lasher a écrit 2732 commentaires

  • [^] # Re: Est-ce que ça sert ?

    Posté par  . En réponse au journal Coursera s'agrandit & cours sur les compilateurs. Évalué à 7.

    le problème n'est pas le système ce sont les profs. Je le vois autour de moi, les plus mauvais de ma promo veulent finir prof (et ils sont bien partis pour), et les meilleurs partirons travailler en entreprise. (Enfin, quand je dis les plus mauvais, ce ne sont pas ceux qui ont les plus mauvaises notes, je veux dire ceux qui ont le moins de culture informatique et qui seraient les moins compétents en situation réelle.)

    Soupir

    Je ne sais pas encore si je finirai prof ou pas (parce que tout simplement il est très difficile de devenir prof en règle générale, et que le côté « glamour » caché se situe dans la tonne de documents à rédiger pour obtenir des financements). Mais en tout cas je connais un grand nombre de chercheurs français dans mon domaine (calcul haute-performance, compilation, parallélisme) qui sont profs ou ont une charge qui n'est finalement pas si loin de celle de prof. Sans aller jusqu'à dire qu'ils sont tous bons, une grande majorité d'entre eux sont excellents. Après, tout dépende de ce que tu cherches. En IUT, licence pro et aussi en IUP je crois bien, au moins 30% des enseignants sont issus du monde professionnel (et c'est censé monter à 50% en STS).

    En école d'ingé, je ne suis pas certain qu'il y ait une quelconque obligation, mais il y a des modules d'aide à la professionnalisation dans toutes ces formations.

    La fac n'a aucune obligation de ce côté. Et oui, c'est un peu la loterie : certains sont excellents théoriquement, et nuls techniquement; d'autres sont plutôt bons en théorie et technique. Certains enseignent une matière qui ne les concerne pas pour leur recherche, et du coup parfois enseignent mal¹. Mais j'au aussi vu des profs NULS en IUT (notamment un prof qui passait plus de temps à aller mater les cours de la bourse sur boursorama, parler au téléphone avec un courtier quelconque, etc., pendant que nous planchions sur des exos en TD), certains NULS en technique en école d'ingé (par ex un prof brillantissime en recherche opérationnelle, très grand chercheur, mais qui ne faisait preuve d'aucune pédagogie, et n'était clairement pas programmeur), etc.

    J'ai eu de la chance, mes profs d'IUT en programmation (C/C++/Java et qqs autres) étaient d'excellents pédagogues. Pour mes profs de C au moins, c'est très simple : les profs en question avaient plus ou moins renoncé à faire de la recherche. Ils étaient directeurs de département, enseignaient en formation dans les boites, en cours du soir, parfois consultaient pour de grosses boites, etc., mais au final avaient accepté de mettre leur carrière académique au placard, ou en tout cas vraiment beaucoup en sourdine.

    Enfin, tous ces camarades que tu dis voir vouloir devenir profs, dis-toi bien que la compétition est féroce. La plupart n'arriveront pas plus loin que le doctorat (ce qui est déjà pas mal), et souvent sur des thèmes effectivement abstraits. Ceci est relativement spécifique à la France cependant : il semblerait que l'info théorique (algorithmique/RO, intelligence artificielle, etc.) soit la partie dominante de la recherche en France, et que des thèmes plus concrets tels que la compilation (qui a aussi tout plein de composantes très théoriques hein), l'optimisation de code, la parallélisation, la recherche en systèmes d'exploitation et d'environnement d'exécution, etc., sont bien moins côtés. Idem pour la recherche en bases de données ou réseaux. Pourtant, dans la plupart de ces thèmes de recherches, bien que la théorie soit importante, il est important de pouvoir quantifier les résultats (i.e. avoir des chiffres qui démontrent que la solution que nous proposons marche mieux que celles qui existent pour le moment).

    Bref. La pratique de la programmation est assez importante dans certains thèmes de recherche, et pas dans d'autres. Ce n'est pas surprenant.

    Quant aux bonnes pratiques, etc., il est difficile de les inculquer aux étudiants en fac (et bien plus facile en STS ou IUT), tout simplement parce que l'enseignement informatique prend une part bien moins importante que dans les filières spécialisées.

    Ça ne veut pas dire qu'on n'essaie pas, juste que ce n'est pas si simple que ça en a l'air.

    Donc on a (pour la plupart, mais je généralise) des profs incompétents, qui apprennent des conneries à leurs élèves, typiquement l'utilisation d'Access pour faire une petite application de TPE sans serveur central (le truc plus souple, et moins cher à faire avec Python/C++(Qt) et SQLite), ou encore que PHP et Java sont les seuls langages de programmation, que toute application doit être web, qu'il faut externaliser les services,…

    Parle pour ton école/ta fac. J'ai eu en grande majorité des profs qui savaient de quoi ils parlaient en IUT, et en école d'ingé aussi. Quant à ton exemple de « connerie » d'utiliser Access au lieu de Python+SQLite, ça me fait doucement rigoler. En tant qu'enseignant, je préfère utiliser des technos libres par conviction, mais ici le MSDNA donne accès gratuitement aux outils MS aux étudiants. Ce qui signifie aussi que entre demander aux étudiants d'apprendre Python (ou encore pire, C++) (+ Qt) + SQL + SQLite, on peut demander aux étudiants d'apprendre un langage .Net (ou C++, ou Python, ou…) + SQL + Access. Pourquoi l'un serait meilleur que l'autre ? Sur quels critères techniques te bases-tu ?

    Tu es censé « apprendre à apprendre ». On te fait voir des technos et des langages, et une fois diplômé, tu devrais être assez grand pour apprendre un n-ième langage, ou une n-ième techno à installer/configurer.

    Pour une TPE, tu trouves que Python+Qt+SQLite c'est plus simple à mettre en œuvre et apprendre que (disons) VB.Net (où tu clicouilles pour réaliser ton interface graphique) + Access ? Vraiment ? As-tu déjà essayé ? Parce que pour moi la différence est flagrante. C'est pas portable, ça t'enferme dans une solution proprio, mais niveau prototypage, c'est très efficace car tout intégré.

    J'aime pas la solution MS hein, mais évitons de raconter n'importe quoi non plus. :)

    [1] Pourquoi ils l'enseignent alors ? Parce qu'on requiert d'un maître de conférence d'enseigner 192h / an, et d'un professeur des universités d'enseigner 160h/an, soit aux alentours de trois modules de 32h/semestre, généralement 3 matières.

  • [^] # Re: Quelle est la difficulté de la compilation croisée ?

    Posté par  . En réponse au journal Chaine(s) de compilation ARM. Évalué à 2.

    Oui dans l'ensemble nous sommes d'accord. :) Je suis juste un peu psycho-rigide sur la définition de compilation. Et je suis tout à fait d'accord pour dire qu'un langage d'assemblage est un langage (j'ai eu à écrire des préprocesseurs simples pour langages ASM à mes heures perdues…).

    Je n'ai pas donné tous les détails pour la chaîne de compil car effectivement, il faudrait aussi ajouter l'impact de l'API visée sur l'ensemble de la chaîne, l'influence des appels de fonction en règle générale, etc. etc. :)

  • [^] # Re: Quelle est la difficulté de la compilation croisée ?

    Posté par  . En réponse au journal Chaine(s) de compilation ARM. Évalué à 3.

    De manière généralement admise, la compilation consiste à traduire un programme écrit dans un langage de haut niveau (ie. compréhensible par humain, comme le C), en instructions interprétables par le CPU (ie. une suite d'octets, du 'code binaire').

    Je vais chipoter. :) Un compilateur traduit un langage (quel que soit le niveau) vers un autre langage. Généralement oui, on part d'un langage qui a un plus haut niveau d'abstraction vers un langage qui propose un niveau d'abstraction plus bas¹. Mais ce n'est pas obligatoire.

    Traduire d'un langage à un autre (eg. prendre un programme écrit en Go, et émttre du code C) n'est généralement pas considéré comme de la compilation.

    Autant la phrase précédente j'estime que je chipotais, autant là je ne chipote pas : traduire du Go en C est de la compilation, définitivement.

    Une chaîne de compilation (vue de très très loin), ça ressemble à ça :

    Langage source -> Front-End -> IR de haut niveau -> Middle-End -> IR de bas niveau -> Back-End

    En détails, ça donne :

    Langage source -> Front-End (Analyse lexicale -> analyse syntaxique -> analyse sémantique) -> génération de représentation intermédiaire, appelée IR (par exemple sous forme de représentation « graphique » comme un arbre de syntaxe abstrait)

    IR -> middle-end (qui transforme l'IR avec des passes successives, pour optimiser certains accès, transformer les boucles, etc.) -> IR de bas niveau

    IR de bas niveau (généralement on est passé d'un AST à une représentation proche d'une sorte d'assembleur de très bas niveau — contenant souvent plus d'infos que ce que la cible peut représenter) -> Back-End (sélection d'instruction -> ordonnancement d'instruction -> allocation de registres)

    Très souvent tout un tas d'optimisations de bas-niveau sont opérées aussi au niveau du back-end.

