Pierre Roc a écrit 426 commentaires

  • [^] # Re: Oups…

    Posté par  . En réponse au journal Le CDI doit disparaître. Évalué à 2.

    Bon, ok je me suis trompé, c’est le quintile, pas le décile. La question n’est pas de savoir combien de gens ont des actions, mais la part que cela représente, et qui ouvre donc droit à prendre part aux décisions économiques, entre autres, mais aussi à la capacité de pressions qu’on peut exercer sur un gouvernement.

    Quant à l’inflation, ça s’évalue et se calcule. Il y a un arbitrage à faire entre le chômage et l’inflation. Mais évidemment, dire à vos connaissances que s’ils sont au chômage, c’est parce que vous refusez de toucher à votre épargne et à l’inflation, ce qui aggrave la crise. Présenté comme ça… Alors qu’une logique plus intelligente voudrait tout simplement que vous leur payez le chômage. Carrément et sans contre-partie. Ça s’appelle la solidarité et on en revient à mon premier commentaire. On évite ainsi 1/ de creuser la crise, 2/ de laisser des gens sur le carreau, 3/ de faire pression à la baisse sur les salaires. Malheureusement pour vous, si les images style la cigale & la fourmi sont rigolo, elles sont d’une valeur explicative dans le domaine économique assez faible. D’autant que contrairement à ce que fait la fourmi, l’épargne n’est pas une richesse en soit. Comment vous expliquer cela ? Grosso modo, dans une crise de la dette (publique, privé, c’est pareil), il y a un rapport de force qui se crée. Dans un contexte où la production réelle n’est pas celle attendu, le risque pris par les créanciers en pariant sur l’avenir s’est révélé être important, tandis que les débiteurs sont dans une situation difficile pour rembourser. Il y a un conflit d’intérêt entre les uns et les autres. Ce que j’essaie de vous expliquer, c’est que céder aux revendications des créanciers est incompatible avec une sortie de crise, créanciers qui représente une minorité de la population, qui plus est. La solidarité est un moyen de sortie de crise.

    Il s’agit pas de savoir qui arnaque qui ou de juger les gens, du style “toi t’as pas épargné, c’est pas bien”, ce que je m’imagine mal dire à un couple tout juste marié qui attend un enfant et vient d’acquérir une maison et dont un des membres vient tout juste de décrocher un CDI. Après tout, ils ne sont pas responsables de la crise et on ne peut leur reprocher de ne pas avoir su prévoir ce que même les économistes les plus reconnus n’ont pas vu arriver. Non. Le but politique est de savoir comment tous (sans exception) peuvent traverser la crise tout en continuant à avoir une vie digne. En sortant de l’économie deux minutes, juger les gens est politiquement très dangereux, car il s’agit alors de condamner des groupes sociaux selon une morale qu’ils ne partagent peut-être pas. Il y a très probablement des tas de raison pour laquelle les gens n’ont pas épargné, toutes légitimes, mais dont vous n’avez juste pas conscience. Je me fous complètement de savoir pourquoi ou non ils ont épargnés, ce qui m’intéresse ce sont les conséquences économiques et les solutions, soit incitatives soit coercitives, que l’on peut mettre en place pour sortir de la crise, en m’intéressant à ceux qui en souffrent le plus (alors je m’auto-excuse de ne pas m’apitoyer sur le sort de Depardieu).

    ———

    20% des ménages les plus fortunés détiennent 71% des patrimoines

    […]

    Le tableau ci-dessus présente aussi un autre intérêt – dont il faut prendre note en prévision des réformes fiscales qui doivent voir le jour : la concentration des patrimoines est encore plus spectaculaire quand on isole les patrimoines financiers : « La concentration du patrimoine est davantage marquée pour les actifs financiers que pour les actifs non financiers. Les ménages du dernier quintile détiennent 55 % du patrimoine financier contre seulement 44 % du patrimoine non financier », note l’Insee.

    Comme on le comprend à la lecture de cette étude, il y a plusieurs façons de prendre la mesure des inégalités. On peut mesurer la concentration des patrimoines en classant les Français selon leurs revenus, ou alors selon leur niveau de vie, ou enfin… selon leur niveau de patrimoine. Et dans ce dernier cas, les inégalités sont encore plus ahurissantes : l’Insee relève ainsi que si l’on classe les ménages selon l’échelle des patrimoines, « les 20 % des ménages les plus fortunés détiennent 71 % des patrimoine total ».

    Toutefois, ajoute encore l’Insee, « la concentration de patrimoine selon le niveau de vie n’atteint pas celle de l’épargne dont les trois quarts du montant total sont le fait des ménages du dernier quintile. Épargne et patrimoine ne sont donc pas parfaitement corrélés, ne serait-ce que parce que l’accumulation patrimoniale est un processus long : certains ménages percevant des revenus élevés et dégageant de ce fait une épargne importante, peuvent n’être que peu avancés dans le cycle de constitution d’un patrimoine ».

  • [^] # Re: Oups…

    Posté par  . En réponse au journal Le CDI doit disparaître. Évalué à 4.

    C’est pas l’argent qui est en trop car les taux d’inflation sont maintenus à 2 % en moyenne. C’est le capital financier, l’épargne. Ce n’est pas tout-à-fait la même chose. La théorie classique voudrait que les gens arrêtent d’épargner et consomment si l’épargne ne rapporte pas assez. Pourquoi préférez-vous littéralement perdre des richesses¹ ? C’est con, très con. Vous feriez mieux de dépenser votre épargne.

    Et non, il y a de très fortes inégalités dans les patrimoines, surtout les patrimoines financiers. Globalement c’est surtout le décile supérieur qui a des actifs financiers (livret A exclu). Mediapart a publié deux articles sur les inégalités cet été, patrimoine & revenus, compte-rendus de rapports statistiques (INSEE probablement). Le coup des salariés actionnaires, c’est une légende : ils ne possèdent que l’illusion d’avoir une participation au capital, mais leur part est absolument infime. Ceci est valable pour la France, où la retraite par capitalisation et autres conneries n’existent pas. Pour les autres pays, notamment là où les gens sont “invités” à prendre part à la finance pour avoir une retraite, la situation est très similaire, car ils ont très peu de pouvoir sur les décisions prises quant à la façon de gérer leurs épargnes : tout ce qui les intéresse est le taux qu’ils obtiendront, ce qui créé un magnifique système d’auto-exploitation, voir d’asservissement de soit-même, où le travailleur est sommé de travailler comme un bourrin pour l’épargnant qu’il est, sans en avoir conscience, et donc sans le pouvoir de dire, tout simplement, “stop c’est complètement idiot”, car il est difficile de réaliser que lorsqu’on dit à son banquier “augmentez mon taux d’épargne”, cela aura pour conséquence directe de voir son chef au boulot dire “vous ferez des heures sup’ ce soir, pas payées”.

    Théoriquement, si les risques sont trop importants et les taux trop faibles, alors l’épargne devrait diminuer, et la consommation augmenter. Mais ce n’est pas ce qui se passe. Plutôt que d’aller dans la consommation (ou l’investissement, qui n’est rien d’autre que l’achat de capitaux actifs, c’est-à-dire la contrepartie dans l’économie réelle–productive d’un capital financier : production de machines, d’ordinateurs, construction d’une usine, etc.), l’épargne est aspirée par un marché bien plus lucratif : la spéculation.

