Faire en sorte que son diesel roule à l'huile de friture ou passer soi-même son essence à la conso en ethanol, ça se fait. Ou ajouter des additifs pour "rouler mieux". Je met ça dans "jouer avec l'essence". Et parfois ça tourne mal.
C'est là que je vois que je ne suis vraiment pas du tout dans la même classe sociale ni les mêmes logiques. Par ici, une voiture d'occase fait entre 600 et 2000€ ; il faut prévoir 1000€ la première année pour toutes les réparations, puis environ 200/300€ par an ensuite pour l'entretien, avec des années où il y a plus,d'autres où il y a moins. On n'est vraiment pas dans les mêmes ordres de prix. Par contre, oui, on mène les voitures "au bout" dans ce genre de scénario. Et les coûts baissent quand on a un voisin/ami qui bidouille les autos. Durant 15 ans, mes voitures m'ont surtout "coûté" de la relation sociale et le prix des pièces (là, je n'ai plus de bricoleur dans ma zone, mais j'ai un garagiste sympa).
1000€ sur la première année, c'est vraiment important de les prévoir ; évidement on choisit une voiture qui semble "bien" mais il y a toujours des surprises.
Concernant la consommation, je ne suis pas d'accord ; ça dépend des modèles, pas des années. J'avais un diesel qui faisait 5l au 100 et datait de 1999 et on pouvait faire moins dans les bonnes conditions. Je rigole quand quelqu'un est tout fière de son 7l/100 sur une berline similaire toute neuve… Mais il y a juste des disparités énormes d'un véhicule à l'autre, ça fait partie des points à surveiller quand on achète une auto.
Par contre je suis ok sur le reste, plus ça va et plus les voitures sont sécurisés et confortables. Je ne suis pas fan des gadgets électroniques parce que ça complexifie les réparations, mais c'est une logique de pauvre. Ho et aussi parce que je n'ai pas confiance dans les programmeurs de ces trucs, mais ça c'est parce que je sais à quoi ressemble le milieu de l'informatique :P
Il faut d'ailleurs considérer le fait que l'informatique est par endroit et moment un milieu majoritairement féminin. Ça a été le cas sur les débuts de l'informatique, lorsque c'était considéré comme un simple travail de secrétariat. Actuellement, suivant les pays, ces ratios sont d'ailleurs plus ou moins déséquilibrés.
Il y a un article sur Wikipédia qui accumule un peu plus de références que je ne pourrais en trouver.
Il y a tout un tas de facteurs convergents qui expliquent ces différences. Ce n'est pas juste une pub dans un magazine qui va changer le monde (même si celle remontée par Tonton est redoutable !) ; mais l'accumulation de milliers d'images, de petites phrases, de toutes ces influences liées à la culture, qui vont pousser dans un sens plutôt que dans un autre, et ce dès la petite enfance.
Je l'avais particulièrement ressenti au moment du lycée, de façon visible enfin ; mes goûts personnels étaient secondaires par rapport à ce qu'il semblait "bien" que je fasse. Une pression sans violence, à l'intersection de plusieurs problématiques. J'ai lutté comme je pouvais pour faire une filière scientifique à défaut d'avoir le "droit" de faire une filière technique, contre des phrases comme "mais tu es si bonne en français, pourquoi ne pas aller en filière littéraire ?" Dire qu'on arrive à avoir une bonne note parce que certes, c'est facile, mais ennuyeux comme la mort, n'est pas une réponse entendable.
Et j'ai fini par arriver à faire mon CAP, après avoir traîné 3 ans à la fac. Tout ça était intéressant aussi, certes je pouvais le faire, j'en avais les capacités, le goût, etc, mais ce qui m'a fait me sentir vivante n'était pas un métier en rapport avec les sciences humaines (où j'ai fini par atterrir). Mais là on dépasse les problèmes de genre, il y a aussi un problème de classe : on ne peut pas refuser un bac + X si on a les possibilités de le faire, car ça assure une bonne position sociale.
Lutter contre toutes ces injonctions, conscientes et inconscientes, est à la fois épuisant mais aussi difficile, parce que justement, nous n'avons pas toujours les concepts pour voir ce qui se passe, pour savoir qu'une autre voie est possible.
Le doute sur ses propres capacités est très clairement un des marqueurs culturels de genre. Ce n'est pas exclusif bien sûr (il y a des hommes qui ont ce souci, il y a des femmes qui ne l'ont pas du tout), mais je dirais qu'une très grande proportion de femmes apprennent tranquillement dans leur enfance que, quoi qu'elles fassent, ça ne sera jamais assez, tandis que de nombreux hommes apprennent dans le même temps que, quoi qu'ils fassent, ce sera toujours suffisant. C'est évidement encore plus marqué quand on est dans des activités qui ne sont pas associés à notre genre ; proportionnellement, les femmes se sentiront un peu plus en maîtrise sur les compétences sociales et bien moins sur les compétences techniques, indépendamment de leurs compétences réelles bien sûr.
J'ai pris conscience de cet écueil chez moi il y a déjà pas mal d'années, mais le savoir n'est pas forcément le désamorcer, surtout quand la vie met sans cesse en face de défis qui sont factuellement laborieux à surmonter ; cela renforce le sentiment d'impuissance et d'incompétence (alors même que ce ne sont pas des trucs qui dépendent de moi ; alors même que par ailleurs j'ai un environnement amical très bienveillant et valorisant). Là-dessus, je tiens à remercier toutes les personnes qui me font progresser régulièrement, comme cet ami qui me reprend chaque fois que je laisse échapper mécaniquement "ha mais je suis bête, c'était ça" => "Non tu n'es pas bête, tu n'avais juste pas encore vu ceci". C'est vraiment un truc contre lequel il faut se battre et c'est important de le faire, en groupe.
Je ne suis pas certaine d'arriver à avoir plus confiance en l'humanité pour autant, mais ça me servira d'argument pour douter un peu de moins de moi si je me retrouve dans des situations de ce genre.
Je me suis parfois demandé si l’inadéquation des solutions mises en œuvre ne viendrait pas d’un décalage culturel, car j’ai l’impression (fausse ?) que beaucoup des actions-type décidées dans l’Open-Source mais également divers établissement et entreprises nous viennent des USA, où les notions de racisme, « minorités » et discrimination en général n’ont pas le même écho dans la population qu’elles peuvent l’avoir en France (pour le Canada et autres pays francophones, je ne sais pas…).
Il y a de ça. Je trouve effrayant de voir comment les américains "voient" les différences. Cela me frappe particulièrement dans les séries américaines, où il y a parfois des remarques sur les moindres nuances de couleur de peau et de type morphologique, amenant à classer les gens dans des groupes ethniques/sociaux : wow, je dois reconnaître que je suis incapable de voir ces différences ethniques et par là-même de discriminer selon ces critères. Et pour moi le système des étiquettes, où se revendiquer de/se faire classifier dans tel et tel groupe, est surtout sensible dans les endroits où la discrimination est très forte. J'ai quand même l'impression qu'en France (seul pays où je peux juger de cet aspect culturel), ces étiquettes ont moins d'importance, à moins d'être très revendiquées. Ce sont encore des outils pour comprendre des choses, mais pas forcément des stigmates. Mais l'influence des USA se fait sentir au fil des années.
Cela dit, je n’ai pas mieux à proposer… À part peut-être un gros travail autour de l’enseignement (et des enseignants) pour casser les stéréotypes autant que possible dans toute l’enfance. Mais là, on arrive dans la politique ; c’est tout un programme !
Ma conviction est qu'il s'agit d'un travail de tout les jours, qui commence par les questions qu'on se pose sur soi et sur ses comportements, et qui continue avec les discussions qu'on peut avoir avec les autres. Chaque échange sur ces sujets me fait réfléchir, que je sois ou non d'accord avec mon interlocuteur. Mais c'est aussi une attention au quotidien. Par exemple, prendre conscience que quand on est dans un groupe et qu'il est prévu de manger ensemble, c'est majoritairement les femmes qui vont se retrouver en cuisine (à part peut-être en cas de barbecue, mais elles feront la vaisselle), et ce même dans des groupes sensibilisés à ces questions. Et on en fait quoi ? On mange trois heures plus tard parce que les filles s'amusent d'un accord tacite à laisser tomber cette charge mentale ? Cela va retomber sur la seule du groupe qui n'a pas suivi ? Qui va lancer le sujet sur la table ? Des situations de ce genre, extrêmement genrées, on en a régulièrement. C'est important d'en prendre conscience et de dépasser ses propres stéréotypes, quitte à prendre le contre-pied un moment (dans mon cas, accepter que je préfère boire une bière et papoter sans penser à rien d'important, plutôt que d'aller m'assurer que la préparation avance ; dans celui de mes compagnons, prendre conscience qu'il va bien falloir que quelqu'un se dévoue pour démarrer la cuisine, et oui, je suis un gros macho par moment… j'essaie :P).
Être en contact avec les enfants est aussi une école terrible. Déjà parce qu'ils subissent de plein fouet toutes les injonctions de la société : on peut parler de certaines, tenter de les désamorcer, mais on ne peut pas tout changer. Mais surtout encore une fois, pour sa responsabilité individuelle. C'est chouette que les enfants voient les hommes s'occuper du ménage, voient les femmes geeker sur l'ordi pendant ce temps ; il y aura suffisamment d'autres occasions où le rapport s'inversera. C'est important de se demander si on se comporte de la même façon avec un enfant suivant son genre ; si on ne projette pas qu'une petite fille est "mignonne" et un garçon "fort" (ils peuvent l'être, mais reconnaissons-leur aussi des valeurs inversées).
C'est aussi, effectivement, se positionner quand on entend une blague sexiste ou autre truc déplacé et qu'on sait qu'il va être possible d'avoir une discussion. Ça n'a pas besoin d'être bien long, simplement de le faire remarquer sans agressivité suffit déjà à faire prendre conscience que le public n'est pas forcément allégeant à ce genre de chose. De façon générale, exprimer ses limites autant que possible, sans chercher toujours le combat ou la perfection (c'est épuisant et ça demande de l'énergie, reconnaissons-le), en sachant que les gens en face de nous ont parfois un looooong chemin à parcourir… ce qui ne veut pas dire que ce sont des méchants vilains pas beau à abattre. Sortir du manichéisme est une nécessité, sinon cela veut dire qu'on n'imagine pas d'évolution possible, cela devient "eux ou nous".
C'est là, je pense, où les vraies études sociologiques me plaisent bien. Elles montrent les mécanismes, elles permettent de prendre conscience de ce qui est en place. Je suis moins à l'aise avec les témoignages du type #metoo. Ce genre d’électrochoc est efficace aussi, mais pas mal anxiogène pour tout le monde, et amène une partie des gens à se mettre sur des postures défensives qui peuvent devenir agression (des deux côtés). Je préfère vraiment échanger sur les travaux de Judith Butler et consœurs que de faire face à la litanie individuelle des horreurs auquel le sexisme peut mener, je vois plus facilement comment en sortir quelque chose de constructif.
Et oui, il y a aussi des choix à faire au niveau politique, de façon sociétale. La défense de l'IVG ou l'accès à la contraception, ça dépasse le cadre individuel et ça améliore le sort de milliers de personnes. Mais c'est aussi plus complexe de prendre des décisions "bonnes", d'imposer à des gens qui ne sont pas prêts ou pas d'accord le choix d'un groupe d'énarque. Il y a parfois des maladresses, des solutions bancales, voir contre-productives. Se planter fait partie du processus. Tant qu'il y a un peu de place pour de la démocratie, on peut espérer transformer ces maladresses et construire un monde meilleur peu à peu. Il reste cependant nécessaire de ne pas déléguer sa capacité d'action ; "en haut" les gens peuvent faire des choses, mais c'est surtout au quotidien, dans la façon dont chacun de nous vit, que les choses se construisent.
Je m'égare, résumons : suivant comme c'est fait, la discrimination positive peut aider, et surtout sans elle on se retrouve en pratique avec peu de changement en pratique : il y a (malheureusement) besoin d'un coup de pouce.
Oui, en fait, je suis d'accord avec ça. Il y a des moments où c'est fait avec suffisamment d'élégance pour marcher, d'autres où ça me hérisse vraiment.
Le souci c'est que la discrimination positive est souvent juste une vraie discrimination. L'exemple-type : "on manque de femme ici, alors recrutons de façon à voir 50/50" => dans ce genre de cas, je ne saurais jamais si j'ai été recrutée pour mes compétences, ou pour boucher un trou. Je me sens hyper illégitime, pas du tout à ma place. Alors que peut-être que je suis là aussi pour mes compétences ; mais je n'en serais jamais sûre. Jusqu'ici, quand ce genre de politique était clairement affichée, j'ai eu tendance à fuir. Mais je me suis aussi retrouvée dans des groupes où ce n'était pas clair dès le départ, puis ensuite dans les discours il y avait "on fait des efforts pour avoir plus de parité", et là je me reprends en pleine poire ce doute : suis-je là pour les bonnes ou les mauvaises raisons ? Est-ce que j'ai été accueilli pour ce que je fais, ou pour une donnée biologique ?
Mais à l'inverse, j'ai apprécié certains espaces sécurisés (oui je sais, le mot n'est plus à la mode, je m'en fous car je trouve que ça décrit parfaitement quelque chose de bien), où des règles précises étaient affichées en amont sur ce qui était attendu. Il y a aussi une discrimination positive dans ce genre de contexte mais qui était justement tournée de façon positive, en gros "nous souhaitons que les gens qui soient ici se sentent concernés directement par le sujet que nous abordons". Et c'est vrai que ces moments où on se retrouve entre personnes partageant quelque chose de similaire (que ce soit directement "nous" ou dans l'optique de mieux aider un proche) sont souvent très constructifs, permettant de mieux prendre conscience de certaines mécaniques, d'avoir plus de place pour s'exprimer aussi.
Donc ta conclusion me va bien ; il faudrait que je nuance un peu mon discours, mais c'est parfois plus simple de faire des raccourcis ;)
Ce qui ne vaut pas un moinssage de la dépêche, je tiens à le préciser. Je n'ai pas lu tous les liens, et je ne remet pas en cause l'intérêt sociologique de montrer un déséquilibre existant.
Ce qui m'énerve, c'est ce qui va avec, assez vite (et il y a quelques liens dans ce sens) : l'injonction à ce qu'il y aie plus de femmes en informatique (ou ailleurs, ce n'est pas le seul domaine où ce genre d'inégalité se voit). Et tous les bons conseils pour "attirer les femmes".
En tant que personne assignée femme, ce genre de manip réveille en moi des instincts de proie : ça sent le piège, ça sent la bande de prédateurs cherchant la chair fraîche et bon sang, si vous voulez m'attirer sous le prétexte de mon genre, je vous garantit que je vais essayer de fuir et qu'il va me falloir un sacré effort pour m'intéresser à ce que le projet fait de bien.