    C'est « tout ». Il n'est dit nulle part qu'on ne pourrait pas compiler (par exemple) d'un langage assembleur x86 vers un langage assembleur Itanium (si ce n'est que ce serait quand même 'achement difficile d'un point de vue technique, mais c'est faisable).

    [1] Par exemple, OCaml a pendant un certain temps compilé d'abord vers C, puis utilisé gcc comme « backend » vers du code natif.

  • [^] # Re: Contributeurs académiques

    Posté par  . En réponse au journal Microsoft, un sacré contributeur au noyau Linux !. Évalué à 2.

    "Not related to your employer's line of work."

    C'est la partie qui fait que c'est légal.

    Sauf que, comme le dit le lien, tout ça se fait au cas par cas, ou plutôt, état par état aux USA : en Californie c'est comme ça, mais pas dans l'état de New-York. Et surtout, si tu lis la suite, il précise :

    On your own time. Easy to determine, I imagine.

    With your own equipment. Trivial to determine.

    Ça se gâte ensuite :

    Not related to your employer's line of work. Um, wait. What's the definition of related? If my employer is Microsoft, they do everything. They made a goddamn BARNEY PLUSH TOY with a computer in it once. Are plush toys related? Obviously operating systems, compilers, desktop applications, search engines, and games are related to Microsoft's line of work. Hmmm.

    OK, what if my employer is a small company making software for the legal industry. Would software for the accounting industry be "related"?

    I don't know. It's a big enough ambiguity that you could drive a truck through it. It's probably going to depend on a judge or jury.

    (L'emphase est de moi)

    Bref, je ne sais pas si c'est valide en France. Il me semble — mais je me trompe peut-être — qu'en France ce genre de clause serait abusive (un peu comme les clauses de non-concurrence qui doivent être limitées géographiquement et temporellement).

    Concernant ce que tu disais plus tôt :

    Et face à une juge, si tu développes X pour Microsoft et que Microsoft t'accuse sur Y complètement différent même si Microsoft fait les deux, je ne crois pas une seconde que le juge ira en faveur de Microsoft…

    Ça je n'y mettrais pas ma main à couper. D'ailleurs, ce que dit Spolsky à ce sujet est assez éloquent : ça dépend de la boite. Une fois encore, il n'est pas dit qu'en France ce soit identique ou même similaire.

  • [^] # Re: Contributeurs académiques

    Posté par  . En réponse au journal Microsoft, un sacré contributeur au noyau Linux !. Évalué à 2.

    Je ne sais pas pour le droit français, mais c'est une clause très courante aux USA et elle est carrément légale. Je te renvoie au texte de Joel Spolsky sur le sujet.

  • [^] # Re: À Paris

    Posté par  . En réponse au journal [HS] Les bidonvilles aux portes de Paris. Évalué à 3.

  • [^] # Re: À Paris

    Posté par  . En réponse au journal [HS] Les bidonvilles aux portes de Paris. Évalué à 8.

    [à propos du choix de ne pas avoir donné de maisons plutôt que des apparts aux gens] Avec quel espace ?a

    D'après Franck Lepage (dans son spectacle Inculture 2), l'État avait l'opportunité de construire des maisons individuelles ou bien les immeubles que nous avons maintenant au même prix. Selon lui, les architectes qui ont produit lesdits immeubles avaient dans la tête d'établir une sorte d'immense communauté où tout le monde vivrait ensemble, tout ça. Et ensuite d'ajouter « et ensuite, les architectes sont rentrés dans leurs maisons individuelles. »

  • [^] # Re: Discrimination positive

    Posté par  . En réponse au journal Journée de la femme : frustration et marketing. Évalué à 3.

    Mais l'ascenseur social existe en France ; il marche mal, c'est vrai, il faut l'améliorer.

    Ben écoute dire qu'il marche mal, c'est un euphémisme. Je viens du 93 à la base, et j'y suis resté jusqu'en 2nde. J'y ai fréquenté de bons collèges et lycées¹, mais j'ai bien entendu été chanceux (je suis le troisième gosse de la famille, ce qui veut dire que mes parents ont pu faire l'expérience d'où envoyer leurs enfants, comment récupérer des dérogations, etc.²). Par contre j'ai des amis qui sont allés dans de « super » collèges qui sont des concentrés de misère, et qui, malgré des notes initiales correctes, ont totalement perdu pied par la suite. Comme quoi…

    il faut arrêter de supprimer des postes de professeurs en banlieue, par exemple.

    Je suis d'accord. Maintenant, ça ne va pas changer grand chose pour les « mauvais collèges/lycées ». Le problème étant qu'on met généralement les jeunes profs inexpérimentés dans les collèges les plus difficiles (au moins si Hollande tient parole, les futurs profs auront de nouveau une année de stage pour les préparer), et que les bons profs se voient proposer des postes plus tranquilles dans de « bons » lycées bien bourgeois. Les agrégés peuvent aussi passer par la case « établissement difficile », mais beaucoup peuvent en sortir facilement au bout de quelques années. À cela s'ajoutent tout un tas d'autres facteurs.

    Attention, je ne dis pas qu'un jeune prof sera forcément moins bon qu'un plus vieux pour enseigner en ZEP (par exemple). En fait il y a plein d'exemples qui montrent que c'est loin d'être le cas. Il y a un excellent livre, Tant qu'il y aura des élèves (de Hervé Hamon), où l'auteur visite quelques centaines d'établissements sur un an, interroge des enseignants et directeurs, etc., ainsi qu'un autre, L'école: les belles et la bête (Marie-Pierre Grandin et Aline Peignault), qui raconte la vie dans un collège ZEP de Trappes (et aussi comment un « sauvageon »³ comme Jamel Debbouze a pu être « sauvé » — il a écrit la préface du livre).

    Cependant, il faut une équipe pédagogique soudée, qui ne laisse pas un nouveau se faire bouffer. Ce qui signifie avoir des enseignants qui ont toujours la niaque après plusieurs années dans un environnement difficile.

    Cependant, aujourd'hui un élève, très courageux, pourra sûrement réussir à intégrer Sciences Po par le parcours normal si on l'encourage à s'inscrire.

    Définis « très courageux ». Pour moi, très courageux, ça signifie entre autres qu'il a des parents qui comprennent les enjeux ainsi que la façon dont on parvient à obtenir une bonne école ou ne pas se casser la gueule en fac. Ça veut aussi dire, comme tu le soulignes, que l'équipe enseignante encourage l'élève à continuer — sauf que, si on sait ce qui attend l'élève en face, à moins de l'aider à se préparer pour l'épreuve, je ne vois pas comment on fait. Ce que je veux dire, c'est qu'il faut aussi des profs très courageux pour (et la je paraphrase plus ou moins Jamel Debbouze) accepter d'arriver un soir et voir leur voiture brûlée, sans doute par des élèves de ton propre lycée ou collège, et ne pas le prendre mal, comprendre que ça ne te vise sans doute pas toi personnellement, etc., et malgré tout continuer leur mission d'enseignement.

    Ce que tu proposes, comme disait Zenitram, remplace une inégalité par une autre. Ce qu'il faut, c'est pas favoriser les défavorisés. Ce qu'il faut, c'est tendre au maximum d'égalité (sachant, qu'évidemment, les gens nés dans un milieu aisé et intellectuel seront toujours favorisés).

    Dans les années 50, la part d'étudiants issus de classes populaires (fils de paysans, ouvriers, employés, artisans ou commerçants) dans les grandes écoles (X, ENA, ENS, HEC, autres…) variait entre 18% et 40%; dans les années 90, on tombe à ~10% ou moins.

    Il y a plein de raisons à ça. L'une d'entre elles est que le nombre de places dans ces écoles n'a pas augmenté proportionnellement avec l'explosion de l'accès à la fac pour tous et le collège unique. Il ne faut donc pas faire de conclusions trop hâtives, car la situation était tout de même différente. Cependant, en pratique, on se retrouve bien avec un nombre d'étudiants accédant aux grandes écoles et issus des couches populaires réduit à un tiers de ce que ça a été. Pour changer cela de façon permanente il faut changer le système, je suis bien d'accord. En attendant que la transformation s'opère, cependant, on fait quoi pour éviter qu'elle empire ?