    Le risque pris, c’est surtout un risque pris dans la spéculation, c’est-à-dire un pari, sur l’avenir, qui se révèle faux — cela tient au fait que l’information n’est pas parfaite, contrairement à l’hypothèse du modèle classique d’un marché concurrentiel parfait. La spéculation n’a absolument aucun intérêt pour l’économie réelle et donc la société en règle générale. Les crises sont typiquement des bulles de spéculation qui éclatent : bulle asiatique, bulle Internet, bulle subprime, bulle du marché immobilier en Espagne, etc. À chaque éclatement d’une bulle, celui qui s’en sort est celui qui a réussit à se retirer juste à temps (histoire de profiter de la spéculation jusqu’au bout, mais sans perte). Ceux qui perdent invoquent le too big to fail pour obtenir recapitalisation de la part de l’État. C’est ce que les économistes appellent l’aléa moral : les agents économiques, qui théoriquement limitent leurs prises de risque, sont en pratique protégés contre cette prise de risque, et donc sont incités à spéculer. La spéculation étant très fortement rémunératrice car l’aléa moral joue à plein pot concernant les grands groupes bancaires, ils font chuter les taux d’intérêt car cela rapporte plus et plus vite d’attendre la prochaine bulle (le capital financier restant en “stand by”) que de chercher à l’investir dans l’économie réelle. Un reportage passé récemment sur Arte, prenant essentiellement pour exemple Goldman Sachs, montre assez bien que certaines banques n’ont plus rien à foutre de leurs clients, et voir même les arnaquent. Dans ce jeu-là, certaines s’en sortent mieux que d’autres. Il y a notamment un entretien d’un “petit” rentier allemand qui a perdu ses économies parce que sa banque, allemande, a cru pouvoir devenir cliente de Goldman Sachs. Cette dernière a fini par plus ou moins arnaquer l’autre banque. En apparté, on devine le tropisme européiste, voir allemand de Arte, à publier un reportage présentant le rentier allemand comme une victime d’une banque US. Il ne s’agit ici aucunement d’un risque sur un investissement productif, mais d’un risque à espérer quelques prébendes provenant de la spéculation. Vous pouvez donc très bien, en tant qu’épargnant particulier, avoir des taux d’intérêts très faibles, des risques élevés, tout en voyant des profits faramineux de la part de grands acteurs financiers, qui utilisent votre propre argent qui plus est. C’est tout l’enjeu de la séparation des activités bancaires prévue au programme des socialistes, un pis-aller à mon goût mais qui aurait été mieux que rien s’il n’était pas plus ou moins au point mort.

    On en revient à votre situation personnelle : vous, électeur et simple citoyen, préférez faire pression sur l’État, avec vos modestes moyens, avec une peur bleue de l’inflation — en effet, agiter le spectre de l’hyperinflation est ridicule, entre 5 à 10 % d’inflation et 50 %, il y a un monde —, plutôt que de réaliser que votre épargne est un piège à con : vous perdez objectivement de la richesse réelle (car taux nominal inférieur au taux d’inflation, donc taux réels négatifs), mais pour une raison ou une autre — retraite, sécurité ? — vous continuez à épargner. Ce qui au passage aggrave la crise par ailleurs : vous-mêmes êtes l’exemple parfait d’un problème de déficit de consommation et de sur-accumulation du capital financier, sans compter la spéculation qu’autorise votre épargne et l’aléa moral à travers le chantage sur les gouvernements qui ne tiennent pas à ce que leurs électeurs perdent leur épargne, malgré la déconnade complète de certaines activités bancaires.

    Il n’y a pas ici de méchant capitaliste. Enfin… si, car le capital financier est suffisamment concentré au mains de quelques centaines d’individus² et agit assez ouvertement et explicitement contre l’économie réelle et les intérêts de millions de gens, pour sérieusement s’interroger³… Qui plus est, même si les épargnants sont des millions, ceux qui prennent réellement les décisions d’allocation de cette épargne sont quelques milliers, voir quelques centaines. Mais outre l’attitude absolument infecte de quelques-uns (ayant en leurs mains les épargnes de millions de gens, et brassant des milliards — largement de quoi tourner la tête de n’importe qui), il y a des effets structurels au capitalisme, c’est-à-dire des effets qui socialement, c’est-à-dire à travers les milliards de décisions de millions d’individus, conduisent à une sur-accumulation du capital et à une baisse de la consommation (soit courante soit par investissement). Quelque soient vos raisons, vous illustrez parfaitement cette volonté d’épargner, malgré vos pertes objectives et malgré le signal donné par un taux d’épargne extrêmement faible.

    ¹ J’ai supposé qu’il s’agit bien du taux nominal, c’est-à-dire du taux inscrit dans votre contrat. Le taux réel d’une épargne, c’est-à-dire sa rémunération, est calculé en soustrayant le taux d’inflation : négatif vous perdez de l’argent. Sachant que dans l’UE le taux d’inflation est d’environ 2 % (enfin, pour les économies qui tiennent encore la route…) Dans le cas contraire, cela ne change rien à mon argumentation car des taux négatif (y compris nominaux !) ont été constaté sur les titres de dette souveraine.

    ² J’ai eu l’occasion de signaler sur ce site que sept groupes bancaires français possèdent plus de 80 % des dépôts et crédits. L’ensemble des personnes qui participent ou prennent les décisions, membres de la direction, hauts cadres et gros actionnaires au sein de ces groupes ne dépassent pas quelques centaines. Vous avez ici tout le pouvoir de gripper une économie nationale, voire continentale (les groupes bancaires sont internationaux) en moins de deux. Un excellent argument lorsque l’État ou ses électeurs trouvent tout à coup la “lubie” de vouloir réglementer un secteur qui fait tant de profits…

    ³ Globalement cela va passer par un ensemble de processus de légitimation du pouvoir, qui a une double fonction : propagande envers la population, mais aussi pour que le pouvoir s’auto-persuade qu’il fait le “bien”. La théorie du ruissellement (ou de percolation) est typiquement une idée de légitimation du pouvoir économique (voir la page wikipedia française).

  • [^] # Re: Oups…

    Posté par  . En réponse au journal Le CDI doit disparaître. Évalué à 4.

    Bon…

    Grosso modo. Durant une crise, les prix sont rigides (sur le marché du travail donc les salaires, et sur le marché des biens & services). Les entreprises préfèrent ajuster leur offre de biens, donc leur production, plutôt que de revoir leurs prix. Du coup il y a des licenciements. Comme il y a des licenciements, la demande sur le marché des biens & services baisse (les ménages ont moins de revenus et épargnent plus du fait de la méfiance en l’avenir économique du pays). Les entreprises continuent donc à débaucher. La crise s’aggrave. De ce que j’ai compris la politique keynésienne classique consiste à lancer des investissement publics pour compenser, car cela crée des emplois. Bref, la flexibilisation du marché du travail est une politique purement pro-cyclique : aggravation de la crise.

    Par contre le capital¹, lui, trouve un intérêt de classe² à la flexibilisation du marché du travail, ce qui lui permet d’obtenir des salaires plus faibles. En effet, “précariser” le travailleur l’incite à accepter des boulots moins bien payés. Pas de méchant “capital” ici. C’est vous qui imposez un jugement moral sur ce qui n’a pas à l’être car c’est dans la plus pure tradition des théories économiques que de prendre pour hypothèse la maximisation des profits. Reste donc à savoir qui est en rapport de force dans les négociations entre le capital (du moins le grand capital lorsqu’on parle du MEDEF) et le travail (syndicats honnêtes des travailleurs). Chacun cherchant à maximiser les profits de ceux qu’ils représentent.

    Sur l’Allemagne. Elle s’en sort grâce à ses exportations. Mais ça ne dure pas éternellement si la demande mondiale, et surtout européenne, s’effondre. Ce qui la sauve ici, c’est que sa demande intérieure déficiente est compensée par la demande extérieure. C’est ce que veut mettre en place Hollande. Mais le marché mondial est lui-même en crise et la demande mondiale ne perdurera pas éternellement.

    Sur l’exemple des Pays-bas. Je veux bien. Mais il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que les allocations chômage ne seront pas étendues comme il se doit. Globalement, on aura la flexibilité sans les allocations qui vont avec. Comment je le sais ? Parce que sans cotisations, pas d’allocations. Or la guerre contre les “charges” salariales est un des thèmes favoris du patronat.

    Enfin, vous comparez un taux interbancaire (qui n’est pas de l’épargne) avec celui d’une épargne populaire. C’est complètement absurde : nous ne sommes pas sur le même marché, il est normal de ne pas avoir le même “prix”. Pour information, le taux du livret A est calculé de manière assez compliquée pour, en gros, suivre le taux d’inflation à la consommation, être très légèrement supérieur en règle générale. En réalité, le livret A ne rapporte quasiment rien.

    ¹ NdT : un des facteurs de la production, par extension les détenteurs de ceux qui possèdent les moyens de production matériels, ce qui dans le cadre du système capitaliste revient à décider de la production.

