40 ans pour l'informatique libre | Entretien avec Richard Stallman

Posté par  (site web personnel) . Édité par Arkem. Modéré par Benoît Sibaud.
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8
oct.
2025
GNU

Samedi 4 octobre 2025, la Free Software Foundation (FSF) fête ses 40 ans d'existence ! 4 décennies pour défendre les 4 libertés fondamentales sur lesquelles se fonde le logiciel libre.

  • la liberté d'exécuter le programme, pour tous les usages ;
  • la liberté d'étudier le fonctionnement du programme et de l'adapter à ses besoins ;
  • la liberté de redistribuer des copies du programme (ce qui implique la possibilité aussi bien de donner que de vendre des copies) ;
  • la liberté d'améliorer le programme et de distribuer ces améliorations au public, pour en faire profiter toute la communauté.

Pour revenir sur ces 40 ans de combat en faveur du logiciel libre, j'ai eu l’honneur de pouvoir avoir un entretien avec Richard Stallman (RMS), fondateur du projet GNU, de la FSF, et l’initiateur du mouvement du logiciel libre.

Vous trouverez la transcription de cet entretien dans cette dépêche, ainsi que le lien vers la vidéo de celle-ci.

Merci du fond du cœur à Richard pour sa gentillesse, sa patience et sa bienveillance pour cette interview qui était une première pour moi. Entre le stress et mes bégaiements, il fallait bien quelqu'un d'aussi cool que lui. 😅

Et un grand merci aussi à Aurore, la monteuse de cette vidéo, qui a réussi astucieusement à masquer ces fameux bégaiements ! 😉

Le texte de cet entretien est sous licence CC-BY-ND

Logo 40 ns FSF

Stéphane :
Bonjour Richard.

Richard :
Bonjour, c’est un plaisir.

Stéphane :
Le plaisir est pour moi également. Merci beaucoup de me permettre de t’interroger à l’occasion des 40 ans de la Free Software Foundation. Pour commencer, puisque l’histoire de la FSF est indissociable de celle du projet GNU, j’aimerais revenir aux origines. Comment est né le projet GNU ? Pourquoi ce nom, quelle en était la philosophie, les fondements techniques ? Et en quoi la création de la FSF, deux ans plus tard, a-t-elle été une continuité de ce projet ?

Richard :
J’ai d’abord décidé de développer un système d’exploitation constitué uniquement de logiciels libres. Dans les années 1970, j’utilisais déjà un système libre, développé dans le même laboratoire que moi, et mon travail consistait à l’améliorer en modifiant son code. Tout le monde pouvait accéder à ce code, c’était dans les faits du logiciel libre. Mais ce système a fini par disparaître, ainsi que la communauté qui l’entourait.

Pour moi, ce fut une perte immense. J’ai alors pris conscience du caractère injuste et tyrannique du logiciel privateur. J’ai compris que cela ne pourrait jamais être juste. Pour remplacer ce que j’avais perdu, je voulais créer un autre système libre, capable de soutenir une communauté similaire. J’ai choisi de m’inspirer de l’organisation d’Unix : c’était le meilleur modèle à suivre.

Je cherchais aussi un acronyme récursif comme nom : GNU, pour GNU’s Not Unix. Cela ajoutait une touche d’humour. J’ai annoncé publiquement le projet en septembre 1983 et invité d’autres personnes à développer les différents composants, car un système de type Unix se compose de nombreux éléments plus ou moins indépendants.

Deux ans plus tard, nous avions suffisamment de succès pour qu’il devienne utile de créer une fondation : pour gérer les financements, conserver les droits d’auteur et soutenir le projet. C’est ainsi qu’est née la FSF, Free Software Foundation, ou Fondation pour le logiciel libre en français.

Ce point est d’ailleurs important : en français, la distinction entre "gratuit" et “libre” est claire. Cela m’a appris à préciser en anglais : depuis vingt ans, je n’emploie plus “free” pour dire gratuit, je dis gratis. Et pour la liberté, j’utilise toujours freedom. Ainsi, il n’y a plus d’ambiguïté.

Stéphane :
En anglais, l’ambiguïté est apparue avec le logiciel : auparavant, le contexte levait toute confusion. Mais dans l’informatique, on trouve des programmes gratuits… qui ne sont pas libres du tout.

Richard :
C’est vrai. Et inversement, on peut payer pour acquérir une copie d’un programme libre. Les deux catégories — libre et gratuit — sont indépendantes.

Stéphane :
Exactement. Et donc, la FSF permettait non seulement de financer le projet, mais aussi de garantir les droits d’auteur. Car il est légalement impossible de rédiger une licence qui assure à 100 % qu’un programme restera libre. Par exemple, si je publie un logiciel sous GPL, ceux qui utiliseront mon logiciel, devront publier leurs modifications sous la même licence. Mais moi, je pourrais rendre à tout moment le code privateur…

Richard :
Il faut bien distinguer deux choses : ce que l’auteur peut faire, et ce que les utilisateurs, qui reçoivent le logiciel sous une licence libre, peuvent faire. Les utilisateurs sont légalement contraints par la licence : s’il s’agit d’une licence avec gauche d’auteur (copyleft), ils ne peuvent créer que des versions libres.

Mais l’auteur, lui, ne dépend pas de sa propre licence : il reste propriétaire du code. Il peut donc publier une autre version, y compris privatrice. Mais s’il est un activiste du logiciel libre, il ne voudra pas le faire.

Stéphane :
Bien sûr. Et c’est là qu’une fondation comme la FSF est essentielle : elle garantit que les logiciels sous son copyright resteront toujours libres.

Richard :
Oui. C’est la mission de la FSF : protéger la liberté des utilisateurs. Autrement dit, éviter qu’un utilisateur ne prenne du pouvoir sur les autres. Si la liberté est pour tous, ça veut dire que personne n'a de pouvoir sur personne.

Stéphane :
On comprend donc bien le rôle essentiel de la FSF, en complément du projet GNU : protéger juridiquement, notamment via le droit d’auteur, et assurer aussi un soutien financier. Parce qu’il arrive que certaines entreprises publient des logiciels qu’elles qualifient de « libres » ou « open source » — les deux termes étant souvent confondus —, mais parfois dans l’unique but de profiter du travail bénévole, avant de fermer le code…

Richard :
Je préfère qu’on n’utilise pas les termes « ouvrir » ou « fermer », car cela renvoie à la logique de l’open source. Or, moi, je ne défends pas l’open source, je défends la liberté.
Il est vrai que la plupart des programmes dits open source sont aussi libres. Mais certains ne le sont pas, et il est important de faire la distinction. Puisque notre combat porte sur le logiciel libre, il est plus clair d’éviter les expressions qui risquent de brouiller le message et de laisser croire qu’il s’agit simplement d’open source.

Stéphane :
Du coup, j’avais une autre question par rapport au début du projet GNU. Avant l’arrivée de Linux… Moi, quand je parle de Linux, comme toi, je parle uniquement du noyau, parce qu’il y a un amalgame terrible entre le système GNU/Linux et le noyau Linux.
Alors, avant 1991, comment les utilisateurs de GNU faisaient-ils pour utiliser le système ?

Richard :
Ils l’utilisaient sur Unix. C’était la seule manière. Nous n’avions pas encore de noyau libre, donc pas de système complet. Les gens installaient les composants GNU et d’autres composants libres sur Unix, pour remplacer certains éléments. Mais il était impossible de tout remplacer. C’était le but, mais il n’était pas encore atteint.

Quand Torvalds a publié la première version de Linux, son noyau n’était pas libre. Il avait assisté à ma conférence en Finlande, mais n’avait pas suivi mes conseils. Il a choisi une licence qui ne donnait pas toutes les libertés nécessaires. Mais six mois plus tard, il a finalement publié Linux sous la GPL de GNU. C’est à ce moment-là que Linux est devenu libre.

De notre côté, nous avions déjà commencé un projet de noyau libre, le Hurd. Au départ, d’après l’évaluation d’un ami, Linux ne paraissait pas très intéressant. Mais il avançait très vite, alors que notre conception, trop complexe, posait beaucoup de difficultés. Finalement, nous avons décidé d’utiliser Linux comme noyau.

Stéphane :
Justement, à ce moment-là, quand Linux a commencé à prendre de l’ampleur, comment se passaient les relations entre la FSF et le projet GNU d’un côté, et Linus Torvalds de l’autre ? Est-ce qu’il a été question, à un moment donné, d’intégrer Linux officiellement comme projet GNU ?

Richard :
Non. Linus n’était pas très amical envers nous. Je soupçonne que notre insistance sur le nom “GNU/Linux” le dérangeait. Il n’aimait pas que nous refusions d’appeler notre projet “Linux”, comme si c’était le sien. Je crois qu’il avait des émotions contradictoires. Parfois, il reconnaissait l’histoire, et parfois il revenait dessus. C’était compliqué, et je ne peux pas deviner ses sentiments exacts.

Stéphane :
Une autre question : le noyau Hurd, qui au départ s’appelait “Alix” si je ne me trompe pas… Est-ce que le fait de le développer comme un micro-noyau a freiné son avancée ? Parce que tu disais que Linux progressait très rapidement. Est-ce que c’était une approche trop avant-gardiste, qui a permis à Linux de prendre l’avantage ?

Richard :
Oui, le développement du Hurd a traîné très longtemps. Et il a rencontré des problèmes fondamentaux, très difficiles à résoudre. Personne ne savait vraiment comment les résoudre. C’est ça qui m’a convaincu qu’il ne valait plus la peine d’insister.

Quant au nom “Alix”, c’était au départ une blague. J’avais une copine qui s’appelait Alix, administratrice d’un groupe Unix. Elle avait plaisanté en disant qu’il faudrait donner son prénom à un noyau. J’ai décidé de le faire, secrètement, pour la surprendre.

Stéphane :
Ça a dû lui faire plaisir.

Richard :
Oui, un peu. Mais ensuite des évènements ont changé les plans, le développeur principal du Hurd préférait le nom “Hurd”. Il a relégué “Alix” à une seule partie du code. Un changement de conception a finalement supprimé cette partie. Et puis, ma copine a changé de nom, et nous nous sommes séparés. Mais certains avaient déjà vu “Alix” apparaître dans le code, la rumeur a circulé, et elle en a ri.

Stéphane :
Donc, si je comprends bien, à l’origine “Alix” désignait l’ensemble du noyau, puis seulement une composante, et cette composante a finalement été supprimée ?

Richard :
Exactement. “Alix” désignait la partie qui gérait les appels système. Mais on a fini par se rendre compte qu’il n’y avait pas besoin de cette couche spécifique : la bibliothèque C pouvait très bien assurer la communication avec les serveurs du Hurd.

Stéphane:
Vous avez laissé le développement de Hurd quand Linux est arrivé.

Richard:
Non, pas immédiatement, quelques années plus tard.

Stéphane :
Au début des années 1990, beaucoup de choses se sont mises en place. On a vu l’arrivée du noyau Linux en 1991, qui, combiné avec GNU, permettait enfin un système complet. Dès 1992, certaines sociétés ont commencé à distribuer des versions commerciales de GNU/Linux, comme Red Hat ou SUSE.
Comment perçois-tu aujourd’hui leur rôle ? Red Hat, par exemple, contribue énormément à des projets libres comme GNOME, dont ils sont même les principaux contributeurs. Mais en même temps, dans leurs discours, ils se revendiquent davantage du mouvement “open source”.