    [1] C'est tout le « paradoxe » du 93 : ce n'est pas juste un gros nid à cités, c'est un ensemble d’îlots interconnectés entre quartiers bourgeois, quartiers très pauvres, etc… Il n'y a qu'à regarder la ville de Sevran par exemple, qui a une partie tout à fait correcte, relativement sûre, etc., et une autre (les Beaudottes) où même les flics freinent des quatre fers pour installer un deuxième commissariat là-bas. Aucun flic ne veut avoir à faire avec les mecs qui vivent là-bas.
    [2] Évidemment, c'est pas juste, pas équitable, et certainement pas égalitaire, tout ça. Je pense qu'à un moment, la notion de justice pour nos parents fond un peu devant la nécessité d'assurer un chouïa notre avenir (dans le sens « nous assurer le choix pour notre carrière »).
    [3] Je mets des guillemets sinon j'ai peur qu'on ne repère pas l'ironie qui se cache derrière ce terme.

  • [^] # Re: Discrimination positive

    Posté par  . En réponse au journal Journée de la femme : frustration et marketing. Évalué à 2.

    Bon, je recase un truc que j'ai dit 'achement plus haut, et sur lequel tu n'avais pas répondu :

    Je vais tenter une comparaison maladroite avec les systèmes distribués (et en particulier les algos distribués) : ils ne sont efficaces que si un certain taux de panne n'est pas atteint, c'est-à-dire que tant que le système n'est pas cassé, il s'équilibre de lui-même, grâce à un jeu de règles codifiées et immuables. Là où ma comparaison a des limites, bien entendu, c'est quand on parles de règles immuables, ce qui ne peut arriver dans la société des hommes (qui est par nature dynamique, changeante, etc.).

    On peut se passer de quotas quand le déséquilibre est faible. J'estime (j'ai peut-être tort) que c'est encore loin d'être le cas. L'égalité des chances n'est que la base sur laquelle construire une société égalitaire.

    Pour moi, je le répète, les quotas ne sont pas le seul mécanisme à mettre en œuvre : ils sont la pour faire des ajustements, pas pour définir une politique globale. Ce sont des mécanismes de court terme. Quand je proposais (pour les femmes en l'occurrence) de les mettre formellement en œuvre sur une durée déterminée (une génération), renouvelable une fois, tu m'as répondu que c'était pas possible à cause du phénomène d'appropriation et d'assimilation à des acquis sociaux. Je ne vois pas pourquoi. Le gouvernement Jospin avait mis en place les emplois jeunes, qui avaient une durée déterminée (cinq ans), pouvaient être terminés chaque année, et … il n'est plus possible de faire de contrat emploi-jeune désormais. Mais admettons. Disons qu'au lieu de faire deux fois 10 ans (pour les femmes), on fasse cinq ans, renouvelable quatre fois.

    Pour en revenir aux quotas IEP ou autres, je les vois (un peu) de la même manière : oui il faut modifier le système, mais comme je le disais ailleurs le temps qu'on mette en place ce qu'il faut pour modifier ou corriger les problèmes structurels du système éducatif, ben j'ai bien peur qu'on ait sacrifié une ou deux génération dans le même temps. Tu dis que c'est inégalitaire. Je dis que (pour modifier mon exemple de la balance) c'est pousser contre le courant des héritiers, histoire de ralentir le mouvement, pas le stopper — les quotas ne pourront jamais stopper un système, juste compenser pour certains manquements.

  • [^] # Re: Discrimination positive

    Posté par  . En réponse au journal Journée de la femme : frustration et marketing. Évalué à 1.

    Quand tu as été pris en fonction de quota mais pas en fonction de tes compétences, ben a priori, ce n'est pas mérité. C'est bête, mais c'est mathématiques : tu es là avant tout parce que tu étais femme/noir/gros etc. pas pour ton cerveau (ce qui n'empêche pas d'en avoir un).

    T'as pas du bien lire ce que j'ai écrit. Ils n'ont pas été pris en fonction d'un simple quota. Les élèves ont mérité leur place : ils ont bossé toute leur année de Terminale (et probablement toute leur scolarité en fait). La plupart des élèves qui passent par l'admission CEP étaient déjà boursiers. Simplement, comme Nicolas Boulay le disait ailleurs dans ce journal, la somme de connaissances à accumuler pour pouvoir passer le concours classique de Sciences Po est inatteignable par un étudiant de ZEP : on peut passer le concours de l'IEP justement parce que toute son éducation (les cours de musique imposés au gamin quand il était petit, les voyages linguistiques, le lycée fréquenté, avec les élèves qui vont avec, etc.) a préparé un lycéen à lire les « bons » livres, ou en tout cas connaître les « bons » auteurs, etc. Un élève de ZEP n'a presque certainement aucune chance en passant par ce filtre-là.

    Il ne faut pas parler de compétence à ce niveau d'ailleurs. L'important, c'est le potentiel qu'on peut développer. Et puisque les élèves de ZEP sont incapables en pratique de concourir à l'épreuve classique, on leur a trouvé un autre moyen de montrer leur potentiel. Maintenant, si tu vis dans une tour « à un kilomètre de là », je le répète : rien ne t'empêche d'aller voir du côté de la ZEP en question. Et d'accepter les conséquences d'étudier dans ce genre d'environnement (où les enseignants sont souvent très motivés, mais pas tous, loin de là).

    Enfin, il ne faut pas oublier que les places à l'IEP sont limitées. Il y aura toujours des rejetés.

    Cependant, en France, on peut quand même se cultiver pour pas cher. On peut acheter un tas de bouquins pour rien (bouquinistes, sur internet), on peut aussi en emprunter gratuitement (bibliothèques, CDI) et même dans les cités, il y a internet. A l'école d'encourager les élèves !

    C'est là l'erreur que beaucoup de gens font à propos de l'école. L'école et ses enseignants font ce qu'ils peuvent pour donner envie aux gosses de se cultiver, etc., mais si la famille ne pousse pas derrière, c'est même pas la peine. Tu ne peux rien faire contre un gosse dont la mère jette à la poubelle les dessins faits en classe de CE1 par exemple. Ce gosse-là (et c'est un exemple parmi tant d'autres), s'il est le seul dans sa classe, il peut être « sauvé » si l'instit accepte de s'y consacrer un peu plus (ah tiens, une inégalité de plus : on s'occupe plus de celui qui part avec un handicap). Mais il y a beaucoup d'écoles qui n'ont pas un cas isolé, mais dont la majorité des élèves de la classe est composée de ce genre de gosses (j'ai des exemples tirés de la banlieue parisienne et de l'Oise).

    Mais on créé d'autres inégalités… donc cela ne résout rien.

    Non. Je ne vais pas reprendre l'exemple de la balance que j'ai donné un peu plus haut. Mais simplement, l'inertie de la société pousse dans un sens (la reproduction des élites, l'écrasement des populations défavorisées, etc.), et les quotas sont un mécanisme pour pousser un petit peu dans le sens inverse.

    Ce qu'il faut, c'est que les concours soient ouverts à tous gratuitement, qu'on incite les jeunes des ZEP à y postuler, et que leurs écoles soient aussi performantes que celles des beaux quartiers.

    Si tous les lycées de ZEP étaient aussi « brillants » que les lycées non-ZEP, ils ne seraient plus qualifiés de lycées ZEP. Vive la tautologie. :-) Et soit dit en passant, les élèves de ZEP peuvent parfaitement candidater pour entrer à Sciences Po par la voie normale. Ils n'ont tout simplement pas le bagage culturel (je devrais dire « un certain bagage culturel ») pour le faire.

    Bref. Les quotas, si c'est mal, j'attends de voir ce que tu proposes. Parce que dire « il faut changer le système », je me répète, je pense que tout le monde est d'accord. Seulement voilà : comme on ne peut pas menacer d'un bazooka l'intégralité du système éducatif pour faire des changements radicaux, il faut introduire les changements de façon progressive, avec des collèges et lycées tests (c'est d'ailleurs comme ça qu'ils ont fait avec l'IEP), l'installation de mécanismes qui non seulement sont efficaces, mais ne demandent pas forcément d'augmenter les impôts de 100% non plus, etc.

    Si on n'essaie pas de trouver un moyen de faire remonter les couches « basses » de la population, ou en tout cas d'essayer de faire en sorte qu'elles gardent la tête (légèrement) hors de l'eau en attendant, alors le temps qu'on aura mis pour finalement arriver à la réforme juste et égalitaire du système n'aura servi à rien : les ZEP, ZUP, et autres zones <kekchoz> prioritaires seront déjà submergées par un échec scolaire grandissant, au point qu'il n'y aura plus rien à sauver.

    Donc voilà. J'attends de voir quel mécanisme tu proposes pour parer aux inégalités de la vie dont sont victimes une bonne partie des collégiens et lycéens en France, et qui les empêchent d'accéder aux meilleures écoles.