    ² NdT : notion très utilisée dans la sociologie, une des sciences humaines. Notons que tout économiste qui prétend ne pas vouloir entendre parler de notions de classe se situe de ce fait hors du champ scientifique. En effet l’interconnexion avec les autres sciences est une condition essentielle de la démarche scientifique telle que définie par l’épistémologie.

  • # Oups…

    Posté par  . En réponse au journal Le CDI doit disparaître. Évalué à 10.

    Vous avez un train de retard ; voici une vidéo qui a très largement tourné sur Internet durant la campagne :

    http://www.fakirpresse.info/Le-plan-de-bataille-des-marches-la.html

    La “flexibilisation du travail” est la grande revendication actuelle du patronat dans les négociations en cours avec les syndicats, qui partent bien évidemment perdants… petit exemple des méthodes de négociations :

    Le 6 décembre dernier, au cours d’une rencontre discrète avec le Medef, Stéphane Lardy, l'homme de Force ouvrière dans la négociation cruciale sur la sécurisation de l'emploi, est resté « coi » devant Dominique Tellier, le directeur général adjoint de l'organisation patronale. Très sérieusement, ce dernier lui a proposé la présidence de l’Agefiph, l’association chargée de gérer le fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées... en échange de la signature de FO.
    
    Le syndicaliste a d’abord cru à une blague mais cela n’en était pas une. Il raconte un mois plus tard comment il s’est senti « humilié » : « Je ne mange pas de ce pain-là et FO non plus. Comment ont-ils pu croire qu’ils pouvaient nous acheter ! » Ce jour-là, il a « revu l'antique CNPF ressuscitée » (NDLR: l'ancêtre du patronat). Dans le petit microcosme du social, ces pratiques les soirs de grandes négociations ne sont pas nouvelles mais elles surprennent toujours.
    
    Mediapart, Sécurisation de l'emploi: le patronat détient les clés d'un accord, Rachida El Azzouzi, 4 janvier 2013
    
    

    La réforme du marché de travail touche tous les pays européens les uns après les autres, la crise économique étant utilisée comme prétexte et comme choc, dans le cadre de la thèse développée par Naomie Klein, La stratégie du choc ; tout ceci se fait avec un déni complet de la démocratie ; ce soir encore, j’ai entendu dire sur C à vous de Fr5 qu’heureusement Hollande a jeté à la poubelle ses positions de campagne pour engager des “réformes structurelles” (Duhamel), réformes dont on n’a jamais entendu parlé, de bien entendu, durant la campagne.

    Grosso modo, l’argument principal est le chômage, l’idée est que c’est le manque de souplesse dans le marché du travail qui en est la cause. On créé ainsi un pseudo-débat démocratique où les argument des syndicats des salariés n’auront jamais droit de cité (sauf ceux qui sont rentrés dans les rangs, “qui se sont rendu à la raison”), et où le chômage agira comme un excellent moyen de faire peur.

    Évidemment, il est assez simple de comprendre que le chômage lié à la crise ne peut aucunement être attribué aux conditions du marché du travail qui n’ont absolument pas changées avec la crise, et qui ne peuvent donc en aucun cas être la cause de l’élévation du chômage. Ici il s’agit essentiellement de maintenir un climat de peur, plutôt que d’utiliser un argument réellement économique.

    Au contraire, la crise a été provoquée par la spéculation sur les emprunts immobiliers aux USA. De fait, augmenter la stabilité de l’emploi diminue le risque d’insolvabilité des individus, et donc celui d’une crise sur la dette privée, origine de la crise actuelle¹.

    Par exemple : pour éviter la peur du chômage, il suffit d’augmenter très largement les allocations chômage et leur durée, avec une augmentation si nécessaire des cotisations. Effet double++ : les chômeurs réfléchiront à deux fois avant d’accepter n’importe quel boulot, et il se pourrait bien qu’ils négocient plus durement leurs propres contrat, faisant monter à la hausse les salaires. Ce n’est pas un point de vue “individuel égoïste” que je développe ici, mais au contraire reposant sur une solidarité de classe.

    Évidemment c’est un truc que le capitaux n’accepteront jamais, se servant de leur mobilité importante au sein de l’Europe et dans le monde comme chantage. Ça n’est pas habituellement présenté comme chantage, on dira “c’est pas possible dans une économie ouverte”, “avec la mondialisation on peut pas”, etc. Dans ces conditions il faut aussi prévoir un remplacement efficace à l’investissement privé… genre un véritable banque publique d’investissement, pas l’ersatz prévu par le PS. Les capitaux financiers se barrent ? Tant mieux, on imprime nos billets ! J’ai appris aujourd’hui que l’inflation n’a jamais été aussi basse, à telle point qu’ils sont emmerdés pour baisser le livret A en-dessous de 2 %.


    ¹ Notons au passage que les étudiants USA sont une bombe à retardement du système États-Unien. Avec un système de financement des études par le crédit, plutôt qu’un financement public, des masses d’étudiant risquent de se retrouver insolvables quand ils vont arriver sur un marché du travail en temps de crise (donc sans boulot). Bien évidemment on va retrouver les mêmes prétextes bidon à ce moment là : « ils n’avaient qu’à pas emprunter, ils n’ont pas été responsables, etc. » Comme si c’était de leur faute de ne pas avoir su prévoir une crise qu’aucun économiste “orthodoxe” n’aura su prévoir. Les étudiants québécois ont échappé de peu à ce système là grâce à des manifestations et une volonté d’acier de conserver un financement public de l’université, jusqu’à faire tomber le gouvernement en place.

  • [^] # Re: Système en place

    Posté par  . En réponse au journal Les Bitcoins, c'est so mainstream !. Évalué à 6.

    « Là où ça chie […] ce que font les États depuis longtemps […] La mauvaise gestion et la faillite des États »

    Et blablabla, il y a des réflexes qui ont la vie dure. Parlons de John Forbes Nash. Il a travaillé sur la théorie des jeux, utile lorsque le marché n’est pas en concurrence parfaite. Cela arrive plus souvent qu’on ne le croit. Par exemple, fin 2008, les sept premiers groupes bancaires français collectaient environ 90 % des dépôts et octroyaient près de 84 % des crédits. Nous avons affaire à une situation d’oligopole. Outre les inévitables conflits d’intérêts, affaires et scandales que le brassage d’énormes sommes d’argents produit, il est bien clair que les clients de telles banques ne sont pas en situation de faire jouer la concurrence de manière correcte, en fait les oligopoles sont amenés à mettre en place des stratégies à rebours de ce que la concurrence dicterait. Par exemple, une guerre des prix peut coûter plus cher que de se partager un marché pacifiquement. Cette concentration (qui s’opère avec le temps, soit par acquisition—fusion, soit après un “nettoyage” à l’occasion d’une crise) est en soit un problème. On y retrouve absolument tous les défauts toujours imputés aux États : centralisation, bureaucratisation, mauvaise allocation des ressources, etc. Alors je vais éviter de vous faire peur avec la concentration dans d’autres secteurs économiques… quoique je ne peux pas résister, juste un chiffre : 200 plus grosses entreprises françaises = 36 % du chiffre d’affaire total, sans la finance… avec c’est 229 entreprises pour 31 % des effectifs salariés. La décence m’interdit de parler de la concentration dans l’énergie, ou l’automobile. Juste allez voir :

    http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=NATTEF09311

    http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=ESANE033

    Et pour rigoler :

    http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=CemLiSI5ox8

    Ça c’était la leçon du jour. Demain nous verrons que la mauvaise gestion n’est pas l’exclusivité de l’État. Il paraîtrait même qu’il y a des boites privées qui coulent tous les jours. Mais de bien entendu, quand une boite privé coule, c’est de la faute de ce méchanzétat qui fait que vampiriser le gentil petit entrepreneur, qui lui est un bon gestionnaire (c’est dans ses gènes).

    Et puis après-demain on parlera de philosophie politique, avec des formes étatiques décentralisées, pour éviter la bureaucratisation et une mauvaise allocation des ressources.