Qu'un projet fasse ce qu'il faut pour que l'ambiance soit bonne et que tous les participants soient traités avec égalité, sans discrimination (même positive), sans que des étiquettes accessoires viennent polluer le débat, c'est parfait. C'est vrai qu'un projet où les blagues sexistes sont légions peut me mettre mal à l'aise ; cependant, ça fait aussi fuir des hommes, et je dois aussi reconnaître que ce n'est pas ce qui va le plus m'influencer de mon côté. C'est bien de prendre conscience du problème et de changer les choses, mais pas pour avoir "plus de femmes". Juste pour être des êtres humains plus fréquentables.
Et ça m'énerve, car j'ai parfois l'impression que certains s'intéressent plus à ma poitrine qu'à mes compétences et appétences pour l'informatique. Non, je ne parle pas des gros lourds de certains projets, qui sont une nuisance dans toutes les couches de la société, mais bien de ces enquêtes qui sont faites avec les meilleures intentions du monde. Je ne sais même plus si j'ai tenté de répondre à celle qui est citée dans le premier lien ; je sais que généralement, je commence à répondre et puis ça m'énerve tellement, tant c'est orienté pour s'assurer que je reste dans le stéréotype de mon genre, que je referme avant la fin. Là le pdf refuse de se charger donc je n'émettrais pas de critique plus constructive sur celle-ci, elle est peut-être très bien.
J'aimerais que mon genre soit réellement une donnée accessoire, sans aucun intérêt dans la majorité des situations. Je considère les gens que je croise comme des êtres humains ; ce qu'ils ont entre les jambes, dans la tête, s'ils correspondent à des critères esthétiques spécifiques ou non et autres détails, sérieusement, je m'en fous dans la majorité des cas, et encore plus dans tout ce qui est cadre de travail, même bénévole. Ce qui m'importe est la façon dont nous pouvons travailler ensemble et j'attends des autres qu'ils aient la même préoccupation. Dans les espaces de socialisation, les mécanismes de séductions et les expressions culturelles peuvent s'exprimer, tant qu'elles ne mettent personne mal à l'aise et qu'elles ne portent pas préjudice au travail exécuté par ailleurs. Je ne dis pas que cette façon d'aborder les choses suffit à réduire les discriminations ; malheureusement il y a bien trop de choses inconscientes qui se passent et qui émergent à l'occasion, et c'est là où ces études sont utiles, pour prendre conscience de toutes ces choses qu'on fait ou dit "sans y penser". Mais trop penser à lutter contre une discrimination a le même effet que de tenter de l'exploiter : on réifie les gens en les mettant dans une case, jusqu'à ne plus leur laisser de place en tant qu'individu indépendant.
Si on considère que ces inégalités sont un problème et si on veut agir dessus, il me semble que la question n'est pas d'augmenter le nombre de "femmes" et de viser une parité. Le problème est bien en amont de ça. Il faut permettre à chacun de trouver comment exprimer ses limites et de trouver comment les respecter collectivement. Tout cela est propre à chaque communauté, doit être reconstruit et ré-interrogé sans cesse. Mais en faisant ce genre de chose, on dépasse aussi d'autres problèmes de discriminations. Parce que bon, ce n'est pas parce qu'on est un homme blanc cisgenre hétérosexuel que tout est complètement gagné ; on a encore la possibilité d'être handicapé, neuroatypique, d'une classe sociale qui n'est pas celle du groupe où on s'inclut, etc. On peut même ne pas correspondre aux normes de notre genre et de notre classe sociale, quand bien même on ferait partie, sur le papier, des "dominants".
Oui, c'est bien de prendre conscience des diverses discriminations qu'on subit ou qu'on fait subir (et on est toujours des deux côtés, à un moment ou un autre). Ça me semble très bien qu'on prête de l'attention à son prochain, en veillant à ne pas le blesser ou l'écarter, autant que possible. Mais pas au point de l'infantiliser, ce qui est de plus en plus la norme dans les milieux dit "progressistes", où je me sens non pas reconnue, mais classée comme une mineure : une petite chose qui se définit uniquement par ma fragilité et non par mes forces et mes qualités (ou même par mes défauts !).
Je crois que si on veut réduire les discriminations, il est important de se responsabiliser de tous les côtés. Je déteste qu'on me place dans la case de la victime passive et dépourvue de capacité d'action. Je préfère franchement quand on me permet de voir ce qui, de mon côté, peut aussi être transformé afin d'aller vers plus d'égalité, d'autant plus si l'autre en face travaille aussi sur ses propres comportements et préjugés.
L'une des choses les plus fortes, quand on fait partie des populations discriminées, c'est qu'on apprends à se taire et à raser les murs, pour ne pas susciter les réactions agressives. Prendre la parole, même dans les commentaires, ça me demande toujours un sacré effort. Souvent je prépare des messages que je n'envoie pas ; et même une fois envoyé, parfois j'aimerais juste l'enlever, ayant presque plus peur de ce que cela peut susciter, que des attaques réelles qui arrivent parfois (et pas si souvent, il faut le reconnaître). Je crois pourtant que c'est important d'arriver à s'exprimer, sans savoir si nous seront entendus, tout autant que d'apprendre à entendre. Et je suis aussi intimement convaincue que s'il y a quelque chose à faire, c'est là : travailler tous ensemble à améliorer nos prises de parole et notre écoute. Là-dessus, internet est un outil assez fabuleux, je peux hésiter et reprendre mon message sans que quiconque ne me coupe la parole avant que j'ai fini ;) Par contre, ça n'aide pas forcément à mieux entendre. Pour ça, il y a encore beaucoup de travail à faire.
Toute cette littérature est intéressante pour prendre conscience de certains phénomènes. Mais pour une fois, je vais utiliser ma voix de minoritaire, le fait que je suis de facto dans la plupart des cases amenant de la discrimination, pour préciser un point qui est souvent passé sous silence : je ne veux pas de discrimination positive, je ne veux pas qu'une de mes étiquettes servent de motivation à la façon dont vous vous comporterez avec moi et les autres qui partagent cette étiquette. Je veux que nous trouvions comment vivre ensemble et dans le respect, et je sais très bien que cela veut dire que parfois, ça fera mal, parce qu'on sera maladroit, à côté de nos pompes, héritiers de notre culture et de nos acquis, que ça ne sera pas facile de remettre certaines choses en cause, et qu'on a tous une part à faire.
Cette proposition serait "moins pire", mais reste imparfaite à mes yeux. On ne sais pas forcément quoi taper comme caractère après pour avoir l'emoji qu'on veut, et si on le sais par cœur alors l'utilisation de Compose est aussi simple (et en plus avec une touche qu'on peut choisir). L'ajout d'un bouton dans la barre de menu me semble le plus ergonomique quand on cherche un emoji parmi les milliers qui existent.
Je ne crois pas qu'ils mettront la "menace" à exécution. Cependant, je trouve que ce genre de communication est absolument foireuse, ils croient que leurs utilisateurs produits vont les défendre ?
Ce genre d'annonce est plutôt un excellent argument pour convaincre des proches utilisant Facebook de se prévoir une alternative sur laquelle ils ont plus de contrôle, que ce soir un site vitrine pour ceux qui sont commerçants ou un nextcloud familial pour partager les photos entre proches. Que ce soit facebook qui leur fasse prendre conscience que leur outil "si pratique" peut décider du jour au lendemain de les laisser à la porte est assez génial.
La vaccination obligatoire, ce n'est pas une nouveauté, on l'a d'ailleurs en France pour quelques maladies, plus des incitations très fortes sur d'autres. Par exemple la rougeole n'est pas obligatoire, sauf qu'il faut avoir le vaccin pour aller en crèche (sauf erreur ?). La crèche vérifie le carnet de santé, ou se contente de ce que déclare les parents, je ne sais pas, mais ensuite il n'y a pas plus de contrôle et d'ailleurs des parents non vaccinés peuvent poser leur gamin, si lui, l'est… résultat une très grosse proportion de la population est vaccinée contre ça, assez pour que la rougeole ne soit plus un gros problème de santé publique, même si ça va et vient au fil des ans.
Les campagnes de vaccinations, ça marche bien aussi quand c'est correctement géré. C'est moins l'affaire d'une sanction que de ne pas trop laisser le choix. J'ai souvenir au collège qu'il y avait des journées où tout le monde défilait pour aller voir l'infirmière et se faire vacciner contre l'hépatite B (si mes souvenirs sont bons :D ). Il y avait quelques gamins qui y échappaient parce qu'absent ce jour-là, mais 99% du collège avait eu sa dose. De même, quand je reçois la lettre du gouvernement pour faire le dépistage du cancer du sein, c'est assez incitatif à y aller, même si ce n'est pas complètement contraignant. Ça marche plutôt bien, sans que j'ai besoin de montrer un pass "mammographie" à mon boulanger (oui ok les cancers ne sont pas contagieux, mais sur les chiffres, la méthode employée fait que pas mal de femmes font ces examens).
Et ce n'est pas comme si on ne savait pas faire. Depuis l'invention des vaccins, il y a eu divers épidémies, diverses façon de gérer les campagnes de vaccinations, et cette histoire de pass n'a pas toujours été nécessaire.
La vaccination, ça reste lié à un carnet de vaccination en principe, qui est une sorte de "pass" aussi, mais je n'ai pas besoin de le faire valider par des personnes lambda (type restaurateur ou contrôleur de bus). D'ailleurs je suis vexée qu'on ne m'aie pas demandé ce carnet lors de mes vaccinations contre le covid. Et les endroits où le pass est contrôlé est absurde : il faudrait garder des jauges dans les endroits en intérieur, avoir des purificateurs d'air, des masques, se laver les mains, peu importe qu'on soit vacciné ou non, on sait que ni le pass, ni le vaccin ne stoppent la contagion. Ça la ralentit, ça diminue les cas graves et ça permet à l’hôpital d'absorber à peu prêt les entrées, c'est tout…
J'ai cru comprendre que d'autres pays arrivaient à gérer l'épidémie sans pass. Bon, là, faudrait que j'aille vérifier les sources avant de dire des bêtises, mais ça serait intéressant de comparer. Évidement ça va parfois avec autant de manque de liberté (Singapour ou la Chine, c'est efficace, mais on ne va pas dire que la population est moins fliquée…). Mais il y a probablement d'autres exemples plus démocratiques.
Alors à moins qu'il ait reçu des menaces de morts de son proprio à ce sujet, pourquoi ne pas demander à un ami, de la famille, à une association ou voir pour louer une boîte postale pour cela ? C'est facile, rapide, simple, sans risques, ça résout ce problème et voilà. Ici non, il laisse le sujet pourrir et ne réagit pas. Pourquoi ? Mystère.
Dans l'absolu et la pratique, tu as raison. Les solutions pour avoir une domiciliation sont nombreuses et accessibles. Sachant justement à quel point ne pas avoir d'adresse de domiciliation est excluant, il y a des mécanismes pour contourner le problème. Ce n'est pas toujours magique non plus, j'ai galéré dans ma dernière coloc parce que je n'avais pas assez de justificatif à mon nom pour ouvrir mon compte en banque (qui voulait des documents précis du type facture d'énergie, payé par l'autre, et n'acceptait pas le reçu du loyer), mais bon, au prix de quelques galères, on peut trouver des solutions.
Dans l'expérience et le mental, ce qui est simple a priori et quand on est hors du problème est parfois complètement impossible quand on est "dans" le souci. Ici, je n'ai aucune idée de pourquoi l'auteur n'a pas cherché de solution au problème, mais je peux faire des hypothèses : le temps avant de comprendre à quel point c'était handicapant, le temps pour régler le problème avec un job qui prend toute l'énergie, les préjugés culturels trop ancrés du type "je ne vais quand même pas demander de l'aide à autrui, je ne peux pas être un paumé" qui amènent à nier le problème et ne pas le régler. Il a pu y avoir quelques recherches de solutions, réglées d'une façon boiteuse qui a semblé suffire dans un premier, comme le courrier reçu à l'entreprise.
Quand on est en possession de tous ses moyens et en capacités d'agir, certaines choses sont faciles. Quand on es en train de se déliter mentalement et que notre vie part en miette, les choses faciles peuvent devenir incroyablement complexes. Toutes. A posteriori, ça semblera peut-être idiot, mais sur le moment, quand on se croit coincé, c'est pas évident de dépasser ça.
Mais tu ne trouves pas que la question du consentement et du discernement ne se pose pas? C'est quand même ce qui caractérise en général le fait d'être une victime.
J'ai mis des années avant de comprendre que la notion de consentement et de discernement était une question qui ne pouvait avoir du sens qu'entre individus sur un pied d'égalité et travaillant énormément l'empathie et la discussion.
Sur la question du consentement : quand il y a une situation hiérarchique en jeu, de quelque nature que ce soit, le véritable consentement est extrêmement complexe. La plupart du temps, quand un patron demande à un employé de rester un peu plus pour finir un travail en cours, l'employé va dire oui. Peu importe qu'au fond ça l'embête, qu'il n'en aie pas envie, qu'il veuille être ailleurs, etc : il dit oui. Ce n'est pas un vrai consentement, pourtant le "non" n'est pas entendable ni avouable. Il faut des gens sacrément formés à poser leurs limites, avec une bonne confiance en soi, du courage et un je-m'en-foutisme sur les conséquences pour dire "non". Et le pire, c'est que dans la majorité des cas, ce "oui" donné à contre-cœur n'est pas vraiment un problème, c'est la négociation entre ses désirs personnels et les contraintes du monde réel. On a tous des moments où on fait ça.
Dans le cas des relations toxiques, ces pseudo-consentements se répètent, deviennent fréquents, effacent peu à peu la capacité à dire non à plus gros. Ça va plus ou moins vite suivant les gens et leurs propres vigilances face au phénomène, mais tout le monde est potentiellement concerné, à moins d'être un vrai sociopathe : en tant qu'être humain on a généralement une bonne idée de l'intérêt du groupe par rapport à sa propre personne, et c'est sur ce sentiment que vont se baser (entre autre) les mécanismes d'emprises. Je tiens d'ailleurs à préciser que la personne en face de soi n'est souvent même pas consciente d'imposer sa volonté et de manipuler autrui, ça peut être fait en toute bonne foi et c'est probablement le pire. J'en reviens à la question de l'empathie et de la discussion : personnellement, quand je suis dans des rapports hiérarchiques, je m'interroge quand je dis "oui", et je vérifie bien les "oui" qu'on me donne, parce que ça peut déraper assez facilement, mais cela prends un temps qu'on aimerais souvent passer à autre chose et ce serait faux de dire que c'est toujours checké. Maintenant si d'un côté il y a des gens peu sûrs d'eux, de l'autre une ou des personnalités qui s'imposent facilement, ça peut faire des dégâts.
Ça me semble tout à fait naturel de se demander si ce témoignage introductif à une série de théories claquées au sol n'est pas destiné à "accrocher" le lecteur avec une histoire destinée à crédibiliser l'orateur en tant que victime (et donc "lanceur d'alertes" sur les questions de libertés individuelles).
Oui, c'est le point que je trouve dommage ici, ça aurait été mieux en deux journaux et il y aurait eu de quoi raconter sur chaque.
