kantien a écrit 1131 commentaires

  • [^] # Re: Définir les mots

    Posté par  . En réponse à la dépêche Extensions Inkscape, brodeuse et palettes. Évalué à 2.

    Oui mais pas avec la totalité du sens contemporain.

    Toujours pas convaincu. En quoi la signification du mot science aurait évolué et ne serait pas adéquat pour qualifier la philosophie critique ? Ce n'est certes pas une science expérimentale, mais une science pure au même titre que la mathématique pure et la logique formelle. Toutes les sciences ne sont pas fondées sur l'expérience et l'observation et, d'ailleurs, celles-ci ne seraient même pas possibles sans les autres (non empiriques ou pures) pour leur servir de fondement stable. Un principe et une loi issue de l'expérience ne signifie rien d'autre que ceci : « pour autant que nous l'ayons perçu jusqu'ici, il ne se trouve pas d'exception à telle ou telle règle; mais rien ne garantie qu'une expérience future vienne la remettre en cause ». Que vaudrait le savoir humain s'il n'était assuré que par de tels principes ? Réponse : rien! Vouloir fonder la totalité du savoir humain sur la seule expérience est une entreprise ridicule, voire inepte. La mathématique pure et la logique formelle ne sont pas suffisantes comme fondement a priori. Reste donc la nécessité d'une autre science formelle et a priori pour fonder le savoir humain selon les principes du rationalisme : en quoi la solution kantienne n'est pas satisfaisante ? Pourquoi donc ce que Xavier Leroy a enseigné cette année au Collège de France serait de la science (en l'occurence de l'informatique théorique), mais pas ce que Kant a professé il y a plus de 200 ans ?

    Je souscrit à tout ton commentaire, c'est bien vu et très très très pertinent (je ne suis qu'un petit kantien ;-).

    Merci, j'ai essayé de présenter certaines caractéristiques de la démarche kantienne en philosophie sous un jour qui serait le plus accessible possible pour un lectorat majoritairement constitué de personnes avec de fortes connaissances en programmation.

    Ça te dirait ?

    Pourquoi pas, d'autant que c'est un magnifique texte de philosophie politique. Je verrais dans la soirée pour commencer la relecture. N'ayant jamais contribué à wikisource : y a-t-il un médium de communication interne pour échanger entre nous sur le site pour les questions d'ordre technico-pratique que je ne manquerais pas d'avoir ?

    Au passage, une parfaite illustration de la rigueur, issue de ce texte, dans la détermination d'un concept :

    On ne peut définir la liberté juridique (par conséquent extérieure), comme on le fait ordinairement, « la faculté de faire tout ce que l’on veut, pourvu qu’on ne fasse de tort à personne. » Car que signifie ici le mot faculté ? la possibilité d’une action, en tant qu’on ne fait par là de tort à personne. La définition de cette faculté reviendrait donc à ceci · «la liberté est la possibilité des actions par lesquelles on ne fait de tort à personne. On ne fait de tort à personne (quoi que l’on fasse d’ailleurs), quand on ne fait de tort à personne ; » ce qui est une véritable tautologie — Il faut bien plutôt définir la liberté extérieure (juridique), la faculté de n'obéir à d’autres lois extérieures qu’à celles auxquelles j'ai pu donner mon assentiment. — De même l’égalité extérieure (juridique] dans un État est ce rapport des citoyens d’après lequel nul ne peut juridiquement obliger un autre à quelque chose, sans se soumettre en même temps à la loi, de pouvoir être obligé à son tour par celui-ci de la même manière. (Le principe de la soumission juridique étant déjà compris dans l’idée d’une constitution politique en général, n’a pas besoin de définition).

    note 5

    Plutôt que les philosophes (ou du moins certains d'entre eux), j'aurais tendance à penser que c'est le commun des mortels qui ne sait pas définir convenablement les concepts qu'il utilise.

    Et l'on retrouve, plus loin, un nouvel usage de correspondance avec la logique formelle pour justifier la séparation des pouvoirs :

    Toute forme de gouvernement, qui n'est pas représentative, n'en est pas proprement une, car le législateur ne peut être en une seule et même personne l’exécuteur de sa volonté (de même que dans un syllogisme l’universel de la majeure ne peut être en même temps dans la mineure la subsomption du particulier sous l’universel)

    Il fait ici référence à la forme logique du syllogisme que l'on retrouve dans ce raisonnement usuel :

    • tous les hommes sont mortels (majeur - question de droit - pouvoir législatif)
    • Socrate est un homme (mineur - question de fait - pouvoir exécutif)
    • donc Socrate est mortel (conclusion - sentence - pouvoir judiciaire)

    On retrouve cette analogie dans sa Doctrine du droit lorsqu'il justifie la forme nécessairement tripartite de l'État :

    Tout État renferme en soi trois pouvoirs, c'est-à-dire que l'unité de la volonté générale s'y décompose en trois personnes (trias politica) : le souverain pou­voir (la souveraineté), qui réside dans la personne du législateur; le pouvoir exécutif, dans la personne qui gouverne (conformément à la loi); et le pouvoir judi­ciaire (qui attribue à chacun le sien suivant la loi), dans la personne du juge (potestas legislatoria, rectoria et judiciaria). Ce sont comme les trois propositions d'un syl­logisme pratique : la majeure, qui contient la loi d'une volonté ; la mineure, l'ordre de se conduire d'après la loi, c'est-à-dire le principe de la subsomption des ac­tions sous cette loi; enfin la conclusion (la sentence), qui décide ce qui est de droit dans le cas dont il s'agit.

    Cette structure tripartite se retrouve également dans son œuvre avec les trois critiques qui déterminent les domaines de compétences de chacune de nos facultés : l'entendement et la connaissance de ce qui est (Critique de la Raison Pure); la raison et la connaissance de ce qui doit ếtre (Critique de la Raison Pratique), puis la faculté de juger (réfléchissante) et les jugements sur le beau, le sublime et la finalité dans la nature (Critique de la faculté de juger qui opère le pont et confère l'unité entre raison théorique et raison pratique). Au fond, dans cette structure tripartite de l'État, nous ne faisons que projeter extérieurement la propre structure formelle de notre esprit.