  • [^] # Re: Discrimination positive

    Posté par  . En réponse au journal Journée de la femme : frustration et marketing. Évalué à 3.

    C'est faux. :-)

    J'ai parlé de Dauphine pour une raison bien précise : ils sélectionnent leurs étudiants (illégalement au départ, puis par une pirouette ensuite).

  • [^] # Re: Discrimination positive

    Posté par  . En réponse au journal Journée de la femme : frustration et marketing. Évalué à 1.

    Bon. Je te donne quelques situations de départ. Explique-moi par quel système égalitaire selon toi, on arrive à avoir (juste¹ dans le cas du système éducatif hein) avec.

    1. Tout le monde va à la même école. Tous les élèves ont des parents qui parlent, lisent, et écrivent le Français. Il n'y a pas de chômage, et pas de pauvreté (dans le sens : l'accès aux besoins primaires — eau potable, nourriture, toit sur la tête, etc. — est satisfait). Tout le monde subit la même éducation. Tout le monde a de super professeurs. Tout le monde passe le Bac. Après le Bac, chacun choisit son orientation à la fac.
    2. Tout le monde va à la même école. Tous les élèves ont des parents qui parlent, lisent, et écrivent le Français. Il n'y a pas de chômage, et pas de pauvreté (dans le sens : l'accès aux besoins primaires — eau potable, nourriture, toit sur la tête, etc. — est satisfait). Par contre, tout le monde n'est pas aussi fort en Latin qu'en maths (et inversement). De même, tout le monde n'a pas les mêmes intérêts au niveau éducation. On instaure un système de filières, disons Littéraire, Sciences éco & sociales, scientifique. Tout le monde a de super professeurs. Tout le monde passe le Bac. Après le Bac, chacun choisit son orientation à la fac, indépendamment de la filière choisie au lycée.
    3. Tout le monde va à la même école. Tous les élèves ont des parents qui parlent, lisent, et écrivent le Français. Certains élèves sont issus de familles très pauvres, et où l'un des deux parents est absent (il est mort, n'a jamais été là, etc.). Le parent restant doit partager son temps entre s'occuper de son gosse, bosser, payer les factures, etc. Parfois, il n'y a simplement pas le temps.. Par contre, tout le monde n'est pas aussi fort en Latin qu'en maths (et inversement). De même, tout le monde n'a pas les mêmes intérêts au niveau éducation. On instaure un système de filières, disons Littéraire, Sciences éco & sociales, scientifique. Tout le monde a de super professeurs. Tout le monde passe le Bac. Après le Bac, chacun choisit son orientation à la fac, indépendamment de la filière choisie au lycée.
    4. Tout le monde va à la même école. Certains élèves sont issus de familles d'immigrés, maîtrisant à peine le Français, alors ne parlons pas de le lire ou de l'écrire. Dès lors, aucun parent ne peut aider son gamin, dès l'école primaire, pour faire ses devoirs. Certains élèves sont issus de familles très pauvres, et où l'un des deux parents est absent (il est mort, n'a jamais été là, etc.). Par contre, tout le monde n'est pas aussi fort en Latin qu'en maths (et inversement). En fait, certains ont décroché et ne suivent plus du tout depuis la quatrième. De même, tout le monde n'a pas les mêmes intérêts au niveau éducation. On instaure un système de filières, disons Littéraire, Sciences éco & sociales, scientifique. Tout le monde a de super professeurs. Tout le monde passe le Bac. Après le Bac, chacun choisit son orientation à la fac, indépendamment de la filière choisie au lycée.
    5. Tout le monde va à la même école. Certains élèves sont issus de familles d'immigrés, maîtrisant à peine le Français, alors ne parlons pas de le lire ou de l'écrire. Dès lors, aucun parent ne peut aider son gamin, dès l'école primaire, pour faire ses devoirs. Et d'ailleurs, toute une partie de cette population immigrée est plus ou moins parquée dans le même lotissement d'immeubles. Certains élèves sont issus de familles très pauvres, et où l'un des deux parents est absent (il est mort, n'a jamais été là, etc.). Par contre, tout le monde n'est pas aussi fort en Latin qu'en maths (et inversement). En fait, certains ont décroché et ne suivent plus du tout depuis la quatrième. De même, tout le monde n'a pas les mêmes intérêts au niveau éducation. On instaure un système de filières, disons Littéraire, Sciences éco & sociales, scientifique. Tout le monde a de super professeurs. Tout le monde passe le Bac. Après le Bac, chacun choisit son orientation à la fac, indépendamment de la filière choisie au lycée.
    6. Reprendre les points précédents, itérer, et recommencer avec les enfants des lycéens.

    Je pourrais continuer à l'infini comme ça. J'attends de voir comment tu appliques l'égalité des chances et du traitement des familles et de leurs gosses à ce genre de situations. Sachant que là, même les derniers points restent bien en deçà de la réalité pour beaucoup de gens.

    [1] Attention, un piège se cache derrière le mot « juste », sauras-tu le trouver ?

  • [^] # Re: Discrimination positive

    Posté par  . En réponse au journal Journée de la femme : frustration et marketing. Évalué à 2. Dernière modification le 14 mars 2012 à 16:56.

    Je vois la situation : l'élève qui ne rentre pas dans les bonnes cases (pas en ZEP, mais juste au dessus tout en étant pas assez bon, et donc pas en situation facile non plus), lui, se fait baiser : il ne rentre pas dans les bons quotas, et n'est pas assez bon. Une super trappe.

    Non non, je le répète : il suffit d'aller soi-même dans les ZEP partenaires du programme pour bénéficier du traitement de faveur.

    Ensuite, les écoles d'ingé ont des quotas en fonction de la provenance des étudiants (MP,PC,PT,PSI,IUT,BTS,Licence de maths, d'info, de sciences de la matière,etc.). Explique-moi en quoi c'est mal. Si on avait « l'égalité » devant le concours, ça donnerait quoi ? Des exos super durs en maths/physique, qui excluraient d'office les gens du technique, et ne diraient pas grand chose des gens de fac ou prépa, vu que ceux venant de MP torcheraient les maths et seraient le bec dans l'eau pour la physique, et inversement.

    Bref, le « quota ZEP » de l'IEP entre dans la même catégorie selon moi : les élèves ont été sélectionnés selon des critères rigoureux, d'abord au sein-même de leur lycée, puis sur présentation de projet et oral de 40 minutes. Ils méritent leur place dans l'école.

    Ensuite, oui, on peut être à la limite. Par exemple, mes parents gagnaient 1000€ annuels de trop, donc je n'ai pas pu être exonéré de frais de scolarité pendant mes études en école d'ingé. Bouhouhou. Tant pis pour moi. « Tant mieux » pour les enfants de ceux qui gagnaient pile-poil 1000€ annuels de moins que mes parents.

    À propos de ma diatribe sur les défaillances du système et d'y remédier, tu disais :

    Beaucoup de monde dit qu'il tente, mais très souvent l'effet est inverse à ce qui est annoncé.

    Donne-moi des exemples. Dans le cas de Sciences Po, si tu avais lu l'article, tu aurais vu l'interview d'un ancien étudiant sorti de ZEP. Il dit deux choses que je trouve intéressantes :

    1. Il ne crie pas sur tous les toits qu'il a intégré Sciences Po grâce au CEP, car, dit-il, les Français aiment bien coller des étiquettes¹.
    2. Il intervient dans son ancien lycée pour aider d'autres lycéens à intégrer l'école (soutien, etc.). Bref, il y a bien un effet bénéfique à cette mise en place de quotas dans ce cas précis.

    L'idée des quotas n'est certainement pas d'arrêter de penser à restructurer le système pour l'améliorer sur le moyen ou long terme. Mais en attendant on fait quoi, sur le court terme, pour égaliser les chances ?

    Je n'irai pas jusqu'à dire que c'est le cas pour les quotas, ça aide certaines personnes (en en laissant d'autres sur le carreau),

    Définissons « sur le carreau ». Dans le cas des 6% (putain c'est quand même pas beaucoup) d'élèves issus de ZEP (et qui sont donc déjà, par définition, « sur le carreau », à bien des égards) qui intègrent l'IEP, de combien d'étudiants « prennent-il » la place qui ne pourraient pas :

    1. Aller à Dauphine ou tout autre fac plus ou moins prestigieuse
    2. Aller dans une autre formation (école de commerce, etc.) ou dans une prépa HEC quelconque : s'ils sont bons, ils peuvent y entrer — et comme leurs parents sont très certainement loin d'être ignorants de la façon dont le système éducatif fonctionne, ils n'auront clairement pas mis leurs œufs dans le même panier, et auront fait postuler leur gamin à plusieurs écoles et facs.
    3. Retenter leur chance l'année suivante (je rappelle que pour les ZEP, il y a UNE chance, pas plus).