Richard :
Ah non. Ce n’est pas exact de parler d’un “mouvement open source”. L’idée de l’open source n’était pas de se constituer en mouvement.

Stéphane :
C’est vrai.

Richard :
Le mouvement du logiciel libre, est un mouvement pour corriger un mal dans la société, une injustice. Nous disons qu’il faut remplacer les programmes privateurs par des logiciels libres, afin de libérer les utilisateurs de l’informatique. Ceux qui ont lancé l’idée d’“open source”, eux, ont rejeté cette dimension éthique. Ils ne voulaient pas reconnaître l’injustice qu’il y avait à priver les gens de liberté.

Ils présentent l’open source comme quelque chose de plus agréable, une manière plus commode de développer ou d’utiliser un logiciel, si tu en as envie. Mais ils n’ont pas l’objectif de corriger cette injustice. Donc, pour moi, ce n’est pas un mouvement.

Stéphane :
C’est plus une méthode de travail.

Richard :
Oui. D’ailleurs, Eric Raymond a associé l’open source à une méthode de développement particulière. Ce n’était pas uniquement lui : Linus Torvalds avait sans doute initié cette approche. Mais une fois qu’Eric Raymond l’a décrite dans ses écrits, beaucoup de gens ont commencé à l’expérimenter, y compris les développeurs du Hurd.

Finalement, cette méthode s’est retrouvée liée à l’expression “open source”. Mais en vérité, le choix d’une méthode de développement est indépendant de toute philosophie morale.

Stéphane :
Tout à fait. Et donc, dans ce contexte, l’open source, officiellement, naît en 1998 avec l’Open Source Initiative. Mais Red Hat et SUSE distribuaient déjà des versions commerciales de GNU/Linux dès 1992. Est-ce qu’avant la création de l’OSI, ces sociétés avaient la volonté de collaborer réellement avec le mouvement du logiciel libre ?

Richard :
Elles collaboraient parfois, oui. Mais elles agissaient aussi à l’inverse de notre éthique. Les deux en même temps.

Stéphane :
Donc elles avaient déjà des contradictions à l’époque ?

Richard :
Je ne dirais pas des contradictions, car elles n’ont jamais vraiment adhéré aux principes du mouvement du logiciel libre. Dès le début, elles distribuaient un système qui mélangeait beaucoup de programmes libres avec, parfois, des programmes privateurs. Pour nous, c’était un problème.

Nous ne pouvions pas recommander ces distributions, ni dire à quelqu’un “installez Red Hat” ou “installez SUSE”, si elles contenaient des logiciels privateurs.

Stéphane :
Bien sûr. Mais malgré tout, par leurs contributions importantes à des projets libres, est-ce qu’elles pouvaient être considérées comme des alliées ?

Richard :
Oui, en un sens. Mais c’était difficile pour nous de savoir comment en parler. Dans une logique de “donnant-donnant”, on aurait pu se dire : “Puisqu’elles contribuent beaucoup, la récompense naturelle serait de recommander leur système.” Mais pour nous, c’était impossible.

Nous ne pouvions pas recommander l’installation de quoi que ce soit qui contienne un logiciel privateur, car ce serait cautionner une injustice. Cela nous aurait placés dans une contradiction morale.

Stéphane :
Donc, quand l’OSI est créée en 1998, c’est bien une scission. Certains ne se reconnaissaient pas dans l’éthique du logiciel libre. Qu’est-ce qui a réellement provoqué cette séparation ? Était-ce le copyleft ?

Richard :
Non, ça n’avait rien à voir avec le copyleft. C’était une divergence philosophique, fondamentale. Pour nous, tout repose sur une question de liberté et de justice face à l’injustice. Imposer à quelqu'un l'interdiction de partager des copies est injuste et immoral. C’est détestable ! Il faut ne jamais le faire.

Quand il s’agit d’œuvres fonctionnelles — c’est-à-dire destinées à être utilisées — les gens méritent la liberté de collaborer avec les autres. Dans la communauté du logiciel libre, tout le monde n’était pas d’accord avec cette philosophie, mais cela n’empêchait pas de contribuer. On peut contribuer pour d’autres raisons, et ces contributions gardent leur valeur.

Mais la philosophie reste importante.

Stéphane :
Donc, la question du copyleft, à elle seule, n’aurait pas pu provoquer cette scission ? Parce que longtemps j’ai cru qu’un logiciel libre sans copyleft n’était pas vraiment libre.

Richard :
C’etait une erreur. Pourquoi tant de gens la commettent, je ne comprends pas. Sur gnu.org, nous avons une liste de licences que nous avons évaluées, et tu peux voir lesquelles sont libres ou non. Tu verras que beaucoup de licences sans gauche d'auteur — que beaucoup appellent à tort “licences open source” — sont aussi des licences libres.

Les gauches d'auteurs, c’est une autre question philosophique. Entre deux manières de respecter la liberté des utilisateurs :

  • soit on exige que les versions modifiées restent libres sous la même licence,
  • soit on permet que quelqu’un publie une version modifiée non libre.

Le gauche d'auteur est la méthode qui impose que toute version modifiée reste libre de la même manière. Les licences “permissives”, elles, autorisent des versions modifiés non libres.

Stéphane :
Certaines personnes te trouvent trop radical. Mais finalement, je me rends compte que par certains côtés, j’étais encore plus radical que toi, puisque je voulais exclure du logiciel libre les programmes sans copyleft.

Richard :
C’est vrai, mais j’avais mes raisons. Mon objectif était de pouvoir distribuer un système d’exploitation complet qui respecte la liberté fondamentale des utilisateurs. Et pour cela, les licences sans gauche d'auteur pouvaient suffire pour certains composants de ce système.

Dès les années 1980, il existait déjà des logiciels libres utiles publiés sous des licences sans gauche d'auteur, car ce type de licence existait avant même le gauche d'auteur. Comme il n’était pas nécessaire de les rejeter, je préférais les utiliser.

Stéphane :
Je comprends. Mais sans copyleft, j’ai l’impression qu’il y a un risque : celui qu’un programme soit, un jour, fermé…

Richard :
Soit fermé ou restreint

Stéphane :
Restreint, disons… Oui, je n’ai pas encore ce réflexe de langage d’éviter de dire « fermé ». Ce que je voulais dire, c’est que sans copyleft, on prend un risque : celui que la liberté disparaisse.
Je pense notamment à macOS, basé sur FreeBSD. C’est une version d’Unix libre, mais protégée par des licences sans gauche d'auteur. Résultat : Apple a pu reprendre tout ce travail et construire un système qui prive complètement les utilisateurs de leur liberté. C’est pour ça que je considère le copyleft comme important.

Richard Stallman :
Oui, mais il faut préciser que FreeBSD existe toujours, n’est-ce pas ?

Stéphane :
Tout à fait, c’est vrai.

Richard Stallman :
Les mots que tu as employés laissaient entendre qu’Apple avait pris le pouvoir sur FreeBSD et l’avait rendu privateur. Mais ce n’est pas le cas. Apple a créé sa propre version privatrice, mais n'a pas converti FreeBSD en projet privateur.

Stéphane :
C’est vrai.

Richard Stallman :
Il faut éviter ce genre d’exagération, car elle porte à confusion.

Stéphane :
Mais même s’ils ne l’ont pas supprimé, FreeBSD existe toujours, c’est vrai. Pourtant, Apple bénéficie énormément du travail qui a été fait de manière, disons, « ouverte », et a eu le droit de le « fermer ». Et c'est vrai que…

Richard Stallman :
« Ouverte » et « fermée »…

Stéphane :
Oui, tu as raison. J’ai intégré certains réflexes, comme ne pas confondre open source et logiciel libre. Mais dans les discussions avec des développeurs, les termes « ouvert » et « fermé » reviennent tellement souvent que j’ai tendance à les répéter. Je dois faire attention à ce tic de langage.

Richard Stallman :
Je veux souligner un point philosophique. Le vrai problème, c’est qu’Apple distribue des programmes privateurs. Le fait qu’elle ait utilisé du code libre provenant de FreeBSD pour le développer est secondaire, un détail.
Ce n’est pas pour ça que les actions d'Apple sont injustes. Si Apple avait embauché beaucoup de programmeurs pour écrire un autre code, sans réutiliser celui de FreeBSD, mais avec le même résultat, l’injustice aurait été exactement la même.

Stéphane :
C’est vrai.

Richard Stallman :
Les chercheurs et développeurs de FreeBSD ont écrit ce code, et maintenant Apple l’utilise sans contribuer en retour à la communauté. C'est une autre question morale, mais qui ne relève pas directement du mouvement du logiciel libre.

Stéphane :
D’accord, je comprends.

Richard Stallman :

Le mal qu'Apple fait est un mal à tous les utilisateurs des produits d'Apple. Tout programme privateur, fait toujours du mal à ses utilisateurs. Ma mission est de faire comprendre aux gens cette question.

Je ne veux pas que ce soit confondu avec la question de savoir si les développeurs de FreeBSD ont été récompensés comme ils le méritaient. C'est une autre question qui n'appartient pas à la question du logiciel libre.

Stéphane :
Oui, c’est une question à part, en quelque sorte. On peut avoir un avis dessus, mais ça reste extérieur au mouvement du logiciel libre.

Richard Stallman :
Oui. Et imagine qu’Apple ait payé 100 millions de dollars aux développeurs de FreeBSD pour obtenir l’autorisation de faire ce qu’elle a fait. Est-ce que ça aurait changé quoi que ce soit au problème moral ?

Stéphane :
Non, pas du tout. En réalité, ma question n’était pas sur la rémunération. Elle concernait surtout le fait que l’absence de copyleft a permis à Apple de créer une version dérivée de FreeBSD — même si ce n’est plus vraiment FreeBSD aujourd’hui, vu toutes les modifications — sans donner aux utilisateurs la possibilité de vérifier comment le code fonctionne.

Richard Stallman :
Sans les quatre libertés essentielles qui définissent le logiciel libre. Pour moi, distribuer un programme non libre est toujours injuste, car cela prive les utilisateurs de ces quatre libertés fondamentales, nécessaires pour avoir le contrôle de leur informatique.

Stéphane :
Je voulais aussi te parler de Debian GNU/Linux, lancé en 1993 par Ian Murdoch, avec au départ le soutien de la FSF. Debian a sa propre définition du logiciel libre, un peu différente de celle de la FSF. Comment cela s’est-il passé au début ? Y avait-il une collaboration entre la FSF et Debian ?

Richard :
Oui. La FSF a financé Debian à son commencement. Mais rapidement, le projet, qui comptait plus de contributeurs, a voulu formuler une définition de la liberté différente, avec l’intention d’être équivalente.

À l’époque, j’ai commis une erreur : j’aurais dû vérifier plus attentivement s’il pouvait y avoir des divergences d’interprétation entre le projet GNU et Debian. La définition me paraissait équivalente, même si elle était formulée autrement. J’ai dit : “C’est bon.” Mais en réalité, il y avait des problèmes potentiels.

Plus tard, quand l’open source a émergé, ils ont repris la définition de Debian, je ne sais plus s'il ont changé quelques mots mais ils ont surtout changé l’interprétation. Dès lors, elle n’était plus équivalente à celle du logiciel libre. Il existe aujourd’hui des programmes considérés comme “open source” mais pas comme logiciels libres, et inversement.