    Questions subsidiaires aux empiristes (qu'il moque quelque peu dans son avant propos) : si tous nos principes provenaient de l'expérience, comment se fait il que l'on ne peut concevoir autrement un État que de manière tripartite ? D'où vient la nécessité dans cette division en trois pouvoirs, nécessité que l'expérience ne peut jamais enseigner ? Là où la méthode rationaliste n'a aucune difficulté à résoudre la question, comme je viens de l'illustrer… ;-)

    Le vocabulaire kantien est, d'ailleurs, grandement emprunté au vocabulaire juridique. De même que la liberté est la soumission à la loi que l'on se donne soi même (autonomie, au sens propre du terme), la Critique de la Raison Pure est le tribunal institué par la raison où elle comparait face aux lois qu'elle se donne elle même : le fondement de la constitution de la république scientifique. ;-)

    Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières.

  • [^] # Re: Définir les mots

    Posté par  . En réponse à la dépêche Extensions Inkscape, brodeuse et palettes. Évalué à 5.

    Pour continuer sur Kant, ses écrits sur le droit et sa philosophie critique (Critique de la Raison Pure, Critique de la raison pratique, Critique de la faculté de juger) cherchent les bases solides qui permetront de fonder "scientifiquement" (le mot est un anachronisme), des domaines séparés : le juridique, la morale, la connaissance du monde (elle-même subdivisée), le fonctionnement de l'esprit, etc.

    Pourquoi le qualificatif « scientifiquement » serait anachronique ? C'était bel et bien son intention et, de mon point de vue, il a atteint son objectif. :-)

    Ces prolégomènes ne sont pas à l’usage des élèves ; ils s’adressent aux maîtres futurs, auxquels même ils doivent servir, non pas pour l’exposition méthodique d’une science toute faite, mais uniquement pour l’invention de cette science.

    Il y a des savants pour lesquels l’histoire de la philosophie (tant ancienne que moderne) est la philosophie même. Ces prolégomènes ne sont pas à leur adresse ; ceux-là doivent attendre que ceux qui s’efforcent de puiser aux sources de la raison même aient fait leur œuvre ; alors leur tour sera venu de dire au monde ce qui s’est fait. Rien au contraire, suivant eux, ne peut être dit qui ne soit une répétition ; c’est même là de leur part une prédiction immanquable pour tout ce qui peut désormais s’écrire en philosophie. L’entendement humain ayant extravagué de toute façon sur une infinité de sujets depuis tant de siècles, il doit arriver difficilement que le nouveau ne ressemble pas en quelque point à l’ancien.

    Je me propose de persuader à tous ceux qui s’occupent sérieusement de métaphysique, qu’il est absolument nécessaire de suspendre leur travail, de considérer tout ce qui s’est fait jusqu’ici comme non avenu, et de se poser avant tout la question de savoir « si quelque chose de pareil à ce qu’on appelle la métaphysique est seulement possible absolument. »

    Si c’est une science, d’où vient qu’elle ne peut, comme les autres sciences, obtenir un assentiment universel et durable ? Si ce n’en est pas une, comment se fait-il qu’elle en affecte toujours l’apparence, et qu’elle nourrit l’esprit humain d’un espoir incessant et jamais satisfait ? Qu’on démontre que la métaphysique est ou n’est pas une science, il est en tout cas nécessaire d’établir quelque chose de certain sur cette prétendue science ; il est impossible de rester plus longtemps dans une pareille situation à cet égard. Il est presque ridicule en effet, quand toute autre science marche d’un pas incessant, de tourner toujours à la même place dans la métaphysique qui veut néanmoins être la sagesse même, que chacun consulte comme un oracle, et de ne pas faire le moindre progrès. Déjà le nombre de ses partisans diminue, et l’on ne voit pas que ceux qui se sentent assez forts pour briller dans les autres sciences soient tentés de compromettre leur réputation dans celle-ci, où chacun, fût-il ignorant dans tout le reste, prétend juger d’une manière décisive, parce qu’en réalité il n’y a dans ces régions ni poids ni mesures propres à faire distinguer la fondamentalité d’un stérile verbiage.

    Kant, Prolégomènes à toute métaphysique (qui pourra se présenter comme science)

    Je n'ai pas le temps de développer les résultats de la philosophie critique, ce serait bien trop long, mais il est certain qu'on ne peut lui reprocher de ne point avoir été scrupuleux et rigoureux dans la délimitation de la sémantique de sa terminologie; à tel point que Mme de Staël lui reprochait de prendre les mots pour des nombres. Pour reprendre l'exemple discuté, est qualifié de transcendantal tout ce qui a trait à la possibilité de la connaissance pure et a priori comme, par exemple, l'esthétique transcendantale qui, avec les formes pures et a priori de la sensibilité que sont l'espace et le temps1, rend possible la mathématique pure. Ça c'est pour les sens.

    Maintenant, si on regarde du côté de la pensée et des concepts, les lois de la logique générale deviennent les principes d'une logique transcendantale lorsqu'il s'agit de déterminer les pures lois formelles de la connaissance des objets. Ce dernier point est fondamentalement analogue à l'usage de la logique formelle dans la théorie des types pour les langages de programmation. Par exemple, le raisonnement dit du double modus ponens (si A alors B et si B alors C donc si A alors C) est le type de la composition de fonction dans les langages fonctionnels (comme Haskell ou OCaml). Son pendant, dans les langages impératifs, est la règle de composition dans la logique de Hoare :

      {P} S {Q} , {Q} T {R}
      ---------------------
         {P} S ; T {R}
    

    La règle a deux prémisses : la première dit que l'instruction S fait passer de l'état P à l'état Q et la deuxième que l'instruction T fait passer de l'état Q à l'état R, puis la règle conclue que dans ces conditions la séquence des instructions S ; T fait passer de l'état P à l'état R.