    Je n'aime pas parler de bouquins que je n'ai pas lus intégralement, mais si on prend « Les héritiers » de Bourdieu, et la thèse soutenue dans le bouquin ­— à savoir que les élites se reproduisent, et dès lors forment un « club » relativement fermé, de parent en enfant — alors « l'école de la République » ne pourra jamais exister, à moins d'avoir une école parfaitement inégalitaire du point de vue du temps consacré aux gamins.

    juste que créer des inégalités pour corriger le problème d'inégalité, c'est sacrément tordu et pas logique du coup

    Pas d'accord : quand tu as deux plateaux pour une balance, dont un plateau qui penche plus que l'autre, tu as le choix : tu retires des poids du plateau le plus lourd (dans le système éducatif, je dirais que ça reviendrait à supprimer quelques sujets dans certaines matières pour avoir plus de temps de bien expliquer les autres sujets), ou bien parfois, si le poids est impossible à fragmenter ou que ce n'est de toute manière pas souhaitable, tu rajoutes du poids de l'autre côté (i.e. tu fournis d'autres moyens d'accéder aux écoles aux gens qui n'ont pas été favorisés par leur éducation, leur connaissance du système, leur environnement de vie, etc.).

    [1] C'est d'ailleurs assez rigolo, je connais des gens dans une situation « inverse » : ils ont fait Polytechnique ou Supelec, et quand à l'époque on leur demandait quelle école ils faisaient, ils répondaient « une école à Palaiseau » ou bien « une école à Gif ». À croire que les préjugés (généralement négatifs) touchent tout le monde en France…

  • [^] # Re: Discrimination positive

    Posté par  . En réponse au journal Journée de la femme : frustration et marketing. Évalué à 4.

    [Parlant des quotas sur la convention éducation prioritaire] C'est une ânerie de mettre ce type de quotas. Ca ferme des portes à des étudiants méritants, mais malheureusement pour eux aisés (et pas forcément fils ou fille de ministre : cela peut être un étudiant à peine plus riche que celui qui entre dans le cota), de façon totalement injuste.

    Alors j'ai deux choses à répondre à ça :

    1. Les élèves sortis de ZEP qui intègrent Sciences Po (et non pas HEC, grosse bourde de ma part) de cette manière sont aussi méritants. On ne choisit pas n'importe qui.
    2. De l’aveu-même du directeur de Sciences Po, ces élèves n'auraient jamais pu intégrer cette école avec le système classique : ils ne sont tout simplement pas préparés pour. Cependant, comme on reconnaît leur potentiel, alors on trouve un système alternatif.

    Je t'invite à lire l'article paru sur le site de l'Étudiant. Tu y apprendras, entre autres:

    • Que seulement 15% des postulants de ZEP sont acceptés (ce qui représente la même proportion que les autres moyens d'intégrer l'IEP).
    • Que ces étudiants de ZEP représentent environ 6% à 8% des étudiants acceptés chaque années (130 admis en 2011, sur 1475)
    • Que ce dont je n'arrête pas de parler à propos des quotas est l'effet d'émulation : montrer à des populations qui n'ont la possibilité d'accéder à certains postes ou certains types d'éducation que sur le papier que c'est non seulement possible, mais aussi que ça n'est pas moins mérité (je t'encourage à lire ce que les étudiants de ZEP ont à préparer pour être acceptés; ce n'est pas une mince affaire).
    • En rapport avec le point précédent, les lycées partenaires de ce programme voient leur réputation augmenter, entraînant un effet — wait for it — d'émulation !

    Ensuite, tu parles d'étudiant « aisé mais pas forcément beaucoup plus riche ». Moi je te parle d'étudiant en ZEP. Je ne sais pas si tu vois la différence de situation. :-)

    Enfin, ces étudiants qui viennent de ZEP ont UNE chance d'intégrer l'école (note qu'avant même de participer au programme, il y a eu une sélection en interne dans le lycée). Et si tu trouves que c'est injuste, je te propose d'envoyer tes gosses là-bas. Tu pourras profiter de cette injustice, je suis certain que la proviseure se fera une joie d'accueillir un étudiant aisé pendant toute l'année de Terminale (au moins !). Au pire, tes parents, s'ils sont aisés, peuvent se permettre de te soutenir financièrement une année (tu peux faire une année de fac pour te cultiver en attendant par exemple), et tu peux retenter ta chance l'année suivante. Un mec de ZEP, pas trop.

    Ce qu'il faut, c'est de s'arranger pour que ces écoles soient vraiment accessible à tous, la fameuse « école de la république », en fonction des résultats et que les plus pauvres bénéficient de bourses s'ils sont admis aux concours.

    Je crois que tout le monde ici est d'accord, et pas que pour le système éducatif. En attendant, à moins de tout casser de façon autoritaire, avec flics et tout (parce que je pense qu'il va falloir au moins ça), et puis aussi peut-être voir comment tu t'arranges pour que des gens vivant dans des ghettos — pardon, des cités — ou des déserts agricoles, « enfermés » dans leur environnement de pauvreté tant économique que culturelle pour beaucoup puissent toucher un revenu décent pour pouvoir éduquer leurs gamins dans des conditions suffisantes (aide aux devoirs pour les parents illettrés ou ne parlant pas bien la langue française, etc.), ben on fait avec ce qu'on a. On tente de faire changer le système, mais comme ça ne peut pas être la révolution, ça va prendre du temps. Et on en revient à ce dont je parlais initialement à propos des « quotas » : il s'agit de compenser les très grandes inégalités du système (éducatif dans ce cas précis).

    Mettre un système de cota pour le recrutement aux études supérieures, ca fait un peu aumône que l'on jette aux pauvres pour que le reste puisse continuer à être entre riches tranquilles et en toute injustice :)

    Non, c'est juste que tu ne sais pas de quoi tu parles (quand tu parles d'aumône). C'est reconnaître les défaillances du système et tenter de faire quelque chose pour y remédier. Ce n'est pas parce que la nature de la sélection est différente que la difficulté de passage est moindre, il faudrait se rentrer ça dans le crâne.

  • [^] # Re: Merci

    Posté par  . En réponse au journal Journée de la femme : frustration et marketing. Évalué à 2.

    Le problème en informatique n'est pas que les entreprises ne veulent pas de femmes, mais que les femmes ne veulent pas faire de l'informatique. C'est pour moi le problème de base. Un quota n'aurait comme effet que de favoriser beaucoup trop la petite minorité, et ce de façon injuste par rapport à un homme dans la même situation.

    Il y a bien entendu de ça. Il y a aussi des attitudes sexistes — dans le sens où, le milieu étant très masculin, certains ne comprennent pas qu'un humour de poilu, entre poilus, ne sera pas forcément reçu très très bien par une femme (parfois si hein, j'ai plein de copines infoteuses qui adorent ça et parfois se marient avec). Mais il suffit de voir la façon dont les filles se comportent vis à vis des mecs en école d'ingé, entre les différentes spécialités, c'est assez intéressant… :-)

    Même si ça tend à changer, l'image du développeur ou de l'admin, ça reste encore beaucoup celle de « l'ingénieur informaticien ». J'attends de voir dans 5-10 ans, quand les ados nés avec un smartphone entre les mains seront en âge de choisir leurs études. Ça commence déjà doucement, mais je pense que ça va continuer.

    Concernant l'étude que tu cites pour les médecins, j'ai une question et une remarque.

    Quels sont les chiffres de 2010 ? C'est pas juste pour chipoter (quoi qu'un peu quand même, j'avoue). Ce que je veux dire, c'est que le choix d'exercer un métier à forte composante relationnelle, etc., vient très certainement (comme nous en discutions ailleurs dans ce journal) d'un certain type de conditionnement, j'en conviens. J'aimerais voir l'évolution de tout ça, c'est tout. Bref, ce serait bien de voir l'évolution de la profession en termes de populations féminines/masculines.

    Quant à ma remarque :

    Maintenant montre moi que le cas général est différent de celui là, ie que l'on a pas un vrai choix de professions moins chronophages et "difficiles" par les femmes. On a une expérience parfaite, qui montre que ce sont les choix qui déterminent l'orientation, et non le genre, qui n'intervient qu'indirectement via le conditionnement.

    L'expérience est loin d'être parfaite. Elle concerne une catégorie de métier bien précise : les professions libérales. Je ne conteste pas du tout sa validité, ni son intérêt. J'ai des exemples de connaissances ou d'amies qui sont avocates ou pharmaciens¹, d'autres professions libérales avec de fortes compétences. Et ces amies bossent comme des malades. J'ai envie de dire malgré tout, que c'est le cas aussi des commerçants en règle générale (la comparaison est limite, je l'admets, mais pour ce qui est du pharmacien, pas tant que ça ;-p).