Questionner l'intention du témoignage se pose forcément vu la seconde partie. Le sujet du green pass fait écho à la situation traumatique vécu dans un autre contexte, mais est-ce pertinent de les mettre en lien ici ? Est-ce que cela n'est pas juste une façon de chercher une légitimité pour parler de privations de droits ? Et cette recherche de légitimisation est-elle nécessaire ? Parce qu'au fond, les arguments sur le green pass seraient les mêmes, quelque soit le vécu de la personne. Et c'est ces arguments et la façon dont les choses sont présentées qui sont réellement pertinentes à discuter dans le contexte, de même qu'il serait pertinent, par ailleurs, de parler des mécanismes d'emprises pouvant aller jusqu'à des formes d'esclavagisme. C'était risqué d'utiliser le terme, mais là dessus je rejoint l'auteur et j'aimerais que ce mot sorte des images d'Épinal "c'est loin dans l'espace et le temps et ça nous concerne pas" pour revenir à une interrogation sur des mécanismes bien réels, touchant n'importe qui dans la population et menant à des situations inacceptables, dont se sortir est souvent très complexe. Pour ceux qui s'en sortent, d'ailleurs.
Ici on a un gars à priori formé et instruit, avec des droits civiques qui déjà ne tique pas devant certains manquement graves au droit du travail, alors qu'il est dans un secteur qui embauche et qui rémunère plutôt bien ne cherche pas un autre employeur, il parle la langue et a la citoyenneté locale et connaît notre pays (donc sait qu'il y a des solutions et comment s'en sortir à minima) et qu'il ne cherche pas à trouver une solution pour ses histoires d'adresse alors qu'en soi ça ne manque pas. Amis, famille, associations, boîte postale, ce n'est pas ce qui manque pour résoudre ce problème administratif. Il pourrait même prendre consultation auprès d'un avocat.
Ça c'est un préjugé commun et malheureusement dommageable. Tomber sous l'emprise de quelqu'un n'a aucun rapport avec son éducation, ses capacités propres, son réseau, le contexte global. Ça peut arriver à tout le monde, rapidement, brutalement, et quand le truc se met en place, le briser est quasiment impossible.
Il y a une affaire qui est sort récemment, concernant des avocats (lien ici, malheureusement avec paywall, mais l'affaire a du être relayé ailleurs). Il y a des choses discutables concernant cette affaire aussi, mais sur le fond : on pourrait penser que des avocats sont au courant du droit, qu'ils sont d'un milieu où ils sont armés pour réagir aux manipulations et à un environnement toxique. Il semblerait pourtant que nombre de gens, ici, se sont fait massacrés sans même penser à la base de leur métier, c'est à dire le droit…
Alors, oui, il y a des personnes plus faciles à abuser que d'autres, et c'est d'autant plus criminel. Mais ça ne veux pas dire que les mécanismes sous-jacents ne sont pas similaires, juste qu'il est un peu plus facile d'être un esclavagiste dans un pays qui n'essaie pas de protéger les êtres humains, et qu'on a un peu plus de moyens à disposition pour se sortir des ennuis quand on est dans le bon pays (encore que, quand on a eu affaire aux services pouvant aider, on sait que c'est parfois assez relatif).
Et surtout : oui, c'est très, très important d'apprendre qu'il y a des lignes rouges, et que quand elles sont franchies, il faut juste fuir le plus loin possible en abandonnant tout sur place, sans discuter, sans chercher à négocier quoi que ce soit. Et ne revenir qu'avec tout un groupe de soutien fort et apte à agir (qu'il s'agisse de la famille et des amis, d'une association, de la police, d'un syndicat, d'un bon avocat, bref ce qui est adapté au cas particulier). Mais c'est une erreur de croire que ces lignes rouges sont évidentes : on peut tous se faire avoir et être conscient de sa propre fragilité est la meilleure façon de se protéger.
j'attends toujours une manif provax antipasse. Les provax antipasse ne sont pas si nombreux que ça, et si il n'y avait qu'eux on n'entendrait quasi-rien…
On est peut-être moins fous que les autres. Je suis vaccinée, pour le vaccin, en faveur de l'obligation vaccinale avec dérogation exceptionnelle sur prescription d'un immunologue (et uniquement dans ce cas), et contre le pass sanitaire. Mais vu comme les gens sont calmes, posés et ouvert à la discussion, je préfère généralement fermer ma gueule et essayer de me concentrer sur des choses plus positives. Je n'ai pas envie de me faire lapider et traiter de ce que je ne suis pas, juste parce que ce dispositif est pour moi à la fois une insulte et une horrible manipulation aux conséquences dramatiques. J'ai un passe, parce que je suis vaccinée. Je ne l'ai pas demandé et je refuse de l'utiliser. Mon combat s'arrêtera là pour le moment.
Quand aux manifs, à part pour le plaisir douteux de se retrouver dans un groupe, je n'en vois pas l'intérêt. Je doute que la moindre manif aie jamais changé quoi que ce soit, sauf celles où ça finissait en coupant des têtes (ce qui n'est pas forcément l'idéal non plus). Je crois bien plus aux discussions tranquilles avec les personnes ayant des pouvoirs de décision, bref, le lobbying, parce que là j'ai des retours où peu de gens ont fait changer des choses. Pour le moment, mon énergie passe à soutenir quelques lobby sur des questions qui me sont plus vitales que le passe sanitaire, je l'avoue : on ne peut pas être de tous les combats. Les lobby ont en plus ceci de monstrueux : ils ne sont pas démocratiques, ne représente pas un nombre de gens, ou ceux qui gueulent le plus fort, mais sont pseudo-méritocratiques dans le sens où ceux qui sont le plus efficace pour agir et convaincre seront ceux dont le point de vue sur le monde aura un impact.
On a de la place, en tant qu'antipass, pour causer ? Je n'en suis pas certaine. La partie sur le passe, dans le journal, y'a plein de trucs que je n'aime pas, avec quoi je ne suis pas d'accord, mais je ne jurerais pas si l'auteur est antivaxx ou non parce qu'au fond ce n'est pas la partie intéressante. Et pourtant une bonne partie des commentaires part sur ça et le déclare a priori comme antivaxx. On pourrais plutôt parler de son évident nationalisme plutôt que de son douteux penchant antivaxx, mais non, on en est arrivé rapidement à ça et ça va focaliser pas mal les débats.
Où peut-on parler du pass sans dériver sur le fait que le vaccin c'est bien/mal, que les anti/provaxx sont tous des vilains méchants crétins idiots et autres simplifications foireuses ? J'espérais trouver de vraies discussions à propos du passe-sanitaire sur linuxfr (parce que bon sang ce truc pose des questions sur la liberté de circulation, la surveillance de masse, bref des sujets sur lesquels les gens ici se sentent concernés quand on parle des GAFAMs), mais ça dérive toujours sur des questions annexes, très vite, de façon extrêmement polarisés et vindicatives.
Je vais essayer, autant que possible, de continuer à fermer ma gueule. C'est dur, j'ai aussi envie de causer de tout ça, et pourtant je ne crois pas un seul instant que Linuxfr soit le lieu où avoir des vraies discussions sur le sujet. Le souci c'est qu'il n'y a pas vraiment d'endroit où en causer, c'est frustrant, et parfois, comme là, je craque.
Je ne sais pas si on est nombreux à être "provax antipasse". Tous ceux que je connais ont tendance à la fermer aussi, refroidi par le niveau des discussions, alors c'est sûr, on ne va pas nous entendre, ni nous compter.
Oui, mais non. L'esclavagisme est avant tout une contrainte mentale, qui s'appuie aussi sur des contraintes physiques (mais pas forcément des chaînes matérielles). Il faut d'une façon ou d'une autre que la victime coopère, sinon son utilité est nulle. Même dans les cas où la contrainte physique est très forte, il reste qu'un certain nombre d'esclaves "choisissent" la mort plutôt que la situation qu'on leur impose. Je met entre guillemet parce que je ne suis pas certaine que le choix soit bien grand mais si on pousse ton argumentaire au bout, cela veut dire que la situation de ces gens à Dubaï n'est pas si grave parce que ceux qui souffrent vraiment mettent fin à leur jours, donc ceux qui vivent ne devraient pas se plaindre et l'ont choisi. Est-ce que c'est suffisamment moche, dit comme ça ?
Alors, après, oui : il y a plusieurs formes d'esclavagisme. Ce n'est pas un pack unifié et simple à appréhender. Les formes peuvent être variées, vécues avec plus ou moins de souffrances. C'est d'autant plus compliqué à appréhender qu'on est sur des sociétés où les mécanismes d’assujettissements (volontaires ou contraignants) sont nombreux et normés. Est-ce que cela veut dire que la liberté est un concept inutile et bon à mettre à la poubelle ? Ce n'est pas une question rhétorique, quand on commence à creuser ces questions ça devient vraiment compliqué. Est-ce que ça veut dire qu'on est tous "esclaves" à un moment ou un autre ? J'aurais tendance à dire que non, mais j'aurais aussi tendance à dire que l'esclavage moderne existe bien aussi et peut toucher tout le monde. Et si les conditions matérielles pour la sortie de prison sont un peu plus accessibles en France qu'à Dubaï, par exemple, cela ne veut pas dire que ce soit simple ou facile pour autant. Quand on est dans une situation où non seulement on a perdu l'accès à de nombreux droits, qu'on est isolé des personnes pouvant nous aider et incapable de savoir où les trouver, et que la pression qui pèse sur nous est telle que toute l'énergie est mobilisée sur la survie et non sur le fait de retrouver sa liberté, peu importe qu'on soit dans le pays des droits de l'homme : c'est la merde.
Et dire à quelqu'un qui a souffert qu'il aurait pu y faire quelque chose, c'est la même rhétorique que de dire à une fille qu'elle ne se serait pas fait violée si elle n'avait pas mis de jupe. Cela peut faire du bien en tant que victime de retrouver un peu de "pouvoir" en se disant "ici, j'ai fait quelque chose qui était de mon ressort et qui m'a porté préjudice"… ou pas ; en tout cas c'est à la personne de décider de ça, pas aux autres de porter un jugement sur sa souffrance et sa façon de la gérer.
Je ne suis pas fan, dans l'absolu, des notions de bourreaux et de victimes, qui tendent à binariser les actions, à réifier les personnes et à gommer la complexité des échanges et des motivations. Cependant ces notions sont aussi, dans leur simplicité, une véritable aide pour prendre conscience de ce qui coince et pour arriver à dépasser la situation imposée. En principe le travail complet consiste à ce qu'à un moment les personnes impliquées se voient mutuellement comme des personnes, justement, et non comme des rôles ; mais faut pas se leurrer, ce n'est pas un stade facile à atteindre. En attendant, si quelqu'un arrive à se sortir d'une situation horrible en rejetant la faute sur autrui, si une autre vacille un peu dans ses certitudes sur la façon de traiter les gens parce qu'on le traite de grand méchant, c'est tout de même un peu mieux que la situation de départ.
A partir de la, on insultant aussi ouvertement les gens dans une situation pire que la sienne en si comparant, l'auteur ne peut que braquer le lecteur
J'ai accompagné des gens dans des situations pires, meilleures ou similaire à celle de l'auteur. En le lisant, je ne me suis pas braquée, au contraire, j'ai trouvé qu'il arrivait à parler avec beaucoup de délicatesse d'un sujet vraiment extrêmement difficile. Ce qui me braque, c'est de voir arriver si vite dans les commentaires le dénigrement de son ressenti et de son vécu.
La chose primordiale dont les victimes de traumatismes ont besoin quand elles s'en sortent, c'est de validité et de légitimation. Cela ne veut pas dire de dire oui à tout ce qu'elles disent, mais remettre en question ce qu'elles ont vécus et le nier est une violence ignoble. C'est pour cela que les victimes en tout genre prennent l'habitude de se taire, parce que chaque fois que les jugements sont faits sur leur vécu, on leur enlève à nouveau le droit d'exister. Or c'est justement leur parole qui permet de dénouer peu à peu d'autres situations similaires, et permet à d'autres "victimes" de relever la tête et s'en sortir, et d'autres "bourreaux" de remettre en cause leur façon de faire et de traiter les gens.
Il y a des tas de trucs qu'on ne peut pas raconter, ça n'est pas crédible (et pourtant bien réel) !
Ça me rassure, je ne suis pas la seule masochiste à qui ça manque… J'ai arrêté à cause de soucis de santé, et j'ai tenté dans tous les sens de trouver comment concilier mes problèmes et l'envie de bosser en restauration. C'est là où j'ai pu le mieux voir le rapport de force dans ce milieu, en fait. Il y a toujours quelqu'un qui cherche pour un remplacement, un extra, et qui me saute dessus pour demander si, par hasard, je ne pourrais pas venir. J'exposais mes contraintes et demandes, et on trouvait toujours un terrain d'entente. C'était assez fou parce que je me suis rendue compte que finalement, malgré des conditions de travail foireuses dans plein de boites, on pouvait aussi arriver à quelque chose de très bien, en prenant le temps de discuter, en particulier sur les aménagements horaires. Mais bon, on ne peux pas contourner indéfiniment le principe de réalité : quand physiquement ça ne peux plus, ben… ça ne peux plus. Par contre si un jour un remède s'avère efficace, il y a un gros risque que je retourne là-dedans. Je me suis formée à plein de métiers au fil des ans, mais c'est là que je me suis sentie le plus vivante.
Typiquement, je n'ai jamais vu la couleurs des pourboires en bossant en cuisine. Un jour une des serveuses a laissé tomber ce qu'elle avait gagné en pourboire au service précédent et j'ai vu un peu rouge. Ne laissez jamais de pourboires en restauration, ça ne sert qu'aux plus enfoirés de la boite.
Les douches, idem, c'est obligatoire en principe mais je n'en ai jamais vu qui étaient fonctionnelles, déjà rien que d'avoir un coin pour se changer, qui permette un tout petit peu d'intimité ce n'était pas simple… Mais étrangement sur ça, mes collègues n'ont jamais été pénibles avec moi. Les remarques très graveleuses oui, mais tout le monde trouvait un truc à faire ailleurs au moment où j'avais besoin de me changer :)
Et le salaire au SMIC sur lequel on rogne repas et hébergement… sauf que les repas sont les restes qu'on ne peut décemment plus refiler au client sous peine de voir le service d'hygiène débarquer, et que l'hébergement consiste en un placard pas chauffé ni insonorisé (avec parfois une fenêtre, quand même !), au prix d'un F2 à Paris…
Et les jours de repos : tu sais en début de semaine que tu auras tel jour pour souffler, et chaque semaine ça varie, de telle sorte qu'il est toujours impossible de prévoir quoi que ce soit ; jamais deux jours d'affilés ; le samedi et le dimanche sont toujours pris par le chef donc jamais tu ne peux aller socialiser avec tes anciens potes…
Et ces foutus clients qu'il faut absolument accepter alors que le service est finiiiiiiiiiii, et qui forcent à ce qu'on reste 2h de plus sur place, pas payé. Jamais payé.
