatique : la liste chaînée.
Afin d'illustrer la chose simplement, limitons nous au nombre 5.
Maintenant, je rajoute une flèche entre chaque bâtons :
Et voilà notre liste chaînée : c'est une liste dont chaque cellule comporte un bâton et qui pointe (la flèche) vers un autre cellule, jusqu'à la dernière qui n'a pas de flêche car pointant sur
NULL(l'absence, le zéro).Rien que dans cet exemple simple, déjà pratiqué il y a plus de 5000 ans, on voit illustrer la théorie kantienne du schématisme.
Dans le cas du nombre entier, comme il le dira par la suite :
Ces deux extraits sont à retrouver au chapitre sur le schématisme.
Ainsi, pour obtenir le nombre, il me faut un divers (dans l'espace, ici les bâtons ou les têtes de bétails) que je parcours, dans le temps, pour unifier ce divers en un tout par une activitée de synthèse (la liaison de la liste) qui produit le nombre. Et si je pense à un nombre en général, non un nombre en particulier comme 5 dans notre cas, alors j'ai plus en pensée un procédé de construction, procédé que Kant appelle le schème du concept. Raison pour laquelle Kant définira la mathématique comme la connaissance rationnelle par le construction de concepts. En mathématique, nous construisons des structures de données dans l'espace et le temps, le procédé n'étant pas limité au cas du nombre entier, bien que soit dans celui-ci qu'il est le plus simplement compréhensible (et qui fut le premier historiquement parlant).
J'espère avoir faire comprendre ce que je voulais dire par la nécessité de l'espace et du temps pour construire des objets mathématiquement. Comme je m'étais engagé à traiter du lien entre la syntaxe et la sémantique du langage (le lien entre
⊢et⊨), je vais m'y essayer maintenant. Pour ceux qui ne sont pas au courant du début des échanges, cela fait suite à une autre discussion avec Pierre-Matthieu et mahikeulbody déjà au sujet du problème de l'unification de la relativité générale et de la physique quantique.Lorsqu'un logicien utilise un symbole du type
A ⊢ B, il veut dire par là que sous l'hypothèseA, on peut prouverB, ou queBest une thèse de la théorie ayantApour principe. Dans l'usage du symbole⊢, il ne s'agit que d'une manipulation purement formelle et syntaxique des propositions selon certaines règles que l'on appelle règle de déductions (ou règles d'inférence), règle par lesquelles on étudie le rapport de consécution entre jugements.Maintenant, lorsqu'un logiciel utilise une expression du type
M ⊨ P, il veut dire que la propositionPest satisfaite par l'objetM, ou quePest vrai pourM, ou queMest un modèle deP. Ici on ne considère plus nos jugements dans leur rapport respcetifs, mais dans leur rapport avec le monde des objets (construits dans l'espace et le temps).Un exemple simple pour mettre les choses au clair, étudions le cas de la disjonctions le
ou. Dans les régles de déduction, je vais en considérer deux celle qui introduit les jugements hypothétiques (si A alors B) et celles qui introduit les jugements disjonctifs (leou) :A ⊢ Bon peut déduire⊢ si A alors B;Env ⊢ Pon peut déduireEnv ⊢ P ou Q(où Env est un ensemble de propositions, et Q une proposition quelconque) ;A ⊢ APartant des ces règles, dont leur usage ne relève que d'un simple jeu syntaxique, on peut prouver, sans hypothèse
⊢ si P alors (P ou Q). C'est là une magnifique tautologie, on appelle d'ailleurs tautologie ce qui peut se prouver sans hyptohèse (la partie à gauche du taquet⊢est vide). La preuve est comme suit :de
Pje peux poserP,P ⊢ P, j'applique la seconde règle (oùEnvvautP) ce qui donnerP ⊢ P ou Qpuis je finis avec la première règle⊢ si P alors (P ou Q).Voilà ce qui se passe quand on fait une démonstration. En revanche, lorsque l'on calcule des tables de vérités (avec des booléens
trueetfalse), alors on fait de la sémantique, on utilise le⊨. Un solveur SAT cherche si un propositionPqu'on lui donne en entrée admet un modèle, c'est-à-dire des valuations booléennes de toutes les variables constitutantPtelles queM ⊨ PoùMest l'ensemble des valuations booléennes.Les contraintes que l'on veut sur notre système de règles déduction sont celles-ci :
On dit alors que notre système est déductivement complet, c'est cela que Gödel à prouver sous le nom de théorème de complétude : il prouve tout ce que l'on peut prouver. Ce faisant il a écrit le premier desassembleur interactif de l'histoire par cette preuve (si l'on interpète via Curry-Howard la preuve de ce théorème, c'est un desassembleur).