    Ici on parle des états d'une machine réelle et physique, or qui dit changement d'état dit cause agissante (principe de base de la physique). Que le principe de causalité est, pour fondement, la forme logique des jugements dits hypothétiques (si A alors B) et pour loi un analogue du modus ponens (si A alors B, or A, donc B), c'est justement ce que Kant affirmait dans la logique transcendantale de la Critique de la raison Pure (voir la table des catégories, on voit bien dans les deux tables la démarche identique à celle de la correspondance de Curry-Howard). C'est d'ailleurs parce qu'il voulait réfuter la conception de la causalité de David Hume qu'il a fait cette découverte.

    Après, là où ça devient marrant, c'est que ces principes mènent à des problèmes dialectiques en apparence insolubles où thèse et antithèse s'affrontent sans fin : la métaphysique étant le champ de ces querelles qui n'ont jamais de fin. Dans le cas de la causalité, se pose la question d'une cause inconditionnée qui ne présuppose plus une autre cause qui la précéderait et dont elle serait l'effet; autrement dit, peut-on admettre une causalité par liberté dans l'ordre de la nature ? Soit : l'homme est-il libre ? Cette antinomie dialectique est plus connue sous sa forme populaire : qui de l'œuf et de la poule est venu en premier ? Et la réponse kantienne est : ni l'un ni l'autre, mais l'homme est libre! :-P


    1. on notera que ces deux notions, espace et temps, sont centrales dans la théorie de la complexité algorithmique. ;-) 

    Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières.

  • [^] # Re: Ho le troll...

    Posté par  . En réponse au journal Aider le quotidien L'Humanité. Évalué à 4. Dernière modification le 30 janvier 2019 à 18:22.

    qu'il existe une quelconque source qui publie ce genre d’ânerie en est une autre.

    Tu as demandé une source quelconque ? Peu importe que le gars soit totalement barré ?

    Preuves scientifiques de la terre plate

    Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières.

  • [^] # Re: Allez hop, des doléances en bon uniforme

    Posté par  . En réponse au journal Cahier de doléances. Évalué à 5.

    Pourquoi tous ces nananère ? Quel intérêt ? Jice me dit qu'il veut remettre en cause le principe même de l'intérêt, il me semblait nécessaire, dans ce cas, de rappeler le principe juridique à son fondement. Ou alors, le but du jeu c'est de tout remettre en cause, juste parce que la chose ne nous plaît pas, sans se poser une seule fois la question : est-ce juridiquement fondé ?

    Dans le commerce, même le troc, lorsque que l'on dit que l'on échange des biens/services contre des biens/services, c'est par métonymie que l'on emploie cette expression. En toute rigueur, ce que l'on échange ce sont des droits : droits réels dans le cas des biens, et droits personnels dans le cas de services. Lors d'un prêt, outre la cession de son droit réel sur son bien, par le délai accordé au paiement le créancier abandonne son usufruit sur une valeur équivalente durant ce délai; abandon temporaire qui exige une contrepartie sous la forme d'un intérêt. Je ne vois toujours pas ce qui pose problème, ni pourquoi tu accordes le principe sarcastiquement avec ton « nananère ».

    Ensuite, que tu sois aigri à cause du fonctionnement du système avec réserve fractionnaire, je veux bien le croire. Mais, à mon avis, ton aigreur vient du fait que tu ne le comprends pas : ce que tu as dit sur lui est erroné. Je relisais dernièrement un article d'un partisan du 100% réserve (et donc opposé aux réserves fractionnaires) qui présentait la création monétaire dans le système actuel, mais il avait au moins l'honnếteté intellectuelle de ne pas raconter n'importe quoi à son sujet : Comment les banques créent la monnaie…quelques mythes.

    Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières.

  • [^] # Re: Allez hop, des doléances en bon uniforme

    Posté par  . En réponse au journal Cahier de doléances. Évalué à 3.

    je ne dis pas que je suis contre l'intérêt, même si en fait, je suis contre

    Hey ! tu me fais du Martin Sheen dans Hot Shots 2 : « j'dis pas qu' j'y crois pas à ton histoire, peut être même que j'y crois… mais j'y crois pas ». :-D

    Mais ce n'est pas ce que je critique sur mes posts précédents. Ce que je dis, c'est que je suis contre l'intérêt lors de la création de l'argent ex nihilo parce que là, la banque prête quelque chose qu'elle n'a pas et gagnent de l'argent dessus, c'est quand même un peu facile.
    Si on ramène ça aux histoires de tout à l'heure, les banques prêtent en fait des papiers sur lesquels sont écrits "10 coquillages". Elles ne prêtent pas de vrais coquillages.

    Mais j'avais bien compris, et c'était exactement la position de Proudhon en 1848 : rien de neuf sous le soleil. Il voulait une banque qui émet de l'argent sans intérêt, en écrivant 10 coquillages sur ses billets, bien qu'elle n'ait pas forcément de coquillage dans ses caisses.

    Il y a trois principes dans le système monétaire :

    • le crédit crée le dépôt (l'argent est créé par des dettes);
    • tout crédit est remboursé avec intérêts;
    • les réserves fractionnaires (les banques n'ont en caisse qu'une fraction de leurs émissions).

    Je ne vois pas comment on peut nier le premier : c'est la nature même de l'argent de signifier une reconnaissance de dette. L'argent est un intermédiaire des échanges qui intervient lorsque le troc est différé : une des parties à rendu un bien/service mais n'a encore rien reçu en retour, la société a donc une dette à son égard.

