Linus Torvalds: comment éviter que RISC-V ne reproduise les erreurs du passé?

Posté par  (site web personnel) . Édité par Ysabeau 🧶 🧦. Modéré par Ysabeau 🧶 🧦. Licence CC By‑SA.
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juil.
2024
Matériel

Lors de leur keynote à l'Open Source Summit 2024, Linus Torvalds et Dirk Hohndel ont échangé sur l’avenir des architectures matérielles libres, en particulier RISC-V. Linus, avec son franc-parler habituel, a partagé ses craintes et ses espoirs concernant l’évolution de RISC-V et le rôle crucial que peuvent jouer les communautés open source pour éviter les erreurs passées, notamment dans le développement des plateformes comme ARM et x86.

Linus estime qu’il existe un risque majeur que RISC-V répète les erreurs commises par les architectures précédentes, comme lorsqu’ARM est devenu une plateforme serveur et a ignoré en partie les leçons apprises lors du développement de l’architecture x86, notamment en matière de sécurité. Cependant, il reconnaît également que grâce à l’expérience accumulée, ces erreurs ont été corrigées plus rapidement. La question cruciale est à présent de savoir si RISC-V saura tirer parti de cette expérience collective pour éviter ces écueils ou s’il devra traverser les mêmes cycles d’apprentissage douloureux.

Leçons du passé et rôle des logiciels libres

Les erreurs évoquées par Linus sont multiples. Il parle notamment des problèmes de compatibilité et d’interopérabilité qui ont compliqué l’adoption de nouvelles architectures matérielles. Il mentionne également le manque de communication entre les concepteurs de matériel et les développeurs de logiciels, créant un fossé qui ralentit l’innovation et entraîne des inefficacités. Enfin, il rappelle que les délais nécessaires pour corriger les erreurs matérielles sont bien plus longs que pour les logiciels, ce qui peut freiner l’évolution des nouvelles technologies.

Cependant, l’open source présente une opportunité unique pour surmonter ces obstacles. Une architecture matérielle ouverte comme RISC-V permet une transparence totale, où les développeurs de logiciels peuvent intervenir dès les premières phases de conception pour s’assurer que les erreurs du passé ne se reproduisent pas. Cette collaboration précoce entre développeurs matériels et logiciels est essentielle pour anticiper et résoudre les problèmes avant qu’ils ne deviennent des obstacles majeurs.

L’open source a déjà prouvé sa valeur dans le domaine des logiciels en offrant une flexibilité et une adaptabilité incomparables. Cette même philosophie appliquée au matériel peut accélérer l’innovation et permettre de répondre plus rapidement aux besoins du marché. De plus, une communauté ouverte permet de partager les connaissances et les meilleures pratiques, réduisant ainsi les risques de répéter les erreurs passées.

Sécurité et architecture matérielle open source

Un point crucial soulevé par Linus concerne la sécurité, en particulier les défis posés par les failles matérielles et les attaques par canal auxiliaire. Ces vulnérabilités résultent souvent des optimisations dans le silicium, comme l'exécution spéculative, qui peuvent être exploitées pour compromettre la sécurité des systèmes.

Linus a exprimé sa frustration face à la nature secrète des processus de gestion des failles de sécurité dans le domaine du matériel. Il a souligné que cette opacité empêche de travailler en toute transparence sur ces problèmes intéressants et techniques. Une architecture matérielle open source, comme RISC-V, pourrait potentiellement atténuer ces frustrations en permettant une collaboration ouverte dès le début, facilitant ainsi la détection et la correction rapide des vulnérabilités.

L’open source offre également un modèle de confiance basé sur la transparence et la vérification par les pairs. Dans le contexte de la sécurité, cela signifie que les failles peuvent être identifiées et corrigées plus rapidement grâce à une surveillance continue et à une coopération étroite entre les développeurs de matériel et de logiciels.

La vision d’un avenir open source pour le hardware

L’un des points forts de l’open source est sa capacité à démocratiser l’accès à la technologie. Avec des projets comme RISC-V, il est possible de voir émerger des solutions matérielles qui ne sont pas seulement le produit de quelques grandes entreprises, mais le fruit d’une collaboration globale. Cela peut mener à des avancées significatives non seulement en termes de performances, mais aussi de coûts et d’efficacité énergétique, en offrant des alternatives viables aux architectures propriétaires.

Linus Torvalds a également évoqué l’évolution des pratiques du développement du matériel. Il y a dix ans, il était difficile de passer de x86 à une autre plateforme, mais aujourd’hui, grâce à l’open source, la transition est beaucoup plus fluide. Les utilisateurs finaux ne se soucient plus de savoir si leur serveur fonctionne sur un processeur Intel, AMD ou ARM ; ce qui compte, c’est que l’infrastructure logicielle soit solide et interopérable.

Pour que RISC-V réalise pleinement son potentiel, il est donc crucial que les communautés du logiciel et du matériel libres continuent de favoriser une culture de partage et de collaboration. Les développeurs de logiciels doivent être encouragés à s’impliquer dans le processus de conception matérielle, et vice versa. En travaillant ensemble, ils peuvent s’assurer que les erreurs du passé ne se reproduisent pas et que les nouvelles technologies répondent aux besoins réels du marché.

Aller plus loin

  • # MJ

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 5 (+4/-2).

    Heal the World, make it a better place, for you and for me and the entire human race…

    (chante avec moi)

    Non, blague à part, c'est cool !

  • # Merci pour la transcription

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 7 (+5/-0).