Il y a aussi toutes les blagues sur la vétusté des installations. Dans l'une des cuisines, je passais pendant le service le racloir au plafond pour enlever un peu de condensation avant que ça retombe trop dans les plats. J'ai appris plein de trucs en plomberie, c'est dingue comme tout se bouche sans cesse. Pas mal d'endroit, je n'ai jamais compris comment les services d'hygiènes pouvaient les laisser ouvert, c'était tellement incompatible avec le HACCP… carreaux cassés, peinture écaillée, des recoins impossibles à nettoyer, des trucs de sécurités qui n'étaient plus fonctionnels…
C'est un milieu de fou. À tout point de vue. Il y a des trucs que j'ai adoré malgré ça, c'est pour ça qu'on parle de "métier passion" j'imagine : impossible de le faire si on n'est pas siphonné complètement. Le flux d'adrénaline du service, la satisfaction quand tout est fini de voir sa cuisine propre et tout en place pour le lendemain, et savoir que tout est carré, la manière dont on optimise peu à peu chaque geste pour devenir plus efficace, et même le handicap social de tous les cuistots, qui fait que même si on s'est hurlé dessus en plein coup de feu, on peut aller boire ensemble à la fin du service, toute l'énergie déchargée.
Quelqu'un qui comprend comment la restauration (ou d'autres domaines) fonctionne peut faire la même analyse ?
Je peux te donner les moyennes constatées sur le terrain et dans ma branche, sachant que c'est donc très empirique. Faudrait trouver les vrais chiffres des statistiques à un endroit, sauf que je sais que ce qui est déclaré n'est pas forcément ce qui est servi ; le "black" est très courant, à tout les niveaux, en restauration.
En général j'ai bossé dans des structures à moins de 10 employées (4 en cuisine, 4 en salles et un manager), avec des services en moyenne autour de 150 couverts par service. Ça allait facilement à 200 couverts les bons jours, ça descendait à 100 les moins bons ; en brasserie tous les midis de semaine sont pleins, les soirs et le dimanche un peu plus calme, tandis qu'en gastronomique je voyais plutôt l'effet inverse avec les groupes le dimanche, en plus (l'enfer à gérer, ça… essayez de distribuer 50 plats chauds au même instant !). Sur la brasserie, la moyenne d'un repas est à 15-20€, en laissant les boissons de côté (je n'y voyais pas passer, je ne sais pas à quel point les gens boivent). Ça fait 2 250€ par service, sans charger la mule. Il n'y avait pas de jour de fermeture dans les restos où j'ai bossé, on tournait juste au niveau du personnel pour avoir un jour ou deux (rarement d'affilé…), donc ça fait 30 jours par mois, à deux services : 135 000€/mois de revenu. Après, attention, les frais de la restauration sont réels : il faut acheter de la matière première, payer l'énergie pour les frigos, les fours, etc, et évidement le loyer, les cotisations. Au CAP on apprend à calculer précisément les coûts, et puis très vite on se rend compte que la règle des 4/4 s'applique assez souvent : 1/4 pour le produit, 1/4 pour le salaire, 1/4 pour les frais et 1/4 pour l'état ! Ce n'est pas très scientifique mais c'est une base correcte pour ne pas se planter trop quand on gère son propre restaurant.
Et c'est là où l'informatique s'en sort probablement mieux au niveau des coûts. Déjà, oui, quoi qu'il arrive, c'est réplicable à plus grande échelle et même Macdo a du mal à concurrencer Google ; ensuite, même en exploitant à mort toute la chaîne, il me semble que renouveler tous les jours la nourriture coûte proportionnellement plus de sous que la facture électrique et l'amortissement du matériel informatique. Les frais de base, proportionnellement, sont sans doute plus élevé en restauration.
Il faut voir aussi que les situations varient pas mal suivant les types de structure :
- fast-food, cuisine de rue : qu'il s'agisse d'industrie (type chaine de restauration rapide) ou de gens tous seuls (le kebab du coin), ça reste les plus rentables car les coûts sont très simples à bien maitriser, les procédures très simples à mettre en place, et il est possible de fournir un très grand nombre de gens en un temps limité. Le facteur "temps" est la base en restauration : l'objectif est de servir le maximum de monde entre midi et 13h30 puis entre 19h et 22h.
- Brasserie : panier moyen plus élevé, et puis on ajoute le café, les boissons, sur lequel on fait des marges énormes, mais par contre suivant les plats, les marges sont plus ou moins bonnes (entre les ingrédients utilisées, le temps pour les envoyer, et pour qu'ils soient mangés)
- Gastronomique : l'objectif est de faire payer un max à chaque client et de lui faire croire qu'on lui en donne pour son argent, ce qui veut dire beaucoup plus de frais quand même, et entre autre plus de personnel. C'est les entreprises les plus risquées, une mauvaise gestion met vite dans la panade. Après, j'ai bossé dans un soit-disant "gastro" avec des menus à minimum 40€, où on faisait aussi nos 200 couverts le dimanche, et où en cuisine, on ouvrait régulièrement des boites qu'on arrangeait légèrement. L'une de mes premières et pire expérience à tout point de vue, mais ça n'a pas suffit à me dégoûter :D. De mon expérience et des histoires des collègues, c'est aussi là où le personnel est le plus exploité, à faire des heures non payées. Et quand je parle d'heures, c'est en général 5 à 10h sur place chaque jour qu'on ne verra jamais apparaître sur une fiche de paie. "Mais ce n'est pas du travail, c'est pour le plaisir qu'on va s'occuper du jardin, faire les marchés, faire des cygnes en sucre filé, etc. Et si tu ne viens pas, c'est vraiment que tu n'es pas investi. Ho et puis il est minuit mais on a deux clients qui viennent d'arriver, on ne va pas les laisser. Comment ça il y a encore une heure de ménage à faire, après le dernier couvert ? Tu peux venir demain à 5h plutôt que 6h ? Il faut qu'on prenne un peu d'avance pour le mariage de ce week-end". Un copain ayant bossé chez un restaurateur très renommé me parlait avec nostalgie de son expérience, où il dormait 4h par nuit et 1h l'après-midi, tout le reste de son temps étant consacré à son patron. C'est sûr, il avait appris des tours de main…
Quand tu es restaurateur, tu sais combien tu gagnes, et combien 1 personne va te coûter. À vue de nez, les restaurants vont avoir une poignée d'employés, et ce sont des entreprises avec des marges assez petites, avec un patron qui est en général assez impliqué dans l'entreprise vu qu'il y travaille.
Alors, en fait, pas exactement. Et je vais en profiter pour ramener ma fraise d'ancienne cuisinière :)
Avec la pandémie, c'est assez sûr que c'est le bordel pour la restauration, mais avant ça, on avait le plein emploi en tant qu'employé. Et des salaires pitoyables et des conditions de travail moches. Mais aucun rapport avec le gain du patron, et tout avec la culture du métier.
En général, quand on bosse en restauration, on commence le travail vers 14-16 ans, en passant du temps en entreprise, où les chefs apprennent à la dur de la même façon qu'ils ont appris. C'est à dire : tu ferme ta gueule, tu donne tout, tu te contente de ce qu'on te donne. Quand on veut, on peut. On formate vraiment les gens dans une culture d'entreprise extrêmement violente et malsaine, ceux qui restent sont ceux qui l'assument. Quand je bossais, l'un de mes chefs m'a raconté que bon, ça ne se faisait plus trop de lancer les couteaux sur les gens… sauf quand ils le cherchaient vraiment. Bosser 60h par semaine, pour 35h payées, c'était la norme. On apprends que ça marche comme ça, et on n'apprends pas à le remettre en cause.
La culture syndicale ? Néant. Le seul syndicat que j'ai trouvé dans la restauration était celui… des patrons.
Qui, eux, sont bien structurés. Évidement ça dépend lesquels, mais rapidement quand on bosse dans le milieu, on découvre qu'ils se connaissent tous plus ou moins. Quand à l'illusion des petits restos, c'est souvent une stratégie d'investisseurs, qui possèdent plusieurs structures à moins de 10 salariés (en dessous du nécessaire pour avoir des délégués syndicaux).
Le rapport de force est donc le suivant : un patron dont la formation est celle de gestionnaire, avec niveau bac+5, expliquant à des gens n'ayant pas passé le bac que les fins de mois sont difficiles et non, on ne peut pas payer les heures sup, et le smig c'est déjà bien. Sauf que si tu additionne le nombre de couverts journaliers par le prix moyen du repas, la somme dépasse très, très largement tous les frais (sauf les quelques patrons pas doués, y'en a aussi, bien sûr).
Je suis allée à la restauration en reconversion, avec déjà un bon background politique, connaissant mes droits. Durant les quelques années où j'ai pu bosser dans le milieu, je n'ai jamais manqué de taf, il me fallait en moyenne une semaine pour trouver une nouvelle place. J'ai négocié mes salaires âprement, luttant contre mes propres conditionnements. J'étais probablement l'une des mieux payées à mon niveau de compétence, avec des conditions qui me convenaient ; j'aurais pu faire mieux mais je n'avais pas assez de confiance en moi pour ça. À chaque fois que j'ai quitté un poste, le resto me rappelait le mois suivant pour me demander si je pouvais venir faire un extra. "Uniquement payé le double ? Ok ok, mais vient s'il te plait". Bon généralement si je changeais de taf c'était pour aller vers mieux ;)
La restauration, c'est un secteur extrêmement lucratif. Si les employés sont mal payés et dans de mauvaises conditions, c'est parce qu'ils ne sont ni formés, ni organisés et qu'ils se font vulgairement balader avec des lieux communs. Il y a un rapport du plus fort qui est évident. Je n'ai même pas besoin d'ajouter à ça tout les rapports avec les milieux interlopes (qui sont bien réels dans certaines boîtes).
Par contre, la mobilité est très grande. Un cuistot même médiocre sait qu'il retrouvera du job dès qu'il cherchera. Juste, pas forcément dans la boite qu'il veut, ni aux conditions qu'il veut. Mais il aura du job. Donc c'est aussi "normal" d'abandonner son poste en milieu de service, de partir en claquant la porte et de ne pas revenir. Chose qui ne se fait pas dans beaucoup de métier ! Et si on me rappelait pour les extras, c'est entre autre parce que j'ai toujours mis un point d'honneur à faire mon service jusqu'au bout et à rendre mon poste plus propre qu'à mon arrivée. Ça surprenait tout le monde.
Les cuistots qui ont un peu plus d'éducation mettent des sous de côtés, puis finissent par faire leur propre resto, où ils pourront exploiter à leur tour des grouillots en prétendant que les fins de mois sont difficiles.
Je tempère cependant légèrement : il est possible de faire un raté monumentale en cuisine et de finir surendetté. Les "pauvres" patrons qui font ce genre de soleil sont soit des gens qui ont trop regardé Top Chef et qui croient qu'il suffit de faire des bons plats pour avoir un revenu, soit les employés qui partent trop tôt faire leur boite sans avoir compris qu'il faut payer des salaires et des frais.
Bref. Le rapport de force dans les divers métiers ne dépend pas que de l'offre et la demande, mais aussi de la formation de chaque partie à défendre son bout de gras. Ou de la bonne volonté des deux parties à trouver un contrat mutuellement profitable (ça arrive aussi même si c'est plus rare).
J'irais même plus loin, envisager le fork dès le début de son projet est une bonne façon de savoir si le libre nous correspond vraiment. Et cela a un impact sur la suite : quand on bosse en se disant "peut-être à un moment, quelqu'un va forker, pour suivre une autre voie", ça amène à travailler autrement, pour que cet hypothétique fork puisse faire naitre de bonnes choses. Moi ça me pousse à documenter plus, à affiner les procédures pour que d'autres se réapproprient les projets, contrairement à mes projets privés qui sont très obscurs après quelques années. Ça m'aide aussi à refuser la pression dans certains cas : si les gens veulent vraiment tel ou tel truc qui ne m'intéresse pas, qu'ils bossent pour le faire et le gèrent dans leur fork, ce n'est pas un problème.
Je trouve que le fork fait partie des très grandes richesses du libre. Cette liberté-là permet que de la diversité naisse, que des projets qui mourraient autrement puissent revivre. J'aimerais que tout logiciel proprio qui cesse d'être exploité soit libéré, afin qu'on puisse en reprendre les bonnes choses et les transformer.
Ce qui est réellement naïf est de choisir une licence sans en comprendre les enjeux. Je vais me faire l'avocat du diable, mais le droit d'auteur de base est une solution parfaitement acceptable quand on ne veut pas se prendre la tête : on code son truc pour résoudre son propre problème, puis on trouve que c'est bien et on peut le montrer aux gens mais… cela ne veut pas dire que ça doit être sous licence libre. D'ailleurs les licences libres s'appuient sur le droit d'auteur, en formalisant dans un contrat (avec les termes juridiques qu'il faut) les droits que l'auteur va concéder à ses utilisateurs. Le modèle du freeware n'a pas disparu : un logiciel qui reste sous licence propriétaire classique, mais qui est distribué gratuitement avec la bénédiction de son auteur. On peut aussi publier son code, le montrer aux gens, sans leur donner le droit d'en faire quoi que ce soit en dehors de le regarder et de nous faire des retours sur sa qualité. Ce n'est pas libre, mais c'est possible, c'est permis ;)
À partir du moment où on fait un choix, il faut en comprendre les conséquences. Faire du libre, c'est donner des droits aux utilisateurs, et du vrai libre, c'est des droits y compris à des gens qui ne diront jamais merci.
Le libre a plein d'avantages. Mais ce n'est pas la solution à tout, et c'est une mauvaise solution "par défaut". Beaucoup de gens ne sont pas prêts à ce que leur code soit utilisé par "n'importe qui, n'importe comment", ne voient pas les divers scénarios possibles. C'est intéressant de questionner le rapport à son œuvre et au partage, justement, et le choix d'une licence est le moment de se poser des questions !
Je préfère vraiment des gens qui hésitent, qui vont rester sous des licences plus ou moins fermées, et qui peuvent libérer au fil du temps une partie de leur travail en toute conscience, à ceux qui ont vu la lumière et se jettent sur la licence WTFPL "parce que je ne veux pas m'embêter avec le droit d'auteur", puis qui se plaignent quelques années plus tard que leur code soit utilisé à l'encontre de leurs valeurs.
[^] # Re: faut voir
Posté par Zatalyz (site web personnel) . En réponse au journal Petites observations sur le travail (que l'on fait pour soi). Évalué à 4.
Ho, siiiii.
Faire en sorte que son diesel roule à l'huile de friture ou passer soi-même son essence à la conso en ethanol, ça se fait. Ou ajouter des additifs pour "rouler mieux". Je met ça dans "jouer avec l'essence". Et parfois ça tourne mal.
[^] # Re: faut voir
Posté par Zatalyz (site web personnel) . En réponse au journal Petites observations sur le travail (que l'on fait pour soi). Évalué à 8.
C'est là que je vois que je ne suis vraiment pas du tout dans la même classe sociale ni les mêmes logiques. Par ici, une voiture d'occase fait entre 600 et 2000€ ; il faut prévoir 1000€ la première année pour toutes les réparations, puis environ 200/300€ par an ensuite pour l'entretien, avec des années où il y a plus,d'autres où il y a moins. On n'est vraiment pas dans les mêmes ordres de prix. Par contre, oui, on mène les voitures "au bout" dans ce genre de scénario. Et les coûts baissent quand on a un voisin/ami qui bidouille les autos. Durant 15 ans, mes voitures m'ont surtout "coûté" de la relation sociale et le prix des pièces (là, je n'ai plus de bricoleur dans ma zone, mais j'ai un garagiste sympa).