    Vous avez un écu. Que signifie-t-il en vos mains ? Il y est comme le témoin et la preuve que vous avez, à une époque quelconque, exécuté un travail, dont, au lieu de profiter, vous avez fait jouir la société, en la personne de votre client. Cet écu témoigne que vous avez rendu un service à la société, et, de plus, il en constate la valeur. Il témoigne, en outre, que vous n’avez pas encore retiré de la société un service réel équivalent, comme c’était votre droit. Pour vous mettre à même de l’exercer, quand et comme il vous plaira, la société, par les mains de votre client, vous a donné une reconnaissance, un titre, un bon de la République, un jeton, un écu enfin, qui ne diffère des titres fiduciaires qu’en ce qu’il porte sa valeur en lui-même, et si vous savez lire, avec les yeux de l’esprit, les inscriptions dont il est chargé, vous déchiffrerez distinctement ces mots : « Rendez au porteur un service équivalent à celui qu’il a rendu à la société, valeur reçue constatée, prouvée et mesurée par celle qui est en moi-même. »

    Maintenant, vous me cédez votre écu. Ou c’est à titre gratuit, ou c’est à titre onéreux. Si vous me le donnez comme prix d’un service, voici ce qui en résulte : votre compte de satisfactions réelles avec la société se trouve réglé, balancé et fermé. Vous lui aviez rendu un service contre un écu, vous lui restituez maintenant l’écu contre un service ; partant quitte quant à vous. Pour moi je suis justement dans la position où vous étiez tout à l’heure. C’est moi qui maintenant suis en avance envers la société du service que je viens de lui rendre en votre personne. C’est moi qui deviens son créancier de la valeur du travail que je vous ai livré, et que je pouvais me consacrer à moi-même. C’est donc entre mes mains que doit passer le titre de cette créance, le témoin et la preuve de la dette sociale. Vous ne pouvez pas dire que je suis plus riche, car si j’ai à recevoir, c’est parce que j’ai donné. Vous ne pouvez pas dire surtout que la société est plus riche d’un écu, parce qu’un de ses membres a un écu de plus, puisqu’un autre l’a de moins.

    Bastiat, Maudit Argent

    Lorsque l'on se transmet de l'argent (écus, coquillages, billets de banque…), l'on ne s'échange que des dettes. Cette caractéristique n'est pas propre au système actuel : il en a été tel depuis qu'il y a de l'argent en circulation en ce bas monde. Comme dans mon histoire du début: Antoine nourrit Jean et ce dernier lui fait une reconnaissance de dette, Antoine l'échange contre un massage (son compte est réglé avec la société) et c'est maintenant Murielle qui a une créance envers la société, qu'elle peut régler en allant se faire couper les cheveux chez Jean ou l'échanger avec quelqu'un d'autre, etc…

    Tout ceci me semble être pure justice, conforme aux principes élémentaires du droit.

    Pour ce qui est de l'intérêt : voir l'histoire du rabot. Jacques, menuisier, se fabrique un rabot; viens Guillaume, menuisier au village voisin, qui lui demande son rabot mais ne se propose de le payer que dans un an. Par cette vente, Jacques lui cède la pleine propriété (usus, fructus et abusus) du rabot, mais se retrouve dépourvu d'une propriété équivalente pendant un an. En conséquence, au bout de l'an, outre une valeur équivalente au rabot (prix de la vente), il exige une part des fruits de Guillaume (fructus) sous la forme d'une planche : tel est l'intérêt. Où est l'injustice dans une telle exigence de Jacques ? Où serait la justice s'il devait se priver de l'usufruit d'une partie de son capital, en faveur de Guillaume, durant un an et sans rien obtenir pour cela en contrepartie ?

    Reste le principe de la réserve fractionnaire : j'évite sa défense pour le moment, cela rajouterait trop de longueur à mon propos. Considérons donc des banques qui couvrent la totalité de leurs émissions : elles n'en demanderaient pas moins intérêt comme Jacques vis à vis de Guillaume.

    Dans ton système, la banque ne se substituant pas à Jacques (elle n'a rien en caisse), elle n'est rien d'autre qu'un substitut pour Guillaume afin de profiter du capital de Jacques sans lui verser intérêt : c'est du vol organisé au détriment de Jacques.

    Viens, finalement, ma question :

    c'est cela qui est le principal moteur de la marche forcée de la croissance et donc de notre perte à tous parce que cela empêche de lutter contre le réchauffement climatique (démonstration sur demande)

    Je la demande ! J'aimerais bien te voir disserter sur la thèse selon laquelle; entre l'injustice institutionnalisée ou la mort de l'espèce, il n'y a pas point d'alternative : c'est une bien triste conception de la condition humaine que tu sembles me proposer. ;-)

    Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières.

  • [^] # Re: Allez hop, des doléances en bon uniforme

    Posté par  . En réponse au journal Cahier de doléances. Évalué à 5. Dernière modification le 16 janvier 2019 à 15:09.

    Il semble que l'on ne se soit pas compris sur la question de ton capital d'origine qui justifie ta position de banquier. En son absence, ton soit disant service est une escroquerie pure et simple : l'intérêt légitime du prêt devrait revenir à Jice; il devrait recevoir pour ses dix noix de coco, outre son abri, les 10% d'intérêt sous la forme d'une noix de coco ou tout autre bien/service qu'il jugera équivalent.

    En ton absence, tel est le marché qui aurait lieu entre Strach et Jice : les dix noix de coco sont estimées, par les deux parties, équivaloir un abri. Or Jice fait avance des noix de coco et reçoit donc son abri plus les intérêts de son prêt (une noix de coco ou toute valeur équivalente). En tant que banquier, tu te substitues, dans cet échange, à Jice et exige donc que les intérêts te soient dus. Mais pour te substituer à lui, il te faut un capital équivalent au sien, si tu ne l'as pas tu voles en émettant du papier monnaie de singe. Après si Jice ne sait pas gérer convenablement son capital et accepte n'importe quel substitut, c'est un peu son problème aussi. Son avantage dans un système bancaire sain (ce qui n'exclut pas les principes le crédit créé le dépôt et tout prêt réclame outre la restitution du principal, un intérêt), en laissant le banquier se substituer à lui, étant qu'il transforme son capital en liquidité et transfert la prise de risque sur le banquier.