J’ai d’ailleurs expliqué ces différences dans mon essai Open Source Misses the Point.

Mais je dois noter, que Debian, enfin, voulait inclure des programmes privateurs dans leur distribution, mais les ont mis ailleurs, pour établir une séparation très claire entre les composants libres et privateurs. Et comme ça, il était possible de recommander la section main de Debian pour installer un système libre. Mais, après quelques changements de politique il y a quelques années ce n'est plus vrai.

Stéphane :
Pourtant, Debian, à l’époque, voulait maintenir une séparation claire entre le libre et le non libre.

Richard :
Oui. Debian mettait les programmes privateurs dans une section distincte, et la partie “main” de Debian pouvait être recommandée comme un système libre. Mais il y a quelques années, ils ont changé leur politique. Aujourd’hui, même l’installeur officiel de Debian peut inclure des pilotes privateurs. Pour cette raison, nous ne pouvons plus recommander Debian, pas même sa section “main”. Et c’est dommage.

Stéphane :
C'est vrai. Oui, ils ont récemment changé leur contrat social qui donne, certains disent, plus de souplesse. Mais en fait, en réalité, c'est que maintenant, il peut y avoir automatiquement quelques pilotes privateurs, que l'installeur officiel de Debian peut installer.

Richard :
Et pour ça, nous ne pouvons plus recommander l'installation de Debian, ni même de la section main de Debian. Et c'est dommage.

Stéphane :
Oui, c'est dommage. C'est quand même une distribution qui est populaire et c'est vrai que c'est dommage qu'elle se dirige du mauvais côté en plus. Et est-ce que tu fais quand même une distinction entre, comment on pourrait dire ça, c'est vrai qu'il n'y a pas de mouvement de l'open source, mais dire les partisans de l'open source et Debian, est-ce que quand même Debian s'inscrit plus dans une logique éthique que l'open source ou est-ce que tu penses qu'aujourd'hui…

Richard :
Oui, c'est vrai. Mais Debian ne le suit pas complètement comme avant. Dommage.
Pour plus d’informations sur ce sujet, je recommande de consulter la page gnu.org/distros.

Stéphane :
Si l’on retrace les 40 années de lutte pour le logiciel libre, on a beaucoup parlé d’acteurs qui se revendiquaient proches du mouvement. Mais il y a aussi eu un adversaire de taille : Microsoft. À l’époque, leur modèle reposait sur la vente de logiciels privateurs à des prix élevés, uniquement en version binaire. En 2001, face à la montée en puissance du logiciel libre, Microsoft s’est inquiété et a multiplié les attaques, en particulier contre la GPL, en tentant de la discréditer.
À ce moment-là, tu avais donné une conférence à l’Université de New York en réponse. Peux-tu nous parler de cette période et de ses enjeux ?

Richard Stallman :
Les grands éditeurs de logiciels privateurs n’ont pas détruit le logiciel libre, ni le mouvement, ni le système GNU — heureusement. Mais je n’ai plus beaucoup de souvenirs précis de cette époque. Par exemple, la conférence à New York… J’en ai donné tellement à travers les années que je ne sais plus laquelle tu évoques.

Stéphane :
Ah, tu ne t’en souviens plus ? Je pensais que cette conférence avait marqué un tournant. Microsoft, à l’époque, avançait notamment l’argument — faux — d’une supposée « viralité » de la GPL, prétendant qu’un programme sous GPL contaminait tout logiciel tournant sur le même système.

Richard Stallman :
Évidemment, c’est faux. Ce qui est vrai, c’est que si tu prends un programme distribué sous GPL et que tu combines son code avec un programme privateur pour en faire un seul logiciel que tu veux redistribuer, tu es confronté à une incompatibilité : tu ne peux pas respecter à la fois la licence privatrice et la GPL. Mais deux programmes distincts tournant sur le même système, ce n’est pas du tout le même cas.

Stéphane :
Et aujourd’hui, quelles sont les relations entre la FSF et Microsoft ?

Richard Stallman :
Il n’y a pas de relation. Nous critiquons simplement les fonctionnalités malveillantes présentes dans leurs logiciels privateurs. Nous en avons une longue liste, avec des centaines d’exemples, publiée sur gnu.org/malware.

Un programme est malveillant lorsqu’il est conçu pour maltraiter l’utilisateur. C’est une tentation forte dans le modèle privateur : le développeur a du pouvoir sur l’utilisateur et peut être tenté de l’abuser, en ajoutant des fonctionnalités qui renforcent son contrôle.

Stéphane :
Et en plus de ça, il y a aussi l’impossibilité de corriger des erreurs légitimes.

Richard Stallman :
Oui. Les logiciels privateurs ont beaucoup d’effets négatifs, mais je distingue clairement les erreurs des fonctionnalités malveillantes.

Stéphane :
Je voudrais aborder le cas particulier du jeu vidéo. Tu en as un peu parlé au début : c’est un domaine qui mêle différents types d’œuvres…

Richard Stallman :
Oui. Je distingue les œuvres fonctionnelles des œuvres artistiques. Les œuvres fonctionnelles — par exemple les logiciels, les recettes de cuisine, les plans d’architecture ou les patrons de couture — sont faites pour être utilisées. Ces œuvres doivent être libres.
À l’inverse, la fiction ou l’art sont destinés à être appréciés, pas utilisés de manière pratique. Dans un jeu vidéo, il y a les programmes qui implémentent les règles — eux doivent être libres, puisque ce sont des logiciels fonctionnels. Mais il y a aussi de l’art, de la musique, de la narration. Ceux-ci peuvent rester privateurs.
Un exemple : le code source de Doom a été libéré, mais pas l'art, pas la musique. Cela a permis à la communauté de créer d’autres variantes du jeu avec des ressources alternatives.

Stéphane :
Oui, exactement. C’est l’exemple que je voulais évoquer : John Carmack avait libéré le moteur, mais pas les assets artistiques. Et cela a donné naissance à une multitude de déclinaisons. D’où ma question : faut-il une licence spécifique pour le jeu vidéo ?

Richard Stallman :
Non. La confusion vient du fait qu’on pense au jeu vidéo comme à un tout, un paquet qui contient tout. En réalité, il faut le décomposer : le moteur, qui est un programme, doit être libre ; l’art et la musique peuvent ne pas l’être. Comme ça, la question devient facile.

Stéphane :
Je voudrais maintenant aborder un sujet de plus en plus présent : la surveillance de masse. Cela inclut les caméras algorithmiques, la reconnaissance faciale, mais aussi les services de messagerie comme WhatsApp, propriété de Meta. Tout cela pose de grandes questions sur la vie privée. Est-ce que la FSF envisage de lutter contre ces technologies, ou est-ce en dehors de son champ d’action ?

Richard Stallman :
La FSF ne peut pas faire grand-chose sur ce terrain. Son rôle est de promouvoir le logiciel libre. Mais si un logiciel de surveillance appartient à l’État, il doit être libre : l’État doit avoir le droit de le modifier. Ce serait même dangereux qu’il dépende d’une entreprise privée pour gérer ses propres systèmes.
Cependant, le problème de la surveillance ne disparaît pas parce que le logiciel utilisé est libre. Ce sont deux questions distinctes : d’un côté, l’exigence que l’État utilise du logiciel libre ; de l’autre, la nécessité d’imposer des limites à ce que l’État peut faire. La FSF, qui reste une organisation modeste, n’a pas les moyens de lutter directement contre la surveillance de masse.

Moi, je ne vois pas de caméras de reconnaissance faciale dans les rues. Je ne vois pas non plus ce que fait WhatsApp, ou ce qu’il ne fait pas, parce que je refuse de l’utiliser. Son programme client est privateur : je refuse de l'utiliser.

Il y a beaucoup d’injustices dans ces soi-disant services qui exercent du pouvoir sur leurs utilisateurs. Par principe, je ne les utilise jamais. Je résiste.
Il existe des logiciels libres qui permettent de communiquer de façon chiffrée, et je les utilise. Mais jamais avec une application privatrice, jamais via le serveur d’une entreprise dont je me méfie.

Et puis, il y a d’autres systèmes de surveillance. Par exemple, en France, l’obligation d’inscrire son nom sur un billet de train est injuste. Il faut lutter pour supprimer ce type de suivi.

Il y a aussi des systèmes dont l’objectif, en soi, est admirable, mais qui sont conçus de manière à identifier chaque participant. Par exemple, un système pour réduire les émissions toxiques : c’est une bonne chose de vouloir les réduire. Mais il faut pouvoir participer à ce système pour atteindre son objectif sans avoir à s’identifier.

Il faut éviter d’imposer à chacun l’utilisation d’un programme client privateur pour s’identifier auprès d’un serveur et obtenir, par exemple, l’autocollant à coller sur sa voiture.

L’État français s’intéresse à l’usage du logiciel libre dans ses ministères, et c’est une bonne chose : cela l’aide à échapper au pouvoir injuste des grandes entreprises. Mais il devrait aussi veiller à protéger les citoyens — et même les visiteurs en France — contre le danger du contrôle numérique. Car le suivi des gens, la surveillance de masse, est extrêmement dangereuse. On peut le voir en Chine : c’est la base idéale pour répression.

Et aussi, imposent souvent l’utilisation de programmes privateurs. De tels programmes ne pourraient pas tourner sur mon ordinateur, sauf s’ils sont écrits en JavaScript. Mais dans ce cas, je bloque le JavaScript privateur, et je refuse de m’identifier sur ces sites.

J’ai imaginé une solution au problème des zones à faibles émissions. Chaque ville participante devrait installer, à des endroits bien signalés, des points de vente où l’on puisse acheter, en liquide, les plaques nécessaires, en fournissant uniquement les informations sur le véhicule. Cela permettrait de respecter les règles de réduction des émissions, mais sans passer par un système numérique injuste. Quelques points de ce type, placés sur les principales routes d’accès, suffiraient pour chaque ville.

Ainsi, on éviterait aussi le piège consistant à devoir acheter ces plaques avant même d’entrer en France. Et il est important que le paiement puisse se faire en liquide : c’est une protection contre la surveillance et la répression.

Si, dans un magasin, il te manque de l’argent liquide pour payer, il vaut mieux aller retirer de l’argent à un distributeur plutôt que d’utiliser une carte. Car si tu paies en espèces, le système saura seulement où tu as retiré ton argent, mais pas ce que tu as acheté avec. Et pour moi, c’est essentiel.

Je n’utilise jamais ma carte pour mes achats quotidiens. J’ai bien une carte de crédit, mais je ne m’en sers qu’exceptionnellement, par exemple pour les billets d’avion — puisqu’on ne peut pas voyager anonymement — ou pour certaines factures à mon nom, comme celles de mon appartement. Pour les soins médicaux et les ordonnances, je peux payer par chèque. Mais en dehors de ces cas particuliers, je règle toujours en liquide.

Stéphane :
C’est donc surtout pour éviter d’être tracé dans tes achats, en fait ?

Richard :
Non, c’est plus large que ça. La question n’est pas simplement d’éviter, moi, d’être suivi personnellement. Il s’agit de résister à la tendance générale qui impose une surveillance à tout le monde.
Moi, je fais ma part : je résiste à la surveillance quand elle me concerne directement. Mais résister à la surveillance qui pèse sur toi ou sur les autres, ça, je ne peux pas le faire à leur place. Chacun doit assumer sa part.