1000€ sur la première année, c'est vraiment important de les prévoir ; évidement on choisit une voiture qui semble "bien" mais il y a toujours des surprises.
Concernant la consommation, je ne suis pas d'accord ; ça dépend des modèles, pas des années. J'avais un diesel qui faisait 5l au 100 et datait de 1999 et on pouvait faire moins dans les bonnes conditions. Je rigole quand quelqu'un est tout fière de son 7l/100 sur une berline similaire toute neuve… Mais il y a juste des disparités énormes d'un véhicule à l'autre, ça fait partie des points à surveiller quand on achète une auto.
Par contre je suis ok sur le reste, plus ça va et plus les voitures sont sécurisés et confortables. Je ne suis pas fan des gadgets électroniques parce que ça complexifie les réparations, mais c'est une logique de pauvre. Ho et aussi parce que je n'ai pas confiance dans les programmeurs de ces trucs, mais ça c'est parce que je sais à quoi ressemble le milieu de l'informatique :P
[^] # Re: Ça m'énerve
Posté par Zatalyz (site web personnel) . En réponse à la dépêche Différences de genres dans la contribution au code libre. Évalué à 1.
Il faut d'ailleurs considérer le fait que l'informatique est par endroit et moment un milieu majoritairement féminin. Ça a été le cas sur les débuts de l'informatique, lorsque c'était considéré comme un simple travail de secrétariat. Actuellement, suivant les pays, ces ratios sont d'ailleurs plus ou moins déséquilibrés.
Il y a un article sur Wikipédia qui accumule un peu plus de références que je ne pourrais en trouver.
Il y a tout un tas de facteurs convergents qui expliquent ces différences. Ce n'est pas juste une pub dans un magazine qui va changer le monde (même si celle remontée par Tonton est redoutable !) ; mais l'accumulation de milliers d'images, de petites phrases, de toutes ces influences liées à la culture, qui vont pousser dans un sens plutôt que dans un autre, et ce dès la petite enfance.
Je l'avais particulièrement ressenti au moment du lycée, de façon visible enfin ; mes goûts personnels étaient secondaires par rapport à ce qu'il semblait "bien" que je fasse. Une pression sans violence, à l'intersection de plusieurs problématiques. J'ai lutté comme je pouvais pour faire une filière scientifique à défaut d'avoir le "droit" de faire une filière technique, contre des phrases comme "mais tu es si bonne en français, pourquoi ne pas aller en filière littéraire ?" Dire qu'on arrive à avoir une bonne note parce que certes, c'est facile, mais ennuyeux comme la mort, n'est pas une réponse entendable.
Et j'ai fini par arriver à faire mon CAP, après avoir traîné 3 ans à la fac. Tout ça était intéressant aussi, certes je pouvais le faire, j'en avais les capacités, le goût, etc, mais ce qui m'a fait me sentir vivante n'était pas un métier en rapport avec les sciences humaines (où j'ai fini par atterrir). Mais là on dépasse les problèmes de genre, il y a aussi un problème de classe : on ne peut pas refuser un bac + X si on a les possibilités de le faire, car ça assure une bonne position sociale.
Lutter contre toutes ces injonctions, conscientes et inconscientes, est à la fois épuisant mais aussi difficile, parce que justement, nous n'avons pas toujours les concepts pour voir ce qui se passe, pour savoir qu'une autre voie est possible.
[^] # Re: Ça m'énerve
Posté par Zatalyz (site web personnel) . En réponse à la dépêche Différences de genres dans la contribution au code libre. Évalué à 6.
Le doute sur ses propres capacités est très clairement un des marqueurs culturels de genre. Ce n'est pas exclusif bien sûr (il y a des hommes qui ont ce souci, il y a des femmes qui ne l'ont pas du tout), mais je dirais qu'une très grande proportion de femmes apprennent tranquillement dans leur enfance que, quoi qu'elles fassent, ça ne sera jamais assez, tandis que de nombreux hommes apprennent dans le même temps que, quoi qu'ils fassent, ce sera toujours suffisant. C'est évidement encore plus marqué quand on est dans des activités qui ne sont pas associés à notre genre ; proportionnellement, les femmes se sentiront un peu plus en maîtrise sur les compétences sociales et bien moins sur les compétences techniques, indépendamment de leurs compétences réelles bien sûr.
J'ai pris conscience de cet écueil chez moi il y a déjà pas mal d'années, mais le savoir n'est pas forcément le désamorcer, surtout quand la vie met sans cesse en face de défis qui sont factuellement laborieux à surmonter ; cela renforce le sentiment d'impuissance et d'incompétence (alors même que ce ne sont pas des trucs qui dépendent de moi ; alors même que par ailleurs j'ai un environnement amical très bienveillant et valorisant). Là-dessus, je tiens à remercier toutes les personnes qui me font progresser régulièrement, comme cet ami qui me reprend chaque fois que je laisse échapper mécaniquement "ha mais je suis bête, c'était ça" => "Non tu n'es pas bête, tu n'avais juste pas encore vu ceci". C'est vraiment un truc contre lequel il faut se battre et c'est important de le faire, en groupe.
[^] # Re: Ça m'énerve
Posté par Zatalyz (site web personnel) . En réponse à la dépêche Différences de genres dans la contribution au code libre. Évalué à 3.
Merci Jehan pour cette façon de voir la chose :)
Je ne suis pas certaine d'arriver à avoir plus confiance en l'humanité pour autant, mais ça me servira d'argument pour douter un peu de moins de moi si je me retrouve dans des situations de ce genre.
[^] # Re: Ça m'énerve
Posté par Zatalyz (site web personnel) . En réponse à la dépêche Différences de genres dans la contribution au code libre. Évalué à 8.
Il y a de ça. Je trouve effrayant de voir comment les américains "voient" les différences. Cela me frappe particulièrement dans les séries américaines, où il y a parfois des remarques sur les moindres nuances de couleur de peau et de type morphologique, amenant à classer les gens dans des groupes ethniques/sociaux : wow, je dois reconnaître que je suis incapable de voir ces différences ethniques et par là-même de discriminer selon ces critères. Et pour moi le système des étiquettes, où se revendiquer de/se faire classifier dans tel et tel groupe, est surtout sensible dans les endroits où la discrimination est très forte. J'ai quand même l'impression qu'en France (seul pays où je peux juger de cet aspect culturel), ces étiquettes ont moins d'importance, à moins d'être très revendiquées. Ce sont encore des outils pour comprendre des choses, mais pas forcément des stigmates. Mais l'influence des USA se fait sentir au fil des années.
Ma conviction est qu'il s'agit d'un travail de tout les jours, qui commence par les questions qu'on se pose sur soi et sur ses comportements, et qui continue avec les discussions qu'on peut avoir avec les autres. Chaque échange sur ces sujets me fait réfléchir, que je sois ou non d'accord avec mon interlocuteur. Mais c'est aussi une attention au quotidien. Par exemple, prendre conscience que quand on est dans un groupe et qu'il est prévu de manger ensemble, c'est majoritairement les femmes qui vont se retrouver en cuisine (à part peut-être en cas de barbecue, mais elles feront la vaisselle), et ce même dans des groupes sensibilisés à ces questions. Et on en fait quoi ? On mange trois heures plus tard parce que les filles s'amusent d'un accord tacite à laisser tomber cette charge mentale ? Cela va retomber sur la seule du groupe qui n'a pas suivi ? Qui va lancer le sujet sur la table ? Des situations de ce genre, extrêmement genrées, on en a régulièrement. C'est important d'en prendre conscience et de dépasser ses propres stéréotypes, quitte à prendre le contre-pied un moment (dans mon cas, accepter que je préfère boire une bière et papoter sans penser à rien d'important, plutôt que d'aller m'assurer que la préparation avance ; dans celui de mes compagnons, prendre conscience qu'il va bien falloir que quelqu'un se dévoue pour démarrer la cuisine, et oui, je suis un gros macho par moment… j'essaie :P).
Être en contact avec les enfants est aussi une école terrible. Déjà parce qu'ils subissent de plein fouet toutes les injonctions de la société : on peut parler de certaines, tenter de les désamorcer, mais on ne peut pas tout changer. Mais surtout encore une fois, pour sa responsabilité individuelle. C'est chouette que les enfants voient les hommes s'occuper du ménage, voient les femmes geeker sur l'ordi pendant ce temps ; il y aura suffisamment d'autres occasions où le rapport s'inversera. C'est important de se demander si on se comporte de la même façon avec un enfant suivant son genre ; si on ne projette pas qu'une petite fille est "mignonne" et un garçon "fort" (ils peuvent l'être, mais reconnaissons-leur aussi des valeurs inversées).
C'est aussi, effectivement, se positionner quand on entend une blague sexiste ou autre truc déplacé et qu'on sait qu'il va être possible d'avoir une discussion. Ça n'a pas besoin d'être bien long, simplement de le faire remarquer sans agressivité suffit déjà à faire prendre conscience que le public n'est pas forcément allégeant à ce genre de chose. De façon générale, exprimer ses limites autant que possible, sans chercher toujours le combat ou la perfection (c'est épuisant et ça demande de l'énergie, reconnaissons-le), en sachant que les gens en face de nous ont parfois un looooong chemin à parcourir… ce qui ne veut pas dire que ce sont des méchants vilains pas beau à abattre. Sortir du manichéisme est une nécessité, sinon cela veut dire qu'on n'imagine pas d'évolution possible, cela devient "eux ou nous".
C'est là, je pense, où les vraies études sociologiques me plaisent bien. Elles montrent les mécanismes, elles permettent de prendre conscience de ce qui est en place. Je suis moins à l'aise avec les témoignages du type #metoo. Ce genre d’électrochoc est efficace aussi, mais pas mal anxiogène pour tout le monde, et amène une partie des gens à se mettre sur des postures défensives qui peuvent devenir agression (des deux côtés). Je préfère vraiment échanger sur les travaux de Judith Butler et consœurs que de faire face à la litanie individuelle des horreurs auquel le sexisme peut mener, je vois plus facilement comment en sortir quelque chose de constructif.
Et oui, il y a aussi des choix à faire au niveau politique, de façon sociétale. La défense de l'IVG ou l'accès à la contraception, ça dépasse le cadre individuel et ça améliore le sort de milliers de personnes. Mais c'est aussi plus complexe de prendre des décisions "bonnes", d'imposer à des gens qui ne sont pas prêts ou pas d'accord le choix d'un groupe d'énarque. Il y a parfois des maladresses, des solutions bancales, voir contre-productives. Se planter fait partie du processus. Tant qu'il y a un peu de place pour de la démocratie, on peut espérer transformer ces maladresses et construire un monde meilleur peu à peu. Il reste cependant nécessaire de ne pas déléguer sa capacité d'action ; "en haut" les gens peuvent faire des choses, mais c'est surtout au quotidien, dans la façon dont chacun de nous vit, que les choses se construisent.
[^] # Re: Ça m'énerve
Posté par Zatalyz (site web personnel) . En réponse à la dépêche Différences de genres dans la contribution au code libre. Évalué à 10.
Oui, en fait, je suis d'accord avec ça. Il y a des moments où c'est fait avec suffisamment d'élégance pour marcher, d'autres où ça me hérisse vraiment.
Le souci c'est que la discrimination positive est souvent juste une vraie discrimination. L'exemple-type : "on manque de femme ici, alors recrutons de façon à voir 50/50" => dans ce genre de cas, je ne saurais jamais si j'ai été recrutée pour mes compétences, ou pour boucher un trou. Je me sens hyper illégitime, pas du tout à ma place. Alors que peut-être que je suis là aussi pour mes compétences ; mais je n'en serais jamais sûre. Jusqu'ici, quand ce genre de politique était clairement affichée, j'ai eu tendance à fuir. Mais je me suis aussi retrouvée dans des groupes où ce n'était pas clair dès le départ, puis ensuite dans les discours il y avait "on fait des efforts pour avoir plus de parité", et là je me reprends en pleine poire ce doute : suis-je là pour les bonnes ou les mauvaises raisons ? Est-ce que j'ai été accueilli pour ce que je fais, ou pour une donnée biologique ?
Mais à l'inverse, j'ai apprécié certains espaces sécurisés (oui je sais, le mot n'est plus à la mode, je m'en fous car je trouve que ça décrit parfaitement quelque chose de bien), où des règles précises étaient affichées en amont sur ce qui était attendu. Il y a aussi une discrimination positive dans ce genre de contexte mais qui était justement tournée de façon positive, en gros "nous souhaitons que les gens qui soient ici se sentent concernés directement par le sujet que nous abordons". Et c'est vrai que ces moments où on se retrouve entre personnes partageant quelque chose de similaire (que ce soit directement "nous" ou dans l'optique de mieux aider un proche) sont souvent très constructifs, permettant de mieux prendre conscience de certaines mécaniques, d'avoir plus de place pour s'exprimer aussi.
Donc ta conclusion me va bien ; il faudrait que je nuance un peu mon discours, mais c'est parfois plus simple de faire des raccourcis ;)
# Ça m'énerve
Posté par Zatalyz (site web personnel) . En réponse à la dépêche Différences de genres dans la contribution au code libre. Évalué à 10.
Ce qui ne vaut pas un moinssage de la dépêche, je tiens à le préciser. Je n'ai pas lu tous les liens, et je ne remet pas en cause l'intérêt sociologique de montrer un déséquilibre existant.
Ce qui m'énerve, c'est ce qui va avec, assez vite (et il y a quelques liens dans ce sens) : l'injonction à ce qu'il y aie plus de femmes en informatique (ou ailleurs, ce n'est pas le seul domaine où ce genre d'inégalité se voit). Et tous les bons conseils pour "attirer les femmes".
En tant que personne assignée femme, ce genre de manip réveille en moi des instincts de proie : ça sent le piège, ça sent la bande de prédateurs cherchant la chair fraîche et bon sang, si vous voulez m'attirer sous le prétexte de mon genre, je vous garantit que je vais essayer de fuir et qu'il va me falloir un sacré effort pour m'intéresser à ce que le projet fait de bien.
Qu'un projet fasse ce qu'il faut pour que l'ambiance soit bonne et que tous les participants soient traités avec égalité, sans discrimination (même positive), sans que des étiquettes accessoires viennent polluer le débat, c'est parfait. C'est vrai qu'un projet où les blagues sexistes sont légions peut me mettre mal à l'aise ; cependant, ça fait aussi fuir des hommes, et je dois aussi reconnaître que ce n'est pas ce qui va le plus m'influencer de mon côté. C'est bien de prendre conscience du problème et de changer les choses, mais pas pour avoir "plus de femmes". Juste pour être des êtres humains plus fréquentables.