    Enfin, que les banques ne possèdent pas la totalité en valeurs faites (capital) de ce qu'elles mettent en circulation, je le sais bien aussi. Mais, comme on est en train de refaire un débat qui a déjà eu lieu en 1849 suite à la révolution de 1848 où, à l'époque, certains réclamaient la gratuité du crédit (absence d'intérêt, comme le souhaite Jice); que ma position sur la question est faite depuis bien des lustres (une bonne quinzaine d'années); qu'il y a peu de chance que vous me fassiez changer d'avis du fait que vous me ressortez le même argumentaire que Proudhon à l'époque; je préfère renvoyer au compte-rendu de celui-ci. Vos deux histoires et leur comptabilité sont analogues à celle de Proudhon dans sa lettre 11 (voir la partie sur le système de l'intérêt) et je partage la position de Bastiat dans sa réponse de la lettre 12. Dans cette dernière, on peut par exemple trouver ceci :

    Les billets d’une banque, on ne saurait trop le répéter, sont des titres de confiance. Le jour où elle les émet, la Banque proclame hautement qu’elle est prête à les rembourser à bureau ouvert et à toute heure. Rigoureusement, elle devrait donc tenir toujours en disponibilité une valeur faite égale à la valeur représentative lancée dans la circulation, et alors l’intérêt payé par B serait perdu pour tout le monde. Mais l’expérience ayant appris à la Banque que ses billets courent le monde pendant un temps déterminé, elle ne prend ses précautions qu’en conséquence. Au lieu de garder 1,000 fr. elle n’en garde que 400 (par hypothèse), et fait valoir 600 fr. C’est l’intérêt de ces 600 fr. qui est supporté par le public, par les détenteurs successifs du billet, et gagné par la Banque.

    Partie qui traite, par exemple, le fait que les banques ne couvrent pas en fond propre la totalité de leurs émissions.

    Enfin, pour revenir, sur vos historiettes qui parte de zéro. Dans une société humaine quelconque, en l'absence de capital existant et suffisant, aucune monnaie ni aucune banque ne peuvent apparaître. Leurs conditions de possibilités ne sont pas remplies. Or, dans ton histoire, hormis le capital initial de dix noix de coco de Jice, je ne vois rien. Aucune banque ne peut apparaître, sauf à se faire voleur. Vos histoires sont des modèles totalement erronées d'une économie avec un système bancaire. Si vous voulez partir de zéro, en restant crédible, faîtes comme Bastiat dans sa lettre 14 :

    Qu’on me permette de remonter un peu haut, seulement… au Déluge.

    Les eaux s’étant retirées, Deucalion jeta derrière lui des pierres, et il en naquit des hommes.
    lire la suite

    Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières.

  • [^] # Re: Allez hop, des doléances en bon uniforme

    Posté par  . En réponse au journal Cahier de doléances. Évalué à 0.

    Euh il y a un point qui m'échappe dans ta présentation : il est où ton capital, histoire que ta monnaie donne confiance ?

    Non parce que le principe du commerce, c'est l'échange de biens/services contre des biens/services. Là on a Jice qui possède un capital de dix noix de coco (peut être même plus) et Strash le voudrait bien pour lui. Malheureusement, il n'a rien à lui donner en échange au comptant. Sur ces entre faits, tu te pointes, sans aucun capital valant celui de Jice, tu émets du coquillage et prétend que ça vaut le capital de Jice ? Tu ne serais pas un peu escroc sur les bords par hasard ? Les banques, elles, ont du capital pour garantir leur émission de monnaie… C'est là la source de la confiance dans la monnaie créée ex nihilo. ;-)

    T'as du zapper cette partie dans ton lien wikipédia :

    Le jeu d'écriture comptable est le suivant:

    • inscription de l'augmentation du dépôt du client (qui est, ici, le prêt de la banque à son client) au passif du bilan de la banque, la monnaie sur le compte du client étant due par la banque à son client.
    • inscription de la créance à l'actif du bilan de la banque, la monnaie due par le client étant considérée comme un actif de la banque.

    Si t'as pas de capital à la base, en cas de défaut du débiteur, tu te débrouilles comment avec ce passif dans ton bilan ?

    Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières.

  • [^] # Re: Allez hop, des doléances en bon uniforme

    Posté par  . En réponse au journal Cahier de doléances. Évalué à 3. Dernière modification le 15 janvier 2019 à 16:14.

    Je sais très bien comment est créé la monnaie et le fonctionnement du processus de création monétaire par le crédit : « le crédit crée les dépôts ». C'est exactement ce que je décris dans ma petite histoire entre Jean, Antoine et Murielle : le crédit de Jean crée le dépôt.

    Au départ je croyais que c'était ce principe qui heurtait Jice, raison pour laquelle je l'ai illustré simplement pour montrer qu'il n'y a rien de choquant dans le principe. Mais il semblerait, qu'au fond, ce ne soit pas ce principe qui le choque, mais le fait qu'il y ai de l'intérêt sur ce crédit lorsque le dépôt est créé ex nihilo par la banque. Ce qu'il semble remettre en cause c'est le principe de l'usure et de savoir si la banque rend un service pour laquelle elle exige un service en contre partie sous la forme d'intérêt. Le système est tout aussi juste est légitime dans ce cas, comme dans ma petite histoire entre mes trois personnages, mais ici ce serait plus long à expliquer du fait de la complication du système afin qu'il passe à l'échelle (oui, le système de Jean, Antoine et Murielle ne passe pas vraiment à l'échelle si Murielle n'a jamais entendu parler de Jean et ne peut faire confiance dans la monnaie émise).

    On peut trouver dans ce pamphlet une piste d'explication du principe (voir, par exemple, l'histoire du rabot : il est peut être même bon de commencer la lecture par cette histoire en faisant une recherche dans la page avec le mot clef « le rabot »).

    Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières.

  • [^] # Re: Allez hop, des doléances en bon uniforme

    Posté par  . En réponse au journal Cahier de doléances. Évalué à 4. Dernière modification le 14 janvier 2019 à 16:39.

    La dette est ainsi inscrite dans la création même de la monnaie.

    Et pourquoi voudrais-tu qu'il en soit autrement ?

    Jean, coiffeur, se rend chez Antoine, restaurateur. « Bonjour monsieur, je désirerais prendre un repas chez vous. En échange du service que vous me rendrez, je vous en rendrez un autre : celui de vous coupez les cheveux dans mon salon, et je vous donne pour cela un bon pour coiffure en reconnaissance de ma dette ».