    J'avais du mal à me décider de passer une demi heure alors que ce résumé me conviens parfaitemen !

    « Il n’y a pas de choix démocratiques contre les Traités européens » - Jean-Claude Junker

  • # Encore du travail pour RISC V

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 8 (+6/-0). Dernière modification le 15 juillet 2024 à 11:14.

    Des remontées que l'on a du RISC V, l'efficacité de l'architecture n'est pas encore au niveau de ce qu'il se se fait sur ARM ou X86_64. On répondra que ce sont des processeurs pour l'embarqué, mais quand même.

    Mais l'OpenSource a son épingle à tirer du fait de l'évolution des processeurs : ayant "trop" de transistors à graver, les architectures deviennent de plus en plus des SoC et des contraintes de plus en plus complexes comme le fait qu'un die doit être à + de 50% non alimenté pour ne pas trop chauffer

    La conception de processeur deviens plus compliqué, mais la réutilisabilité du code va devenir crucial car les sous parties spécialisées vont devenir prépondérantes, dans un contexte où la puissance de calcul augmente de 3% par an

    « Il n’y a pas de choix démocratiques contre les Traités européens » - Jean-Claude Junker

  • # Unification de l'ISA mais fragmentation des microarchitectures

    Posté par  . Évalué à 5 (+5/-1).

    De mon point de vue, le risque est la prolifération de plein de microarchitectures différentes supportant la même ISA. Une même ISA, c'est bien pour la portabilité du code mais pas pour la portabilité des perfs. Et il va y avoir celles qui seront documentées, et les autres bien opaques : c'est in/out of order ? combien de ports FMA ? c'est quoi la latence/throughput de tes instructions ? la largeur de ton unité SIMD ? etc. Un peu comme sur Arm entre un Cortex et des designs customisés genre M1, Graviton4, A64FX, etc. Et après dans le compilo il faudra un flag pour chaque type, comme c'est déjà le cas aujourd'hui mais sans doute avec un encore plus grand nombre de "saveurs". Bref, encore du boulot !

    • [^] # Re: Unification de l'ISA mais fragmentation des microarchitectures

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 10 (+11/-2). Dernière modification le 16 juillet 2024 à 16:18.

      alors

      si je te parle de MST / MSO dans les Telco, tu penses à quoi si je n'indique pas la signification à la 1ère utilisation ? (et encore, j'ai donné le contexte…)

      Mais que cela ne t'empêche pas de préciser ta pensée (et tes sigles / acronymes), c'est intéressant ;-)

    • [^] # Re: Unification de l'ISA mais fragmentation des microarchitectures

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 4 (+2/-1).

      Les flags pourrait être utilisable si ils sont inclusifs.

      Si tu as 4 groupes d'instructions, cela te donne 16 combinaisons possibles : aucune chance que les logiciels gèrent toutes les combinaisons.

      L'histoire du x86 permet de voir ce qui se passe : au début, seul les instructions de base sont utilisés (Debian compilé en "i486"), le reste ne l'est pas. Puis, le SSE 2.1 devient utilisé lorsqu'il est inclus dans AMD64. Certaines instructions spécialisés sont utilisé parfois très localement (instruction AES dans openssl), ou le SIMD dans les jeux et photosphop.

      Le fait d'avoir une instruction gérée par le compilateur ou non, change tout sur son adoption, mais attention aux problèmes de retro-compatibilité.

      Pour que cela marche pour le RISC V, il faut avoir 4 saveurs : lite, base, medium, large, avec lite, sans option, et large tout inclus.

      Ainsi, il n'y a que 4 versions de codes à gérer au pire.

      "La première sécurité est la liberté"

    • [^] # Re: Unification de l'ISA mais fragmentation des microarchitectures

      Posté par  . Évalué à 2 (+0/-0). Dernière modification le 08 août 2024 à 14:08.

      la même ISA

      Bah, tant que c'est vraiment la même ISA ça va encore, après tout c'est déjà le cas dans le monde x86.
      Mais RISC-V autorise des extensions privées et ça, ça peut être un vrai problème.

  • # À part l'ISA ?

    Posté par  . Évalué à 2 (+0/-0).

    À part l'ISA, autre chose est open-source ?

    Je vois que certaines implémentations matérielles sont open-source, mais ce qui va se retrouver dans les micro-controleurs vendus en masse le sera t-il également ?

    Discussions en français sur la création de jeux videos : IRC freenode / #gamedev-fr

    • [^] # Re: À part l'ISA ?

      Posté par  (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 1 (+0/-0).

      Dans un premier temps probablement que non, mais il se pourrait bien qu'une partie du matériel open-source soit soutenu par la communauté et donc vive bien. Un peu comme Linux. Ce qui est vendu n'est pas open-source mais beaucoup de firmes y contribuent à commencer par Microsoft et Google… au final on arrive à des OS comme Debian ou Ubuntu 100% open-source.

      Sous licence Creative common. Lisez, copiez, modifiez faites en ce que vous voulez.

      • [^] # Re: À part l'ISA ?

        Posté par  . Évalué à 1 (+0/-0).

        Juste parce que je suis un vieux grincheux :

        au final on arrive à des OS comme Debian ou Ubuntu 100% open-source.

        Hmm. Les premières distrib étaient là avant et ce n'était pas vu d'un bon œil de la part des grands acteurs économiques du secteur. C'est relativement récent l'open source friendly des grands firmes et je dirais que ça c'est fait contre leur volonté.

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