Et ça m'énerve, car j'ai parfois l'impression que certains s'intéressent plus à ma poitrine qu'à mes compétences et appétences pour l'informatique. Non, je ne parle pas des gros lourds de certains projets, qui sont une nuisance dans toutes les couches de la société, mais bien de ces enquêtes qui sont faites avec les meilleures intentions du monde. Je ne sais même plus si j'ai tenté de répondre à celle qui est citée dans le premier lien ; je sais que généralement, je commence à répondre et puis ça m'énerve tellement, tant c'est orienté pour s'assurer que je reste dans le stéréotype de mon genre, que je referme avant la fin. Là le pdf refuse de se charger donc je n'émettrais pas de critique plus constructive sur celle-ci, elle est peut-être très bien.
J'aimerais que mon genre soit réellement une donnée accessoire, sans aucun intérêt dans la majorité des situations. Je considère les gens que je croise comme des êtres humains ; ce qu'ils ont entre les jambes, dans la tête, s'ils correspondent à des critères esthétiques spécifiques ou non et autres détails, sérieusement, je m'en fous dans la majorité des cas, et encore plus dans tout ce qui est cadre de travail, même bénévole. Ce qui m'importe est la façon dont nous pouvons travailler ensemble et j'attends des autres qu'ils aient la même préoccupation. Dans les espaces de socialisation, les mécanismes de séductions et les expressions culturelles peuvent s'exprimer, tant qu'elles ne mettent personne mal à l'aise et qu'elles ne portent pas préjudice au travail exécuté par ailleurs. Je ne dis pas que cette façon d'aborder les choses suffit à réduire les discriminations ; malheureusement il y a bien trop de choses inconscientes qui se passent et qui émergent à l'occasion, et c'est là où ces études sont utiles, pour prendre conscience de toutes ces choses qu'on fait ou dit "sans y penser". Mais trop penser à lutter contre une discrimination a le même effet que de tenter de l'exploiter : on réifie les gens en les mettant dans une case, jusqu'à ne plus leur laisser de place en tant qu'individu indépendant.
Si on considère que ces inégalités sont un problème et si on veut agir dessus, il me semble que la question n'est pas d'augmenter le nombre de "femmes" et de viser une parité. Le problème est bien en amont de ça. Il faut permettre à chacun de trouver comment exprimer ses limites et de trouver comment les respecter collectivement. Tout cela est propre à chaque communauté, doit être reconstruit et ré-interrogé sans cesse. Mais en faisant ce genre de chose, on dépasse aussi d'autres problèmes de discriminations. Parce que bon, ce n'est pas parce qu'on est un homme blanc cisgenre hétérosexuel que tout est complètement gagné ; on a encore la possibilité d'être handicapé, neuroatypique, d'une classe sociale qui n'est pas celle du groupe où on s'inclut, etc. On peut même ne pas correspondre aux normes de notre genre et de notre classe sociale, quand bien même on ferait partie, sur le papier, des "dominants".
Oui, c'est bien de prendre conscience des diverses discriminations qu'on subit ou qu'on fait subir (et on est toujours des deux côtés, à un moment ou un autre). Ça me semble très bien qu'on prête de l'attention à son prochain, en veillant à ne pas le blesser ou l'écarter, autant que possible. Mais pas au point de l'infantiliser, ce qui est de plus en plus la norme dans les milieux dit "progressistes", où je me sens non pas reconnue, mais classée comme une mineure : une petite chose qui se définit uniquement par ma fragilité et non par mes forces et mes qualités (ou même par mes défauts !).
Je crois que si on veut réduire les discriminations, il est important de se responsabiliser de tous les côtés. Je déteste qu'on me place dans la case de la victime passive et dépourvue de capacité d'action. Je préfère franchement quand on me permet de voir ce qui, de mon côté, peut aussi être transformé afin d'aller vers plus d'égalité, d'autant plus si l'autre en face travaille aussi sur ses propres comportements et préjugés.
L'une des choses les plus fortes, quand on fait partie des populations discriminées, c'est qu'on apprends à se taire et à raser les murs, pour ne pas susciter les réactions agressives. Prendre la parole, même dans les commentaires, ça me demande toujours un sacré effort. Souvent je prépare des messages que je n'envoie pas ; et même une fois envoyé, parfois j'aimerais juste l'enlever, ayant presque plus peur de ce que cela peut susciter, que des attaques réelles qui arrivent parfois (et pas si souvent, il faut le reconnaître). Je crois pourtant que c'est important d'arriver à s'exprimer, sans savoir si nous seront entendus, tout autant que d'apprendre à entendre. Et je suis aussi intimement convaincue que s'il y a quelque chose à faire, c'est là : travailler tous ensemble à améliorer nos prises de parole et notre écoute. Là-dessus, internet est un outil assez fabuleux, je peux hésiter et reprendre mon message sans que quiconque ne me coupe la parole avant que j'ai fini ;) Par contre, ça n'aide pas forcément à mieux entendre. Pour ça, il y a encore beaucoup de travail à faire.
Toute cette littérature est intéressante pour prendre conscience de certains phénomènes. Mais pour une fois, je vais utiliser ma voix de minoritaire, le fait que je suis de facto dans la plupart des cases amenant de la discrimination, pour préciser un point qui est souvent passé sous silence : je ne veux pas de discrimination positive, je ne veux pas qu'une de mes étiquettes servent de motivation à la façon dont vous vous comporterez avec moi et les autres qui partagent cette étiquette. Je veux que nous trouvions comment vivre ensemble et dans le respect, et je sais très bien que cela veut dire que parfois, ça fera mal, parce qu'on sera maladroit, à côté de nos pompes, héritiers de notre culture et de nos acquis, que ça ne sera pas facile de remettre certaines choses en cause, et qu'on a tous une part à faire.
[^] # Re: Quitte à râler
Posté par Zatalyz (site web personnel) . En réponse au journal Voter pour virer les emojis de Gitlab. Évalué à 8.
Ha oui ça aussi c'est insupportable !
[^] # Re: Attendre un caractère après les deux points
Posté par Zatalyz (site web personnel) . En réponse au journal Voter pour virer les emojis de Gitlab. Évalué à 5. Dernière modification le 19 février 2022 à 20:10.
Cette proposition serait "moins pire", mais reste imparfaite à mes yeux. On ne sais pas forcément quoi taper comme caractère après pour avoir l'emoji qu'on veut, et si on le sais par cœur alors l'utilisation de Compose est aussi simple (et en plus avec une touche qu'on peut choisir). L'ajout d'un bouton dans la barre de menu me semble le plus ergonomique quand on cherche un emoji parmi les milliers qui existent.
[^] # Re: doublon :-)
Posté par Zatalyz (site web personnel) . En réponse au lien Facebook quittera l'Europe (ou pas). Évalué à 3.
Ou faire comme avant Internet : se passer de l'info et découvrir les détails sur place !
# Un bon argument pour en sortir
Posté par Zatalyz (site web personnel) . En réponse au lien Meta menace de ne plus proposer Facebook et Instagram en Europe (même pas cap'). Évalué à 10.
Je ne crois pas qu'ils mettront la "menace" à exécution. Cependant, je trouve que ce genre de communication est absolument foireuse, ils croient que leurs
utilisateursproduits vont les défendre ?Ce genre d'annonce est plutôt un excellent argument pour convaincre des proches utilisant Facebook de se prévoir une alternative sur laquelle ils ont plus de contrôle, que ce soir un site vitrine pour ceux qui sont commerçants ou un nextcloud familial pour partager les photos entre proches. Que ce soit facebook qui leur fasse prendre conscience que leur outil "si pratique" peut décider du jour au lendemain de les laisser à la porte est assez génial.
[^] # Re: Contexte
Posté par Zatalyz (site web personnel) . En réponse au lien Le Geektionnerd, Reloaded. Évalué à 6.
Avec le commentaire, ça fait un journal très bien :)
[^] # Re: Tu fais ce que tu nous demandes de ne pas faire
Posté par Zatalyz (site web personnel) . En réponse au journal Comment j’ai été réduit en esclavage, comment vous m’avez aidé, et les leçons que j’en ai tirées. Évalué à 7.
La vaccination obligatoire, ce n'est pas une nouveauté, on l'a d'ailleurs en France pour quelques maladies, plus des incitations très fortes sur d'autres. Par exemple la rougeole n'est pas obligatoire, sauf qu'il faut avoir le vaccin pour aller en crèche (sauf erreur ?). La crèche vérifie le carnet de santé, ou se contente de ce que déclare les parents, je ne sais pas, mais ensuite il n'y a pas plus de contrôle et d'ailleurs des parents non vaccinés peuvent poser leur gamin, si lui, l'est… résultat une très grosse proportion de la population est vaccinée contre ça, assez pour que la rougeole ne soit plus un gros problème de santé publique, même si ça va et vient au fil des ans.
Les campagnes de vaccinations, ça marche bien aussi quand c'est correctement géré. C'est moins l'affaire d'une sanction que de ne pas trop laisser le choix. J'ai souvenir au collège qu'il y avait des journées où tout le monde défilait pour aller voir l'infirmière et se faire vacciner contre l'hépatite B (si mes souvenirs sont bons :D ). Il y avait quelques gamins qui y échappaient parce qu'absent ce jour-là, mais 99% du collège avait eu sa dose. De même, quand je reçois la lettre du gouvernement pour faire le dépistage du cancer du sein, c'est assez incitatif à y aller, même si ce n'est pas complètement contraignant. Ça marche plutôt bien, sans que j'ai besoin de montrer un pass "mammographie" à mon boulanger (oui ok les cancers ne sont pas contagieux, mais sur les chiffres, la méthode employée fait que pas mal de femmes font ces examens).
Et ce n'est pas comme si on ne savait pas faire. Depuis l'invention des vaccins, il y a eu divers épidémies, diverses façon de gérer les campagnes de vaccinations, et cette histoire de pass n'a pas toujours été nécessaire.
La vaccination, ça reste lié à un carnet de vaccination en principe, qui est une sorte de "pass" aussi, mais je n'ai pas besoin de le faire valider par des personnes lambda (type restaurateur ou contrôleur de bus). D'ailleurs je suis vexée qu'on ne m'aie pas demandé ce carnet lors de mes vaccinations contre le covid. Et les endroits où le pass est contrôlé est absurde : il faudrait garder des jauges dans les endroits en intérieur, avoir des purificateurs d'air, des masques, se laver les mains, peu importe qu'on soit vacciné ou non, on sait que ni le pass, ni le vaccin ne stoppent la contagion. Ça la ralentit, ça diminue les cas graves et ça permet à l’hôpital d'absorber à peu prêt les entrées, c'est tout…
J'ai cru comprendre que d'autres pays arrivaient à gérer l'épidémie sans pass. Bon, là, faudrait que j'aille vérifier les sources avant de dire des bêtises, mais ça serait intéressant de comparer. Évidement ça va parfois avec autant de manque de liberté (Singapour ou la Chine, c'est efficace, mais on ne va pas dire que la population est moins fliquée…). Mais il y a probablement d'autres exemples plus démocratiques.
[^] # Re: Pourtant ça partait bien
Posté par Zatalyz (site web personnel) . En réponse au journal Comment j’ai été réduit en esclavage, comment vous m’avez aidé, et les leçons que j’en ai tirées. Évalué à 10.
Dans l'absolu et la pratique, tu as raison. Les solutions pour avoir une domiciliation sont nombreuses et accessibles. Sachant justement à quel point ne pas avoir d'adresse de domiciliation est excluant, il y a des mécanismes pour contourner le problème. Ce n'est pas toujours magique non plus, j'ai galéré dans ma dernière coloc parce que je n'avais pas assez de justificatif à mon nom pour ouvrir mon compte en banque (qui voulait des documents précis du type facture d'énergie, payé par l'autre, et n'acceptait pas le reçu du loyer), mais bon, au prix de quelques galères, on peut trouver des solutions.
Dans l'expérience et le mental, ce qui est simple a priori et quand on est hors du problème est parfois complètement impossible quand on est "dans" le souci. Ici, je n'ai aucune idée de pourquoi l'auteur n'a pas cherché de solution au problème, mais je peux faire des hypothèses : le temps avant de comprendre à quel point c'était handicapant, le temps pour régler le problème avec un job qui prend toute l'énergie, les préjugés culturels trop ancrés du type "je ne vais quand même pas demander de l'aide à autrui, je ne peux pas être un paumé" qui amènent à nier le problème et ne pas le régler. Il a pu y avoir quelques recherches de solutions, réglées d'une façon boiteuse qui a semblé suffire dans un premier, comme le courrier reçu à l'entreprise.
Quand on est en possession de tous ses moyens et en capacités d'agir, certaines choses sont faciles. Quand on es en train de se déliter mentalement et que notre vie part en miette, les choses faciles peuvent devenir incroyablement complexes. Toutes. A posteriori, ça semblera peut-être idiot, mais sur le moment, quand on se croit coincé, c'est pas évident de dépasser ça.
[^] # Re: Pourtant ça partait bien
Posté par Zatalyz (site web personnel) . En réponse au journal Comment j’ai été réduit en esclavage, comment vous m’avez aidé, et les leçons que j’en ai tirées. Évalué à 10.
J'ai mis des années avant de comprendre que la notion de consentement et de discernement était une question qui ne pouvait avoir du sens qu'entre individus sur un pied d'égalité et travaillant énormément l'empathie et la discussion.
Sur la question du consentement : quand il y a une situation hiérarchique en jeu, de quelque nature que ce soit, le véritable consentement est extrêmement complexe. La plupart du temps, quand un patron demande à un employé de rester un peu plus pour finir un travail en cours, l'employé va dire oui. Peu importe qu'au fond ça l'embête, qu'il n'en aie pas envie, qu'il veuille être ailleurs, etc : il dit oui. Ce n'est pas un vrai consentement, pourtant le "non" n'est pas entendable ni avouable. Il faut des gens sacrément formés à poser leurs limites, avec une bonne confiance en soi, du courage et un je-m'en-foutisme sur les conséquences pour dire "non". Et le pire, c'est que dans la majorité des cas, ce "oui" donné à contre-cœur n'est pas vraiment un problème, c'est la négociation entre ses désirs personnels et les contraintes du monde réel. On a tous des moments où on fait ça.
Dans le cas des relations toxiques, ces pseudo-consentements se répètent, deviennent fréquents, effacent peu à peu la capacité à dire non à plus gros. Ça va plus ou moins vite suivant les gens et leurs propres vigilances face au phénomène, mais tout le monde est potentiellement concerné, à moins d'être un vrai sociopathe : en tant qu'être humain on a généralement une bonne idée de l'intérêt du groupe par rapport à sa propre personne, et c'est sur ce sentiment que vont se baser (entre autre) les mécanismes d'emprises. Je tiens d'ailleurs à préciser que la personne en face de soi n'est souvent même pas consciente d'imposer sa volonté et de manipuler autrui, ça peut être fait en toute bonne foi et c'est probablement le pire. J'en reviens à la question de l'empathie et de la discussion : personnellement, quand je suis dans des rapports hiérarchiques, je m'interroge quand je dis "oui", et je vérifie bien les "oui" qu'on me donne, parce que ça peut déraper assez facilement, mais cela prends un temps qu'on aimerais souvent passer à autre chose et ce serait faux de dire que c'est toujours checké. Maintenant si d'un côté il y a des gens peu sûrs d'eux, de l'autre une ou des personnalités qui s'imposent facilement, ça peut faire des dégâts.