Stéphane :
Oui, l’idée est d’éviter que ce système ne se généralise trop.

Richard :
Mais il est déjà trop généralisé ! Il y a beaucoup trop de contrôle, trop de surveillance, trop de suivi… et donc trop de répression.

Stéphane :
Et donc, pour terminer, le dernier thème que j’aimerais aborder avec toi, c’est ce que les médias de masse appellent l’intelligence artificielle. Parce que là aussi, derrière, il y a du logiciel. Je voulais savoir quelle est aujourd’hui la position de la FSF sur ce sujet. Et est-ce qu’il existe, selon toi, une définition d’un modèle de LLM éthique ?

Richard Stallman :
Je dois d’abord distinguer mon opinion des suppositions contenues dans ta question.

Stéphane :
D’accord.

Richard Stallman :
Je fais la différence entre ce que j’appelle l’intelligence artificielle et ce que j’appelle les générateurs de merde. Les programmes comme ChatGPT ne sont pas de l’intelligence.
L’intelligence, ça veut dire avoir la capacité de savoir ou de comprendre quelque chose, au moins dans un domaine réduit. Mais plus que rien.

ChatGPT, lui, ne comprend rien. Il n’a aucune intelligence. Il manipule des phrases sans les comprendre. Il n’a aucune idée sémantique de la signification des mots qu’il produit. C’est pour ça que je dis que ce n’est pas de l’intelligence.

En revanche, il existe des programmes qui comprennent vraiment dans un domaine restreint.
Par exemple, certains peuvent analyser une image et dire si elle montre des cellules cancéreuses, ou bien identifier un insecte : est-ce une guêpe en train d’attaquer des abeilles ? C’est un vrai problème dans certains pays. Ce sont des immigrants vraiment dangereux.
Ces programmes, dans leur petit champ, comprennent aussi bien qu’un humain. Je les appelle donc de l’intelligence artificielle.

Mais les LLM, les grands modèles de langage, ne comprennent rien. Il faut insister pour ne pas les appeler « intelligence artificielle ». C’est uniquement une campagne de marketing destinée à vendre des produits, et malheureusement presque tout le monde l’accepte. Cette confusion fait déjà des dégâts dans la société.

En dehors de ça, si tu veux utiliser un LLM, il faut avoir les quatre libertés essentielles. Tu dois pouvoir l’exécuter dans ton propre ordinateur, pas l’utiliser dans le serveur de quelqu’un d’autre, parce que dans ce cas-là c’est lui qui choisit le programme, et si le programme est libre, c’est lui qui a le droit de le changer, pas toi. Et si tu l’exécutes chez toi mais que tu n’as pas le droit de le modifier, ni de l’utiliser comme tu veux en liberté, évidemment c’est injuste. Donc je ne dis pas que les LLM sont essentiellement injustes, mais normalement ils ne respectent pas la liberté des utilisateurs, et ça, c’est injuste.

Et il faut bien reconnaître aussi ce qu’ils ne sont pas capables de faire : ils ne comprennent pas, ils ne savent pas.

Stéphane :
Oui, c’est vrai que c’est du marketing de les appeler « intelligence artificielle ». Mais beaucoup de gens y trouvent un usage utile. Je pense par exemple à la traduction, qui donne parfois des résultats corrects. Donc si les gens veulent utiliser des LLM, ce que tu recommandes, c’est de privilégier les modèles sous licence libre, c’est bien ça ?

Richard Stallman :
Oui. Nous sommes en train d’écrire comment adapter les critères du logiciel libre pour qu’ils s’appliquent aussi aux programmes d’apprentissage automatique.

Stéphane :
Donc ça, c’est quelque chose que la FSF va publier dans le futur ?

Richard Stallman :
Oui, mais ce n’est pas encore terminé.

Stéphane :
On arrive au bout des questions que j’avais prévues. Ça fait 40 ans que la FSF existe. Il y a eu, je pense, beaucoup d’avancées positives. Mais aujourd’hui l’informatique est partout dans nos vies, et donc la question des libertés informatiques est plus importante que jamais. Est-ce que tu aurais un message à lancer pour inciter les gens à rejoindre le logiciel libre ?

Richard :
Oui. D’abord, rejetez la technologie injuste : les applications non libres, celles qui identifient l’utilisateur, celles qui suivent les gens depuis ton ordinateur ou ton téléphone. Cherchez à remplacer chaque élément pour lequel il existe du logiciel libre, avec du chiffrement libre de bout en bout.
Rejetez aussi les objets censés être « chez toi » mais qui t'écoutent, rejetez les produits où les commandes passent par le serveur du fabricant qui espionne tout, et résistez aux systèmes qui pistent leurs utilisateurs. Payez en liquide quand c’est possible.
Et si tu es programmeur, tu peux contribuer au développement de programmes libres, et tu peux aussi t’inscrire comme membre de la FSF sur fsf.org. Regarde aussi gnu.org/help. Une chose encore : si tu travailles dans une université, invite-moi pour une conférence.

Stéphane :
D’accord. Et quand tu regardes ces 40 années de lutte pour le logiciel libre, est-ce que tu es satisfait de la tournure que prennent les choses aujourd’hui, de l’impact ?

Richard :
Non, bien sûr que non. Sous l’empire, les choses vont de pire en pire. Je ne suis pas satisfait. Parfois j’aurais pu agir plus efficacement, mais avec ce que je savais au début, je n’aurais pas su faire mieux. Mais je suis déçu de la direction que prennent les choses.

Stéphane :
C’est pour ça que c’est important que toutes les personnes sensibilisées contribuent autant que possible : en informant autour d’elles, en incitant à ne pas utiliser de logiciels privateurs et en aidant à passer au logiciel libre.

Richard :
Oui. Mais il faut aussi que les Français s’unissent pour exiger que les services numériques de l’État respectent le logiciel libre. Spécifiquement, qu’ils cessent de transmettre des programmes privateurs à exécuter sur la machine des utilisateurs, et qu’ils respectent davantage l’anonymat des individus. Parce que les données personnelles, une fois collectées dans une base, finiront par être abusées, peut-être même par l’État.

Stéphane :
Avec l’arrivée de Donald Trump, je sais par exemple que la fondation Mozilla a expliqué être en difficulté financière, parce qu’ils ont perdu des financements qu’ils avaient de l’État. Est-ce que la FSF est aussi victime financièrement ?

Richard :
Non, parce que nous ne recevions rien de l’État.

Stéphane :
Donc vous avez plus d’indépendance que Mozilla de base.

Richard :
Oui, et nous avons plus de financements grâce aux dons. C’est pour ça que je prie tout le monde d’adhérer à la FSF.

Stéphane :
Merci beaucoup, Richard, pour cet entretien. Donc là, on fête les 40 ans de la FSF. J’espère que pour les 50 ans, le logiciel libre sera beaucoup plus utilisé que le logiciel privateur. On verra bien.

Richard:
Puis-je faire un jeu de mots ?

Stéphane:
Bien sûr.

Richard:
J'adore le thé, mais je ne bois que les thés qui se dégradent avec le temps, parce que les autres sont détestables.
Au revoir.

Stéphane:
Au revoir.

Aller plus loin

  • # Très intéressant

    Posté par  . Évalué à 6 (+6/-0).

    Merci pour cet entretien très intéressant 🙂

    • [^] # Re: Très intéressant

      Posté par  . Évalué à 4 (+2/-0).

      On est bien d’accord. Par contre si quelqu’un peut m’expliquer le gauche d’auteur, hormis le fait d’être dur à lire, je me doute que c’est à mettre en opposition au droit, mais un peu de contexte, me ferait le plus grand bien.

    • [^] # Re: Très intéressant

      Posté par  (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 9 (+7/-0). Dernière modification le 09 octobre 2025 à 20:32.

      Et bravo à l'interviewer, Stéphane, pour la qualité de l'entrevue et pour l'effort pour être rigoureux dans l'utilisation du langage ! On sent qu'il y a de la préparation et aussi de l'adaptabilité par rapport à l'interlocuteur. Il est quand même face à quelqu'un qui a passé sa vie à réfléchir au problème, aux concepts et aux mots à utiliser. Donc, chapeau !

      • [^] # Re: Très intéressant

        Posté par  (site web personnel) . Évalué à 4 (+3/-0).

        Merci 😊
        Ça me fait plaisir que cet entretien ait eu un si bon accueil.
        Il y a eu effectivement du travail, mais le plus dur pour moi a été d’élaguer. Initialement, j’avais préparé deux fois plus de questions. Mais RMS m’avait dit que cela lui semblait trop. Et il avait raison : sans le montage, l’entretien durait déjà plus de deux heures. Ça aurait été interminable 🤣

        • Je voulais initialement parler avec lui de la musique et de la culture libre, du mécénat global…
        • Je voulais parler avec lui du lien entre la FSF et ses fondations sœurs (FSFE, FSFLA, ou la FSF France, qui n’existe plus…).
        • Parler des smartphones et de Replicant/LineageOS… Cela aurait pu faire écho à l’annonce du téléphone libre annoncé par la FSF.

        Mais il fallait rester raisonnable 🤣

  • # Intéressant

    Posté par  . Évalué à 10 (+8/-0). Dernière modification le 08 octobre 2025 à 09:54.

    Je connaissais bien sûr un peu (de loin) Richard Stallman, son nom, son œuvre, comme tout le monde qui gravite dans l'informatique. j'en étais resté sur des polémiques (justifiées ou pas) le concernant. Cette interview m'a surpris par le soin qu'il porte au choix des mots et à ce qu'ils peuvent transmettre. On peut avoir l'impression qu'il pinaille mais je trouve que c'est important.

    En revanche, je n'ai toujours pas compris cette notion d'injustice si un logiciel n'est pas libre. Pour moi ce n'est injuste que si ce logiciel est imposé (ce qui est effectivement souvent le cas, au moins de façon indirecte). Dans mon esprit, plutôt que "injuste" il me paraîtrait plus logique parler de logiciel "à éviter" car pas les "quatre libertés etc…".

    Et de façon pragmatique, je préfère utiliser un logiciel non-libre produisant des données dans un format standard qu'un logiciel libre produisant des données dans un format libre mais non standard. Parce qu'au final, le premier me donne la liberté de changer de logiciel ce qui n'est pas le cas du deuxième. Heureusement, logiciel libre et format de données standard vont presque toujours de pair.

    • [^] # Re: Intéressant

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 5 (+4/-0). Dernière modification le 08 octobre 2025 à 21:19.

      Pour l'injustice, à mon avis, c'est que RMS considère que si tu fais un logiciel privateur, c'est que tu comptes garder du pouvoir sur les utilisateurs. Et cette façon de faire est injuste.

      Concernant les données standards, je pense qu'idéalement, il faut les deux. Ça me fait penser à un concept d'un autre grand sage. ^ Benjamin Bayart (avec un "t", c'est comme dupont et dupond, les deux existent et il ne faut pas les confondre ). Benjamin Bayart à inventé la notion de logiciel libérateur. Il décrivait ce concept sur son site edgard.fdn.fr, mais malheureusement son site n'est plus en ligne.

      Dommage!