    Concernant les métiers en tant qu'employé, je pense que la situation est différente.

    [1] Il paraît que, de même que « la boulangère » est la femme du boulanger, « la pharmacienne » est la femme du pharmacien. Donc la fonction de pharmacien semble de genre masculin quoi qu'il arrive.

  • [^] # Re: Discrimination positive

    Posté par  . En réponse au journal Journée de la femme : frustration et marketing. Évalué à 3.

    Heureusement que j'ai mis des guillemets. :-)

  • [^] # Re: Discrimination positive

    Posté par  . En réponse au journal Journée de la femme : frustration et marketing. Évalué à 3.

    Ah oui, soit dit en passant, « 2 ans de glande » en IUT, j'ai pas connu ça. La difficulté théorique n'est évidemment pas la même, mais la quantité de travail, elle, est réellement comparable : 35h de cours / semaine (comme en prépa), et des projets à foison, dans toutes les disciplines. Certains projets sont relativement « bidons », mais d'autres (programmation et autres) prennent réellement tout le temps des étudiants. Ajoute à cela l'effet « binôme-cancre » (tu es mis en équipe avec un mec qui ne pige rien), et tout à coup ta charge de travail double (je ne me plains pas trop, avoir été malchanceux niveau équipiers m'a permis de progresser beaucoup…).

  • [^] # Re: Merci

    Posté par  . En réponse au journal Journée de la femme : frustration et marketing. Évalué à 1.

    C'est sur l'éducation et la lutte contre le machisme qu'il faut agir,

    Oui, c'est le travail de fond, sur le long terme.

    pas à posteriori.

    Justement, les quotas ne sont pas juste pour du « a posteriori », ils sont là aussi pour montrer l'exemple aux plus jeunes, qui n'auraient sinon pas forcément eu l'idée que ce genre de métier leur était accessible (encore une fois, il faut faire la différence entre ce qui est possible de ce qui est perçu comme inatteignable, bizarre, « pour homme », etc.).

    Dans ton deuxième exemple ce qui est manquant c'est une bonne transparence, qui mettrait les responsables face à leurs agissements.

    Tu te rends compte que la notion de transparance est très souvent une tarte à la crème ? Par là je veux dire qu'il y a toujours des « vices cachés », des défauts dont on nous a pas parlé, etc., dans une description d'offre d'emploi.

    Concernant ton commentaire sur les métiers de médecin (et leurs différentes spécialités): de ce que j'ai vu, il donne les salaires (min, moyenne, max), mais pas leur répartition homme/femme (ou bien j'ai mal lu, ce qui est possible).

    Discute avec des femmes devant faire des choix de carrière, tu verras qu'elle n'ont, encore une fois en moyenne, réellement pas les mêmes priorités que les hommes. Conditionnement ? Sûrement. Mais une fois qu'il est intégré, c'est trop tard pour faire marche arrière, il faut en tenir compte, il fait parti des gens. C'est avant qu'il faut agir.

    Je ne sais pas comment répéter ce que je dis depuis le début sans faire de la paraphrase. :-) Les quotas sont là d'une part pour rééquilibrer la donne pour celles (dans le cas féminin) qui voudraient atteindre certains postes, majoritairement squattés par des hommes. Oui, il est tout à fait possible que certains hommes soient, au moment de la « mise en compétition », plus aptes qu'une femme qui postule pour le même poste à le remplir. Ça ne veut pas dire qu'elle ne pourra pas gagner en expérience par la suite et devenir aussi bonne, voire meilleure que le postulant original¹.

    D'autre part, les quotas servent aussi l'objectif de montrer à toute une partie de la population qu'un poste n'est pas seulement atteignable sur le papier.

    Enfin, comme je le disais plus tôt à Zenitram, je ne suis pas pour des quotas à vie : on définit une durée qui ne peut pas être dépassée, potentiellement renouvelable une fois (par exemple), mais suffisamment longue (une ou deux générations) pour voir si elle a un effet positif.

    Ça va peut-être te faire rire, mais quand même Barbie a sa version « ingénieure informaticienne » (elle existe), c'est là qu'on voit qu'un certain type de métier est en voie de ne plus trop être discriminé. Encore une fois, des quotas, ça ne veut pas dire 50% de femmes car elles représentent 50% de la population. Ça veut dire « assez » de femmes (et là je brasse de l'air car je ne sais pas combien il faut) pour pouvoir changer certaines mentalités (celles des hommes ET des femmes).

    [1] Cf le cercle vicieux d'un jeune qui veut bosser, mais qu'on refuse dans une boite à cause de son manque d'expérience, mais alors comment obtenir de l'expérience si on ne lui donne pas sa chance, etc..

  • [^] # Re: Merci

    Posté par  . En réponse au journal Journée de la femme : frustration et marketing. Évalué à 2.

    Je m'attendais aux -1 (qui sont mérités hein). C'était pour pouvoir avoir le temps de retrouver un passage d'un livre que je trouve fort à propos. Le livre est intitulé Les vraies lois de l'économie (Jacques Généreux, Ed. Points). Pour info, bien que je sois à peu près certain que Généreux ne soit pas du tout libéral, l'objectif avoué du bouquin n'est pas du tout de démonter le libéralisme en tant que tel, mais l'école qu'il appelle « néoclassique » (et qu'en Français courant on appelerait néo-libérale ou ultra-libérale). Voici l'extrait, à propos du choix, des marchés libres, etc. Il est tiré du chapitre 2, « Ce qui a de la valeur n'a pas de prix », section « Le dévoiement de la valeur ».

    [Brève note : dans ce qui précède, J.Généreux explique qu'il y a raisonnement erroné « volontaire » de la part de beaucoup d'économistes qui suivent l'école néoclassique, et qui considèrent que chacun a toujours le choix lors de l'achat d'un bien ou service, ce qui rend l'association valeur prix acceptable. Les emphases en italique sont de l'auteur; celles en gras sont de moi.]

    La fiction des marchés parfaitement concurrentiels — fonctionnant toujours et partout — est nécessaire pour supposer que ce que font les individus et ce qu'ils payent reflète leur meilleur choix possible et non un abus de pouvoir. Il est nécessaire que chaque individu dispose à tout moment, et en tout lieu, d'une égale liberté de mouvement et de négociation, sans quoi en fait de choix et de valeur, les échanges et les prix refléteraient plutôt les rapports de forces entre les acteurs du marché.

    Mais nous vivons dans un monde réel où l'égale liberté est pure fiction. Certes, on peut dire, en un sens particulier, que tous les consommateurs sont également libres d'acheter ou ne pas acheter les biens disponibles, et, en conséquence, considérer qu'en acceptant de payer le prix qu'ils seraient libre de ne pas payer, ils manifestent la valeur qu'ils attribuent à ces biens. Mais c'est là une conception […] qui fait totalement abstraction du niveau et de la répartition des moyens dont disposent les individus […]. Prendre les actes constatés des individus pour des choix parfaitement libres, c'est faire l'impasse sur l'inégale capacité des individus à mener leur vie selon leurs souhaits. Cela revient à dire que les chômeurs de longue durée sont libres de se suicider pour échapper au chômage, que les pauvres sont libres de ne pas acheter de caviar et que, les riches étant par ailleurs libres de ne pas inviter les pauvres à leur table, tout le monde baigne dans le bonheur des choix souverains.

    (NB: j'ai vérifié, la citation fait moins d'une page, tout va bien niveau légal ;))

    Maintenant si on applique cela à ce que tu (oao) disais deux posts plus hauts c'est à dire :

    Si elles choisissent certains métiers, moins payés, plutôt que d'autres, c'est qu'elles y trouvent des avantages non pécuniers.

    J'espère que tu comprends pourquoi ça me fait rire. Si j'ai le choix entre une grippe qui va me clouer pendant trois semaines ou bien la peste bubonique, je vais évidemment choisir le moindre mal. Et si toute ma vie on me conditionne pour accepter de vivre dans un endroit mal isolé avec des fenêtres qui laissent passer l'air, insalubre, etc. (pour prendre un exemple relativement extrême), je vais évidemment considérer comme un mieux de ne vivre désormais « que » dans un endroit propre, mais mal isolé. Ça n'en fait pas de bonnes conditions, juste des moins pires.