  • [^] # Re: Système en place

    Posté par  . En réponse au journal Les Bitcoins, c'est so mainstream !. Évalué à 0.

    Par contre, emprunter pour l'entretien des lignes de TGV est catastrophique, car c'est juste un appauvrissement.

    Mouai… ça c’est pas un argument d’économiste. Je le refuse catégoriquement, prenant toujours exemple sur l’éducation. Je vois qu’on est deux !

    Un argument d’économiste, ce serait de jeter un œil au coût d’opportunité : lever un impôt a un “coût” sur la société (en fonction de l’impôt… avec possiblement un impact sur la croissance), faire un emprunt a aussi un coût en terme de taux d’intérêt. À partir de là, il n’y a pas de question métaphysique à avoir sur la nature de l’éducation : on prend le moins cher, dans tous les cas.

  • [^] # Re: Le Myard ! Le Myard !

    Posté par  . En réponse au journal Vote électronique à l'UMP?. Évalué à 5.

    Le FN économiquement de gauche, qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre. Le père se réclamait de Reagan, le remboursement de la dette est pour eux un fait indépassable. Plus généralement, la sociologie du FN ne le pousse absolument pas à être de gauche. Les cadres exercent essentiellement des professions libérales, petit patronat, etc.

    Quant au national-socialisme, j’expliquais il y a peu que les socialistes ont sauté après l’ascension au pouvoir de Hitler. C’est tout bonnement incompatible, en terme de pensée, et les clientèles politiques ont des intérêts matériels divergents. Ce n’était que de la démagogie afin de recueillir un maximum de sympathie.

    Tout ceci tient d’une confusion, que chez les socialistes l’État est, et doit être un outil aux mains du peuple. Chez l’extrême-droite, c’est une élite (chef, oligarchie, patrons, etc.) qui gère la société, avec potentiellement un volet extrêmement dirigiste de l’économie.

    Et ça ce n’est pas dans le programme que ça se distingue, mais en rencontrant la personne, en discutant avec elle, en lui demandant sa conception de la société et de la vie humaine.

    Par exemple, le libéralisme n’existe pour ainsi dire pas dans la droite française (peut-être un peu au centre), comme humanisme, c’est-à-dire comme moyen de permettre aux hommes d’avoir un maximum de libertés. Ça devient évident lorsqu’on entre dans les détails, c’est-à-dire dans les arguments utilisés. Ici il s’agit d’avoir l’économie la plus performante possible, celle qui produira plus de croissances que les pays voisins, etc. Dans cette conception de la société, on doit contraindre ou inciter les travailleurs pour qu’ils fournissent un maximum de résultats. L’incitation est aussi une forme de contrainte et a un volet autoritaire. C’est une société au service de l’économie, plutôt qu’une économie au service de la société qui est défendue. Tout ceci est dû à un culte de la performance qui s’exprime dans les résultats économiques. C’est une pensée foncièrement de droite. J’y oppose la pensée de gauche, une pensée humaniste, c’est-à-dire qui va privilégier la vie humaine, l’individu : ses libertés, sa quiétude, sa dignité, etc. sans chercher la performance.

    Petit exemple ? Ça ne va pas lui faire plaisir, mais prend la phrase de Zenitram : « pour que les gens se bougent, il leur faut un bon coup de pied au cul » (citation approximative). Ça me répugne, ça répugnerait n’importe quelle pensée de gauche. Et en peu de mot il résume la pensée de droite : la performance plutôt que l’homme.

    Dans ses conditions là, le clivage gauche–droite est parfaitement pertinent. Et il va sans dire que l’écrasante majorité des français est à droite.

    Il y a un excellent petit texte publié en ce moment. Pour être socialiste de Léon Blum (1919). Il est aussi trouvable sur Internet.

  • [^] # Re: Le Myard ! Le Myard !

    Posté par  . En réponse au journal Vote électronique à l'UMP?. Évalué à 1. Dernière modification le 29 novembre 2012 à 22:02.

    Juste pour information. La gauche n’est pas synonyme d’État fort et d’interventionnisme. Il y en a qui sont radicalement opposés (anarchistes), du moins dans l’acception contemporaine du mot État. Au niveau économique, le principal point de clivage avec la droite se pose sur la question de la propriété des moyens de production. Du moins c’est ma façon d’établir ma grille en politique économique : est de gauche celui qui vise une transformation de la société, cette transformation doit viser l’abolition de la prééminence du capital dans les décisions économiques.

    Comme il y a transformation, la question se pose de la stratégie à adopter. Évidemment, il y aura dans la société des forces conservatrices, le grand capital en est l’une d’elles, et ce grand capital est concentré (sur Mediapart, il y a eu encore un article sur les inégalités de patrimoine, statistiques de l’INSEE), donc puissant. La nationalisation est un outil essentiellement utile à lutter contre ce capital là. Elle doit, à mon goût, être menée avec prudence et uniquement comme outil stratégique. Mais lors de la nationalisation, l’outil de production n’a fait que changer de main, d’une oligarchie à une autre. Et telles que sont conçues nos institutions politiques contemporaines, je ne suis pas très fan à l’idée de laisser d’importants secteurs économiques aux mains de l’État, surtout en ce moment où la démocratie est vraiment mal au point (et je ne parle pas de l’UMP, mais d’un cadre plus général). Ce qui est important, c’est la socialisation. Il s’agit de laisser les entreprises sous le contrôle de la société en général, en passant par la nationalisation s’il le faut, ou en remplaçant, progressivement ou par rupture, le pouvoir du capital par celui de la société : travailleurs bien évidemment, mais aussi associations, élus et enfin usagers prennent de plus en plus part aux décisions d’entreprises.

  • [^] # Re: Ah misère…

    Posté par  . En réponse au journal Avis aux abstentionnistes. Évalué à 0.

    Je me rends compte que c’est un peu noyé dans mon commentaire. Le document sur Cornélius Castoriadis parle de la démocratie athénienne, j’ai cru comprendre que ça intéressait pas mal de monde.

  • [^] # Re: Ah misère…

    Posté par  . En réponse au journal Avis aux abstentionnistes. Évalué à 0. Dernière modification le 23 novembre 2012 à 20:16.

    La société suisse est pourtant bien une démocratie directe, non ?

    meme la démocratie directe est imparfaite

    Ça confirme plutôt ce que je dis. En Suisse je vois deux populations qui se distinguent l’une de l’autre, qui ne se considèrent pas l’une comme l’égale de l’autre et donc entend lui imposer sa loi. Et donc la démocratie n’est pas possible comme idéal : la partie la plus nombreuse peut opprimer l’autre. La Suisse a un lourd passé avec les Tsiganes aussi. Je me suis concentré sur les inégalités intellectuelles réelles, mais elles peuvent être totalement artificielles et ne refléter qu’un sentiment d’appartenance à une communauté particulière. C’est malheureux, je n’aime pas cette conception de la nation-ethnie ou nation-religion et préfère largement le modèle français gauche, mais c’est comme ça.

    Je soupçonne que les sociétés dans le monde « hormis occidental » ont du mal avec nos démocraties à nous parce qu’elles se basent sur l’individu dans des sociétés très individualisées, tandis que dans une société avec des communautés bien identifiées et dans lesquelles les individus se reconnaissent (la famille — vote des femmes récent en France, faut pas l’oublier —, le village, la tribu, l’ethnie), une forme démocratique qui prenne en compte les composantes communautaires pour les mettre à égalité (quelque soit leur démographie interne) conviendrait mieux.

    Je crois qu’E. Todd est plus compétent que moi sur le sujet 0:)

    Pour revenir à la France/Suisse, c’est clair que la démocratie n’est pas l’idéal en ce moment avec la moitié des français bien radicalisés… et je le dis sans honte aucune : dans ces conditions là, hors de question d’être démocrate façon démocratie athénienne (je veux dire son modèle idéalisé, comme tu m’as corrigé), et même démocrate tout court (la loi doit permettre la vie en société possible, si de fait elle exclut des individus de la société, elle détruit la société et n’est donc plus légitime, quand bien même elle aurait été décidée démocratiquement).