      Il en reste un résumé sur Wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Benjamin_Bayart#Logiciel_%C2%AB_lib%C3%A9rateur_%C2%BB

      • [^] # Re: Intéressant

        Posté par  . Évalué à 4 (+2/-0).

        si tu fais un logiciel privateur, c'est que tu comptes garder du pouvoir sur les utilisateurs.

        Je pense surtout que c'est gagner de l'argent avec (à tort ou à raison, les gens qui font du logiciel non libre pensent qu'on va utiliser leur code pour se faire de l'argent à leur place). Quel pouvoir as-tu sur les utilisateurs si tu es l'auteur de Xnview (exemple au hasard) ?

        Un logiciel non libre ne donne du pouvoir que s'il rend les autres choix difficiles parce qu'une stratégie délibérée à assommé la concurrence, via de la vente liée, via un format de données propriétaire, via du lobbying, …

        • [^] # Re: Intéressant

          Posté par  . Évalué à 3 (+3/-0).

          Je pense surtout que c'est gagner de l'argent avec

          La GPL n'a jamais voulue limiter le faite que tu gagne ta vie en travaillent dans l'informatique, au contraire.

          Un logiciel non libre ne donne du pouvoir que s'il rend les autres choix difficiles parce qu'une stratégie délibérée à assommé la concurrence, via de la vente liée, via un format de données propriétaire, via du lobbying
          C'est en partie correct.
          Le fait qu'un système soit obfusquer par défaut rend la possibilité de demander un a travailleur tierce d'effectuer du travaille.

          Par exemple.
          Je souhaite pouvoir installer replicant sur le dernier samsung.
          Ou je souhaite installer la dernière version d'android sur mon galaxy S2.
          Est possible ?
          Non.
          Pourquoi ?
          Car les pilotes sont juste des blobs binaires (oublions la signature du matériel ou les ressources nécessaire pour cette exemple).

          Autre exemple:
          Mon client a acheter un logiciel que la chambre de commerce de la région lui a pointer.
          5 ans plus tard la société produisant le logiciel a fait faillite.
          Il doit changer de système d'exploitation car trop vieux et bourrer de malware a cause de ses enfants.
          Un entretient matériel plus un clonezilla plus tard, l'installation du nouvelle OS est fait.
          J'installe le logiciel qu'il possède encore sur cd et ça me demande une validation par téléphone.
          Je fait quoi ?
          Et il ne peut se permettre de perdre les données.
          Les données sont dans un format propriétaire, impossible d'exporter.
          Au finale je n'ai pas put faire une installation propre, j'ai du passer deux semaines de mon temps a faire de l'analyse forensic et ensuite tenter une migration sur windows 7 (ça date oui).
          Le gars roule pas sur l'or non plus je fut payer 200balles pour deux semaine de travaille.

          Encore un exemple d'impact économique.

    • [^] # Re: Intéressant

      Posté par  . Évalué à 8 (+6/-0).

      Pour faire un parallèle concernant la notion d'injustice, je prendrai le cas des limitations de droit et d'usage dans l'agriculture : des plantes dont les graines ne donnent pas d'autres plantes viables, et que tu n'as pas le droit de replanter, croiser…

      Par exemple :
      * Quelle est la différence entre vos semences et celles de la grande distribution ?
      * Semences Sans Frontières

      Ça me semble assez proche de ce dont Richard Stallman parle.

      • [^] # Re: Intéressant

        Posté par  . Évalué à 4 (+2/-0).

        Je ne connais rien à ce domaine donc je vais peut-être dire des bêtises.

        Pour moi il n'y a injustice que si n'a pas le droit d'utiliser d'autres graines que ces graines "verrouillées". Est-ce le cas ?

        Moi, je vois surtout une stratégie d'enfermement à la Microsoft dont il peut être difficile de sortir mais qui résulte peut-être aussi de mauvais choix au départ de la part de l'agriculteur. Si on ne lui a pas imposé ces graines, en quoi est-ce injuste ? Etait-il dans l'ignorance des faits (auquel cas, ce n'est pas de l'injustice mais de l'arnaque) ?

        • [^] # Re: Intéressant

          Posté par  (site web personnel) . Évalué à 8 (+6/-0).

          En France, il y a un catalogue de variétés qui sont autorisées à la vente, et ce qui est en dehors du catalogue est interdit. C'est un gros problème parce qu'il n'y a pas d'intérêt à cultiver des variétés qui ne peuvent pas être vendues, et ces variétés peuvent alors disparaître.

          Il y a quelques contournements, comme des association prônant l'échange de graines (ce n'est pas de la vente, ça passe, mais que pour les particuliers), ou la culture de variétés paysannes pour nourrir ses propres bêtes (là il n'y a pas d'échange, c'est bon) mais ça reste compliqué.

          Donc la situation est injuste, il y a des gens qui se battent pour arranger la situation mais les avancées sont timides.

          Un LUG en Lorraine : https://enunclic-cappel.fr

          • [^] # Re: Intéressant

            Posté par  . Évalué à 5 (+3/-0).

            il y a un catalogue de variétés qui sont autorisées à la vente, et ce qui est en dehors du catalogue est interdit.

            Ça semble fou, bien au delà du problème que peut poser un Microsoft. Les variétés proposées à la vente sont toutes de type "je ne peux pas replanter les graines l'année d'après" ?

            Quelles sont les "justifications" d'une telle limitation dans ce qui peut être vendu ?

            Si je fais un parallèle avec Microsoft, l'État peut dire "on n'achète que du Microsoft" mais il ne peut pas imposer à des entreprises privées de faire de même. Pourquoi pourrait-il le faire pour des agriculteurs ?

            • [^] # Re: Intéressant

              Posté par  . Évalué à 7 (+5/-1).

              Les variétés proposées à la vente sont toutes de type "je ne peux pas replanter les graines l'année d'après" ?

              Pas du tout. Il y a des variétés traditionnelles dans le catalogue.

              Quelles sont les "justifications" d'une telle limitation dans ce qui peut être vendu ?

              Protection du consommateur. Une variété certifiée te garantit que les graines feront pousser des plantes conformes à ce que tu as acheté, et que les plantes qui poussent sont commestibles et commercialisables.

              Pourquoi pourrait-il le faire pour des agriculteurs ?

              Le problème a été exagéré par un certain nombre d'associations, comme la fameuse kokopelli, qui en a peut-être profité au passage pour détourner l'attention de ses problèmes internes (assez sérieux). Pour résumer le problème, les associations qui souhaitent commercialiser des semences "paysannes" ne veulent pas inscrire ces variétés au catalogue, en partie parce qu'elles ne veulent pas payer, et très probablement aussi parce que beaucoup de ces variétés n'ont pas les qualités pour y être inscrites (parce qu'elles ne sont pas stables ou pas bien définies par exemple). C'est donc plus une sorte de refus de rentrer dans un système, ce qui semble assez différent de "je n'ai pas le droit de les vendre".

              Pour prendre une analogie, c'est un peu comme les logiciels de caisse. La loi n'interdit pas du tout les logiciels de caisse libre, elle exige juste qu'ils soient certifiés. Ça n'est pas contradictoire avec le libre, mais ça exige une logistique, des compétences, et des budgets qui ne sont pas vraiment compatibles avec le monde associatif. Et donc c'est tentant de prétendre que la loi interdit les logiciels libres, mais ça n'est pas vrai.

              Sur le fond, c'est probablement à peine vrai que le lobby agro-alimentaire verrouille le commerce des variétés paysannes. Connaissant un peu le contexte, le lobby agro-alimentaire n'a rien à battre des semences paysannes, dont la compétitivité est quasi-nulle (rendements microscopiques, incompatibilité avec les parcours habituels, avec la mécanisation, etc). L'industrie a au contraire intérêt à maintenir en arrière plan des banques de variétés paysannes, parce qu'elle en recroise de temps en temps avec les variétés commerciales pour introduire de la diversité génétique (même s'il semble que les biotechnologies permettent de plus en plus de se passer de ces croisements incertains et couteux). Par contre, c'est assez évident qu'un agriculteur qui serait assez barré pour produire à grande échelle une variété paysanne non-cataloguée ne pourrait pas les vendre en coopérative (tu ne peux même pas garantir ce que tu vends), et je ne sais même pas s'il aurait droit de le faire en vente directe. L'autorisation à la vente de semences ne ferait donc que repousser le problème au niveau de la commercialisation du produit de ces semences, et je ne vois pas ce que ça apporterait.

              J'ai l'impression que kokopelli et collègues voudraient juste pouvoir mettre un peu tout et n'importe quoi dans les sachets de graines (une pratique qui semble d'ailleurs confirmés par certains anciens employés et par les clients), et que l'existence d'une tolérance quand le consommateur est consentant les arrangerait bien. Ça peut se discuter à la marge, je ne suis pas sûr que le marché des jardiniers qui sont contents de planter des graines non-conformes soit très grand.

        • [^] # Re: Intéressant

          Posté par  . Évalué à 5 (+3/-0).

          C'est injuste parce qu'on ne peut pas replanter les graines récoltées l'année d'après.

          En vrai ce n'est pas si simple, les graines sont des hybrides créées pour leur vertu productive, résistante. etc. Or la technique d'hybridation ne donne pas de semences reproductibles. Je crois qu'il faut créer des variétés pat croisement pour obtenir des selences reproductibles — mais là encore ce peut être plus compliqué, par exemple les pommiers doivent être greffés pour donner des pommes mangeables.

          Comme les intérêts en jeu sont divers et dans des domaines variés (du semencier à l'État en passant par les industriels et les vendeurs d'eau), il faut les détricoter avant de pouvoir revenir à l'utilisation de variétés reproductibles.

          • [^] # Re: Intéressant

            Posté par  . Évalué à 2 (+2/-3). Dernière modification le 10 octobre 2025 à 11:18.

            Il existe quand même quelques cas où la stérilité des graines vendues est volontaire, auquel cas en effet, il y a de quoi discuter. En général, comme tu le décris, la non-reproductibilité est une conséquence d'une méthode d'amélioration des plantes (greffe, croisement F1, etc); il est possible que cette propriété arrange bien les semenciers mais elle découle d'une réalité biologique (par exemple, l'effet hybride). Par contre, même quand tu peux faire repousser tes semences, tu dois verser une redevance pour les resemer, c'est dans le contrat de vente.

            De manière plus générale, la question de la propriété intellectuelle sur les organismes vivants est assez compliquée. L'entreprise qui te vend une variété qu'elle a développée ne te vend que les graines, et pas l'"essence" de la variété, de même que quand tu achètes un disque, tu achètes le droit d'écouter la musique mais tu n'as pas de droits sur la chanson, tu ne peux pas la reproduire et la revendre, etc.

            De ce que je connais de l'état du droit, c'est inutile de refuser par principe la notion de propriété intellectuelle sur les variétés, comme si c'était une option parmi d'autres. Ce droit est acté par des traités internationaux, et il est justifié parce qu'une économie entière repose sur l'exclusivité des ventes, pareil que pour la musique, les films, ou les livres, et comme pour les oeuvres de l'esprit, il reste autorisé de développer tes propres variétés tant que tu ne les dérives pas des variétés protégées—aucun droit ne t'es retiré.

            L'idéologie se confronte souvent mal à la réalité. Tu peux développer des semences libres, comme tu peux développer du logiciel libre, mais développer des semences est long, hasardeux, et couteux; les variétés "libres" ont des rendements pourris, personne ne peut gagner sa vie en les faisant pousser. Ça n'est pas une impossibilité théorique, mais c'est une constatation pratique; tu ne rempliras pas le stade de France avec de la musique libre, et tu ne rentabiliseras pas ton exploitation en faisant pousser des semences libres.