Oui, c'est le point que je trouve dommage ici, ça aurait été mieux en deux journaux et il y aurait eu de quoi raconter sur chaque.
Questionner l'intention du témoignage se pose forcément vu la seconde partie. Le sujet du green pass fait écho à la situation traumatique vécu dans un autre contexte, mais est-ce pertinent de les mettre en lien ici ? Est-ce que cela n'est pas juste une façon de chercher une légitimité pour parler de privations de droits ? Et cette recherche de légitimisation est-elle nécessaire ? Parce qu'au fond, les arguments sur le green pass seraient les mêmes, quelque soit le vécu de la personne. Et c'est ces arguments et la façon dont les choses sont présentées qui sont réellement pertinentes à discuter dans le contexte, de même qu'il serait pertinent, par ailleurs, de parler des mécanismes d'emprises pouvant aller jusqu'à des formes d'esclavagisme. C'était risqué d'utiliser le terme, mais là dessus je rejoint l'auteur et j'aimerais que ce mot sorte des images d'Épinal "c'est loin dans l'espace et le temps et ça nous concerne pas" pour revenir à une interrogation sur des mécanismes bien réels, touchant n'importe qui dans la population et menant à des situations inacceptables, dont se sortir est souvent très complexe. Pour ceux qui s'en sortent, d'ailleurs.
[^] # Re: Pourtant ça partait bien
Posté par Zatalyz (site web personnel) . En réponse au journal Comment j’ai été réduit en esclavage, comment vous m’avez aidé, et les leçons que j’en ai tirées. Évalué à 10.
Ça c'est un préjugé commun et malheureusement dommageable. Tomber sous l'emprise de quelqu'un n'a aucun rapport avec son éducation, ses capacités propres, son réseau, le contexte global. Ça peut arriver à tout le monde, rapidement, brutalement, et quand le truc se met en place, le briser est quasiment impossible.
Il y a une affaire qui est sort récemment, concernant des avocats (lien ici, malheureusement avec paywall, mais l'affaire a du être relayé ailleurs). Il y a des choses discutables concernant cette affaire aussi, mais sur le fond : on pourrait penser que des avocats sont au courant du droit, qu'ils sont d'un milieu où ils sont armés pour réagir aux manipulations et à un environnement toxique. Il semblerait pourtant que nombre de gens, ici, se sont fait massacrés sans même penser à la base de leur métier, c'est à dire le droit…
Alors, oui, il y a des personnes plus faciles à abuser que d'autres, et c'est d'autant plus criminel. Mais ça ne veux pas dire que les mécanismes sous-jacents ne sont pas similaires, juste qu'il est un peu plus facile d'être un esclavagiste dans un pays qui n'essaie pas de protéger les êtres humains, et qu'on a un peu plus de moyens à disposition pour se sortir des ennuis quand on est dans le bon pays (encore que, quand on a eu affaire aux services pouvant aider, on sait que c'est parfois assez relatif).
Et surtout : oui, c'est très, très important d'apprendre qu'il y a des lignes rouges, et que quand elles sont franchies, il faut juste fuir le plus loin possible en abandonnant tout sur place, sans discuter, sans chercher à négocier quoi que ce soit. Et ne revenir qu'avec tout un groupe de soutien fort et apte à agir (qu'il s'agisse de la famille et des amis, d'une association, de la police, d'un syndicat, d'un bon avocat, bref ce qui est adapté au cas particulier). Mais c'est une erreur de croire que ces lignes rouges sont évidentes : on peut tous se faire avoir et être conscient de sa propre fragilité est la meilleure façon de se protéger.
[^] # Re: Tu fais ce que tu nous demandes de ne pas faire
Posté par Zatalyz (site web personnel) . En réponse au journal Comment j’ai été réduit en esclavage, comment vous m’avez aidé, et les leçons que j’en ai tirées. Évalué à 10.
On est peut-être moins fous que les autres. Je suis vaccinée, pour le vaccin, en faveur de l'obligation vaccinale avec dérogation exceptionnelle sur prescription d'un immunologue (et uniquement dans ce cas), et contre le pass sanitaire. Mais vu comme les gens sont calmes, posés et ouvert à la discussion, je préfère généralement fermer ma gueule et essayer de me concentrer sur des choses plus positives. Je n'ai pas envie de me faire lapider et traiter de ce que je ne suis pas, juste parce que ce dispositif est pour moi à la fois une insulte et une horrible manipulation aux conséquences dramatiques. J'ai un passe, parce que je suis vaccinée. Je ne l'ai pas demandé et je refuse de l'utiliser. Mon combat s'arrêtera là pour le moment.
Quand aux manifs, à part pour le plaisir douteux de se retrouver dans un groupe, je n'en vois pas l'intérêt. Je doute que la moindre manif aie jamais changé quoi que ce soit, sauf celles où ça finissait en coupant des têtes (ce qui n'est pas forcément l'idéal non plus). Je crois bien plus aux discussions tranquilles avec les personnes ayant des pouvoirs de décision, bref, le lobbying, parce que là j'ai des retours où peu de gens ont fait changer des choses. Pour le moment, mon énergie passe à soutenir quelques lobby sur des questions qui me sont plus vitales que le passe sanitaire, je l'avoue : on ne peut pas être de tous les combats. Les lobby ont en plus ceci de monstrueux : ils ne sont pas démocratiques, ne représente pas un nombre de gens, ou ceux qui gueulent le plus fort, mais sont pseudo-méritocratiques dans le sens où ceux qui sont le plus efficace pour agir et convaincre seront ceux dont le point de vue sur le monde aura un impact.
On a de la place, en tant qu'antipass, pour causer ? Je n'en suis pas certaine. La partie sur le passe, dans le journal, y'a plein de trucs que je n'aime pas, avec quoi je ne suis pas d'accord, mais je ne jurerais pas si l'auteur est antivaxx ou non parce qu'au fond ce n'est pas la partie intéressante. Et pourtant une bonne partie des commentaires part sur ça et le déclare a priori comme antivaxx. On pourrais plutôt parler de son évident nationalisme plutôt que de son douteux penchant antivaxx, mais non, on en est arrivé rapidement à ça et ça va focaliser pas mal les débats.
Où peut-on parler du pass sans dériver sur le fait que le vaccin c'est bien/mal, que les anti/provaxx sont tous des vilains méchants crétins idiots et autres simplifications foireuses ? J'espérais trouver de vraies discussions à propos du passe-sanitaire sur linuxfr (parce que bon sang ce truc pose des questions sur la liberté de circulation, la surveillance de masse, bref des sujets sur lesquels les gens ici se sentent concernés quand on parle des GAFAMs), mais ça dérive toujours sur des questions annexes, très vite, de façon extrêmement polarisés et vindicatives.
Je vais essayer, autant que possible, de continuer à fermer ma gueule. C'est dur, j'ai aussi envie de causer de tout ça, et pourtant je ne crois pas un seul instant que Linuxfr soit le lieu où avoir des vraies discussions sur le sujet. Le souci c'est qu'il n'y a pas vraiment d'endroit où en causer, c'est frustrant, et parfois, comme là, je craque.
Je ne sais pas si on est nombreux à être "provax antipasse". Tous ceux que je connais ont tendance à la fermer aussi, refroidi par le niveau des discussions, alors c'est sûr, on ne va pas nous entendre, ni nous compter.
[^] # Re: Pourtant ça partait bien
Posté par Zatalyz (site web personnel) . En réponse au journal Comment j’ai été réduit en esclavage, comment vous m’avez aidé, et les leçons que j’en ai tirées. Évalué à 10.
Oui, mais non. L'esclavagisme est avant tout une contrainte mentale, qui s'appuie aussi sur des contraintes physiques (mais pas forcément des chaînes matérielles). Il faut d'une façon ou d'une autre que la victime coopère, sinon son utilité est nulle. Même dans les cas où la contrainte physique est très forte, il reste qu'un certain nombre d'esclaves "choisissent" la mort plutôt que la situation qu'on leur impose. Je met entre guillemet parce que je ne suis pas certaine que le choix soit bien grand mais si on pousse ton argumentaire au bout, cela veut dire que la situation de ces gens à Dubaï n'est pas si grave parce que ceux qui souffrent vraiment mettent fin à leur jours, donc ceux qui vivent ne devraient pas se plaindre et l'ont choisi. Est-ce que c'est suffisamment moche, dit comme ça ?
Alors, après, oui : il y a plusieurs formes d'esclavagisme. Ce n'est pas un pack unifié et simple à appréhender. Les formes peuvent être variées, vécues avec plus ou moins de souffrances. C'est d'autant plus compliqué à appréhender qu'on est sur des sociétés où les mécanismes d’assujettissements (volontaires ou contraignants) sont nombreux et normés. Est-ce que cela veut dire que la liberté est un concept inutile et bon à mettre à la poubelle ? Ce n'est pas une question rhétorique, quand on commence à creuser ces questions ça devient vraiment compliqué. Est-ce que ça veut dire qu'on est tous "esclaves" à un moment ou un autre ? J'aurais tendance à dire que non, mais j'aurais aussi tendance à dire que l'esclavage moderne existe bien aussi et peut toucher tout le monde. Et si les conditions matérielles pour la sortie de prison sont un peu plus accessibles en France qu'à Dubaï, par exemple, cela ne veut pas dire que ce soit simple ou facile pour autant. Quand on est dans une situation où non seulement on a perdu l'accès à de nombreux droits, qu'on est isolé des personnes pouvant nous aider et incapable de savoir où les trouver, et que la pression qui pèse sur nous est telle que toute l'énergie est mobilisée sur la survie et non sur le fait de retrouver sa liberté, peu importe qu'on soit dans le pays des droits de l'homme : c'est la merde.
Et dire à quelqu'un qui a souffert qu'il aurait pu y faire quelque chose, c'est la même rhétorique que de dire à une fille qu'elle ne se serait pas fait violée si elle n'avait pas mis de jupe. Cela peut faire du bien en tant que victime de retrouver un peu de "pouvoir" en se disant "ici, j'ai fait quelque chose qui était de mon ressort et qui m'a porté préjudice"… ou pas ; en tout cas c'est à la personne de décider de ça, pas aux autres de porter un jugement sur sa souffrance et sa façon de la gérer.
Je ne suis pas fan, dans l'absolu, des notions de bourreaux et de victimes, qui tendent à binariser les actions, à réifier les personnes et à gommer la complexité des échanges et des motivations. Cependant ces notions sont aussi, dans leur simplicité, une véritable aide pour prendre conscience de ce qui coince et pour arriver à dépasser la situation imposée. En principe le travail complet consiste à ce qu'à un moment les personnes impliquées se voient mutuellement comme des personnes, justement, et non comme des rôles ; mais faut pas se leurrer, ce n'est pas un stade facile à atteindre. En attendant, si quelqu'un arrive à se sortir d'une situation horrible en rejetant la faute sur autrui, si une autre vacille un peu dans ses certitudes sur la façon de traiter les gens parce qu'on le traite de grand méchant, c'est tout de même un peu mieux que la situation de départ.
J'ai accompagné des gens dans des situations pires, meilleures ou similaire à celle de l'auteur. En le lisant, je ne me suis pas braquée, au contraire, j'ai trouvé qu'il arrivait à parler avec beaucoup de délicatesse d'un sujet vraiment extrêmement difficile. Ce qui me braque, c'est de voir arriver si vite dans les commentaires le dénigrement de son ressenti et de son vécu.
La chose primordiale dont les victimes de traumatismes ont besoin quand elles s'en sortent, c'est de validité et de légitimation. Cela ne veut pas dire de dire oui à tout ce qu'elles disent, mais remettre en question ce qu'elles ont vécus et le nier est une violence ignoble. C'est pour cela que les victimes en tout genre prennent l'habitude de se taire, parce que chaque fois que les jugements sont faits sur leur vécu, on leur enlève à nouveau le droit d'exister. Or c'est justement leur parole qui permet de dénouer peu à peu d'autres situations similaires, et permet à d'autres "victimes" de relever la tête et s'en sortir, et d'autres "bourreaux" de remettre en cause leur façon de faire et de traiter les gens.
[^] # Re: Salaire up
Posté par Zatalyz (site web personnel) . En réponse au lien Trouver des développeurs va être votre plus gros casse-tête cette année (Python, Java, Javascript). Évalué à 7.
Il y a des tas de trucs qu'on ne peut pas raconter, ça n'est pas crédible (et pourtant bien réel) !
Ça me rassure, je ne suis pas la seule masochiste à qui ça manque… J'ai arrêté à cause de soucis de santé, et j'ai tenté dans tous les sens de trouver comment concilier mes problèmes et l'envie de bosser en restauration. C'est là où j'ai pu le mieux voir le rapport de force dans ce milieu, en fait. Il y a toujours quelqu'un qui cherche pour un remplacement, un extra, et qui me saute dessus pour demander si, par hasard, je ne pourrais pas venir. J'exposais mes contraintes et demandes, et on trouvait toujours un terrain d'entente. C'était assez fou parce que je me suis rendue compte que finalement, malgré des conditions de travail foireuses dans plein de boites, on pouvait aussi arriver à quelque chose de très bien, en prenant le temps de discuter, en particulier sur les aménagements horaires. Mais bon, on ne peux pas contourner indéfiniment le principe de réalité : quand physiquement ça ne peux plus, ben… ça ne peux plus. Par contre si un jour un remède s'avère efficace, il y a un gros risque que je retourne là-dedans. Je me suis formée à plein de métiers au fil des ans, mais c'est là que je me suis sentie le plus vivante.
[^] # Re: Salaire up
Posté par Zatalyz (site web personnel) . En réponse au lien Trouver des développeurs va être votre plus gros casse-tête cette année (Python, Java, Javascript). Évalué à 7.
Ha mais oui, tout ça aussi et pire encore ^
Typiquement, je n'ai jamais vu la couleurs des pourboires en bossant en cuisine. Un jour une des serveuses a laissé tomber ce qu'elle avait gagné en pourboire au service précédent et j'ai vu un peu rouge. Ne laissez jamais de pourboires en restauration, ça ne sert qu'aux plus enfoirés de la boite.
Les douches, idem, c'est obligatoire en principe mais je n'en ai jamais vu qui étaient fonctionnelles, déjà rien que d'avoir un coin pour se changer, qui permette un tout petit peu d'intimité ce n'était pas simple… Mais étrangement sur ça, mes collègues n'ont jamais été pénibles avec moi. Les remarques très graveleuses oui, mais tout le monde trouvait un truc à faire ailleurs au moment où j'avais besoin de me changer :)
Et le salaire au SMIC sur lequel on rogne repas et hébergement… sauf que les repas sont les restes qu'on ne peut décemment plus refiler au client sous peine de voir le service d'hygiène débarquer, et que l'hébergement consiste en un placard pas chauffé ni insonorisé (avec parfois une fenêtre, quand même !), au prix d'un F2 à Paris…
Et les jours de repos : tu sais en début de semaine que tu auras tel jour pour souffler, et chaque semaine ça varie, de telle sorte qu'il est toujours impossible de prévoir quoi que ce soit ; jamais deux jours d'affilés ; le samedi et le dimanche sont toujours pris par le chef donc jamais tu ne peux aller socialiser avec tes anciens potes…
Et ces foutus clients qu'il faut absolument accepter alors que le service est finiiiiiiiiiii, et qui forcent à ce qu'on reste 2h de plus sur place, pas payé. Jamais payé.