    C’est ainsi que nos républiques ont été construites, pour savoir tempérer les passions et protéger (un peu). C’est ainsi qu’on a construit un édifice fragile et complexe qui ne se base pas uniquement sur le vote pour réaliser un semblant de démocratie (corps intermédiaire, presse, partis). C’est personnellement un modèle que je n’aime pas (cf. mon autre commentaire) et je pense qu’en introduisant du débat c’est-à-dire de la démocratie où les gens se rassemblent physiquement en assemblée, avec de l’égalité pour que tous aient les moyens d’exprimer leur point de vue de manière intelligible et s’en s’écharper, alors on devrait tendre vers une démocratie. À l’heure actuelle les représentants sont une classe à part, il faut comprendre que toutes les tensions de la société se déversent sur eux et que leur boulot est de les synthétiser pour contenter tout le monde. Mais dans la vrai vie le « gagnant-gagnant » n’existe pas. D’où la méfiance généralisée portée à la classe politique (sans compter la corruption) et l’instabilité du régime. De plus le suffrage ne suffit pas : je serai prêt à parier que dans l’affaire des minarets, les musulmans n’ont pas eu le droit à la parole, c’est-à-dire à un espace médiatique suffisant pour exposer de manière exhaustive (et dans toute sa diversité) le point de vue des pratiquants musulmans, du moins si c’est comme en France. On perd ainsi une des composantes essentielles de la démocratie : le débat dans l’espace public, débat non hystérisés par quelques journaux en mal de lecteurs (donc out la logique marchande, la recherche de profit, la concentration de la presse, des industriels ou marchands d’armes propriétaires de titres — pour la France, je ne sais pas ce qu’il en est de la Suisse).

    PS: et je plussoie thecat juste au-dessus :)

  • [^] # Re: Ah misère…

    Posté par  . En réponse au journal Avis aux abstentionnistes. Évalué à 3.

    Vous confondez les inégalités innées avec les inégalités construites par la société. Les premières ont toujours été l’alibi pour les secondes. Mais en réalité elles ne sont pas si importantes que ça.

    Comme dirait Franck Lepage : l’égalité des chances, c’est t’as un lièvre, t’as une tortue… la république te garantit que la ligne de départ sera la même pour les deux. Autrement dit : l’environnement familial de l’enfant participe à son développement. Le placer ensuite dans un système scolaire extrêmement élitiste et parler d’égalité des chances, c’est juste du foutage de gueule. Ça c’était pour le capital intellectuel.

    L'egalité des hommes est impossible, on ne saurait donc l'imposer comme necessaire à la démocratie.

    Ou alors cela signifie que la démocratie ne restera qu’un idéal. Une utopie. Vision à laquelle j’adhère complètement.

    Par contre rechercher à tendre vers la démocratie, donc réduire fortement les inégalités, c’est un début. Et force est de constater que cette volonté n’existe plus, comme si nous avions atteints le panacée.

  • [^] # Re: Ah misère…

    Posté par  . En réponse au journal Avis aux abstentionnistes. Évalué à 3. Dernière modification le 23 novembre 2012 à 17:33.

    La démocratie athénienne était réservée à une seule classe sociale, donc égalisée. La démocratie authentique est alors possible (J.-J. Rousseau).

    Le problème contre la démocratie athénienne n’est absolument pas un problème de taille. Il suffit de réunir les assemblées en plusieurs fois et en plusieurs lieux. J.-J. Rousseau décrit bien cela pour les républiques romaines. Au lieu de réunir une fois 40 millions, vous réunissez 40 000 fois (en des lieux et temps différents) des assemblées de 1 000 personnes. Cela n’a rien d’irréalisable : pour information, nous avons 36 000 communes, et nous pouvons étaler une session de débat sur deux ou trois semaines : à chaque week-end une assemblée différente est convoquée, de sorte que tout citoyen a été convoqué une fois.

    Le problème qui va apparaître est l’inégalité entre les citoyens. De cette inégalité résultera des intérêts totalement contradictoires et le développement d’une intolérance forte. Cela se terminera en luttes passionnelles d’égo. Reproduire dans tous les coins de la France les mêmes problèmes qu’à Paris, merci mais très peu pour moi (ceci dit, les pseudo-luttes d’égo de la représentative ne sont que des effets annexes du système de contre-pouvoir ; c’est parce qu’il y a des pouvoirs et contre-pouvoirs qu’il y a des luttes entre personnes, et c’est parce qu’il y a des luttes entre personnes que le système de contre-pouvoir fonctionne).

    De plus, lors de ces assemblées, celui qui a le capital intellectuel et le charisme nécessaire s’en sortira mieux que d’autres. C’est bien ce qui est au cœur de la démocratie : l’égalité. Du moment qu’un citoyen possède une capacité d’analyse, argumentative, des moyens, supérieurs à ceux d’un autre, alors la démocratie ne sera que formelle (le vote), mais pas établie de fait (l’expression libre et consciente de chaque citoyen).

    Bref, il y a à considérer tout un ensemble de faits culturels pour établir qu’une société est démocratique ou non. Nous en sommes très loin.

  • [^] # Re: Ah misère…

    Posté par  . En réponse au journal Avis aux abstentionnistes. Évalué à 3.

    Est démocratique, une société qui se reconnaît divisée, c’est-à-dire traversée par des contradictions d’intérêt et qui se fixe comme modalité, d’associer à parts égales, chaque citoyen dans l’expression de ces contradictions, l’analyse de ces contradictions et la mise en délibération de ces contradictions, en vue d’arriver à un arbitrage.

    J’avoue qu’elle n’est pas de moi, mais de Paul Ricœur. Cela ne doit pas être la première fois que je la cite ici. Mais je ne m’en lasse jamais.

    Je serais cynique, je dirais qu’il y a bien longtemps que nos sociétés ne sont plus un brin démocratiques. Les hommes se contentent de jouer à la démocratie, comme on joue la comédie. Mi-marionnette, mi-bête domestiquée.

    L’esprit robuste charge sur lui tous ces fardeaux pesants : tel le chameau qui sitôt chargé se hâte vers le désert, ainsi lui se hâte vers son désert.

    Ils se contentent de suivre des règles dont il ne comprennent plus le sens.

    Quel est le grand dragon que l’esprit ne veut plus appeler ni dieu ni maître ? « Tu dois », s’appelle le grand dragon.

    Nos institutions politiques ne sont que châteaux de cartes hérités de nos ancêtres pour conserver encore l’illusion de démocraties.

    Et Zarathoustra s’arrêta et réfléchit. Enfin il dit avec tristesse : Tout est devenu plus petit !

    Ils croient que la démocratie est le vote. Ils croient que le vote est leur liberté. Ils croient que la liberté est leur individualisme (un des vices délétères de la démocratie selon A. de Tocqueville).

    Et il en est d’autres qui appellent vertu la paresse de leur vice ; et quand une fois leur haine et leur jalousie s’étirent les membres, leur « justice » se réveille et se frotte les yeux pleins de sommeil.

    Et il en est d’autres qui sont attirés vers en bas : leurs démons les attirent. Mais plus ils enfoncent, plus ils ont l’œil brillant et plus leur désir convoite leur Dieu.

    Hélas ! Le cri de ceux-là parvint aussi à votre oreille, ô vertueux, le cri de ceux qui disent : « Tout ce que je ne suis pas, est pour moi Dieu et vertu ! »

    Et il croit à leur individualisme comme de la vertu de leurs besognes quotidiennes.

    Et il en est d’autres qui s’avancent lourdement et en grinçant comme des chariots qui portent des pierres vers la vallée. Ils parlent beaucoup de dignité et de vertu, — c’est leur frein qu’ils appellent vertu.

    Et il en est d’autres qui sont semblables à des pendules que l’on remonte ; ils font leur tic-tac et veulent que l’on appelle tic-tac — vertu.

    Et la démocratie est devenue :

    Nous ne mordons personne et nous évitons celui qui veut mordre ; et en toutes choses nous sommes de l’avis que l’on nous donne.

    Mais ce n’est pas une fatalité.

    La démocratie selon Cornélius Castoriadis

    Sur la nature de la nation américaine.