            • [^] # Re: Intéressant

              Posté par  . Évalué à 5 (+3/-0). Dernière modification le 10 octobre 2025 à 16:51.

              Il existe quand même quelques cas où la stérilité des graines vendues est volontaire

              Oui pardon, mon commentaire ne prétendait pas être complet, j'ai oublié de le mentionner

              développer des semences est long, hasardeux, et couteux

              Et la production demande du temps et de la place, la vente n'est pas garantie, le stockage doit être surveillé, … ça suffit peut-être pour expliquer l'absence de certaines variétés aux catalogues des semencier — j'en sais rien, je raisonne par analogie avec d'autres domaines.

              les variétés "libres" ont des rendements pourris, personne ne peut gagner sa vie en les faisant pousser

              Je ne sais pas d'où tu tiens ça, ni comment tu peux le généraliser à toutes les espèces. Le rendement n'explique pas la rentabilité, il faut prendre en compte les coûts annexes, le prix de vente, la robustesse ou la fragilité des variétés.
              Par exemple, certaines variétés de maïs demandent peu d'eau, tandis que d'autres nécessitent un système complexe d'arrosage, ou encore il y a des cultures à haut-rendement pour lesquelles la rentabilité passe par des champs immense, des tracteurs géants et des employés tout le temps, tandis qu'une variété plus rare se cultive dans un petit champ avec un quad et peu d'interventions (ces 4 exemples viennent d'agriculteurs du Tarn).
              Et le prix de vente n'est pas le même selon les variétés — on connaît tous le cas avec la viande (boeuf de l'aubrac, cul noir du limousin, …) ou certaines tomates, mais c'est pareil pour les blés, les courges, les haricots, … bref tout ce qu'on fait pousser.

              Enfin, la Ferme du Bec-Hellouin a été étudiée par l'INRA entre 2011 et 2015, les rapports d'étude concluent que les variétés cultivées, le mode de culture et la taille de l'exploitation suffisent à garantir un bon revenu pour 3 employés.

              • [^] # Re: Intéressant

                Posté par  . Évalué à 3 (+1/-0).

                Enfin, la Ferme du Bec-Hellouin a été étudiée par l'INRA entre 2011 et 2015, les rapports d'étude concluent que les variétés cultivées, le mode de culture et la taille de l'exploitation suffisent à garantir un bon revenu pour 3 employés.

                J'ai oublié : dans ce cas précis (parcelle, climat, etc.) ; l'étude ne généralise pas bien entendu. Mais la Ferme du Bec Hellouin reste un bon contre-exemple.

                • [^] # Re: Intéressant

                  Posté par  . Évalué à 1 (+0/-2).

                  C'est une étude assez populaire mais elle n'est pas généralisable : on parle de 1000m2 dont 40% sous serre, et des pratiques agricoles hyper-intensives avec des charges en intrants et une main d'oeuvre par m2 cultivés qui ne sont absolument pas généralisables.

                  D'une manière plus générale, si l'économie libérale sait faire quelque chose, c'est bien de déterminer les pratiques rentables et les pratiques non-rentables. Quand un investisseur veut mettre de l'argent dans un resto, il choisit un petit resto gastronomique parce que c'est une activité rentable. Quand il choisit un exploitant agricole il choisir un céréalier dans la Beauce parce que c'est ça qui est rentable. Si on pouvait vraiment faire 55€ de chiffre d'affaire par m2 en cultivant des choux bio, ça fait longtemps que les champs de maïs auraient été reconvertis en exploitations bio.

                  Si les surfaces bio diminuent en France, si les histoires de semis sans labour et de micro-exploitations restent anecdotiques depuis 30 ans, c'est bien parce que la rentabilité de telles pratiques est au mieux douteuse. Cette rentabilité pourrait changer avec une modification des politiques de subventions, avec une collectivisation des pertes de rendement, etc., mais avec des "si" on peut faire beaucoup de choses. L'état actuel des connaissances, c'est que les rendements de l'agriculture intensive sont supérieurs.

                  • [^] # Re: Intéressant

                    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 8 (+5/-0).

                    c'est que les rendements de l'agriculture intensive sont supérieurs.

                    Il faudrait préciser s'il s'agit de rendement agricole, financier ou les deux. Visiblement ici il est supposé les deux, sachant que le rendement financier dépend visiblement beaucoup des politiques de subventions actuelles. Si j'ai bien compris le propos.

                    Et en supposant que le rendement financier est un bon compromis quantitatif/qualitatif (j'ai peur que si produire une bouffe merdique en grande quantité est à bon rendement, l'économie libérale le fera, faute d'en gérer les conséquences malbouffe/maladie/pollution/etc. C'est le réglementaire qui vient ou non mettre des limites, et la politique de subvention des incitatifs).

                  • [^] # Re: Intéressant

                    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 7 (+5/-0).

                    si les histoires de semis sans labour et de micro-exploitations restent anecdotiques depuis 30 ans

                    Et comme d'hab il raconte n'imp le Dus.

                    En 2017, 47 % des surfaces de grandes cultures sont conduites sans labour préalable en France. Ces surfaces ont plus que doublé depuis 2001 (21 %). Globalement, les techniques sans labour poursuivent leur progression pour toutes les principales grandes cultures.

                    Adhérer à l'April, ça vous tente ?

                  • [^] # Re: Intéressant

                    Posté par  . Évalué à 5 (+4/-0).

                    D'une manière plus générale, si l'économie libérale sait faire quelque chose, c'est bien de déterminer les pratiques rentables et les pratiques non-rentables.

                    Je ne suis pas sûr que cela soit vrai : la discrimination ne se fait pas entre ce qui est rentable et non-rentable, mais finit par discriminer ce qui est le plus rentable (et, souvent, le plus rentable uniquement pour l'investisseur) en éliminant aussi des pratiques simplement rentables.

            • [^] # Re: Intéressant

              Posté par  . Évalué à 5 (+3/-0).

              Intéressant, merci.

              Ceci étant, si je puis me permettre :

              L'idéologie se confronte souvent mal à la réalité

              Je dirais plutôt qu'il y a une idéologie qui correspond à la réalité actuelle, et une autre qui semble fantaisiste. Donner raison à la réalité, c'est le status quo permanent, mais l'ordre des choses n'a pas toujours été celui d'aujourd'hui.

              En fait, en te relisant, on voit les couches de complexité qui se sont accumulées et rendent difficile de "faire son truc" : "la question de la propriété intellectuelle sur les organismes vivants est assez compliquée" + "c'est inutile de refuser par principe la notion de propriété intellectuelle sur les variétés" + "acté par des traités internationaux" + "justifié parce qu'une économie". Ça fait rêver nan :D ?

            • [^] # Re: Intéressant

              Posté par  . Évalué à 4 (+2/-0).

              Il existe quand même quelques cas où la stérilité des graines vendues est volontaire, auquel cas en effet, il y a de quoi discuter.

              Je m'emporte peut être, mais il me semble bien que ce soit massivement le cas dans le cadre de l’industrie céréalière avec ses semenciers américains qui inondent trustent le marché avec des graines de ce type, le tout largement arrosé par la PAC et autres produits phytosanitaires artificiels "made by … " absolument nécessaires à la survie des espèces.

              "Si tous les cons volaient, il ferait nuit" F. Dard

              • [^] # Re: Intéressant

                Posté par  . Évalué à 2 (+0/-1).

                Je m'emporte peut être

                Oui :-) En fait, les variétés vendues sont faites pour pousser dans un certain contexte compatible avec l'agriculture "industrielle", donc oui, quelque part, elles ne sont pas faites pour pousser dans d'autres contextes parce que les agriculteurs achètent les variétés qui correspondent à leurs pratiques.

                Si on parle des céréaliers par exemple, ils n'ont pas grand chose à secouer de pouvoir resemer les graines. Ils souhaitent vendre les grains récoltés, et racheter de nouvelles graines l'année suivante, qui ne sont pas les mêmes que l'année précédente pour cause de rotation des cultures ou de progrès des variétés.

            • [^] # Re: Intéressant

              Posté par  (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 8 (+5/-0). Dernière modification le 11 octobre 2025 à 15:49.

              De manière plus générale, la question de la propriété intellectuelle sur les organismes vivants est assez compliquée.

              Non c'est très simple, elle n'a tout simplement pas lieu d'être, ça revient à privatiser le vivant par le biais des brevets. C'est assez fou sur un site sur le logiciel libre qu'il y ait des gens qui semblent défendre ça pour mieux défendre l'ordre établi.

              Elle a d'autant moins lieu d'être que, souvent, cette privatisation du vivant vient en premier de connaissances et de savoir-faire qui, eux ne l'étaient pas, privatisés, comme celui du tri des semences et des variétés de plantes pour un sol et un climat donné.

              Je n’ai aucun avis sur systemd

              • [^] # Re: Intéressant

                Posté par  . Évalué à 2 (+0/-0).

                ça revient à privatiser le vivant par le biais des brevets.

                Et ça, pour le coup, je trouve que c'est injuste.

              • [^] # Re: Intéressant

                Posté par  . Évalué à 3 (+2/-1).

                Je ne sais pas ce qu'il met derrière la "complexité", mais je vois beaucoup de monde réduire les brevets sur le vivant à une partie de ce que ça recouvre, par méconnaissance du domaine.
                Je connais un peu parce que j'ai grandis au milieu de chercheurs dans ce domaine. Les exemples ne valent pas démonstration, mais ils sont faciles à comprendre :

                • les Chrysanthèmes de la série Orchestra créés et produits par Challet-Herault étaient protégés par un brevet. Le brevet portait sur le mode de culture qui permet d'avoir ces fleurs toute l'année.
                • la culture in-vitro et la création des variétés de palmiers à huile étaient protégées par un brevet. Le brevet permettant de rétro-financer (en quelque sorte) les 25 ans de recherche préalable. Le chercheur est resté chercheur à la fac, l'État produit les palmiers, la production échappe aux multinationales. Sans dévoiler de secret, le chercheur n'avait pas de problème pour dire à un autre qu'il était sur la bonne voie concernant les palmiers datiers (Brochard 1979 au Sahara algérien).
                • d'autre fois, le secret consiste en un rapport de recherche, confidentiel, qui rassemble des données d'espèces, d'agriculture, de géologie, culturelles ou sociologiques, etc. (Dubost 1988 au Sahara algérien par exemple).
    • [^] # Re: Intéressant

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 4 (+1/-0).

      En revanche, je n'ai toujours pas compris cette notion d'injustice si un logiciel n'est pas libre.

      Plutôt que de parler d'injustice je pense qu'il vaudrait mieux dire qu'un logiciel sous licence propriétaire va à l'encontre de l'éthique.
      Il y a un (vieux) commentaire là-dessus qui fait une comparaison avec les biens matériel et en quoi un logiciel est fondamentalement différent ce qui entraîne une conclusion éthique différente : https://linuxfr.org/nodes/53024/comments/932032

      • [^] # Re: Intéressant

        Posté par  . Évalué à 5 (+4/-1).