    Considérer que les femmes ont le même accès aux métiers que les hommes, c'est bien évidemment vrai sur le papier, mais certainement pas dans les faits et dans la façon dont elles sont conditionnées dès la naissance (et idem pour les hommes). Elles n'ont très certainement pas décidé que les métiers « plutôt pour femmes » seraient payés en moyenne moins bien que ceux « des hommes », très souvent considérés comme plus importants, demandant plus de qualifications (sauf que, ne serait-ce que pour prendre l'informatique en exemple, si la différence de diplômes garantissait réellement la compétence d'un programmeur, ça se saurait). Pour prendre un exemple qui date (celui de ma môman, donc il faut imaginer les années 50), alors qu'elle a eu le Bac « lettres classiques » (à l'époque, il s'agissait d'une vraie épreuve en deux ans), il était évident pour ses parents que des études d'infirmière étaient bien suffisantes pour leur fille¹. Et pourtant mes grands-parents étaient tous deux enseignants, ouverts d'esprit, et tout (oui, heureusement, il y a eu une évolution des esprits sur ce sujet, je sais).

    Autre exemple, plus récent celui-là. Une grosse boite (dont je tairai le nom) utilise énormément l'outil informatique pour développer ses produits, son système, etc. Elle accueille les ingénieurEs à bras ouverts. Celles-ci font un peu de technique en arrivant, mais sont très vite orientées vers un poste pour faire des spécifications, du test, etc., et pas trop de code. L'attitude machiste (pas réellement mysogine) de cette boite est pour moi assez parlante.

    [1] Deux ans dans les sections « grands brûlés » et « cancérologie » lui ont fait comprendre que le social et aider les autres, OK, mais pas ça. Zou, études d'assistante sociale.

  • [^] # Re: Discrimination positive

    Posté par  . En réponse au journal Journée de la femme : frustration et marketing. Évalué à 3.

    Je disais :

    Je pense là encore que, si la proportion homme-femmes était différente, la façon d'accéder aux plus hauts postes changerait elle aussi.

    Tu répondais :

    Mais alors… Non. Désolé, mais c'est anti-égalitaire : une femme "avec d'autres méthodes" aurait plus de chances d'arriver en "haut" qu'un homme "avec d'autres méthodes". C'est la que ça me pose problème : pourquoi une femme aurait-elle plus de chances qu'un homme aux mêmes méthodes juste parce qu'elle est femme?

    Ce n'est absolument pas ce que je dis. Je dis que si tu as suffisamment de femmes dans les postes « en C » comme ils disent ici (Chief-something-something, tels que CEO, CTO, …), et dans les postes juste en dessous (et je ne dis pas 50-50 hein, juste qu'il en faut « suffisamment » avec un haussement d'épaule à te renvoyer si tu me demandes de quantifier — je n'en sais rien), si on en avait suffisamment, disais-je, alors les mentalités sur la gestion de la boite et des services changerait sans doute. Idem si on avait plus d'hommes en RH hein (houuu, le vilain amalgame RH/femmes :-) ).

    Je dis que le fait d'avoir une mixité plus importante à tous les niveaux d'une entreprise, dans tous les domaines, serait sans doute bénéfique à l'entreprise tant en termes de vision (à courte et longue échéances) que dans la vie de la boite elle-même. Et de ça, je n'ai aucune preuve. C'est juste mon intuition.

  • [^] # Re: Discrimination positive

    Posté par  . En réponse au journal Journée de la femme : frustration et marketing. Évalué à 6.

    Ben justement, je me connaissais en fin de lycée, j'ai vu ma sœur (pourtant bien plus forte que moi en maths) se ramasser en fac, et je doutais de mes capacités à suivre en prépa. Du coup, je suis allé en IUT, en me disant qu'au moins si j'étais pas suffisamment bon pour intégrer une école, je pourrais toujours bosser.

    Et j'insiste sur une chose : tout le monde n'est pas câblé pareil. Les études de type prépa, c'était pas pour moi à l'époque (peut-être pas non plus maintenant d'ailleurs). Ma façon d'aborder un problème n'était pas la même que celle de gens ayant fait prépa dans mon école. Et quand pour mon binôme et moi (tous les deux sortis du même IUT), en prog système et concurrente, nous passions une soirée pour finir un TP, et que j'expliquais que c'était relativement cool (bière à la main, etc.), alors que j'en chiais grave en analyse numérique dans le même temps, mon intuition qui était que la prog système devait être simple pour un mec ayant fait prépa s'est révélée totalement fausse : un de mes collègues m'expliquait que moi c'était une soirée que ça me prenait, mais lui facilement deux ou trois. Idem pour algorithmique vs programmation. Certains forts en maths étaient des brutes en algo, avaient tout pigé à la complexité, etc., mais quand il s'agissait de programmer les projets, plus personne (de la même manière que lorsqu'il s'agissait de faire des maths relativement avancées pour moi, j'étais bien content d'avoir la béquille fournie par certains potes). Le circuit unique prépa+école est justement mauvais car il ne forme que des gens ayant une approche identique des problèmes (je force le trait bien entendu). L'intérêt d'avoir des gens venant d'horizons différents (et c'est ce que j'essayais d'expliquer dans le message précédent) est qu'on a plusieurs points de vue très différents au final, qui enrichissent tout le monde.

    Dernier exemple (totalement anecdotique celui-là) : j'estime que globalement, même s'il y a eu des pics de travail en école, j'ai relativement peu bossé. Par contre, en Master recherche, quand il fallait bosser sur un article (ce qui impliquait lire les articles de la biblio, et parfois les articles référencés dedans, des bouquins, etc.), bref, quand il fallait faire preuve d'une autonomie totale, chercher par soi-même, etc., pour finalement présenter l'article initial comme si on l'avait écrit soi-même, je me ramassais d'excellentes notes. Tout simplement parce qu'il s'agissait d'un type de contrat qui me convenait mieux : « je ne sais pas comment tu te débrouilles gamin, mais à la data XXX tu dois avoir pigé l'article et être capable de répondre aux questions du prof à ce sujet ».

    J'ai eu des matières où ça se passait comme ça, et des matières où l'évaluation était plus classique (exam). Je me suis souvent planté aux exams, et jamais dans le cas de présentation d'articles. Parce que la nature du travail est différente.

    Pour reboucler avec les femmes dans les milieux à forte population masculine, il faudrait que je retrouve les études, mais certaines montraient des trucs intéressants :

    1. Quand on introduit des femmes dans un service majoritairement masculin, l'ambiance de travail change (souvent en « bien » d'un point de vue agressivité — c'est sociétal, j'en conviens; n'empêche).
    2. Quand on observe les femmes PDG de grands groupes, elles n'y arrivent que si elles se comportent en « hommes » (je pense notamment à l'ancienne PDG de HP). Et ce, tant au niveau de l'agressivité, que de l'opportunisme, etc. Selon moi, c'est parce que justement, elles sont tellement sous-représentées qu'elles n'ont pas le choix : si elles veulent aller tout en haut, elles doivent imiter la façon qu'a tout le monde d'y arriver, même si c'est ultra-brutal. Je pense là encore que, si la proportion homme-femmes était différente, la façon d'accéder aux plus hauts postes changerait elle aussi.
  • [^] # Re: Discrimination positive

    Posté par  . En réponse au journal Journée de la femme : frustration et marketing. Évalué à 5.

    Je vais te donner une autre série d'exemples, qui ne concernent pas les femmes : l'accès aux études. Je n'aurais jamais pu accéder à une (bonne) école d'ingé en suivant la voie classique (prépa en deux ou trois ans, puis concours). Je ne suis tout simplement pas bien câblé (je déteste le par-cœur qui ne vient pas d'une certaine pratique autre que faire « bêtement¹ » des exercices). Heureusement, il a été prévu des ponts pour laisser leur chance à des étudiants venant de filières techniques ou technologiques de tenter leur chance dans les écoles d'ingé². On parle bien d'un certain nombre de places réservées aux gens venant de filières techniques. Ce qui est bien entendu vicieux, c'est que l'école n'est pas tenue d'accepter les étudiants en question. Par exemple, comme toutes les écoles d'ingénieur de France, l'École Polytechnique doit réserver quelques places pour les IUT/STS. En pratique, elles ne sont — corrigez-moi si je me trompe — jamais remplies. Il faut réserver des places, mais l'évaluation du niveau requis pour les remplir reste à la discrétion de chaque école.

    Cela dit en pratique, les écoles qui ne sont pas dans le top 10 (en France) ont tendance à accepter les bons élèves d'IUT et STS dans des proportions raisonnables. Le raisonnement est que, si tu es dans les 5-10% du haut du panier de ta promo (en fonction d'où tu viens), alors tu aurais sans doute eu le niveau pour faire une prépa aussi³. Cet apport de gens plutôt techniques crée des interactions intéressantes : souvent les gens venant de prépa ou de fac ne sont pas (très) au courant des techniques de programmation, et souvent, de par la nature des études techniques, ceux qui en viennent ont une vision très appliquée des outils mathématiques. J'ai beaucoup appris de certains camarades vraiment forts en maths (et qui ont fini par me dépasser très vite en algorithmique, les salauds !), et j'espère bien leur avoir donné de bons conseils au niveau technique de temps à autres. Bref, le temps où l'école d'ingé était réservée à l'élite qui vient de prépa est relativement révolue. Par contre, beaucoup restent des « fils de » (ingé, enseignant, etc.). Ce qui m'amène à mon deuxième exemple de quotas, plus proche de ce dont nous discutions précédemment.