    Voilà, sans s'en rendre compte, par cette reconnaissance de dette, Jean et Antoine viennent d'inventer le principe même de la monnaie. Il se peut, qu'au final, Antoine ne veuille finalement pas se faire couper les cheveux mais préfère un massage. Il se rend alors chez Murielle et lui propose, en échange de son massage, soit un repas chez lui soit de bénéficier, à sa place, de la coupe qu'Antoine lui doit. Si elle a beoin d'une coupe de cheveux et fait confiance dans l'émetteur de dette, en l'occurence Antoine, elle accepte le marché. Maintenant si on fait abstraction des biens et personnes concernés, on obtient le principe de la monnaie : c'est un type universel pour représenter une reconnaissance de dette.

    Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières.

  • [^] # Re: Git

    Posté par  . En réponse au journal Weboob banni de Debian ?. Évalué à 7.

    non mais sérieux adopteunmec c'est quoi dans vos esprits, un site de rencontre philosophiques pour deviser des avantages comparés de la méthode socratique vs Kant ? (invocation de Kantien en cours)

    Bah, à une époque j'utilisais Meetic pour ça… enfin je veux dire, par pour deviser des avantages comparés de la méthode socratique vs Kant.

    Sinon pour rester dans le thème Weboob, par un heureux hasard, hier dans ma ville dans le cadre des marchés de Noël, il y avait un commerçant venu présenter sa bière. Son utilitaire, habillé aux couleurs de son produit la bière kékette, portait en gros le slogan : « un petit coup de kékette ? ». Je vous laisse imaginer le nom de sa bière ambrée…

    Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières.

  • [^] # Re: Classique ?

    Posté par  . En réponse au journal IKOS, un analyseur statique développé à la NASA. Évalué à 5.

    Frama-C est sous LGPL avec des parties en BSD.

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  • [^] # Re: optimisation et propagation de constante

    Posté par  . En réponse à la dépêche OCaml 4.06 et 4.07. Évalué à 2. Dernière modification le 14 décembre 2018 à 17:09.

    à priori f-lambda peut traiter ce genre d'optimisation ?

    A priori, j'aurais tendance à répondre oui. Flambda est une phase d'inlining beaucoup plus aggressive de la part du compilateur, avec des heuristiques pour que la taille du code spécialisé généré n'explose pas trop.

    On peut avoir, par exemple, un facteur de gain de x20 en vitesse d'exécution grâce à la spécialisation par flambda d'un code hautement fonctorisé.

    Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières.

  • [^] # Re: optimisation et propagation de constante

    Posté par  . En réponse à la dépêche OCaml 4.06 et 4.07. Évalué à 2. Dernière modification le 30 novembre 2018 à 12:41.

    Qu'en pensez-vous ?

    Que je ne suis pas sur d'avoir compris ta question. Ce que tu demandes ressemble fort à de la spécialisation de code à la compilation, c'est à dire de l'évaluation partielle ou inlining (qui ne se limite pas à de la propagation de constante littérale) et que c'est ce que fait f-lambda.

    Quand tu passes de (fun x y -> x + y) 2 à (fun y -> 2 + y), tu fais une étape de béta-réduction, c'est-à-dire que tu exécutes le code, mais tu peux faire cela avec n'importe quelle expression du langage (pas simplement une constante comme 2) et c'est de la spécialisation de code par inlining.

    Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières.

  • [^] # Re: Ha ouais, quand même...

    Posté par  . En réponse au journal Une backdoor vient d’être trouvée dans un paquet npm connu. Évalué à 5.

    Surtout que l'on parle du langage, ça n'empêche pas de faire une arithmétique loufoque dans une bibliothèque.

    Dès qu'on a des fonctions polymorphes dans le langage, on peut faire une implémentation loufoque de l'arithmétique (mai l'arithmétique en question n'est pas loufoque). L'idée consiste à identifier un entier avec le principe de définition par récurrence (n x f = f (f ...(f x)), l'entier n applique n fois la fonction f à x) :

    module N = struct
      type t = {n : 'a. 'a -> ('a -> 'a) -> 'a}
      let zero = {n = fun z _ -> z}
      let succ m = {n = fun z s -> m.n (s z) s}
      let fold {n} = n
      let rec nat = function 0 -> zero | n -> succ (nat (pred n))
      let int n = fold n 0 (fun x -> x + 1)
      let even n = fold n true not
      let odd n = fold n false not
      let add n m = fold m n succ (* n + m = n + 1 + ... + 1 *)
      let mul n m = fold m zero (add n) (* n * m = 0 + n + ... + n *)
      let exp n m = fold m (succ zero) (mul n) (* n ** m = 1 * n * ... * n *)
      let (+), ( * ), ( ** ) = add, mul, exp
    end

    à l'usage :

    N.(even (nat 5));;
    - : bool = false
    
    N.(even (nat 4));;
    - : bool = true
    
    N.(int (nat 2 ** nat 8 + nat 5 * nat 2));;
    - : int = 266
    
    (* la suite de fibonnaci *)
    let fibo n = fst N.(fold n (zero, nat 1) (fun (x, y) -> (y, x + y)));;
    val fibo : N.t -> N.t = <fun>
    
    N.(int (fibo (nat 10)));;
    - : int = 55

    :-)

    Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières.

  • [^] # Re: On peut troller ou faut attendre vendredi ?

    Posté par  . En réponse au journal Pijul 0.11. Évalué à 5.

    Seulement, contrairement à Pijul, les dév de Git ne se sont pas amusé à refaire une lib SSH.
    Ou bien j'ai encore raté un second degré ?

    Non, t'as juste raté la discussion sur le sujet dans le premier journal qui présentait pijul (dont le lien est donné dans celui-ci), discussion qui débute ici.

    Tu pourrais aussi lire le reste du fil des commentaires pour avoir une idée de la réponse à la question « pourquoi pijul ? ». ;-)

    Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières.

  • [^] # Re: Et vue.js alors?

    Posté par  . En réponse au journal 8 mois avec Javascript (ES6) et vue.js : mon retour d'expérience du développement front en 2018. Évalué à 3.

    On simplifie au maximum en réduisant le nombre de parcourt de listes pour construire la liste résultante. Les compréhensions de listes, c'est de la composition de map et filter.