        Zenitram y avait déjà répondu, de manière assez juste, à l'époque. Quand tu achètes ton pain, tu payes (normalement) la personne qui l'a fabriqué. Le coût de développement d'un logiciel étant non-nul, si tu distribues gratuitement ce sur quoi le développeur comptait pour gagner sa vie, il y a aussi un soucis d'éthique. Le fait qu'il s'agisse d'un objet virtuel, copiable à l'infini, ne doit pas masquer le fait qu'il y a eu du matériel et un temps fini employé pour le créer. Alors logiciel libre ne veut pas dire gratuit mais un créateur pourrait considérer que le manque à gagner des copies libres remet en question l'intérêt de créer. C'est sûrement pour ça qu'on voit tant de logiciels Delayed Open Source Publication : « Laisse moi gagner un peu de sous, ensuite tu pourras copier à l'infini si tu veux.»

        • [^] # Re: Intéressant

          Posté par  . Évalué à 3 (+2/-0).

          Mouais…

          S’il existait une machine qui duplique le pain à l’infini gratuitement et qui permettrait donc à tous les être humains de manger à leur faim, il ne serait pas éthique de l’utiliser sans faire payer parce que ça ne reconnaitrait pas le travail du boulanger qui a fabriqué le morceau de pain original…

          Vision bizarre de l’éthique…

          « Y a même des gens qui ont l’air vivant, mais ils sont morts depuis longtemps ! »

          • [^] # Re: Intéressant

            Posté par  . Évalué à 3 (+1/-0).

            Intéressant, on touche aux limites de la métaphore. On ne parlait pas de sauver l'humanité de la famine à l'origine (parce que ça change évidemment les données du problème). Mais si il existe une machine qui créé du pain ex-nihilo, on a plus besoin de boulangers donc le problème disparaît. Le boulanger lui-même fera un autre métier (ou aucun métier parce qu'il n'aura plus besoin de travailler pour se nourrir). Et puis ça marche pour tout… La culture c'est important, on devrait pouvoir copier gratuitement toute production musicale ou littéraire ? On a d'ailleurs des machines qui en génèrent automatiquement maintenant donc plus besoin d'artistes.

            • [^] # Re: Intéressant

              Posté par  . Évalué à 1 (+0/-0).

              J’ai bien parlé d’une machine qui duplique le pain, mais ne le crée pas exactement comme le copier-coller d’un logiciel ne crée pas de logiciel.

              Quant à l’analogie avec la culture, le libre est déjà allé bien plus loin que le logiciel avec les licences libres, le matériel libre, etc.

              Le logiciel libre a déclenché un mouvement ce qui deviendra une réflexion sur les communs et leur mode de production. Et au final donne matière penser sur le salaire. Et là c’est « facile », direction réseau-salariat ! (ˆ_ˆ)

              « Y a même des gens qui ont l’air vivant, mais ils sont morts depuis longtemps ! »

    • [^] # Re: Intéressant

      Posté par  . Évalué à 5 (+2/-0).

      Lorsque j'achète un meuble (même à monter) j'en fais ce que je veux, je peux y faire des trous même si c'est pas prévu.

      Lorsque tu achète un logiciel à source fermées, tu ne peux l'utiliser que dans son cas de base. Tu n'en est pas propriétaire, et si y'a un bug que le fournisseur ne veux pas corriger, il ne te reste que tes yeux pour pleurer, et si jamais tu changes de matériel ou d'OS tu n'as aucune garantie que le logiciel tourne dessus; bref tu paye pour une utilisation qui te met à la merci de l'éditeur

      Un logiciel libre, par définition tu peux l'adapter à tes besoins et le faire évoluer selon ton matériel; d'un certain coté tu es propriétaire du code exécuté.

      Il ne faut pas décorner les boeufs avant d'avoir semé le vent

      • [^] # Re: Intéressant

        Posté par  . Évalué à 3 (+1/-0). Dernière modification le 10 octobre 2025 à 17:43.

        Là tu m'as convaincu de tous les avantages à utiliser un logiciel libre (bon, j'étais déjà convaincu), pas que le logiciel à source fermée est "injuste".

        • [^] # Re: Intéressant

          Posté par  . Évalué à 3 (+0/-0).

          C'est une question de point de vue, mais si je paye un truc c'est pour pouvoir en faire ce que je veux sans condition ni limite de durée, que ce soit interdit ne me parait pas 'juste'

          Il ne faut pas décorner les boeufs avant d'avoir semé le vent

          • [^] # Re: Intéressant

            Posté par  . Évalué à 2 (+0/-0). Dernière modification le 13 octobre 2025 à 11:39.

            D'abord tout ce qui est non-libre n'est pas nécessairement payant. Ensuite, tout dépend du contrat : si tu loues une voiture, par exemple, il y a des limites d'usage et de durée. Idem si tu payes pour du stockage cloud.

            Selon le sens habituel, "l'injustice" c'est quand on subit un préjudice sans avoir eu le choix d'y échapper. Quand tu acquiers un logiciel non-libre, même gratuitement, et que celui-ci t'enferme dans son écosystème au point qu'il devient difficile d'en sortir, c'est injuste seulement si le piège n'était pas évident dès le départ.

            Bon, au final, je pense qu'on est d'accord sur le fond, on diffère juste sur le sens à donner au mot "injustice". Tu parles d'injustice là où moi je préfère parler de "mauvais choix" (étant bien entendu qu'un logiciel non-libre, gratuit ou à prix dérisoire, respectant les standards pour le format de ses données/protocoles de telle sorte qu'il est possible de le remplacer en cas de défaillance de l'éditeur, n'est pas "injuste").

    • [^] # Re: Intéressant

      Posté par  . Évalué à 1 (+1/-0).

      "En revanche, je n'ai toujours pas compris cette notion d'injustice si un logiciel n'est pas libre. "
      "Dans mon esprit, plutôt que "injuste" il me paraîtrait plus logique parler de logiciel "à éviter" car pas les "quatre libertés etc…"."

      La GPL a des conséquences beaucoup plus profondes que cela.
      Il y a les conséquence sociale:
      Tu ne peut participer ou corriger des problèmes dans ta communauté directement lier a des logiciels privateur.

      Un bonne exemple historique similaire a cela c'est lorsque dans l'URSS ils ont commencer envoyer des gens/bureaucrate pour gérer des communautés qui leur était étrangère, si ils en envoyaient.
      Ils ne pouvaient pas répondre au demandent car ils ne comprenaient pas les soucis (ou pas asser rapidement) ou ils était injoignable.
      Cette dépendance a un intermédiaire étranger est l'une des causes majeurs de la/des famines qui a notamment causer la chute du régime

      Il y a les conséquences économiques:
      Tu ne peut pas vivre de ton travaille si une entités privateur empêche ou limite ton client de pouvoir faire appelle a tes services.
      La GPL permet l'existence du libre marcher.
      La population a donc une souplesse pour s'adapter, pour vivre.

      Les conséquences sur la santé:
      Les effets sur le physique (via les déchets électronique) ou mentale via les algos des FANGMAN.

      On peut bien sur regrouper tout cela comme étant des problème sociaux car au finale tout revient a la condition humaine mais faut pas se perdre non plus.

      "je préfère utiliser un logiciel non-libre produisant des données dans un format standard qu'un logiciel libre produisant des données dans un format libre mais non standard"
      Un format standard et toujours un format non standard avant d'avoir était populariser.
      Il y a un XKCD sur le sujet
      https://xkcd.com/927/

      Outre cela, le défaut d'un standard non libre c'est par exemple le fait d'avoir des frais sur l'utilisation de celui ci on peut le voir part exemple dans la carte d'identité numérique de l'UE qui va coûté au moins une première fois 500 boules pour tout site web qui doit implémenter la vérification de l'age.
      https://github.com/eu-digital-identity-wallet/av-doc-technical-specification/issues/29

      Et outre ce phénomène économique citer.
      Il y a le facteur morale ou tu va devoir signer une clause de confidentialité.
      Ce qui est la cause principale qui a démarrer le mouvement du logiciels libre.
      Le jour ou un collègue du MIT lui a dit qu'il (RMS) signe une clause de confidentialité pour avec accès au code source de l'imprimante xerox pour corriger encore fois le problème du bourrage papier.

      Xerox a abuser moralement les gens du MIT, a créer une injustice, car ils ont eux même put profiter de toutes les avancés, débogage etc… générer par les gens du MIT gracieusement.
      Et ils ont poignarder ensuite ces même personnes

  • # en 92 ?

    Posté par  . Évalué à -1 (+1/-1).

    Mais Red Hat et SUSE distribuaient déjà des versions commerciales de GNU/Linux dès 1992

    euh ! en 1992 non

    • [^] # Re: en 92 ?

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 4 (+2/-0).

      il faudrait préciser pourquoi : Red Hat a été fondé en 1993, et SUSE en 1992, mais la première version de la distribution a été réalisé en 1994 (tout cela d'après wikipedia).

      • [^] # Re: en 92 ?

        Posté par  (site web personnel) . Évalué à 2 (+1/-0). Dernière modification le 08 octobre 2025 à 21:27.

        Oui effectivement, j'ai fait une confusion entre l'année de la création de l'entreprise SUSE créée en 1992, et la sortie de leur distribution GNU/Linux en 1994.

  • # haha

    Posté par  . Évalué à 10 (+9/-0).

    Le mieux, c'est le jeu de mot. Des thés stables :D

  • # Un peu gauche

    Posté par  . Évalué à 8 (+8/-1).

    L’entretien est en français, donc l’expression gauche d’auteur est la traduction utilisée par RMS pour copyleft. Autant le terme anglais véhicule à la fois l’idée d’une opposition au droit d’auteur (copyright), et d’un abandon de ce droit (left : laissé, cédé…), autant la traduction française me semble assez incompréhensible. Si la transcription est destinée à sortir du milieu acquis à la cause, une note plus développée :

    copyleft, traduit en français gauche d’auteur par RMS, que l’on traduirait plutôt par droits cédés ou droits abandonnés

    serait je pense bienvenue.

    • [^] # Re: Un peu gauche

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 3 (+2/-1). Dernière modification le 08 octobre 2025 à 19:07.

      bin, quand tu n'as pas le droit, tu prends le gauche, ça me paraît clair pourtant :-)

      (et révélateur d'une certaine culture de RMS pour le français, bon même si ses jeux de mots1 pourraient faire croire qu'il comprend aussi les contrepétries :p)


      1. aux RMLL de Mont de Marsan, il nous avait sorti que Tux c'est comme un horrible manchot, vu qu'on ne se les caillait pas vraiment sous le barnum sans clim et wifi défaillant. 

    • [^] # Re: Un peu gauche

      Posté par  (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 3 (+1/-0).

      Je ne pense pas que ce soit le sens qu'y met RMS, mais on pourrait interpréter cette gauche d'auteur comme une volonté de mettre KO le copyright ! :-)

    • [^] # Re: Un peu gauche

      Posté par  . Évalué à 6 (+6/-0).

      copyleft, (...) que l’on traduirait plutôt par droits cédés ou droits abandonnés
      

      le copyleft n'est pas une cession de droits, et encore moins un abandon de droits. L'auteur d'un travail sous copyleft garde tous ses droits (copyright / droit d'auteur). C'est bien ces droits qui lui permettent d'autoriser quiconque à faire des copies, ET interdire quiconque (sauf lui même) de refermer ces droits.