    Tout le monde⁴ a hurlé au scandale quand HEC a commencé de permettre à des étudiants méritants issus de milieux difficiles d'intégrer l'école (voir l'article sur la Convention éducation prioritaire ainsi qu'ici). On a crié à la baisse du niveau, etc., etc. C'est là que je conseille aux gens qui pensent ainsi de regarder la conférence gesticulée de Franck Lepage (que j'ai découverte ici même), et d'écouter le récit qu'il fait de son entrée à Sciences Po. À l'époque, il explique qu'il trouve très bien d'avoir entrepris cette initiative, mais que le problème n'est pas tant d'entrer à Sciences Po que d'en sortir (il a raison — à mon avis le problème est bien plus important qu'en école d'ingénieur). D'après ce lien les étudiants issus de ZEP ont bien réussi leur parcours.

    Bref : les quotas, une fois encore, ne sont pas là pour introduire « plus d'inégalités pour chasser les inégalités ». Ils sont là pour compenser les défaillances d'un système. Je crois que tout le monde est d'accord pour dire que si le système éducatif était mieux fichu, que si les parents s'occupaient mieux de leurs mômes, que si … alors les quotas ne serviraient à rien. En attendant, j'attends toujours de voir comment ces élèves issus de ZEP auraient réussi à intégrer l'école — et à en sortir diplômés ! — sans un coup de pouce dû aux quotas.

    [1] Je sais bien que ce n'est pas bêtement, mais je me permets ce raccourci.
    [2] Pour la fac, pas de souci, on peut directement aller en troisième année de licence générale avec un BTS ou un DUT — par contre il n'y a à ma connaissance aucune mise à niveau dans les matières où l'on est moins bien formé (i.e. maths, physique/élec pour un IUT info par ex, systèmes / algorithmique pour un GEII, etc.).
    [3] Le niveau sans doute, la mentalité qui va avec, comme je l'expliquais plus tôt, c'est autre chose.
    [4] Au moins les anciens de Sciences Po, et les parents de la rive gauche de Paris …

  • [^] # Re: Merci

    Posté par  . En réponse au journal Journée de la femme : frustration et marketing. Évalué à 3.

    Au sujet de ton école d'ingénieur : je suppose que la répartition entre filières se fait par choix, et non selon les notes -je voit mal une école imposer de faire sa carrière dans la chimie quand la passion de l'étudiant est l'informatique.

    Tu as en gros raison, mais un peut tort aussi. :-) Cela dit, ton raisonnement est juste. Je m'explique : tu postules pour un génie particulier, en fonction de ta provenance (dans mon cas, j'avais fait un IUT informatique, j'avais le droit d'aller en bio, info, et systèmes urbains, si je ne me trompe pas). Ceux qui venaient de la prépa intégrée pouvaient postuler pour n'importe quelle branche, mais en fonction de leurs résultats, seules certaines leur étaient accessibles. Je pense qu'en effet, le sexe de l'étudiant n'avait rien à voir.

    Dès lors favoriser la minorité serait injuste, et inefficace, car, l'on n'aurait pas plus de femmes en informatique, juste des femmes favorisées par rapport a des hommes ayant le même cursus, et donc source de rancoeur.

    Je me situe à deux niveaux. Le premier, c'est celui de démontrer l'accessibilité et « l'exemplarité » de certaines professions, et de montrer qu'il ne s'agit pas d'emplois « pour garçons », de même qu'il n'existe pas de « sciences pour filles ». Et cela passe (entre autres) par introduire plus de femmes dans des catégories professionnelles connues pour être majoritairement dominées par les hommes. Je ne retrouve plus le lien ici, mais un article faisait une jolie rétrospective et montrait que les femmes avaient été les premières programmeuses tout simplement à cause de préjugés sur certaines qualités attribuées à leur sexe. Puis, quand la programmation a commencé à devenir « importante », on a recadré cette pratique pour devenir de plus en plus masculine. Un peu comme les lettres classiques que les hommes comprenaient « naturellement » en fin de XIXè et début de XXè siècle. Puis, lorsque les sciences (maths, physique) ont commencé à prendre de l'importance, ce sont elles qui venaient « naturellement » aux hommes. Bref, pour moi le quota doit être un moyen appliqué avec parcimonie, et sous contrôle étroit pour éviter des dérives réellement inégalitaires.

    Le deuxième niveau auquel je me situe est « sociétal ». Grunt en a déjà un peu parlé, et je me suis beaucoup exprimé sur le sujet sur ce site de par le passé. Il peut se résumer ainsi : depuis la naissance, on « genrifie » les gens. Un garçon doit aimer le bleu et les GI Joes; une fille le rose et Barbie (et peu importe si, il y a un siècle, le rouge et le « rose saumon » étaient des couleurs considérées comme masculines, et le bleu plutot féminin). Les sciences du vivant sont plutôt des sciences de filles (car cela approfondit la pulsion naturelle des femmes de vouloir être mères — ici j'exagère et je surinterprète, j'en conviens). Bref, toutes ces foutaises font que les choix effectués en prépa/école d'ingénieur sont (en partie) prédéterminées par 15-20 ans de structuration mentale sur les genres.

    Pour moi, ces deux niveaux doivent être adressés pour régler le problème de l'inégalité homme/femme. Et comme il s'agit d'un cercle vicieux, il faut arriver à le briser, et l'instauration de quotas est un outil qui est (et devrait rester) de court terme. Mon exemple d'école d'ingénieur n'était là que pour illustrer comment le formatage des mentalités crée une espèce de déterminisme social sur les rôles que chaque individu doivent remplir en fonction de leur genre.

    Enfin concernant ton PS: en école d'ingé, le génie biologique est différent de celui qu'on imagine à la fac. Par cela je veux dire que génie bio dans mon école, ça menait aux postes d'ingés qualité (domaine agro-alimentaire), ingés spécialisés en bio-médical, bio-matériaux & bio-mécanique, etc. Pour ce qui est du côté ingé qualité, la plupart ont dû se recaser car ils sont en concurrence directe avec d'autres types de formations qui proposent des gens tout aussi qualifiés. Ceux qui ont choisi la filière bio-médicale ont presque tous trouvé un emploi, par exemple.

  • [^] # Re: Discrimination positive

    Posté par  . En réponse au journal Journée de la femme : frustration et marketing. Évalué à 4.

    D'autres femmes se battent pour avoir l'égalité de chances, pas pour avoir un poste pour que l'entreprise soit "dans la loi sur les quotas".

    Je suis au pays de l'égalité des chances (les USA), ben ça fait peur. Je suis du coup aussi au pays du « les pauvres sont pauvres parce qu'ils ne font rien pour changer leur situation », discours parfois tenu par ces mêmes pauvres, qui rêvent d'un jour, eux aussi, créer leur boite, et devenir riches à millions. Et du coup ils donnent leur aval à un parti républicain ultra-réac.

    Je vais tenter une comparaison maladroite avec les systèmes distribués (et en particulier les algos distribués) : ils ne sont efficaces que si un certain taux de panne n'est pas atteint, c'est-à-dire que tant que le système n'est pas cassé, il s'équilibre de lui-même, grâce à un jeu de règles codifiées et immuables. Là où ma comparaison a des limites, bien entendu, c'est quand on parles de règles immuables, ce qui ne peut arriver dans la société des hommes (qui est par nature dynamique, changeante, etc.).

    On peut se passer de quotas quand le déséquilibre est faible. J'estime (j'ai peut-être tort) que c'est encore loin d'être le cas. L'égalité des chances n'est que la base sur laquelle construire une société égalitaire. Le fait est que, lorsqu'elle naît, une femme est implicitement rangée dans une catégorie de la population. Oui, je suis d'accord, comme les Noirs, les Arabes, etc. — mais il y a un moment où quand il s'agit de la moitié de la population, la priorité devient plus grande, surtout quand ladite population fait aussi partie des autres précitées !.

  • [^] # Re: Inégalités salariales

    Posté par  . En réponse au journal Journée de la femme : frustration et marketing. Évalué à 2.

    À ce niveau j'ai une question : la réaction des femmes que tu as croisées et parlant du « il ne sait pas s'en occuper » est-elle trouvée au-delà des nationalités ? Ou bien est-ce une réaction plutôt allemande ?