    Une nation essentiellement fondée sur le partage de valeurs ou principes communs. Les concepts de self-made man (mixité socio-économique fondée sur le travail) et de destinée (la réussite est prédéterminée) sont très largement partagés. Toutefois le racisme, issue du passé esclavagiste et ségrégationniste, vient nuancer cette construction nationale.

    On peut considérer, de manière un peu schématique, qu’il y a deux composantes de l’exceptionnalisme. L’une, qui concerne l’Amérique elle-même (et que l’on trouve chez Tocqueville), postule que les États-Unis, parce qu’ils n’ont pas connu le féodalisme, ne sont pas une société de classes, mais une société fluide, où les individus circuleraient librement au gré de leurs réussites et de leurs échecs. C’est le mythe classique du self made man, selon lequel vous pouvez réussir quelle que soit votre origine sociale, parce qu’il n’existerait pas de barrières symboliques, fondées sur le titre et le patrimoine.

    La seconde composante concerne le rôle de l’Amérique dans le monde, et repose sur l’idée de « mission », qui trouve ses racines chez les puritains du XVIIe siècle, puis est reprise au moment de la colonisation du pays (c’est la théorie de la « destinée manifeste ») et se concrétise à partir du XXe siècle dans la politique extérieure volontariste du pays. Sur ce dernier point, Obama a clairement voulu se démarquer de George W. Bush, en favorisant une position multilatérale, même si elle peut prendre la forme du « leading from behind », par exemple en Libye. Romney, en revanche, est très clairement dans une optique de restauration de cette mission de l’Amérique, notamment par rapport à l’Iran, au nom de l’idée que les États-Unis ne sont pas un pays comme les autres ; Obama aurait, selon lui, renoncé à l’exceptionnalisme dans ce domaine.

    […]

    Dans la vision exceptionnaliste, il existe une autre originalité des États-Unis, à savoir que c’est une nation fondée sur des principes, plus que sur un peuple ou un territoire. Le « Nous, le peuple » de la Constitution est alors perçu comme performatif, car il fait advenir un peuple qui n’existait pas auparavant (les Indiens en étant exclus), sur un territoire encore largement inconnu à la fin du XVIIIe siècle.

    Cette nouvelle nation se fonde donc sur des mots et des principes, comme la liberté ou la recherche du bonheur. Cela en fait une nation narrative, qui explique que le storytelling soit aussi important dans la culture américaine, parce que les États-Unis ont longtemps été une nation sans histoire, qui voulait se penser comme une feuille blanche, contrairement à l’Europe.

    […]

    Lorsque le président démocrate Johnson donne les droits civiques aux Noirs, une partie de cet électorat démocrate [du Sud et d’héritage ségrégationniste] va se tourner vers le parti républicain et radicaliser son idéologie politique, notamment son hostilité envers les revendications minoritaires. Cela explique la difficulté des démocrates à conquérir les États du Sud, même si Obama a pu réussir dans certains de ces États en 2008, grâce entre autres à la mobilisation exceptionnelle des populations noires.

    La démocratie américaine a certainement bien changé depuis Alexis de Tocqueville…

    Après la Première Guerre mondiale, la baisse spectaculaire du taux de participation des Américains aux élections, passé de plus de 83 % en 1865 à un peu plus de 52 % en 1920 a suscité un vif débat sur la nature de la démocratie américaine. Aujourd’hui que le taux de participation est stabilisé aux alentours de 50-55 %, cette idée de « démocratie imparfaite » semble pourtant resurgir. Comment l’expliquer ?

    L’idée de démocratie imparfaite a été relancée par deux choses. D’un côté, le blocage institutionnel. La polarisation idéologique est actuellement tellement forte que le Congrès, et notamment la chambre, aux mains des républicains depuis 2010, a bloqué un certain nombre d’initiatives du président Obama : le système de « checks and balances », pensé pour favoriser l’équilibre des pouvoirs et éviter un exécutif trop puissant, aboutit désormais à des impasses, comme on a pu le voir lors du blocage provoqué par le refus des républicains de voter le budget en 2011.

    Mais la démocratie américaine n’est pas le seul modèle — surtout si l’on parle du gouvernement fédéral (une république visant essentiellement à se prémunir de tout abus de pouvoir, avec l’effet secondaire de rendre quelqu’un comme Obama impuissant à y changer quoi que ce soit), au niveau des États la situation peu grandement varier, cf. Nouvelle Angleterre. Il y a un tradition… disons… plus française (avec toutes ses contradictions).

  • [^] # Re: Faire ça comme ça, c'est comme ne rien faire.

    Posté par  . En réponse au journal Avis aux abstentionnistes. Évalué à 2.

    Lol. La concession, ou plutôt la soumission au résultat du vote : c’est après le vote. Lors du vote il n’y a pas de concession à faire. Ou alors ça s’appelle une dictature qui fait semblant d’être une démocratie.

    J.-J. Rousseau, tout ça…

  • [^] # Re: La réponse.

    Posté par  . En réponse au journal Avis aux abstentionnistes. Évalué à 0.

    Bon vu que les 2 gros parti ont intérêt à favoriser le bipartisme

    Sur l’organisation de l’élection présidentielle, le rapport recommande ainsi un « parrainage citoyen » des candidats à l'élection présidentielle: le candidat devrait réunir 150 000 signatures provenant de 50 départements différents. Le nombre de parrainages a fait débat, certains plaidant pour que le seuil soit fixé à un million.

    150 000, peu ou prou le nombre d’adhérents revendiqués par les deux gros partis majoritaires. Les autres vont galérer je pense. Ça dépendra des conditions exactes de récoltes des signatures (temps imparti, contrôle — comment éviter la fraude, mystère). Sans compter l’attaque directe contre le droit au secret de son opinion politique : il ne faut pas oublier que les pressions ne sont pas nécessairement institutionnelles, mais d’abord dans les familles, au travail, etc.

    Le rapport plaide […] pour que les législatives aient lieu entre deux et trois semaines seulement après le second tour

    Vive la monarchie ! Et les députés seront de plus en plus dépendants du parti pour être élus. C’est ainsi qu’on crée des gens comme on voit sur le récent journal Zino, des gens qui remettent en cause le principe même du parti, c’est-à-dire l’association politique — un droit de l’Homme —, plutôt que leur dévoiement en organe hiérarchique de contrôle des élus.

    Citations de Mediapart

    Le vote blanc est une sucrerie. La véritable information, celle qui compte : c’est Hollande qui dit confier la commission de révision des institutions politiques à Jospin, ouvertement déclaré favorable au régime monarchiquepardon, présidentiel.

  • [^] # Re: HS

    Posté par  . En réponse au journal Logiciel libre, art libre et clause "NC". Évalué à 2.

    ou alors à arbitrer en vue d’arriver à un consensus entre chaque classe (aka PS — et pas socialiste).

  • [^] # Re: HS

    Posté par  . En réponse au journal Logiciel libre, art libre et clause "NC". Évalué à 1.

    concepts généraux de "luttes des classes"

    Il suffit pourtant de bien lire votre conversation pour donner toute sa réalité au concept.

    Vous ne savez pas ce qu’est la lutte de classe, et en avez une image quelque peu fantasmagorique. Je ne vous jette pas la pierre : une certaine gauche aime à propager cette image.

    Pourtant ici on est en plein dans une lutte de classe, c’est-à-dire une lutte entre deux intérêts socio-économique qui s’opposent. L’homme va toujours se prétendre de bonne foi, mais le fait est, en général c’est-à-dire en moyenne, que la pensée et la position politique d’un individu tendra plus vers ce qui tendra à soutenir ou conforter sa position matérielle (cf. dernier billet de F. Lordon). Il est essentiel de bien comprendre ça : les gens ne sont pas méchants en soit, ils veulent l’intérêt général pour la plupart. Mais leur position est nécessairement particulière et leur point de vue orienté par leur condition matérielle. Grosso modo ils chercheront tous les arguments qui légitiment leur position. Pas individuellement, mais en tant que classe sociale. Une classe étant définie par l’ensemble des individus partageant des intérêts matériels communs.