    [f(i) for i in une_liste if p(i)]

    c'est l'équivalent python du code haskell :

    map f . filter p $ une_liste
    

    puis on utilise les lois de bases de map et filter :

    map f . map g = map (f . g)
    
    filter p1 . filter p2 = filter (p1 & p2)
    

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  • [^] # Re: Et vue.js alors?

    Posté par  . En réponse au journal 8 mois avec Javascript (ES6) et vue.js : mon retour d'expérience du développement front en 2018. Évalué à 5. Dernière modification le 14 novembre 2018 à 00:40.

    quelle serait l'alternative au même code sans compréhension de listes ?

    Au lieu d'imbriquer les compréhension de listes, n'en faire qu'une avec pour condition la conjonction des deux autres. ;-)

    [for i in [for j in une_liste if condition1] if condition2]

    est équivalent à

    [for i in une_liste if (condition1 & condition2)]

    Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières.

  • [^] # Re: Inférence de types

    Posté par  . En réponse à la dépêche Sortie de JDK 10. Évalué à 4. Dernière modification le 10 novembre 2018 à 00:49.

    Ce n'est pas parce que le compilateur connait le type que le "programmeur" oui.

    Bah si il le connaît. ;-)

    Je n'écris presque jamais aucune annotation de type en OCaml (je n'écris les types que dans les interfaces de mes modules, ou quand le compilateur ne peut inférer le type) et je n'ai aucun problème pour connaître le type de mes données à la lecture du code. C'est pareil pour les codes que je lis, et c'est le cas de tous le programmeurs habitués au langage. Les seuls que je vois écrire des annotations, c'est ceux qui viennent des langages avec annotations explicites (comme Java ou C++).

    Cela étant, contrairement à ce qu'a dit Renault, ce n'est pas spécialement moderne comme caractéristique d'un langage : le système date du début des années 80.

    Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières.

  • [^] # Re: À boire et à manger

    Posté par  . En réponse au journal Un développeur qui dénonce. Évalué à 2. Dernière modification le 05 octobre 2018 à 11:38.

    Ben c’est indécidable, il me semble, parce qu’il faudrait détecter les points de code inaccessibles.

    Je me rend compte que j'étais resté trop évasif sur ma notion de nécessaire, j'entendais par là la nécessité au sens de l'approximation conservative telle que définie dans ton lien. Est nécessaire tout ce qui est potentiellement appelé, même sous une condition dynamique qui ne peut jamais terminée.

    Mais je dois être biaisé dans mon appréhension de la difficulté, d'après Nicolas Boulay le linker de Gcc effectue ces suppressions (quoi que ça ne signifie pas que le problème soit simple à résoudre).

    Pour illustrer ce que j'ai en tête, je l'illustre avec un exemple en programmation modulaire. Imaginons qu'on a un module de List avec cette signature :

    module type LIST = sig
      type 'a t
      val nil : 'a t
      val singleton : 'a -> 'a t
      val cons : 'a -> 'a t -> 'a t
      val hd : 'a t -> 'a
      val tl : 'a t -> 'a t
      val append : 'a t -> 'a t -> 'a t
      val map : ('a -> 'b) -> 'a t -> 'b t
      val fold_left : ('a -> 'b -> 'a) -> 'a -> 'b t -> 'a
      val flatten : ('a t) t -> 'a t
    end

    Un tel module définit le concept de liste chaînée, ainsi que quelques propositions de base sur lui (une théorie élémentaire sur les listes, en somme). Maintenant, je veux écrire un programme qui utilise ce concept mais le seul théorème qui m'intéresse est que l'on peut mapper une liste. Problème pour le compilateur : faire en sorte que seul le code de List.map soit lié statiquement à mon binaire, mon programme n'ayant rien à faire du fait que l'on puisse aplatir une liste de listes par exemple.

    On retrouve le même genre de questions dans les langages orientés objets (un objet c'est le module du pauvre) : ne pas lier statiquement le code des méthodes dont on est certain qu'elles ne seront jamais appelées.

    Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières.

  • [^] # Re: À boire et à manger

    Posté par  . En réponse au journal Un développeur qui dénonce. Évalué à 4.

    Le truc qui fait que la gestion des dépendances est NP-complet c’est pas le graphe de dépendance en soi, si je me trompe pas, c’est qu’à chaque dépendance on a le choix entre plusieurs versions de dépendance et les contraintes qui font que certaines de ces versions ne sont pas toutes compatibles entre elles, ce qui nous donne un genre de problème de satisfaction de contraintes.

    Effectivement, c'est ce que je me suis dit après avoir écrit le message, la NP-complétude vient peut être de la prise en compte des conflits entre paquets (ce qui revient à gérer la négation logique dans le problème SAT sous-jacent).

    Après que les compilateurs effectuent déjà de l'élimination de code mort, je le sais bien. Mon interrogation, dans la lignée de celle d'arnaudus, est plutôt de savoir à quel point il est difficile de ne garder que ce qui est nécessaire et suffisant pour faire tourner le binaire, ni plus ni moins.

    Dans l'exemple que j'ai écrit, il me semble bien que le compilateur OCaml va me lier statiquement tout le module List bien qu'une grande partie de son code ne soit pas utilisé. Dans le cas d'un langage orienté objet, si mon binaire n'utilise pas toutes les méthodes d'un objet, il n'est pas nécessaire de compiler les méthodes non utilisées. Mais à quel point cela peut-il perturber le schème de compilation pour le code d'un objet ?

    Quand on fait de la liaison dynamique, on reporte la difficulté sur le gestionnaire de paquet qui doit alors gérer un problème NP-complet (mais c'est sans doute lié au problème de conflits, qui n'existe pas pour la liaison statique). En revanche, pour la liaison statique, ce n'est pas sûr que le problème soit tellement plus simple si on ne veut garder que ce qui est absolument nécessaire, ni plus ni moins, et résoudre la question dans son entière généralité.

    Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières.

  • [^] # Re: À boire et à manger

    Posté par  . En réponse au journal Un développeur qui dénonce. Évalué à 7.