Ce théorème est de la plus grande importance pour le seconde théorème qui suivit : le théorème d'incomplétude. Maintenant, si au lieu de prendre des tautologies, on s'intéresse à ce que l'on peut prouver dans une théorie donnée, disons celles des entiers unaires dont on parlait tout au début. On parle alors de l'arithémtique de Péano (une théorie axiomatique qui décrit les règles de constructions des entiers unaires). Gödel a alors montré que cette théorie contient des énoncés (que l'on peut exprimer dans son langage) qu'elle ne peut ni démontrer ni réfuter, à commencer par sa propre cohérence. Et ce résultat, grâce au théorème de complétude précédent, n'est pas du à un défaut de déductions des règles de preuves (elles sont complètes) mais à une incomplétude de la théorie : elle ne peut décider de toutes les questions qu'elle pose.
Je ne peux m'empêcher, à nouveau, de citer un passage de la Critique de la raison pure :
Alors juste deux remarques : ce que Kant appelle définition nominale de la vérité (accord de la connaissance avec son objet) est exactement ce que les logiciens entendent par l'usage du symbole
⊨, ensuite l'absence de critère universel de la vérité car c'est contradicroire en soi, c'est ce que prouve le théorème d'incomplétude de Gödel. Bon, celui de Gödel est plus spécifique que la remarque de Kant. Kant traite le cas d'un critère qui vaudrait pour tout objet et toute théorie, là où Gödel a montré que même en se restraignant à la théorie arithmétique, un tel critère ne pouvait exister.Je voudrais aussi terminer sur la question : à quoi ressemble un modèle de l'arithmétique ? Pour cela, on va d'abord traiter d'un modèle de la théorie des ordres. Une relation d'ordre c'est, intuitivment, ce que l'on pense derrière le symbole
<. Un modèle d'une telle théorie est par exemple cette image :C'est la donné de trois objets (ici A, B et C) ainsi que d'une relation entrer eux qui doit satisafaire aux axiomes de la théorie : c'est un graphe orienté (A , B et C en sont les noeuds, la relation étant caractérisée par les arêtes du graphe). On peut voir par exemple que cette théorie aussi est incompléte : la proposition il existe un plus grand élément n'est ni prouvable, ni réfutable. En effet, le modèle avec mes trois objets satisfait cette proposition, C étant un plus grand élément (il y a accord entre la proposition et l'objet) tandis que si je prend pour modèle les entiers naturels, il n'y a pas de plus grand élément. Or si la proposition était prouvable, elle devrait être vraie dans tout modèle (d'après le théorème de complétude), ce qui n'est pas le cas.
Maintenant, un modèle de l'arithmétique est aussi un graphe orienté : celui qui contient toutes les listes chaînées sans cycle:
Cantor appelait cela un ordinal infini.
Une petite remarque en passant sur les entiers binaires : on peut les voir comme des chemins dans un arbre binaire équilibré (qui est aussi un graphe).
Ici, au feuille du bas on a les 4 nombres sur 2 bits. Si partant de la racine on fait gauche-droite (01) on tombe sur 1, et droite-gauche (10) on tombe sur deux. Maintenant en considérant l'arbre infini, on a un équivalent de l'ordinal des listes chaînées. À chaque étage, on a une liste finie, qui grandit exponentiellement par rapport à la hauteur de l'arbre ou reciproquement la hauteur est logarithmique en la taille de la liste. On a l'algorithme de compression de nos mésopotamiens, mais eux ils ont dix branches à chaque étage (la base dix).
Pour finir, rapidement, sur une question de mahikeulbody sur les postulats et les axiomes en physique quantique. L'interprétation probabiliste des vecteurs d'états lors d'une mesure, concerne la sémantique du système, le passage des propositions au monde physique, c'est-à-dire le
⊨. Pour de la lecture en rapport avec toute cette discussion : Bohr's complementarity and Kant's epistemology.P.S : désolé pour le pavé, et les typos qu'il doit y avoir dans mon texte (la flemme de la relecture).
Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières.
[^] # Re: Hein ?
Posté par Voltairine . Évalué à 3 (+1/-0).
Et oui on ne sait pas où cette chose nous mène.
[^] # Re: Hein ?
Posté par thoasm . Évalué à 4 (+2/-1).
Il faut voir ce qu'on entend par "temps". Quand Carlo Rovelli par exemple titre un ouvrage de vulgarisation « le temps n'existe pas », il indique plus loin dans son bouquin qu'il parle d'une description de la physique dans laquelle il n'y a pas à proprement parler de variable "t" comme il peut y en avoir en physique Newtonienne (et quasi toutes les théories physiques).
Il parle plutôt de chose analogue, si j'ai bien compris, aux horloge vectorielle, dans laquelle tout ce qui se "passe" quelque part est relativisé par rapport à tout ce qui se passe autre part. On peut ensuite, j'imagine, à partir de tout ça, récupérer une variable "temps" comme en physique statistique on récupères une pression et une température d'un gaz à partir de l'ensemble des mouvements des molécules du gaz.
Le truc qui confusionne c'est qu'on a l'impression que temps et causalité sont intimement liés dans le sens ou si un truc cause l'autre c'est que ça c'est passé "avant", temporellement parlant. Alors que les théories comme Relational quantum mechanics semblent plutôt ne garder que la notion de causalité (partielles) entre certains événements. On récupère le temps comme variable en tant que propriété émergente de tout ça ?
[^] # Re: Hein ?
Posté par thoasm . Évalué à 7 (+4/-0).
Avec la relativité on peut parler de temps propre pour un objet. Dans le référentiel Terre il est a peu près le même pour nous tous, le temps s'écoule pour nous à peu près pareil que le temps du voisin. Pareil si on était voisins sur Mars, le temps s'écoulerait à peu près pareil pour nous deux, on partagerait nos temps propre sans trop de difficultés. La constante relativiste est l'Intervalle d'espace-temps qui elle est invariante quel que soit le référentiel et mélange les dimensions temporelles et d'espace.
La formulation ne me choque pas, c'est pas une notion simple le temps.
[^] # Re: Hein ?
Posté par vmagnin (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 3 (+1/-0). Dernière modification le 04 décembre 2025 à 16:28.
Oui, c'est le paradoxe des jumeaux. Chacun vit sa vie dans son temps propre, c'est-à-dire local. Ils ne se rendent compte de rien (aucune sensation), jusqu'au moment où ils vont éventuellement se rencontrer et constater qu'ils n'ont pas vécu dans le même référentiel.
Dans le cas de Mars la désynchronisation est bien sûr dérisoire, mais même si elle était un million de fois plus forte ce serait idem.
[^] # Re: Hein ?
Posté par gUI (Mastodon) . Évalué à 7 (+4/-0).
Quand tu vois que les horloges atomiques arrivent à mesurer une différence d'écoulement du temps avec seulement 1m d'altitude de différence, je ne sais pas si c'est le concept lui-même qui est le plus vertigineux, ou le fait qu'on arrive à fabriquer de tels appareils !
En théorie, la théorie et la pratique c'est pareil. En pratique c'est pas vrai.
[^] # Re: Hein ?
Posté par Luc-Skywalker . Évalué à 3 (+1/-0).
Alors là oui, carrément.
Avec la techno RTK, les GPS atteignent une précision centimétrique, je trouve ça assez dingue.
"Si tous les cons volaient, il ferait nuit" F. Dard
[^] # Re: Hein ?
Posté par fearan . Évalué à 7 (+4/-0).
Dans un référentiel Géocentrique, je suis pas loin d'être le centre de l'univers.
Il ne faut pas décorner les boeufs avant d'avoir semé le vent
[^] # Re: Hein ?
Posté par serol (site web personnel) . Évalué à 2 (+1/-0).
Le nombril du monde ?
[^] # Re: Hein ?
Posté par vmagnin (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 3 (+1/-0).
Il suffit de bouger une lettre, et on y est tous ! Ou plutôt chacun…
[^] # Re: Hein ?
Posté par BAud (site web personnel) . Évalué à 3 (+1/-0).
c'est clair qu'il n'y a que les hommes pour avoir un tel égo :D
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