    La contradiction propriétaire—locataire forme une contradiction qu’il s’agit de résoudre. Le concept de « lutte des classes » n’est que la volonté d’analyser les contradictions qui traversent la société, de les prendre comme elles sont : des rapports sociaux violents (pas physiquement, c’est beaucoup plus insidieux car diffus et difficile à cerner — sauf en situation de crise comme en Espagne), et de les résoudre en cherchant à les supprimer (les contradictions, pas les individus) essentiellement par la modification des structures sociales (propriété commune — communisme ou socialisme) ou alors à arbitrer en vue d’arriver à un consensus entre chaque classe (aka PS — et pas socialiste).

  • [^] # Re: *Paf les yeux*

    Posté par  . En réponse à la dépêche Le Parti de Gauche publie le code de son site sous licence libre. Évalué à 4. Dernière modification le 14 novembre 2012 à 20:48.

    Un site qui fait sur sa page d'accueil la promotion d'un livre qui appelle de ses vœux le retour de Robespierre, chantre de la Terreur quand même.

    Quand on sait que ce livre a précisément été écrit & publié pour répondre aux calomnies [1,2] opportunément déversées contre Robespierre il y a peu…

    Ceci dit, sans l’avoir lu, je sais que le livre défend une certaine vision de Robespierre, car ses auteurs ne cachent pas avoir fait acte de militantisme.

    Mais l’Histoire est comme l’objectivité en journalisme. C’est pour cela qu’il existe une historiographie [3]. Je vous conseille à ce sujet de visiter la section concernant l’école révisionniste initiée par François Furet et qui s’oppose à l’école classique — qui inspire vraisemblablement plus la gauche, je veux dire la gauche du PS. Ça expliquera le pourquoi du comment de la situation actuelle autour de l’histoire de la révolution française.

    Quant à Guillemin mentionné juste au-dessus. Il a un certain succès ces derniers temps, mais tout doux, ce n’est pas un historien de formation et il n’est pas reconnu en tant que tel. Je ne peux guère juger de ses conférences historiques, mais j’ai cru comprendre que sa mauvaise foi était assez objective… à moins que ce soit sa subjectivité affiché qui était de bonne foi…

    [1] « Robespierre, bourreau de la Vendée ? » : une splendide leçon d’anti-méthode historique
    [2] Communiqué de la SER après l’émission de France 3 “Robespierre, bourreau de la Vendée?”
    [3] Historiographie de la révolution française

  • [^] # Re: Excitant

    Posté par  . En réponse au journal Un monde sans humain ?. Évalué à 3. Dernière modification le 26 octobre 2012 à 16:04.

    J’ai commencé tout juste son Zarathoustra, chez moi le surhomme est l’homme émancipé, c’est-à-dire lucide et critique sur le monde qui l’entoure. Ce n’est pas tellement le côté surhomme qu’un petit côté nihiliste et élitiste car le peuple n’accédera jamais à l’état de surhomme, qui est gênant chez Nietzsche. Et il y a volonté de changer le monde dans ce bouquin, au début du moins.

    Pour ce qui est de l’influence des auteurs sur les mouvements politiques et historiques, une petite piqûre de matérialisme historique permet d’admettre, à minima, que ce ne sont pas les idées qui préparent les actes des hommes. Ainsi Nietzsche, et le romantisme allemand en général, comme tant d’autres, n’ont que peu de responsabilités dans ce que le nazisme en a fait.

    C’est rigolo d’ailleurs comment tout ça se lie et que notre « monde moderne » se (re)pose des questions qui avaient cours déjà il y a plus d’un siècle. Enfin ! rigolo… façon de parler. La croyance en le progrès technique, un progrès naturel qui n’a pas besoin de l’action critique de l’homme, cette croyance est vue comme la roue de secours dans la course vers la performance imposée par la structure et les impératifs économiques de notre société. Lorsque les sociétés se sont rendus compte que cela n’améliorait pas la condition de l’homme, il n’y avait plus que le nihilisme comme solution, en se refusant de réformer la structure de la société. Nietzsche est une tentative pour renouer avec le progrès à mon humble avis.

    Là où c’est critique, c’est de croire pouvoir changer la condition de l’homme moderne par l’amélioration technique de l’individu, dans une sorte de fuite en avant, plutôt que d’identifier ce qui rend la condition humaine si mauvaise et notre société si peu viable. J’attribue cela à la disparition de l’esprit de la critique radicale (celle qui interroge et remet en cause les fondations de nos structures socio-économiques) dans l’espace public (aka TINA).

    à la 51’ le mec fait directement référence à Nietzsche, et parle de créer/changer l’humanité… hum !

    Bref, changer l’homme pour le rendre en accord avec la société (ou un projet de société dans le cas d’un totalitarisme), plutôt que de changer la société pour la mettre en accord avec l’homme.

  • [^] # Re: Mensonge

    Posté par  . En réponse au journal Arguments et mensonge. Évalué à 0.

    J'aurais tendance à dire que la réalité est inaccessible.

    Je me place exactement dans ce cadre. Je ne sais qu’une chose, c’est que je ne sais rien, Socrate. Partant de là, la politique, le sujet de départ, n’est que la confrontation d’opinions (ce que vous appelez vérité), leur mise en débat, et leur délibération. Une citation que j’affectionne particulièrement :

    Est démocratique, une société qui se reconnaît divisée, c’est-à-dire traversée par des contradictions d’intérêt et qui se fixe comme modalité, d’associer à parts égales, chaque citoyen dans l’expression de ces contradictions, l’analyse de ces contradictions et la mise en délibération de ces contradictions, en vu d’arriver à un arbitrage — Paul Ricœur

    Je crois que si on acceptait tous l’idée que l’autre ne pense pas comme nous, non pas par méchanceté, ni par fourvoiement ou erreur, mais tout simplement parce que nous ne pouvons prétendre à détenir mieux que lui la vérité, c’est-à-dire l’opinion conforme à la réalité, alors le monde serait bien plus apaisé.

    Attention à ne pas tomber dans le relativisme comme le laisse supposer votre commentaire : toutes les opinions se valent à priori, mais ne se valent pas à posteriori ; c’est pour cela qu’il y a débat et délibération.

    Mais absolument rien ne garantit qu’une délibération donnée soit la plus valable. D’où la nécessité de pouvoir changer d’avis et d’évoluer.

  • # Cache dans le noyau

    Posté par  . En réponse au journal Accéleration SSD sous Linux. Évalué à -1.

    Bonjour,

    Je ne sais s’il y a encore grand monde qui suis ce journal. Mais je tente tout de même.

    Suite à la mise à jour ce matin de ma gentoo, j’ai vu apparaître une nouvelle option dans le menuconfig du kernel (3.5.7 en lui et place du 3.3.8)

    Cette option permet d’utiliser un système de fichier comme cache d’un autre. Elle est pensée à priori pour les systèmes de fichiers montés à distance. Quelqu’un a essayé avec une configuration SSD+disque dur ? Cela pourrait être intéressant…

  • [^] # Re: Il y a du bon et du moins bon dans l'article

    Posté par  . En réponse au journal « On n’a plus le temps… ». Évalué à -1.

    Juste une petite remarque au passage. Dans un système de domination, le plus asservi, c’est le dominant. Cf. La Boétie Discours sur la servitude volontaire. Le dominant doit, s’il n’est qu’un intermédiaire, veiller à respecter les volontés de ceux qui le dominent lui-même, et doit dans le même temps veiller à conserver sa place, bien souvent convoitée. Finalement, le dominé, pourvu qu’il fasse le minimum de ce qu’on lui dit — les résistances passives et non violentes recommandées ;) —, s’en tire à bon compte.

    Les classes moyennes sont éduquées, lisent le journal et suivent l’actualité, et sont donc plus sensibles aux idées qu’ils véhiculent, idées bien souvent compatibles avec la domination quand elles ne la légitime pas directement ; les classes moyennes sont plus conformistes aussi, ce faisant plus conservatrices, et constituent un poids mort dans une société, contre toute idée subversive et pour la perpétuation de la position dominante.