Il y a aussi toutes les blagues sur la vétusté des installations. Dans l'une des cuisines, je passais pendant le service le racloir au plafond pour enlever un peu de condensation avant que ça retombe trop dans les plats. J'ai appris plein de trucs en plomberie, c'est dingue comme tout se bouche sans cesse. Pas mal d'endroit, je n'ai jamais compris comment les services d'hygiènes pouvaient les laisser ouvert, c'était tellement incompatible avec le HACCP… carreaux cassés, peinture écaillée, des recoins impossibles à nettoyer, des trucs de sécurités qui n'étaient plus fonctionnels…
C'est un milieu de fou. À tout point de vue. Il y a des trucs que j'ai adoré malgré ça, c'est pour ça qu'on parle de "métier passion" j'imagine : impossible de le faire si on n'est pas siphonné complètement. Le flux d'adrénaline du service, la satisfaction quand tout est fini de voir sa cuisine propre et tout en place pour le lendemain, et savoir que tout est carré, la manière dont on optimise peu à peu chaque geste pour devenir plus efficace, et même le handicap social de tous les cuistots, qui fait que même si on s'est hurlé dessus en plein coup de feu, on peut aller boire ensemble à la fin du service, toute l'énergie déchargée.
[^] # Re: Salaire up
Posté par Zatalyz (site web personnel) . En réponse au lien Trouver des développeurs va être votre plus gros casse-tête cette année (Python, Java, Javascript). Évalué à 10. Dernière modification le 16 janvier 2022 à 14:12.
Je peux te donner les moyennes constatées sur le terrain et dans ma branche, sachant que c'est donc très empirique. Faudrait trouver les vrais chiffres des statistiques à un endroit, sauf que je sais que ce qui est déclaré n'est pas forcément ce qui est servi ; le "black" est très courant, à tout les niveaux, en restauration.
En général j'ai bossé dans des structures à moins de 10 employées (4 en cuisine, 4 en salles et un manager), avec des services en moyenne autour de 150 couverts par service. Ça allait facilement à 200 couverts les bons jours, ça descendait à 100 les moins bons ; en brasserie tous les midis de semaine sont pleins, les soirs et le dimanche un peu plus calme, tandis qu'en gastronomique je voyais plutôt l'effet inverse avec les groupes le dimanche, en plus (l'enfer à gérer, ça… essayez de distribuer 50 plats chauds au même instant !). Sur la brasserie, la moyenne d'un repas est à 15-20€, en laissant les boissons de côté (je n'y voyais pas passer, je ne sais pas à quel point les gens boivent). Ça fait 2 250€ par service, sans charger la mule. Il n'y avait pas de jour de fermeture dans les restos où j'ai bossé, on tournait juste au niveau du personnel pour avoir un jour ou deux (rarement d'affilé…), donc ça fait 30 jours par mois, à deux services : 135 000€/mois de revenu. Après, attention, les frais de la restauration sont réels : il faut acheter de la matière première, payer l'énergie pour les frigos, les fours, etc, et évidement le loyer, les cotisations. Au CAP on apprend à calculer précisément les coûts, et puis très vite on se rend compte que la règle des 4/4 s'applique assez souvent : 1/4 pour le produit, 1/4 pour le salaire, 1/4 pour les frais et 1/4 pour l'état ! Ce n'est pas très scientifique mais c'est une base correcte pour ne pas se planter trop quand on gère son propre restaurant.
Et c'est là où l'informatique s'en sort probablement mieux au niveau des coûts. Déjà, oui, quoi qu'il arrive, c'est réplicable à plus grande échelle et même Macdo a du mal à concurrencer Google ; ensuite, même en exploitant à mort toute la chaîne, il me semble que renouveler tous les jours la nourriture coûte proportionnellement plus de sous que la facture électrique et l'amortissement du matériel informatique. Les frais de base, proportionnellement, sont sans doute plus élevé en restauration.
Il faut voir aussi que les situations varient pas mal suivant les types de structure :
- fast-food, cuisine de rue : qu'il s'agisse d'industrie (type chaine de restauration rapide) ou de gens tous seuls (le kebab du coin), ça reste les plus rentables car les coûts sont très simples à bien maitriser, les procédures très simples à mettre en place, et il est possible de fournir un très grand nombre de gens en un temps limité. Le facteur "temps" est la base en restauration : l'objectif est de servir le maximum de monde entre midi et 13h30 puis entre 19h et 22h.
- Brasserie : panier moyen plus élevé, et puis on ajoute le café, les boissons, sur lequel on fait des marges énormes, mais par contre suivant les plats, les marges sont plus ou moins bonnes (entre les ingrédients utilisées, le temps pour les envoyer, et pour qu'ils soient mangés)
- Gastronomique : l'objectif est de faire payer un max à chaque client et de lui faire croire qu'on lui en donne pour son argent, ce qui veut dire beaucoup plus de frais quand même, et entre autre plus de personnel. C'est les entreprises les plus risquées, une mauvaise gestion met vite dans la panade. Après, j'ai bossé dans un soit-disant "gastro" avec des menus à minimum 40€, où on faisait aussi nos 200 couverts le dimanche, et où en cuisine, on ouvrait régulièrement des boites qu'on arrangeait légèrement. L'une de mes premières et pire expérience à tout point de vue, mais ça n'a pas suffit à me dégoûter :D. De mon expérience et des histoires des collègues, c'est aussi là où le personnel est le plus exploité, à faire des heures non payées. Et quand je parle d'heures, c'est en général 5 à 10h sur place chaque jour qu'on ne verra jamais apparaître sur une fiche de paie. "Mais ce n'est pas du travail, c'est pour le plaisir qu'on va s'occuper du jardin, faire les marchés, faire des cygnes en sucre filé, etc. Et si tu ne viens pas, c'est vraiment que tu n'es pas investi. Ho et puis il est minuit mais on a deux clients qui viennent d'arriver, on ne va pas les laisser. Comment ça il y a encore une heure de ménage à faire, après le dernier couvert ? Tu peux venir demain à 5h plutôt que 6h ? Il faut qu'on prenne un peu d'avance pour le mariage de ce week-end". Un copain ayant bossé chez un restaurateur très renommé me parlait avec nostalgie de son expérience, où il dormait 4h par nuit et 1h l'après-midi, tout le reste de son temps étant consacré à son patron. C'est sûr, il avait appris des tours de main…
[^] # Re: Salaire up
Posté par Zatalyz (site web personnel) . En réponse au lien Trouver des développeurs va être votre plus gros casse-tête cette année (Python, Java, Javascript). Évalué à 10.
Alors, en fait, pas exactement. Et je vais en profiter pour ramener ma fraise d'ancienne cuisinière :)
Avec la pandémie, c'est assez sûr que c'est le bordel pour la restauration, mais avant ça, on avait le plein emploi en tant qu'employé. Et des salaires pitoyables et des conditions de travail moches. Mais aucun rapport avec le gain du patron, et tout avec la culture du métier.
En général, quand on bosse en restauration, on commence le travail vers 14-16 ans, en passant du temps en entreprise, où les chefs apprennent à la dur de la même façon qu'ils ont appris. C'est à dire : tu ferme ta gueule, tu donne tout, tu te contente de ce qu'on te donne. Quand on veut, on peut. On formate vraiment les gens dans une culture d'entreprise extrêmement violente et malsaine, ceux qui restent sont ceux qui l'assument. Quand je bossais, l'un de mes chefs m'a raconté que bon, ça ne se faisait plus trop de lancer les couteaux sur les gens… sauf quand ils le cherchaient vraiment. Bosser 60h par semaine, pour 35h payées, c'était la norme. On apprends que ça marche comme ça, et on n'apprends pas à le remettre en cause.
La culture syndicale ? Néant. Le seul syndicat que j'ai trouvé dans la restauration était celui… des patrons.
Qui, eux, sont bien structurés. Évidement ça dépend lesquels, mais rapidement quand on bosse dans le milieu, on découvre qu'ils se connaissent tous plus ou moins. Quand à l'illusion des petits restos, c'est souvent une stratégie d'investisseurs, qui possèdent plusieurs structures à moins de 10 salariés (en dessous du nécessaire pour avoir des délégués syndicaux).
Le rapport de force est donc le suivant : un patron dont la formation est celle de gestionnaire, avec niveau bac+5, expliquant à des gens n'ayant pas passé le bac que les fins de mois sont difficiles et non, on ne peut pas payer les heures sup, et le smig c'est déjà bien. Sauf que si tu additionne le nombre de couverts journaliers par le prix moyen du repas, la somme dépasse très, très largement tous les frais (sauf les quelques patrons pas doués, y'en a aussi, bien sûr).
Je suis allée à la restauration en reconversion, avec déjà un bon background politique, connaissant mes droits. Durant les quelques années où j'ai pu bosser dans le milieu, je n'ai jamais manqué de taf, il me fallait en moyenne une semaine pour trouver une nouvelle place. J'ai négocié mes salaires âprement, luttant contre mes propres conditionnements. J'étais probablement l'une des mieux payées à mon niveau de compétence, avec des conditions qui me convenaient ; j'aurais pu faire mieux mais je n'avais pas assez de confiance en moi pour ça. À chaque fois que j'ai quitté un poste, le resto me rappelait le mois suivant pour me demander si je pouvais venir faire un extra. "Uniquement payé le double ? Ok ok, mais vient s'il te plait". Bon généralement si je changeais de taf c'était pour aller vers mieux ;)
La restauration, c'est un secteur extrêmement lucratif. Si les employés sont mal payés et dans de mauvaises conditions, c'est parce qu'ils ne sont ni formés, ni organisés et qu'ils se font vulgairement balader avec des lieux communs. Il y a un rapport du plus fort qui est évident. Je n'ai même pas besoin d'ajouter à ça tout les rapports avec les milieux interlopes (qui sont bien réels dans certaines boîtes).
Par contre, la mobilité est très grande. Un cuistot même médiocre sait qu'il retrouvera du job dès qu'il cherchera. Juste, pas forcément dans la boite qu'il veut, ni aux conditions qu'il veut. Mais il aura du job. Donc c'est aussi "normal" d'abandonner son poste en milieu de service, de partir en claquant la porte et de ne pas revenir. Chose qui ne se fait pas dans beaucoup de métier ! Et si on me rappelait pour les extras, c'est entre autre parce que j'ai toujours mis un point d'honneur à faire mon service jusqu'au bout et à rendre mon poste plus propre qu'à mon arrivée. Ça surprenait tout le monde.
Les cuistots qui ont un peu plus d'éducation mettent des sous de côtés, puis finissent par faire leur propre resto, où ils pourront exploiter à leur tour des grouillots en prétendant que les fins de mois sont difficiles.
Je tempère cependant légèrement : il est possible de faire un raté monumentale en cuisine et de finir surendetté. Les "pauvres" patrons qui font ce genre de soleil sont soit des gens qui ont trop regardé Top Chef et qui croient qu'il suffit de faire des bons plats pour avoir un revenu, soit les employés qui partent trop tôt faire leur boite sans avoir compris qu'il faut payer des salaires et des frais.
Bref. Le rapport de force dans les divers métiers ne dépend pas que de l'offre et la demande, mais aussi de la formation de chaque partie à défendre son bout de gras. Ou de la bonne volonté des deux parties à trouver un contrat mutuellement profitable (ça arrive aussi même si c'est plus rare).
[^] # Re: Développer pour soi, partager le résultat
Posté par Zatalyz (site web personnel) . En réponse au journal Quand les entreprises ne reversent rien aux logiciels libres. Évalué à 7.
J'irais même plus loin, envisager le fork dès le début de son projet est une bonne façon de savoir si le libre nous correspond vraiment. Et cela a un impact sur la suite : quand on bosse en se disant "peut-être à un moment, quelqu'un va forker, pour suivre une autre voie", ça amène à travailler autrement, pour que cet hypothétique fork puisse faire naitre de bonnes choses. Moi ça me pousse à documenter plus, à affiner les procédures pour que d'autres se réapproprient les projets, contrairement à mes projets privés qui sont très obscurs après quelques années. Ça m'aide aussi à refuser la pression dans certains cas : si les gens veulent vraiment tel ou tel truc qui ne m'intéresse pas, qu'ils bossent pour le faire et le gèrent dans leur fork, ce n'est pas un problème.
Je trouve que le fork fait partie des très grandes richesses du libre. Cette liberté-là permet que de la diversité naisse, que des projets qui mourraient autrement puissent revivre. J'aimerais que tout logiciel proprio qui cesse d'être exploité soit libéré, afin qu'on puisse en reprendre les bonnes choses et les transformer.
[^] # Re: Développer pour soi, partager le résultat
Posté par Zatalyz (site web personnel) . En réponse au journal Quand les entreprises ne reversent rien aux logiciels libres. Évalué à 8.
Ce qui est réellement naïf est de choisir une licence sans en comprendre les enjeux. Je vais me faire l'avocat du diable, mais le droit d'auteur de base est une solution parfaitement acceptable quand on ne veut pas se prendre la tête : on code son truc pour résoudre son propre problème, puis on trouve que c'est bien et on peut le montrer aux gens mais… cela ne veut pas dire que ça doit être sous licence libre. D'ailleurs les licences libres s'appuient sur le droit d'auteur, en formalisant dans un contrat (avec les termes juridiques qu'il faut) les droits que l'auteur va concéder à ses utilisateurs. Le modèle du freeware n'a pas disparu : un logiciel qui reste sous licence propriétaire classique, mais qui est distribué gratuitement avec la bénédiction de son auteur. On peut aussi publier son code, le montrer aux gens, sans leur donner le droit d'en faire quoi que ce soit en dehors de le regarder et de nous faire des retours sur sa qualité. Ce n'est pas libre, mais c'est possible, c'est permis ;)
À partir du moment où on fait un choix, il faut en comprendre les conséquences. Faire du libre, c'est donner des droits aux utilisateurs, et du vrai libre, c'est des droits y compris à des gens qui ne diront jamais merci.
Le libre a plein d'avantages. Mais ce n'est pas la solution à tout, et c'est une mauvaise solution "par défaut". Beaucoup de gens ne sont pas prêts à ce que leur code soit utilisé par "n'importe qui, n'importe comment", ne voient pas les divers scénarios possibles. C'est intéressant de questionner le rapport à son œuvre et au partage, justement, et le choix d'une licence est le moment de se poser des questions !
Je préfère vraiment des gens qui hésitent, qui vont rester sous des licences plus ou moins fermées, et qui peuvent libérer au fil du temps une partie de leur travail en toute conscience, à ceux qui ont vu la lumière et se jettent sur la licence WTFPL "parce que je ne veux pas m'embêter avec le droit d'auteur", puis qui se plaignent quelques années plus tard que leur code soit utilisé à l'encontre de leurs valeurs.