      Légalement le copyleft n'existe pas. Il n'y a que le copyright (ou droit d'auteur, suivant pays). Le copyleft, c'est une application (astucieuse) du copyright, qui à la base est fait pour se réserver une exclusivité sur une œuvre, autoriser certaines personnes, et priver les autres.

      Le copyleft c'est dire : "J'ai le copyright, je peux choisir qui peut en faire une copie ? et bien je vais choisir tout le monde, je vais priver personne."

      Le copyleft, c'est le copyright, mais pris dans l'autre sens.

      Copyright, copyleft. Droit d'auteur, gauche d'auteur. Le jeu de mots est plutôt bon.

  • # Debian et non-free

    Posté par  (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 10 (+11/-2). Dernière modification le 09 octobre 2025 à 12:13.

    Hum

    Richard :
    Oui. Debian mettait les programmes privateurs dans une section distincte, et la partie “main” de Debian pouvait être recommandée comme un système libre. Mais il y a quelques années, ils ont changé leur politique. Aujourd’hui, même l’installeur officiel de Debian peut inclure des pilotes privateurs. Pour cette raison, nous ne pouvons plus recommander Debian, pas même sa section “main”. Et c’est dommage.

    Je pense que ce n'est pas exact, les firmwares non-libres ne sont pas dans la section main mais dans la section non-free-firmware. Et ce ne sont pas des Pilote informatique mais des Firmware.

    Il est vrai que cette section est maintenant par défaut dans installateur officiel mais la section main de Debian est toujours "pure".

    Franchement, taper sur Debian alors que c'est un projet qui milite clairement pour la philosophie libre, je trouve cela exagéré.

    Avant les firmwares existait déjà, ils était pas libres non plus mais ils étaient installé à demeure dans le hardware. La seule différence c'est que maintenant il faut les charger au démarrage. Le truc, c'est que pour avoir un "système d'exploitation libre", il faut être libre mais il faut aussi être un système d'exploitation… et on ne peut pas démarrer un matériel récent sans charger les firmwares.

    • [^] # Re: Debian et non-free

      Posté par  . Évalué à 1 (+1/-2).

      C'est vrai, c'est leur faire un bien mauvais procès.

      Aujourd’hui, même l’installeur officiel de Debian peut inclure des pilotes privateurs.

      Et alors ? Pour ma part, j'ai applaudis cette décision de Debian des deux mains pour les raisons que tu évoques.

      "Si tous les cons volaient, il ferait nuit" F. Dard

    • [^] # Re: Debian et non-free

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 3 (+2/-1). Dernière modification le 09 octobre 2025 à 17:04.

      Avant les firmwares existaient déjà, ils était pas libres non plus mais ils étaient installés à demeure dans le hardware

      pas forcément, selon qu'il y avait de la RAM (chère, donc chargement par l'OS = économie de bout de chandelles), une [EEPROM] ou une ROM.

      si tu reprends la traduction de firmware en français, c'est micro-logiciel : tout simplement parce que souvent c'était exécuté sur un "petit"-CPU genre celui du STM32 ou Intel 8051 comme il y avait dans les modems ADSL Sagem Fast 800… (ça nous rajeunit pas tout ça :p). Au titre de micro-logiciel, cela a toutes les raisons de pouvoir être libre, aussi.

      aujourd'hui, cela devient encore plus un souci :

      • le GPU embarque des processeurs largement plus puissants que celui de ton unité centrale, nVidia a tenté de vendre des cartes chères et les mêmes en moins cher (mais avec un firmware n'en exploitant pas toutes les possibilités, divulgâchage : ça s'est vu :D)
      • le BIOS/UEFI devient désormais quasi un OS (certains UEFI sont un Linux il paraît…)
      • les micro-processeurs récents ont un firmware
      • ton smartphone exécute en réalité un Linux (et non pas une « ROM ») : il vaudrait mieux qu'une bonne partie soit en libre vu la capacité de communication de tes infos

      Le truc, c'est que pour avoir un "système d'exploitation libre", il faut être libre mais il faut aussi être un système d'exploitation… et on ne peut pas démarrer un matériel récent sans charger les firmwares.

      oui, l'Open-source_hardware c'est plus compliqué ;-) et ce n'était qu'une présentation (donc avec des raccourcis, des sujets plus vastes non évoqués).

      Trisquel est une distribution Linux libre, dérivée de Debian/Ubuntu qui a correctement balisé le terrain entre ce qui est non-libre ou posant des soucis de distribution du fait de la licence ou des brevets logiciels. Son champ d'utilisation est de fait réduit, tout comme l'est celui de LineageOS / Graphene…

      en réalité, le point de désaccord concernant Debian est sur la promotion active de composants non libres dans la distribution. Tant qu'il n'y avait la possibilité mais pas de facilitation, cela convenait à la FSF ;-) Quand le pragmatisme a pris le dessus (à raison, àmha) cela met le sujet sous le tapis, là où la FSF reste mobilisée pour préférer promouvoir ce qui est libre (à raison aussi, c'est cohérent).

      • [^] # Re: Debian et non-free

        Posté par  . Évalué à 1 (+1/-0).

        le BIOS/UEFI devient désormais quasi un OS (certains UEFI sont un Linux il paraît…)

        Ça dépends c'est vraiment la zizanie dans le domaines a cause des close de confidentialité.
        C'est notamment a cause de ça qu'on a des failles de secu dans ceux-ci qui ne DEVRAIT PAS se connecter a internet et/ou ne devrait pas êtres mis a jour directement a partir de l'OS.

        les micro-processeurs récents ont un firmware…

        Tous ce qui a était fait après 2007~2008 si je me trompe pas.
        MINIX3 l'OS le plus utiliser au monde :DDD

        quand le pragmatisme a pris le dessus (à raison, àmha) cela met le sujet sous le tapis,

        Sauf que quand est pragmatique et que les distribution de la FSF sont les seuls a ne pas êtres toucher par la quasi totalité des problèmes de sécu que l'on peut voir sur debian/fedora etc…
        Faut se poser une question sur c'est quoi être pragmatique au finale ?

        Je pointe du doigt des choses genre la CVE-2024-3094 et similaire qui sont causer par l'acceptation de blob binaires.

    • [^] # Re: Debian et non-free

      Posté par  . Évalué à 2 (+1/-0).

      Le FW dans le matériel existe encore… mais quand on peut s'en passer c'est une flash économisée et tout ce qui va avec niveau conception (économie côté PCB, fabrication, test), voir un truc qui peut poser des pb de fiabilité en moins.

      Et quand il existe encore, c'est souvent une version assez ancienne voir bugguée: Le BT d'un PI3B quand raspbian avait changé les chemins d'accès aux FW il y a qq années était ainsi devenu hautement instable!

      Donc mieux vaut la version à jour chargée au démarrage en remplacement de la "golden" collée à fabrication du composant.

    • [^] # Re: Debian et non-free

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 2 (+1/-0).

      C’est vrai, je ne pense pas que l’idée soit de "taper sur Debian". Seulement, je pense que le fait que l’installeur installe des programmes privateurs par défaut est un recul selon lui, j’imagine. Le fait qu’ils ne figurent pas dans « main » ne change pas grand-chose : l’installeur les installe par défaut.
      Je comprends les raisons qui poussent Debian à faire ce choix… Mais je le trouve dommage en même temps. Ça me fait penser au lecteur de DRM dans Firefox, je suis convaincue que les développeurs de Firefox sont les premiers à regretter l’utilisation de ce bout de code privateur. Mais Mozilla s’est sentie obligée de l'ajouter pour que Netflix et autres services de ce type continuent de fonctionner sur Firefox. Je comprends d’un côté ce choix, mais on est obligé d’admettre que le logiciel libre perd du terrain en faisant ça. Oui, il y a l’argument que plus de gens sont susceptibles de l’utiliser avec ces bouts de code privateurs, pour faire fonctionner le matériel dans le cas de Debian, ou pour faire fonctionner Netflix dans le cas de Firefox. Mais c’est dommage en même temps. Du code privateur est toujours problématique, on ne sait jamais où il peut y avoir des fonctionnalités malveillantes, ou simplement des bugs…

      • [^] # Re: Debian et non-free

        Posté par  . Évalué à 1 (+0/-1).

        je ne pense pas que l’idée soit de "taper sur Debian". Seulement, je pense que le fait que l’installeur installe des programmes privateurs par défaut est un recul selon lui, j’imagine.

        Vu que Debian était quasiment la dernière distro à ne pas les proposer sur son média d’installation, le rappeler alors que ça a été moins fait pour les autres (qui de toutes façons se présentent comme moins strictes sur le libre) ressemble un peu à un acharnement. Même si je pense qu’il y a une bonne manière de la voir : il ne s’est même pas donné la peine pour les autres tellement elles ne valent pas le coup, mais il la fait pour Debian car c’est elle qui compte vraiment.

        De plus, la distinction « média d’installation » n’ayant plus beaucoup de sens aujourd’hui (beaucoup de choses se font entièrement en ligne, où le principe de « mélange » de genre de logiciels sur un « même » média a moins de sens), peut-être que c’était un moyen de le rappeler avant que ça perde tout son sens.

        Le fait qu’ils ne figurent pas dans « main » ne change pas grand-chose : l’installeur les installe par défaut.

        Non, c’est une option à choisir qui (il me semble) est désactivée par défaut. L’avertissement est bien clair, tout comme la séparation de section.

        Ça me fait penser au lecteur de DRM dans Firefox […] on ne sait jamais où il peut y avoir des fonctionnalités malveillantes, ou simplement des bugs…

        Je comprends la comparaison du fait de l’atteinte aux libertés par « praticité », mais ça s’arrête là : l’exécution de firmwares fermés stables non mis à jour à distance par le fabricant, sur des matériels extérieurs au CPU et à l’espace mémoire, et qui n’ont encore jamais amené de fonctionnalités malveillantes, à ma connaissance, n’a rien à voir avec des plugins fermés pour les DRM dans FF.

  • # Debian

    Posté par  . Évalué à 3 (+2/-0).

    Il semble un peu déçu du nouveau compromis choisi par Debian, mais il faut bien se rendre compte qu'ils n'avaient en fait plus trop le choix: Séparer proprement ce qui était libre, tout en permettant de l'installer si on le souhait explicitement, imposait des médias d'installation ne contenant que des composants "free"…

    Si côté vidéo on a des modes de compatibilité/anciens qui permettent généralement une installation sans pilotes libres, a une époque ou bien des cartes réseau et la quasi totalité de celles sans fil, avec des laptops dont le filaire disparaît, requièrent de charger un firmware non libre au démarrage pour pouvoir fonctionner… Debian refusant de les inclure devenait donc difficile à installer sur bien des machines, tout cela pour que derrière les utilisateurs ajoutent le côté "non-free" pour pouvoir tout simplement utiliser ce qu'ils ont acheté.

    Leur position est donc pragmatique et on peut dire qu'ils ont lutté longtemps pour ne pas en arriver là…

    • [^] # Re: Debian

      Posté par  . Évalué à 10 (+8/-0).

      Je ne sais pas s'il est déçu. Il maintient le cap c'est tout : il rappelle dans l'entretien que la précision des mots est importante, que même avec des bonnes intention on peut créer du tort au libre (les dérives de l'open-source), que la valeur morale de la FSF tient à la rigueur de sa position. Il a donc un discours sans compromis par rapport à ses 4 libertés pour l'utilisateur, c'est cohérent.

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