    Parce qu’après tout, “il ne faut pas imposer les riches qui créent des emplois”, “la sécu et les alloc c’est pour les profiteurs”, et “les grèves pour les fainéants qui font qu’embêter les usagers”, “les fonctionnaires sont des privilégiés”, “exportons la démocratie dans le monde barbare” — à coup de missiles et toujours dans des régions aux sous-sols riches… très riches — plus récent “la dette, la dette, c’est la crise…” et enfin, “les ouvriers — faire jouer ici la phobie de déclassement — sont des nationalistes politiquement dangereux” très fine parce qu’immédiatement suivie de : “ne répondons pas à leurs attentes politiques”.

    L’on peut multiplier les exemples à l’infini… ayant pris ici que les plus grossiers et pourtant toujours efficaces même (surtout) chez les plus éduqués.

  • [^] # Re: Il y a du bon et du moins bon dans l'article

    Posté par  . En réponse au journal « On n’a plus le temps… ». Évalué à 9.

    « Je ne vais pas tout relever dans l'article »

    Pas le temps !?

    Plus sérieusement :
    « Non, il bouffe la mauvaise qualité car c'est de mauvaise qualité (copie de dépêche AFP). »

    Vous n’avez jamais lu un Diplo, qui propose autre chose. Cet autre chose, c’est ce que vous appelez la subjectivité. J’ai un scoop pour vous : un journaliste n’est pas omniscient, il est nécessairement subjectif. La différence avec un autre journal : c’est que le Diplo ne suit pas le vent dominant pour donner l’illusion de l’objectivité. Pour suivre aussi Mediapart, la pensée est beaucoup plus mainstream en règle générale, mais elle n’en est pas plus objective. Le Diplo fait partie de la presse d’opinion et l’assume pleinement, contrairement à d’autres. Pour développer un esprit critique, c’est un peu la première étape d’avoir des opinions, de les exprimer, d’argumenter.

    Le problème n’est pas le numérique en soi, mais bien le modèle socio-économique qui l’accompagne. Le règne de la pseudo-gratuité vient avec une qualité de contenu pauvre, qui se contente de rapporter des faits. Sans interprétation, sans contextualisation, c’est de l’information poubelle, elle ne sert strictement à rien à la compréhension du monde. Mais l’interprétation met nécessairement en lumière les opinions du journaliste. On ne peut pas avoir à la fois une neutralité totale (qui le pourrait ? Rien que la sélection de l’information est subjectif) et réclamer autre chose que la simple énumération de faits, boulot de l’AFP. Il faut choisir. Bref, vous réclamez une plus-value, Le Diplo en apporte, vous la refusez.

    L’attaque contre Google a précisément tout à faire. Google est un diffuseur de contenu et ne produit pas. C’est bien un problème. Le but est de montrer qu’il y a une concurrence déloyale avec la presse traditionnelle. Celle qui produit réellement du contenu et qui ne se contente pas de rapporter benoîtement des faits sans recul et/ou de les agréger comme le fait Google.

    PS : un édito est un parti pris, comme on en rencontre dans tous les titres de presse.

  • [^] # Re: Si le troll s’enlise

    Posté par  . En réponse au journal Le prophète et la liberté. Évalué à 1.

    Connaissez-vous les raisons de la mésentente entre les nationalistes et les islamistes ? Source à l’appui ?

  • [^] # Re: Si le troll s’enlise

    Posté par  . En réponse au journal Le prophète et la liberté. Évalué à 2.

    http://www.legrandsoir.info/caricatures-la-forme-et-le-fond.html

    Les deux derniers § percutent.

    En Afghanistan, les manifestations contre le film anti-islam sont aussi des manifestations contre l’occupation des américains et de leurs alliés. Au Pakistan, aussi, l’émotion causée par ce film se mêle à l’hostilité contre la présence militaire américaine. En Iran, elle révèle les mêmes sentiments nationalistes face aux pressions militaires et économiques des grandes puissances occidentales. En Palestine, les manifestations contre ce film s’unissent à la mobilisation contre l’occupation israélienne.

    On touche ainsi à un problème de fond. Il est faux de ne voir dans les manifestations religieuses que des causes religieuses. C’est tourner dans le cercle vicieux qui consiste à expliquer une chose par elle-même, la religion par la religion, l’islamisme par l’islamisme, et se priver de voir les causes sociales, donc politiques. Si l’habit est religieux, si la forme est religieuse, le fond lui est social. Il s’exprime avec d’autant plus de force sous la forme culturelle de l’Islam que celui-ci s’identifie dans les peuples musulmans à des aspirations à la dignité nationale ou sociale. En Europe, entre autres exemples, l’Eglise polonaise tirait son influence et son prestige du fait qu’elle s’était toujours confondue avec les aspirations nationales populaires contre la domination étrangère. Qu’on regarde bien, mais dans chaque manifestation populaire qui prend la forme religieuse de l’Islam, il y a une nation qui est agressée, il y a une communauté musulmane qui se sent humiliée, marginalisée dans le pays où elle vit. Et alors là, si on le voit bien, le discours anticlérical et laïque français de gauche sur la lutte pour la tolérance et contre le fanatisme religieux ne servira plus à cacher, et même à légitimer, comme à la période coloniale, d’autres intolérances et d’autres dominations d’autant plus inhumaines qu’elles font que ceux qui sont dominés, que les victimes finissent souvent, hélas, par être la caricature de l’image qu’en dressent leurs bourreaux.

    En France, je suis certain qu’on peut expliquer le succès du discours sur l’islam. Vous ne voulez pas admettre le racisme ambiant sous entendu par un discours quasi-exclusivement orienté contre une religion, pourtant des liens ont été donnés, par moi-même et d’autres ici, sur la sur-réaction absolument grotesque des médias. Les commentateurs ici-même ont tout de suite fait appel à la défense de la liberté d’expression, comme si nos « démocraties » étaient en danger (ça c’est du Fourest dans le texte), face aux méchants-musulmans-bouh-pas-bien-ils-nous-veulent-du-mal. Les ressorts sont bien installés dans les esprits pour que, dès qu’il est question d’islam, on en appelle aux grands principes démocratiques et tutti quanti, oubliant au passage le droit de manifestation des musulmans qui ne seraient pas d’accord avec les caricatures. Mais l’arrogance, toute occidentale, va avec la certitude de son bon droit, et donc l’absence de doute, in fine cette arrogance précède toujours la bêtise la plus abjecte de par l’expression à géométrie variable de principes démocratiques.

    Le racisme est d’une part lié au maintien d’un certain niveau de peur en faisant état régulier du terrorisme, toujours du barbu. Mais ce n’est pas une explication satisfaisante pour expliquer la popularité des thèses anti-musulmans. Je préfère largement pour ma part y voir des raisons sociaux-économiques. Et je ne parle pas du pauvre qui serait automatiquement raciste, mais de comprendre s’il y a des conflits économiques qui apparaîtraient entre des générations — françaises — issues de l’immigration, dont les aspirations économiques sont plus hautes que celles de leurs parents, et une partie de la population française qui ne s’attendait pas à entrer en concurrence. À mon avis, si le discours islamophobe a autant de succès, c’est plutôt de ce côté-là qu’il faut chercher. Comme dit si bien l’article, réduire à un problème identitaire ou religieux, c’est aussi un moyen de domination en refusant aux victimes toute réaction rationnelle, et donc en lui interdisant à terme tout outil pour renverser la condition de la discrimination.

    Puisque je suis toujours dans Hannah Arendt, je vais prendre comme exemple l’antisémitisme au XIXe . Elle explique qu’en France il y avait un fort ressentiment contre les juifs, du fait des conflits entre l’État et la société et du lien qui existait entre des juifs et l’État (on pensera notamment aux Rothschild, qui font encore « recette » aujourd’hui). En Allemagne la société était beaucoup plus ouvrière et politiquement beaucoup plus éduquée au marxisme. Par conséquent une bonne partie de la société avait bien identifié les contradictions économiques de classes et était donc beaucoup moins encline à verser dans le complotisme ou la haine contre un groupe déterminé. Paradoxalement, c’est l’émancipation des juifs, soumis à pas mal de persécutions depuis le moyen-âge, qui aurait politisé l’antisémitisme. De même, je ne serai pas étonné que des revendications à l’égalité, à la non-discrimination économique, soient le fond réels de discriminations qu’on croit à tort identitaires.