    Je ne suis pas sûr qu'il soit aussi simple de détecter les bouts de code qui ne seront jamais appelés

    À première vue, je dirais que le problème est NP-complet.

    let f l = List.map (fun i -> i + 2) l

    Ici, la fonction f dépend à la fois de la fonction map du module List ainsi que de la fonction (+), fonctions qui elles-mêmes peuvent avoir d'autres dépendances en amont. Le graphe de dépendances est du même genre que celui d'un gestionnaire de paquets logiciels pour une distribution. Or, il est connu que ce problème se ramène à un problème SAT (voir projet mancoosi) qui est NP-complet.

    Après, si les compilateurs se mettent tous à embarquer des solveurs SAT (même optimisés pour les graphes de dépendances que l'on trouve dans du code idiomatique), il y en a qui vont se plaindre que la compilation dure trois plombes et que les compilos modernes sont tous bloated. :-P

    Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières.

  • [^] # Re: L'analyse au delà de l'agrégation

    Posté par  . En réponse à la dépêche Le Frido 2018, livre libre de mathématique pour l’agrégation. Évalué à 3.

    Ce n'est pas plus facile de partir de l'axiome “il existe un ensemble infini”?

    Non, pas vraiment. En fait le processus qu'il décrit est celui de la définition d'un ordinal, cela afin de développer la théorie des ordinaux et l'arithmétique transfinie de Cantor dans ZF. Puis l'axiome de l'infini consiste à affirmer qu'il existe un ordinal limite (i.e. qui n'est pas le successeur d'un autre ordinal, mais l'union des ses antécédents par la relation d'ordre que définit l'appartenance sur eux), ce qui revient tout simplement à affirmer, de manière détournée, que l'arithmétique de Peano est cohérente (elle a un modèle, à savoir le plus petit ordinal limite que l'on appelle \omega).

    J'ai pas trouvé le temps d'écrire ce que je voulais faire, ça attendra un peu. Mais juste pour montrer que ZF est un peu étrange sur sa notion d'ensemble, au niveau de l'arithmétique standard on se retrouve avec ça :

    Tout est ensemble : un entier est un ensemble, les ensembles ne sont composés que d'ensembles. Il n'y a rien d'autres que des ensembles : les ensembles et leurs éléments sont considérés comme des entités homogènes. Un modèle de ZF est un module U qui satisfait cette signature :

    module type ZF = sig
      type t
      val eq : t -> t -> bool
      val appartient : t -> t -> bool
    end

    Dans ZF, on ne peut formuler une proposition comme : tout entier est pair ou impair, mais seulement : pour tout objet, si c'est un entier alors il est pair ou impair.

    Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières.

  • [^] # Re: L'analyse au delà de l'agrégation

    Posté par  . En réponse à la dépêche Le Frido 2018, livre libre de mathématique pour l’agrégation. Évalué à 3. Dernière modification le 14 septembre 2018 à 00:45.

    Pour les naturels, j'ai en fait un doute.

    Si, on les définissait ainsi :

    type naturel = Zero | Succ of nat

    Là je l'ai écrit avec la syntaxe OCaml, mais l'idée était la même : une entier est soit zéro, soit le successeur d'un entier. Avec comme principe fondamental pour raisonner sur ce concept, le principe du raisonnement par récurrence (ou de manière équivalente, tout sous-type des entiers a un plus petit élément).

    Pour donner une référence, c'est ainsi que Poincaré présentait l'arithmétique dans la Science et l'Hypothèse (ou la Valeur de la Science, je ne sais plus lequel des deux).

    Pour l'encodage des entiers dans ZF et sa théorie des ordinaux, cela a son intérêt mais ZF (la théorie axiomatique des ensembles) est une théorie un peu étrange qui ne manipule pas des ensembles au sens où on l'entend usuellement. Quand tu dis que tu admets sans détails les principes de cette théorie, c'est en fait plutôt ceux de la théorie des types que tu as en tête (bien que tu appelles ensembles ce que cette théorie appelle types).

    Je n'ai pas le temps de développer plus sur le sujet ce soir, mais j'essaierai demain ou dans le week-end.

    Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières.

  • [^] # Re: L'analyse au delà de l'agrégation

    Posté par  . En réponse à la dépêche Le Frido 2018, livre libre de mathématique pour l’agrégation. Évalué à 4.

    Petite erreur dans mon développement de Taylor pour l'étude au voisinage de z_0, il fallait lire :

    qui se comporte comme un terme de la forme a_i (z - z_0)^i au voisinage de z_0.

    Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières.

  • [^] # Re: L'analyse au delà de l'agrégation

    Posté par  . En réponse à la dépêche Le Frido 2018, livre libre de mathématique pour l’agrégation. Évalué à 4. Dernière modification le 13 septembre 2018 à 02:40.

    À mon époque (une vingtaine d'années), les tribus et la théorie de la mesure de Borel-Lebesgue c'était à partir de la licence; en prépa on ne voyait que les intégrales de Riemann. En revanche les constructions de naturels, fractions, réels… ainsi que le théorème fondamentale de l'algèbre était bien au programme (avec la démonstration).

    Pour la preuve, une esquisse fait juste appel à des résultats de base de topologie et de comportements asymptotiques au voisinage de zéro et de l'infini des polynômes. Pour des complexes assez grand en module, le module d'un polynôme non constant se comporte comme son terme de plus haut degré et tend donc vers l'infini. On se limite donc à l'étude de son module sur un domaine fini. Or toute fonction continue sur un compact admet un minimum : il reste à montrer que ce dernier est bien zéro, et donc que le polynôme admet une racine. Soit z_0 un nombre complexe tel que P(z_0) soit de module minimal. Cette fois, on a P(z) - P(z_0) = a_1 z + a_2 z^2 + ... + a_n z^n qui se comporte au voisinage de z_0 comme le monôme de plus petite puissance (le premier des a_i non nuls, qui existe car le polynôme est non constant). Ainsi, pour un petit rayon, à quelques perturbations près, l'image d'un disque autour de z_0 est un disque. Or si l'image de ce disque n'est pas centrée sur l'origine, i.e. si z_0 n'est pas une racine, alors on peut trouver à l'intérieur un complexe de module plus petit que celui de l'image de z_0, ce qui contredirait sa minimalité. Donc z_0 est une racine du polynôme.

    CQFD.

    Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières.